9.2 - Pyromane - Emma

Le 44 s'éloigne et Weston me demande de l'attendre là, le temps qu'il aille chercher Charlie qui discute avec son frère. J'en profite pour récupérer quelque chose à grignoter sur le buffet et mon regard dévie automatiquement vers Jake. De ce que j'ai compris, les Krakens ont l'habitude de se défier après chaque victoire en mangeant des piments. Très mature...

Une petite foule commence à se former autour des quatre joueurs prêts à relever le défi. Et évidemment, quand il s'agit de mesurer qui a la plus grosse, les Ice Girls sont toujours présentes. Attirées par les cris d'encouragement, elles se rapprochent aussitôt. L'une d'elles, une brune à la silhouette élancée fixe Jake avec des yeux pétillants. Je me mordille nerveusement les lèvres en étudiant sa tenue. Elle ne porte qu'un simple boxer assorti à un crop top aux couleurs de l'équipe. Je baisse la tête pour examiner mes propres vêtements : un simple jean et le t-shirt de l'équipe. Comment rivaliser ?

Je me force à détourner le regard d'elle — contrairement à Jake qui la mate ouvertement —. L'un de ses coéquipiers, Nathan il me semble, agite un piment rouge vif, un sourire narquois accroché à ses lèvres. Chuck, adossé nonchalamment à la table à côté, éclate de rire.

— Alors, Rodriguez, t'es sûr de toi ? Tu veux battre le record des trois piments ? Si t'es capable de les manger sans vomir, je jure que je traverse cette pièce à poil, lui lance-t-il avec arrogance.

Je roule des yeux en les observant. Quelle bande de gamins ! Je connais mal Nathan, il a rejoint les Krakens un an avant Jake, mais je sais que Chuck adore se donner en spectacle. Pourtant, il devrait savoir que Jake joue dans une autre catégorie. Totalement indifférent à leurs provocations, le quarante-quatre garde ce sourire imperturbable qui m'est si familier et une nuée de papillons s'agitent dans mon bas ventre.

— Trois, vraiment ? Vous êtes sûrs que vous voulez vous ridiculiser devant tout le monde ? Parce que je peux en manger quatre sans problème, réplique-t-il.

L'ice-girl derrière lui se met à glousser. Je me retiens de soupirer. Elle pense à tort que Jake aime se vanter, mais je sais que ça n'a rien à voir. Ce crétin doit toujours surenchérir, même si ça implique de se mettre en danger. Il faut toujours qu'il en fasse plus parce que, dans son esprit, c'est la seule manière de mériter sa place. Ce n'est pas qu'une question de fierté mal placée. Non, Jake a toujours pensé qu'il devait en faire plus que les autres pour être accepté.

Nathan lui tend un premier piment.

— Montre-nous ce que tu as dans le ventre, Rodriguez.

— Préparez vos mouchoirs, les gars. Vous allez pleurer de honte quand vous verrez ce qu'est un véritable homme, lance-t-il avec un clin d'œil vers la brune qui minaude aussitôt.

Le premier piment disparaît dans sa bouche. Jake grimace légèrement, mais transforme cette expression en une moue exagérée qui fait rire tout le monde.

— Franchement, c'est ça votre défi ? J'ai mangé des tacos plus épicés que ça la semaine dernière.

Les rires redoublent et je ne peux pas m'empêcher de le fixer, moi aussi. Jake en fait toujours trop, pourtant je dois admettre que ça lui donne un certain charme. Cette manière qu'il a de tenir tête aux autres, cette désinvolture... Il est irritant, mais aussi magnétique. Et à cet instant précis, avec son sourire effronté et cette assurance démesurée, il est difficile de le regarder sans le trouver terriblement attirant.

Les deuxième et troisième bouchées le font transpirer un peu plus, cependant il garde sa bonne humeur. La brune derrière lui le dévore des yeux, littéralement. Jake se retourne pour lui envoyer un clin d'œil qui me noue l'estomac.

— Vous voyez, les gars ? J'en prends un quatrième pour la forme, mais ça reste un échauffement. Chuck, tu peux déjà te dessaper. J'ai hâte de te voir traverser cette salle à poils.

J'observe la scène, blasée. Ses joues mates rougissent légèrement sous l'effet du piment, mais il ne s'arrête pas là. Parce que Jake Rodriguez ne fait pas les choses à moitié.

— Un cinquième, pour la route, annonce-t-il en brandissant le petit fruit rouge à la manière d'un trophée.

Il le coince entre ses dents, puis il se retourne vers l'ice-girl pour se pencher vers elle. Il l'embrasse à pleine bouche et je sens les muscles de mon corps se crisper au même moment. La brune éclate de rire, se prêtant au jeu, et tout le monde applaudit, hilare. Tout le monde sauf moi. Des sifflements fusent pendant que je détourne les yeux, la gorge serrée. La jalousie est en train de me faire crever de l'intérieur.

Jake est charismatique, sûr de lui. Séduisant. Et il en est parfaitement conscient. Ça m'énerve parce que j'ai beau essayer de le voir autrement, il reste ce garçon qui me faisait tourner la tête quand j'étais ado. Et malgré notre complicité retrouvée, je ne peux m'empêcher de me sentir transparente à ses yeux. Est-ce qu'un jour je serai à ses yeux autre chose que Peanut, la blondinette qui le suivait partout ?

Pour faire passer mon amertume, j'entreprends de terminer ma bière d'une traite. Le liquide me brûle la gorge, mais cela ne suffit pas à atténuer ma frustration. Alors que je suis perdue dans mes pensées, on me bouscule par-derrière et le reste de ma boisson termine sur mon t-shirt. Je sursaute au contact de la bière froide qui coule sur ma poitrine, puis je pivote sur mes talons pour voir qui est le débile qui ne regarde pas où il va. Mes yeux s'écarquillent. Ce n'est pas une, mais deux personnes qui viennent de me percuter. L'ice-girl et Jake qui a sa langue au fond de sa gorge. Trop occupé à embrasser fougueusement sa conquête, ce con de Rodriguez m'écrase même le pied au passage.

— Hé ! râlé-je.

— Désolé, Peanut, lâche-t-il en riant, sans même s'arrêter.

Désespérée, je fixe la tache qui s'étale sur mon vêtement. Sans un mot, je quitte la salle pour aller me rincer dans les toilettes situées au bout d'un long couloir à l'arrière. Je prends le temps de calmer ma colère, mais peu importe les minutes qui s'écoulent, celle-ci ne redescend pas. Je décide de laisser tomber et je reprends le chemin de la fête d'un pas las. Soudain, un bruit étouffé attire mon attention.

La porte d'une pièce adjacente est entrouverte. Intriguée par les murmures que j'entends, je jette un coup d'œil par l'interstice et mon cœur s'arrête net.

À l'intérieur, à moitié caché par la pénombre, je découvre Jake, debout. La femme en boxer se trouve devant lui, accroupie sur le sol. Mes yeux restent vissés sur la langue de sa conquête qui s'enroule autour de son sexe dressé. Jake rejette la tête en arrière tout en poussant un gémissement de plaisir pendant que ses doigts s'accrochent aux cheveux de sa partenaire. Oh merde. Choquée, je n'ose plus bouger.

La respiration en suspens, je prends appui sur la porte qui émet un grincement sonore malgré moi. Jake redresse soudain la tête dans ma direction et nos regards se heurtent l'un à l'autre. Il y a un instant de flottement. Pendant un laps de temps indéterminé, le numéro 44 me fixe droit dans les yeux, puis il esquisse un sourire en coin. Un sourire si sexy et quelque peu malsain qui me fait l'effet d'un électrochoc. Des picotements dévalent ma peau jusqu'à se concentrer en un seul point, entre mes jambes. Un nouveau râle de plaisir s'échappe des lèvres entrouvertes de Jake et je reprends soudain contact avec la réalité. Tremblante et troublée par ce qu'il vient de se passer, je m'empresse de reculer. Je colle mon dos au mur, une main plaquée sur ma poitrine. Mon cœur bat à cent à l'heure, mais ce n'est rien en comparaison avec la chaleur qui envahit la totalité de mon bas ventre.

Au fond, je ne saurais dire quelle brûlure est la plus insupportable : celle de la jalousie, qui me dévore comme un feu vorace, ou celle de l'envie brute et incontrôlable qui me consume à la manière d'une braise ardente. Et ce regard qu'il m'a jeté... C'est comme s'il avait lui-même tendu l'allumette responsable de cet incendie.

Est-ce qu'il m'a vraiment vue ? Si c'est le cas... pourquoi a-t-il continué ?

Dans le plus grand des silences, je me force à m'éloigner d'ici. Je dois me ressaisir, mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Parce que je réalise à quel point je rêve d'être à la place de cette femme et je sais que ça n'arrivera jamais.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top