Coeur de guimauve

La sixième photo représentait un duo d'adolescents âgés d'environ quinze ans, mains enlacées, tous deux souriant à l'objectif au milieu d'une petite ville, théâtre de nos vies, leurs visages côte à côte exprimant une joie douce perceptible par un simple coup d'oeil au cliché. Les couleurs brillaient, sur le papier lisse, le fond étant un de ces murs aux tags multiples auxquels nous ne faisions pas attention, mais c'était surtout ce couple qui attirait l'attention, quand j'ai repris l'image dans la boîte, depuis mon lit, observant en même temps les quelques lignes que j'ai écrites sur une feuille lignée pour me rappeler la manière que j'avais de vous trouver adorables, les descriptions qu'avaient nos amis de vous, aussi. Elle était lumineuse, courageuse, intelligente, créative, avec ces mille projets et cette étincelle de folie dans son regard comme dans sa vie, t'entraînant avec elle, étant cette part de magie pour libérer la tienne, et elle t'aimait. Le premier pas, la déclaration, c'était elle, et je me rappelle avoir souri en comprenant de qui tu parlais, quand tu m'as nommé cette fille pour la première fois, après m'avoir parlé de ta copine.. Je n'aurais pas pu deviner que c'était elle, autrement.
Toi, tu étais différent de celui que j'ai rencontré, me disent nos amis, puisqu'à l'époque je ne vous connaissais pas encore, et quand j'y pense, je me dis que j'aimerais remonter le temps, retenir l'eau du fleuve des années, renverser le sablier aux mille grains dorés, simplement pour te voir une fois comme ça. J'aime celui que tu es aujourd'hui, plus que tout ou presque, tu as une place dans mon coeur, avec tes forces, tes faiblesses, tes défauts et tes qualités, tu es mon meilleur ami, mais je ne peux pas m'empêcher de tenter de m'imaginer celui que tu étais. Tu sais, quand j'ai demandé à nos amis de te décrire, la toute première à t'avoir rencontré m'a souri et m'a dit :

« Ça faisait du bien de le voir heureux, vraiment. Je le connais un peu, quand même... »

Elle m'a parlé de toi, de ton côté plus fou et enthousiaste caché derrière l'adolescent discret, silencieux, impassible, et m'a dit à quel point tu étais souriant à cette époque, me faisant m'imaginer ton visage lumineux encadré de mèches brunes frisées, tes yeux sombres parsemés d'étoiles et surtout ton attitude devant être différente, loin du jeune homme peu démonstratif quoique doux, amical et tendre que j'ai appris à bien connaître, celui avec lequel nous alternions les monologues et les dialogues, celui qui me laissait parler et aimait écouter, celui, aussi, qui me serrait dans ses bras pour me rassurer, protecteur et fraternel... Alors je t'ai posé la question, demandé de me raconter un peu comment vous étiez, et tu t'es exécuté, avec gentillesse, en riant. Tu as gardé dans la voix, en parlant d'elle, de celle dont tu es tombé fou amoureux, une telle tendresse ! Un sourire au coin des lèvres, tu m'as évoqué vos conversations, et les mots se sont bousculés dans ma tête, se mêlant aux images et aux rêves, tandis que tu me disais votre manière d'agir, vos messages et ce que tu pensais de tout cela, à présent. C'était peut-être niais, sans aucun doute, même, de finir chaque phrase par un petit coeur, mais tu ne semblais pas regretter. Tu l'as aimée, tu tiens encore à elle. Comment, je ne le sais pas et je ne m'hasarderai pas à le dire, c'est ton coeur. C'était peut-être niais, sans aucun doute, même, mais as-tu une idée d'à quel point vous sembliez mignons ? Ça pardonne tout...

En y réfléchissant, j'ai une comparaison en tête : les bonbons que l'on mange au coin du feu l'été, je ne sais pas si tu le faisais, mais moi oui, avec ma famille. Ça me rappelle des fous rires, des histoires, une douce chaleur, des étreintes, de la joie et de l'amour, familial, fraternel, amical ou amoureux. Et en écoutant tes souvenirs, que tu partageais gentiment avec moi, c'est ce que j'imagine : un coeur de guimauve. Quelque chose de sucré, de doux, quelque chose à partager, quelque chose qui doucement s'étire plutôt que de se briser. Quelque chose qui se pare de couleurs pastel douces, de blanc, d'innocent, quelque chose de joi, de beau, de simple. Un rêve, un fragment de vie. Et pour une fois, au milieu des faux semblants du collège, du lycée, parfois trompeurs, acides, quelque chose de sincère. C'est tendre et joli... Vous l'étiez aussi. Et c'est pour ça, je crois, que j'ai gardé cette photo colorée et simple, ornée d'un ruban violet passé dans la perforation en forme de coeur du coin gauche de l'image, ruban violet orné d'un coeur de guimauve rose et blanc au visage mignon de manga, ruban violet parsemé de minuscules points d'argent : pour me rappeler, si je doute, que certaines choses savent encore être jolies, simples, aimantes et sincères... J'ai alors fermé les yeux pour vous voir tous les deux, et serrant contre moi la boîte de la sixième photo, sans bruit, je me suis endormie.

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