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Pendant plusieurs secondes, je reste sans bouger à fixer l'écran de mon téléphone qui vibre follement. Ça, je ne m'y attendais vraiment pas. Je ne m'attendais tellement pas à ce coup de fil que je ne sais pas comment réagir. Il y a une semaine, c'était moi qui avait appelé mon Inconnu mais il ne m'avait pas répondu. Et s'il ne l'avait pas fait, c'était pour la simple et bonne raison que, pour lui, ça me donnait trop d'indices sur lui d'entendre sa voix.

Et là, contre toutes attentes, c'est lui qui m'appelle. Je sais que s'il le fait, ce n'est pas parce qu'il en a envie. Ce n'est pas non plus parce qu'il veut tenir la promesse qu'il m'a faite la semaine dernière, c'est juste qu'il a la trouille. Ouais, il a la trouille. Il a peur que je me retire du jeu, c'est aussi simple que ça. Il ne m'aurait jamais appelé sinon, j'en suis persuadée. Pourtant je ne pensais pas un piètre mot de ce que je disais dans le dernier message que je lui ai envoyé. J'ai juste utilisé cette excuse de « je me casse, si tu me dis rien » pour faire pression sur lui et l'obligé à cracher le morceau.

Et visiblement, je vais obtenir bien plus que le morceau en question.

Je souris malicieusement, reprenant petit à petit le contrôle de mon être. Puis, je décroche finalement. Les pulsations de mon cœur sont si rapides que je peux sentir mon sang passer dans mes veines jusqu'au bout de mes doigts. Je colle le téléphone contre mon oreille et j'avale difficilement ma salive avant de murmurer :

-Allo ?

Je n'ai pas de réponse. J'entends juste de légers bruits de l'autre côté du fil, me confirmant la présence de mon Inconnu. Il est là. Nous sommes reliés par l'intermédiaire de deux portables qui ont toujours été notre seule façon de nous parler. Et je me demande si un jour, nous serons liés autrement que par deux téléphones à la con.

-Allo ? répété-je.

Pas de réponse une fois de plus. Il ne parle pas, il se contente juste de m'écouter. C'est tout. Et je comprends qu'il n'avait pas l'intention de parler. Qu'il n'avait pas l'intention de me laisser entendre sa voix. Qu'il voulait simplement me retenir, et obtenir toute mon attention après mon « J'en ai marre de tout ça. Je comprends rien. Si tu ne m'expliques pas mieux, j'arrête le jeu. » Mais à aucun moment, il n'a eu comme idée de me parler de vive voix. Il n'a jamais eu envie de me laisser entendre sa voix. Je soupire et je continue de parler à la personne de l'autre côté du fil dont j'ignore tout.

-J'ai compris, tu veux pas parler, débuté-je. Si tu m'as appelé, ce n'était pas pour tenir ta promesse et me laisser entendre ta foutue voix. Tu voulais simplement me retenir et obtenir mon attention. Et tu l'as eu, puisque comme une idiote, j'ai décroché en pensant que tu répondrais à mes questions et que je pourrais entendre ta voix. A quoi je pensais sérieusement ? J'aurais dû m'en douter que tu ne dirais rien et que tu me laisserais parler dans le vide comme je suis en train de le faire. T'es vraiment un enfoiré, tu le sais ça ? Je sais même pas pourquoi je continuer de te parler alors que je n'aurais pas de réponse. Je n'aurais pas de réponse parce que Monsieur à décrété que si j'entendais sa voix, ça me donnerait trop d'indice sur lui ou je ne sais trop quoi. Mais tu sais, je m'en contre-fou de ton jeu, en ce moment. Moi, je veux juste comprendre pourquoi tu détestes tant Marc. Pourquoi tu l'as pris en grippe et surtout, pourquoi tu refuses de m'expliquer ton dégoût pour lui. Je veux dire... Tu pourrais me balancer tout ce qu'il t'a fait, pour m'éclairer et me donner une raison valable de le détester, mais tu ne dis rien. Tu te contentes de le blâmer sans jamais donner de raisons précises. Alors j'ai l'impression que c'est toi qui te paies ma tête et pas lui, tu comprends ? Et ça commence vraiment à me faire chier d'être constamment dans le brouillard complet. De ne pas savoir qui croire, qui est le type bien dans l'histoire, qui raconte de la merde sur l'autre, et cetera.

Je m'arrête quelques instants, et c'est à son tour de soupirer.

-Qu'est-ce qui t'empêche de m'expliquer pourquoi tu le détestes ? C'est parce qu'il n'y a pas de raison c'est ça ? continué-je, légèrement plus agressive. Y a pas de raison, c'est sûrement pour ça que tu dis rien. Ou alors, vous êtes tous les deux dans le coup et vous foutez bien de moi. Vous jouez à me faire tourner en bourrique et vous vous marrez à me regarder galérer. Ouais, ça se trouve c'est ça, ça se trouve vous mentez tous les deux.

Je ris amèrement. C'est vrai, ce que je dis. Si ça se trouve, le jeu les implique tous les deux et c'est à celui qui arrivera à obtenir ma confiance en premier. Ouais, c'est carrément probable maintenant que je le dis. Ça expliquerait beaucoup de choses, en plus. Comme le fait que l'Inconnu était au courant de notre entrevue entre Marc et moi alors qu'il n'y avait aucune personne à des kilomètres à la ronde. Ça expliquerait pourquoi ils sont tous deux autant agressifs l'un envers l'autre et pourquoi ils crachent sur eux constamment.

-Dis-moi, est-ce que j'ai raison de penser ça ? questionné-je. De penser que vous faites ce jeu tous les deux et que vous vous payez ma tête ? Dis-moi la vérité, putain. Je vais devenir folle à cause de cette histoire. De toutes façons, si tu dis rien, j'arrête. J'arrête de jouer immédiatement et vous pourrez vous trouvez une autre bonne poire pour vous divertir. Alors, putain ! Fait-il partit du jeu ?

Mon sang boue follement dans mes veines. Je n'arrive pas à me calmer, pour la simple et bonne raison que j'ai l'impression d'être trahie. Je ne m'en étais pas rendu compte, mais sous le coup de la colère, je me suis relevée, quittant l'herbe où j'étais confortablement installée, la main gauche resserrée en un poing dénonciateur de mon état intérieur.

-Alors, t'as pas les couilles pour me dire la vérité, hein ? pouffé-je, mauvaise. C'est aussi parce que t'as pas de couille que t'aborde les filles sous forme de jeu téléphonique, pas vrai ? Je...

-Non, Aly.

Je frisonne sans pouvoir m'en empêcher et la colère redescend en pointe.Ça m'a calmé d'un coup, comme si on m'avait renverser un sceau d'eau glacée sur la tête. Putain sa voix. Je ne m'attendais tellement pas à ce qu'il parle, que j'en reste scotchée, abasourdie et étonnée. Je ne m'attendais tellement pas à ce qu'il prononce un mot, que lorsque j'ai entendu sa voix rauque et masculine raisonnée au travers du cabinet, j'ai eu l'impression de chuter d'un immeuble de quinze étages. Parce que maintenant je m'en rends compte. Il est réel, tout ça est réel. Ce jeu sordide, Marc, l'Inconnu, les mensonges, sa voix : tout est réel. Et tout ça est malsain. Je me rends compte que je me suis engagée dans un jeu sordide avec quelqu'un que je ne connais pas.

Et merde, j'ai sûrement fait une grosse erreur en acceptant de jouer.

Je commence à trembler, telle une feuille morte soulevée par des quintes de vent froid. Je n'aurais pas dû. Je n'aurais jamais dû jouer à ce jeu. Je n'aurais jamais dû répondre aux messages de cet Inconnu. Je n'aurais jamais dû prendre goût à nos discussions.

Je n'aurais jamais dû faire tout ça alors, sans réfléchir, je raccroche. Je raccroche sans dire un mot de plus, sans lui laisser une chance de s'expliquer.

Ma respiration est rapide, presque sifflante. Je dois me calmer. Je dois me calmer. J'ignore pourquoi je fais une crise de panique d'un coup, mais je suis apeurée. Je suis glacée par la peur parce que tout ça est réel. Tout ça est réel et tout ça prend des proportions trop grandes dans ma vie.

Lui : Alyssa ? Quelque chose ne va pas ?

Alyssa : J'arrête.

Lui : Quoi tu arrêtes ? Alyssa, qu'est-ce qu'il se passe ?

Alyssa : J'arrête tout. Ce jeu, les discussions avec toi,les recherches, tout. J'arrête.

Lui : Mais pourquoi ? Je peux répondre à toutes tes questions, Chérie. Laisse-moi t'expliquer, je t'en pris. N'arrête pas. Ne me quitte pas.

Ne me quitte pas. Comment ça « ne me quitte pas » ? Je sens mon cœur battre dans ma poitrine, faisant vibrer ma cage thoracique.

Lui : Marc ne fait pas partie du jeu, je peux te le jurer. Je... Je ne peux pas t'expliquer pourquoi je ne peux pas le saquer. Mais tu le sauras un jour. C'est promis. Lorsque tu trouveras qui je suis, tu comprendras, de toutes façons. Tu comprendras pourquoi je ne peux rien te dire. Et tu comprendras aussi pourquoi je le déteste. Alors s'il te plait, Alyssa, sois patiente. Sois patiente et fais moi confiance. Continue ce jeu. Tu es une des seules filles avec qui ça se passe bien. C'est vrai, je ne dis pas ça pour te faire plaisir. Tu es différente des autres. A ta place, elles, elles seraient déjà accrochés au cou de Marc quémandant des baisers, alors qu'il serait sûrement déjà en train de chercher « sa prochaine victime ». Mais toi tu es là. Et je ne veux pas qu'on gâche ça parce que je ne peux rien te dire au sujet de Marc. Je ne veux vraiment pas que tu arrêtes de jouer.

Lui : Je t'expliquerai tout à la fin du jeu. Et je sais qu'elle arrivera bientôt, tu es intelligente. Tu trouveras bientôt qui je suis, mais j'ai besoin que tu me fasses confiance pendant cette période. Tu crois que tu peux me faire confiance ?

Ses mots me calment et je reprends lentement une respiration convenable. Je ne sais pas pourquoi, mais je le crois. Je crois ses mots. Rien ne me prouve qu'il est sincère mais j'ai envie d'y croire. Parce que même si je me rends compte que tout ça est réel, et que tout ça peut prendre de très grosses proportions, je me rends aussi compte que j'ai besoin de lui pour vaincre l'enlisement de ma vie. Que j'ai besoin de lui et de nos discussions pour me sentir bien. Alors, je m'assois doucement dans l'herbe et lui écris un message :

Alyssa : Oui, je le peux. Mais ne me fais pas regretter. Tu peux être sûre que je me vengerai sinon.

Puis je me suis rallongée dans l'herbe, avec la ferme intention de redoubler mes recherches dès la fin du Week-End...

« J'ai entendu sa foutue voix... »

***

HELLOOOO ! Voilà la partie 13 ! Elle n'est pas superbe mais bon... J'ai fais ce que j'ai pu ! Que pensez-vous de ça ?

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