Tente rose

 Ongles parfaitement manucurés, jupe repassée, chemisier immaculé, coiffure soignée, maquillage léger et parfaitement réalisé, le tout, sans aucune vulgarité, Ambre se rendait au camping que lui avait conseillé un de ses amis. C'était une première expérience pour une personne comme elle qui, prenait entièrement soin de son apparence et évitait les endroits boueux et en pleine nature. Jeune fille sensible et naïve, elle était comme ça depuis son adolescence. Elle était âgée de tout juste vingt-cinq ans et faisait attention à son style même pour aller à la supérette du quartier. Un peu réticente à l'idée d'aller camper, elle se laissa convaincre par cet ami qui lui avait donné l'adresse de ce fameux camping. "Dépasse tes peurs" lui avait-il dit. Plus facile à dire qu'à faire.

Elle alla donc à la réception où l'on lui remit les papiers ainsi que le règlement qu'elle parcourut du regard rapidement. Sa tente était rose. Pas rose bonbon ni vieux rose ou encore rose fuschia, non. Juste rose. Contrairement à certaines tentes qui se situaient à l'écart des autres, la sienne était tout près d'autres campeurs. Raison de plus pour faire attention à elle. Elle s'engouffra dans la tente colorée et s'occupa comme elle pouvait, attendant que la nuit tombe. Elle irait se promener le lendemain. La Lune brilla dans le ciel foncé et Ambre essaya de trouver le sommeil dans cet étroit sac de couchage.

Elle se réveilla dans une cour peuplée d'étudiants, ils la regardaient tous en rigolant. Elle ne comprit pas pourquoi, mais elle était horrifiée par leur regard rieur et mesquin. Elle se vit dans le reflet d'une vitre et comprit qu'ils se moquaient de sa tenue. Elle était en pyjama blanc avec des rayures multicolores et des chaussons avec une tête de vache sur le devant. Plus elle avançait et plus elle subissait les moqueries sur son pyjama, qui était, soit dit en passant, son préféré. Elle commença à avoir peur et resta pétrifiée à l'idée que les autres puissent la juger si facilement.

Elle avançait dans la cour bétonnée, cherchant du regard sa meilleure amie. Pauline apparut bientôt dans son champ de vision et discutait avec une autre fille. Dès que son amie la vit, elle salua la fille avec qui elle parlait pour rejoindre Ambre.

"Tu vas bien ? demanda cette dernière

Moi oui mais toi, tu es malade ?

Euh...

Pour porter cette affreuse jupe rose à pois verts tu as dû te lever la tête où je pense non ? Et puis tu n'es même pas coiffée et regarde tes ongles !

Ben c'est... euh... c'est ma dernière jupe toutes les autres sont au sale alors comme on a dit qu'on se mettait toutes les deux en jupe je voulais pas te laisser tomber... expliqua la blonde

Ah, d'accord... mais tout le monde te regarde là..."

En effet, tous les élèves, ou presque, avaient le regard braqué sur cette jupe à l'aspect extraterrestre. Les remarques de sa meilleure amie l'ayant profondément blessée ainsi que le regard lourd de ses camarades, elle décida de se transformer le samedi qui arrivait. Les autres jours de la semaine, on la regardait de travers et on se moquait discrètement d'elle. Le jour J arriva et elle choisit de commencer par aller chez le coiffeur.

Elle coupa ses longs cheveux blonds et se fit un carré, puis elle se vernit les ongles avec un rose nude et enfin, elle jeta cette vieille jupe de clown. Elle troqua ses lunettes contre une paires de lentilles longuement négociée avec ses parents. Elle alla se racheter une nouvelle jupe, noire cette fois-ci.

Depuis ce jour elle est terrifiée par le regard des autres. La moindre remarque et elle lutte pour ne pas faire une crise d'angoisse et éclater en sanglots.

La phobie du regard des autres fait partie de son quotidien, la peur de ne pas être parfaite dans toutes les circonstances, elle souffre d'atélophobie. Pour certaines personnes cela peut paraître exagéré, mais une phobie est une peur excessive et incontrôlable, elle craignait de ne pas plaire au monde. Sentant la colère et la rage prendre le dessus sur la peur, elle se mit à crier. Elle criait à s'en déchirer les poumons, jusqu'à ne plus avoir de souffle. Elle criait sa colère, elle criait sa peur, elle criait son ras-le-bol du regard des autres, elle criait sur sa phobie qui l'empêchait de vivre normalement, elle criait sa tristesse.

Tous les étudiants avaient cessé de rire. Ils la regardaient avec des yeux aussi ronds que des billes et après quelques instants de non réaction de leur part, Ambre désamorça la bombe qui voulut à nouveau exploser en elle.

"Je me fous du monde. Allez vous faire foutre avec vos regards moqueurs, je vis pour moi et pas pour vous, ça ne vous plaît pas ? Tant mieux, personne ne me ressemblera au moins !" 

Elle était étonnée d'avoir balancé les paroles qu'elle pensait au plus profond de son âme au bout de dix ans de silence et de moqueries. Elle se surprit à laisser couler une larme d'amère souffrance sur sa joue non maquillée. Elle souffrait d'un violent mal de gorge mais malgré tout, Ambre était contente de ne pas avoir fait de crise de panique et d'avoir assouvi son envie de crier au monde qu'elle vivait pour elle et non pour toutes ces personnes jugeant les autres. Elle ferma les yeux et prit une longue inspiration, lorsqu'elle rouvrit les yeux elle remarqua qu'elle était dans sa tente. Ambre voulut boire dans sa bouteille d'eau mais se surprit à tousser à cause d'un mal de gorge... Elle se leva et sortit de sa tente en pyjama pour se diriger vers les sanitaires. Certaines personnes la dévisagèrent mais elle s'en fichait totalement, elle mourrait d'envie de leur crier d'aller se faire voir. Elle avait cauchemardé de sa peur la plus profonde, sa phobie, elle en était sortie vainqueur et une douloureuse blessure du passé s'était apaisée en elle, cette blessure ne pourrait jamais se fermer mais cette nuit ne l'a pas rouverte au contraire, cette nuit l'a apaisé et a aidé Ambre à calmer ses angoisses. Quoi qu'il en soit, il y aura toujours des personnes pour vous juger, juger votre personnalité, juger votre style vestimentaire, juger votre famille, juger votre physique, juger votre vie... La plupart sont soit jaloux, soit ils n'ont que ça à faire de leur vie, juger et se moquer des autres... N'ayez pas peur du regard des autres et soyez vous-même !
Nda :
Voilà ! Normalement nous en sommes à la moitié de l'histoire, j'espère qu'elle vous plaît encore et si vous avez des suggestions n'hésitez pas ! Bye, NinaGarance ❤

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