Maël Luzardier (3/3)
«- Embrasse Camille.»
~~
Layla se met à rougir et à bafouiller alors que Camille, à l'inverse, éclate de rire. En jetant un regard à Ashton, je vois que celui-ci a blanchi et qu'il fixe son copain avec un regard noir. Apparemment, il n'a pas le même caractère que son petit copain mais, après tout, on dit que les contraires s'assemblent donc...
Le moment de gêne passé, Layla lance un regard haineux à Stan et je me retiens d'intervenir pour dire qu'il s'agit juste d'un jeu. Camille se lève et s'avance vers la jeune femme qu'il doit embrasser sous le regard hilare de Stan qui est visiblement fier de lui mais Layla s'exclame en se levant à son tour et s'écartant du jeune homme :
«- Hors de question !»
Elle croise les bras sur sa poitrine en lançant de temps en temps des regards hésitants vers Ashton. Je ne sais pas vraiment quoi dire et je vois que tous les invités autour de nous se tortillent sans oser croiser le regard brûlant de Layla. Je devrais peut-être intervenir, c'est moi l'hôte après tout... Mais Camille me coupe dans ma lancée et lance un regard excédé à nous tous qui sommes mal à l'aise.
«- Rhooo ! Ça va ! C'est un jeu, Décoincez-vous !»
Sur ces paroles sages et décontractées, Camille s'approche de Layla et l'embrasse sans lui laisser le temps de rétorquer, sous les yeux ébahis des autres. Le baiser dure à peine une demi-seconde mais Layla vire au rouge et je vois qu'elle ne sait plus où se mettre. En même temps, embrasser le mec de son crush, c'est pas la situation la mieux qui soit...
Il y a un moment de silence, durant lequel je peux observer le visage rouge de Layla, qui évite de regarder les autres, et se rassoit dans le cercle, sans parler. Son action ne lui a pas plu et Stan se renfrogne, conscient qu'il vient de casser l'ambiance jusqu'à là festive. Camille rejoint à son tour le cercle qui est de nouveau au complet et Layla hésite à faire tourner une nouvelle fois la bouteille, visiblement vexée. Le silence est brutalement brisé par le départ précipité d'Ashton. Au début, je pense que c'est juste pour rigoler, mais je remarque que ses joues sont rouges de colère. Ok, il est vraiment susceptible. Je me tourne vers son petit copain et vois que ses yeux reflètent de l'incompréhension et un peu de culpabilité. Je me mords les lèvres, déçu du tournant que prend la fête. Il va quand même pas y avoir une séparation le jour où je fête mes 22 ans ! Aussitôt, Camille part à sa suite et le retient par le bras. Ashton se tourne vers lui, Camille lui prend le visage entre les mains et plaque ses lèvres contre les siennes. Je détourne les yeux pour leur laisser un peu d'intimité (même si s'embrasser sous le regard de 15 personnes n'est pas vraiment vouloir de l'intimité) et vois que Layla a fait de même. Je pense qu'il y aura forcément des cœurs brisés ce soir mais si les couples déjà formés peuvent rester complets, ça m'arrangerait bien.
Quand le silence commence à devenir particulièrement pesant, je prends les directives et quitte le cercle, sentant qu'il ne serait pas judicieux de continuer le jeu :
«- Allez, on se regroupe autour du bar, je n'ai pas préparé tout cet apéro pour rien !»
Des bras, je désigne la montagne de nourritures qui croule sur la longue table, ainsi que les dizaines de bouteilles qui n'attendent qu'à être vidées. Tout le monde acquiesce et se dirige vers la longue table et, heureusement, les discussions finissent par reprendre et les rires aussi. L'atmosphère oppressante qui s'était installée est bien vite écartée par la bonne humeur et je soupire intérieurement de soulagement. Layla parvient même à esquisser un sourire quand Stan s'excuse pour ce qu'il s'est passé. Camille ne lâche plus Ashton, qui paraît de nouveau heureux, un sourire béat s'étalant sur son visage. Je range la bouteille vide sous le comptoir, le jeu ne s'étant pas avéré une réussite, puis commence à remplir les verres. Coca, Schweppes, 7 Up, tout y passe.
Les minutes s'écoulent dans la joie et aucun incident ne vient ternir l'ambiance. Il est 20h passées, le temps passe à une allure folle. Je m'éloigne un instant du bar pour régler la musique et en profite pour monter sur la petite estrade coincée au fond de la salle. Je m'empare d'un micro pour attirer l'attention de tous les invités :
«-Ça vous dirait de vous décoller du bar pour danser un peu ! J'ai pas encore eu l'occasion de voir les talents de chacun !»
Tout le monde pose son verre et, dans un même élan enjoué, rejoint l'endroit dégagé prévu pour danser. J'augmente le fond sonore et fais dérouler les musiques les plus rythmées. Chacun se donne à cœur joie et durant l'heure qui passe nous ne quittons pas la piste de danse. Je remarque avec hilarité que je ne suis pas le seul à avoir des talents de danse réduits et, finalement, tout le monde danse sans se soucier des regards des autres. L'incident du jeu ne semble être qu'un lointain souvenir et je m'en réjouis.
Au bout d'un moment, j'ai tellement chaud que je m'éloigne de la piste pour prendre un peu d'air frais. Je m'éponge le front avec le revers de ma manche et regarde les autres danser. Le tout forme un tableau bruyant, coloré et respirant la joie de vivre. Ça fait vraiment plaisir à voir et, pendant un moment, j'oublie tous les problèmes de la vie courante. La musique hurle dans les enceintes et le battement régulier du rythme donne tellement d'énergie que je me sens prêt à passer la nuit entière à veiller. Le sourire aux lèvres, je finis par rejoindre le bar, pour vérifier s'il y a encore assez à manger.
Je constate alors que la plupart des bols précédemment rempli d'apéritifs en tout genre -pistaches, chips, feuilletés...- sont vides et que le même sort a été appliqué pour une majorité des bouteilles. Mon cœur commence à battre un peu plus fort dans ma poitrine et un nœud se forme dans mon ventre. D'un geste précipité, je ramasse les bouteilles et les bols vides puis les ramène dans le petit local adjacent à la salle où il y a un frigo et une petite cuisine aménagée sommairement. Je mets les bouteilles dans la poubelle et pose les bols dans l'évier. Je me précipite ensuite dans le frigo et dans les placards pour voir s'il y a encore de quoi manger. Je n'ai pas prévu assez, je n'ai pas prévu assez ! La transpiration qui colle ma chemise à cause de la danse et de la chaleur de la salle me fait soudainement frissonner et j'ai du mal à respirer calmement. Avec effroi, je remarque qu'il ne reste plus que deux bouteilles de soda dans le frigo, respectivement un Coca et un Ice Tea. Comment est-ce qu'on allait tenir jusqu'à la fin de la soirée avec un Coca et un Ice Tea !! Il n'y a même plus une seule goutte d'alcool, mis à part le champagne, que j'espérai conserver jusqu'au dessert. Je fouille frénétiquement les placards, sentant un poids se former dans mon estomac. Je réussis à en extirper un paquet de chips goût fromage et... c'est tout !
Je m'assois par terre, sentant mes forces diminuer. Pourquoi est-ce qu'il n'y a plus rien ? Comment finir une fête quand il n'y a plus ni boisson, ni nourriture ? Je n'ai pas géré, putain... Ma respiration s'accélère et ma fréquence cardiaque suit le mouvement. Le plafond du petit local se met à tourner dans mon champ de vision et, soudain, la musique qui bat son plein dans la pièce d'à côté ne me donne plus envie de faire la fête. Ma bonne humeur est enterrée à six pieds sous terre et je n'ai plus qu'une seule pensée en tête : on manque d'apéros, on manque d'apéros... Dans un éclair de lucidité, je me dis que peut-être je peux aller faire quelques courses pour régler ça... avant de me rappeler qu'il est bientôt 22h et que tous les magasins alentour sont fermés. Ma gorge se serre et j'ai vraiment du mal à faire parvenir de l'air dans mes poumons. Vraiment du mal, vraiment...
«-Hé mec, tout va bien ?
La voix de Stan me tire de ma solitude et je lui lance un regard que je veux rassurant mais c'est plus fort que moi et je me mets à pleurer en me lamentant :
-Y a plus d'apéros ! Y a plus d'apéros mec ! Comment est-ce qu'on va faire ?
Stan me regarde un instant comme si j'ai perdu la tête puis je crois qu'il comprend quelque chose et s'agenouille à mes côtés :
-Hé, hé, hé ! C'est pas grave, on va passer au plat. On a eu largement notre dose d'apéros. Calme-toi... calme...»
Je ne comprends pas la suite de sa phrase, les mots deviennent de plus en plus lointains et je me sens partir loin, loin de la fête, loin de mes invités, loin de la musique et surtout, loin de l'apéro qui manque...
~~
Je m'appelle Maël Luzardier, j'ai 22 ans et je suis inapérophobe. J'ai peur de manquer d'apéros et, évidemment, c'est arrivé le jour de mon anniversaire. Heureusement, mes amis sont géniaux... je vous laisse juger par vous-même.
~~
Quand j'ouvre les yeux, je suis allongé sur un lit d'hôpital et... 15 personnes sont penchées sur moi, un air inquiet luisant dans leurs yeux. Quelqu'un se met à s'exclamer en me voyant émerger d'un sommeil sans rêve :
«-Yess ! Maël le survivant !
Je crois que c'est Camille mais je ne suis pas sûr de reconnaître les voix. D'autant que tout le monde se met à parler en même temps pour tenter de m'expliquer ce qu'il s'est passé :
-Tu nous a fichu une sacré frousse !
-Stan a débarqué en plein milieu de la fête pour nous dire d'appeler les secours !
-Tu t'es évanoui dans le local et ensuite, les pompiers sont arrivés.
-Ils nous ont même demandé si t'avais trop bu, ils pensaient à un coma éthylique !
-Ils n'ont pas voulu qu'on t'accompagne alors on a marché à pied jusqu'à l'hôpital, j'te jure en plein milieu de la nuit !
-Quand les infirmières nous ont vu arrivées, elles ont paniqué !
-Mais bon, tout est bien qui finit bien.
-Alors Maël, explique nous ce qu'il s'est passé dans le local.
Je me redresse sur le lit avec difficulté mais je sens peu à peu les forces me revenir et je parviens à réunir assez de force pour répondre :
-Je crois que je fais parti du club des peurs débiles !
Tout le monde se met à applaudir et rigoler et je me joins à l'hilarité générale, sans me soucier du mal de tête qui me cloue dans le lit. Vu le raffut qu'on fait, une infirmière ne va pas tarder à venir paniquée, se demandant ce qu'il se passe. Quand les rires se calment, j'entends quelqu'un crier plus fort que tout le monde -je crois que c'est à nouveau Camille mais je ne suis pas sûr à cent pour cent :
-J'ai deux bonnes idées : premièrement, on devrait fonder un club des peurs débiles, vous voyez un peu comme les alcooliques anonymes mais la différence c'est qu'on n'est pas des alcooliques. Ça s'appellerait : "Phobophobie". Et deuxièmement, on peut prolonger la location de la salle des fêtes pour fêter la rémission de Maël !
Ces propos sont accueillis par une ovation immense et je ne peux m'empêcher de sourire de la situation. C'est reparti...
~~
FIN
~~
By :
elsago30 (athazagoraphobe : peur d'être oublié ou ignoré)
LetTheMagicHappen (arachnophobe : peur des araignées, ou tout type d'arachnides comme les scorpions)
@PetitKoalaIndiscret (atychiphobe : peur de l'échec)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top