Chapitre 9

Maïa

Aujourd'hui

Après plus d'une semaine de travaux, mon appartement fourmille encore de monde, mais de manière bien plus raisonnable. WC et baignoire sont en train d'être posés tandis que mes amis, tous en congés en ce lundi pluvieux, débarquent par vagues. Emménagement pluvieux égal emménagement heureux, non ?

Manon, sortant de deux nuits à l'Ehpad, est affalée sur le canapé qu'on m'a livré à 8 heures ce matin même. Large, douillet grâce à son velours côtelé beige, ce canapé à angle réversible est la pièce principale de mon séjour. Et, malgré les mesures indiquées sur le site, je ne pensais pas qu'il serait aussi imposant. Par conséquent, comme prévu, ce lieu rassemblera très bientôt toutes les caractéristiques d'un cocon. Un cocon chaleureux, bien rempli, avec un canapé gigantesque. Le pouf qui accompagnait le tout ira dans la chambre d'ami pour que l'endroit reste un minimum aéré.

- Seigneur, je pourrais m'endormir sans jamais me réveiller. Je suis sûre que j'ai déjà de l'arthrose dans les genoux, marmonne Manon. La belle au bois dormant ne vieillit pas, elle.

Ma meilleure amie se redresse en gémissant pendant que je fais défiler les derniers messages de Mathias.

- Ils en sont où ? me demande-t-elle une fois debout.

- Ils arrivent dans une vingtaine de minutes.

Mathias et Elliot se sont portés volontaires - ils n'ont pas eu le choix à vrai dire - afin d'aller chercher la plupart de mes meubles avec une camionnette louée pour l'occasion. Grâce à Daphné, organisatrice hors pair, presque toutes mes commandes ont pu être récupérables le même jour. Il ne manquera que quelques babioles qui seront directement livrées à l'appartement lorsque j'y vivrais pour de bon.

Ma gorge se noue et je range mon portable dans la poche arrière de mon jean. La date fatidique, celle où Clochette et moi allons emménager, approche à grands pas. En réalité, nous pourrions y vivre dès ce soir puisque les toilettes vont enfin être fonctionnelles - ne plus devoir squatter celles des studios va être un soulagement -, mais je ne me sens pas encore prête. Vivre avec Antoine, c'était quelque chose, vivre seule en est une autre. Ma précédente expérience n'a pas été une réussite et, parfois, j'ai peur que celle-ci soit tout aussi catastrophique, voire pire vu que je supporte mal la solitude.

- Alors, comment ça se passe avec Thimotée ?

Manon ne semble pas tant que ça dérangée par ses genoux, car elle effectue une pirouette en gloussant. Sa longue jupe rose, absolument pas adaptée à la journée montage de meubles que nous avons prévue, tourbillonne autour de ses chevilles.

- Ça se passe.

Thimotée - mon match Tinder - est, pour le moment, un garçon charmant. Nous discutons et apprenons à nous connaître depuis plusieurs jours, comme si cette histoire allait réellement nous mener quelque part. Avec le « nothing serious » que Manon a écrit dans la bio de mon profil, aucun de nous ne doit avoir de doute sur ce que je recherche... enfin sur ce que je suis supposée rechercher. J'apprécie toutefois les efforts qu'il déploie avant d'essayer de me mettre dans son lit.

- Tu peux développer ?

- Maintenant ?

- Bah on a vingt minutes à tuer.

- On pourrait déplacer le canapé et le mettre à sa place ?

Manon balaie ma remarque de la main.

- Les garçons et leurs muscles peuvent s'en charger. Raconte !

Je lève les yeux au ciel.

- Il n'y a rien à raconter. Il est sympa.

Le visage déterminé, je remonte les manches de mon t-shirt noir et commence à pousser une partie de mon immense assise pour la placer près de la fenêtre. À côté de moi, Manon m'ignore avec classe - main gauche sur la hanche, elle observe les ongles de la droite.

- Je te jette dans la Seine la prochaine fois qu'on se balade sur les quais si tu ne m'aides pas maintenant !

Elle soupire avant de s'exécuter.

- C'est juste parce que la Seine est dégueulasse que je fais ça, grogne-t-elle sous l'effort, et je me rends compte qu'on devrait reprendre le sport.

Une fois le canapé installé à sa place définitive, Manon se rallonge dessus pendant que je tapote les coussins.

- Il aimerait qu'on se rencontre vendredi soir. Qu'on aille prendre un verre.

Cette information a le mérite de redonner toute son énergie à ma meilleure amie. Les yeux écarquillés, elle s'assoit. Un sourire salace étire lentement ses lèvres, avant de se retransformer en moue boudeuse.

- T'as accepté, n'est-ce pas ? Tu viens de me dire qu'il était sympa ! C'est cool, sympa !

- Oui, j'ai accepté, soupiré-je.

- Hi hi hi ! s'exclame-t-elle en tapant des mains et en sautillant avec beaucoup trop d'entrain. Rappelle-toi ! Ce rendez-vous ne t'oblige à rien ! Ça peut simplement être une rencontre avec un gars somme toute banal pour élargir ton cercle de connaissance.

- Je sais... C'est juste que... c'est bizarre de devoir recommencer tout ça, les discussions pour apprendre à se connaître, les rencontres, les malaises.

- Tu ne trouves pas ça un peu excitant aussi ?

- Pas vraiment, non. Tu sais bien que je n'aime pas ouvrir mon cercle.

Manon soupire et tire sur mon bras pour me faire asseoir à côté d'elle. Les coussins moelleux me réceptionnent en douceur.

- Je pense vraiment que ça pourrait te faire du bien. Imagine, on meurt tous et tu es la dernière survivante de notre groupe... je serais rassurée de savoir que tu es capable de t'ouvrir à d'autres personnes que Mathias, Elliot ou moi.

- Très étrange manière de me motiver et de me rassurer.

Son gloussement contagieux me contamine. Comme deux idiotes, on est encore en train de se bidonner lorsque Mathias et Elliot me demandent de venir leur ouvrir. Avec chacun une chaise dépareillée entre les bras, mes amis m'attendent derrière la porte.

- Salut ! s'exclame Mathias en s'avançant avec une démarche de cowboy.

- Tout s'est bien passé. Le camion est plein, me dit Elliot alors que je le laisse passer.

Je le remercie, puis débute le défilé de cartons. Lampes, tables, meuble TV, console ; grâce au budget alloué par mon père, je n'ai eu aucun mal à meubler mon appartement. Par contre, je me retrouve avec une dette de plusieurs milliers d'euros sur le dos. Adam a raison, il va vraiment falloir que je pense à louer ces foutus studios. Tandis que j'observe mon salon se remplir, je me fais la promesse de l'appeler dans la semaine. Tout ce bordel commence sérieusement à me filer des angoisses.

🌸🌸🌸

- Merci Seigneur, te revoilà !

Dès que j'ai aperçu Elliot réapparaître dans la cour intérieure, je me suis précipitée à sa rencontre en escaladant les cartons et en passant par la porte fenêtre du séjour.

- Ils m'ont rendu le chèque de caution, si c'est ça qui t'inquiète.

Je secoue la tête et m'accroche à son bras.

- J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle.

Elliot hausse son sourcil droit avant de me faire signe de parler.

- Les ouvriers se sont faufilés entre les cartons et sont partis. On peut enfin aller aux toilettes.

- Cool.

J'acquiesce, prends une inspiration pour me donner du courage, puis lâche la mauvaise nouvelle :

- Mathias se prend pour Bob le bricoleur et essaie de monter la table de la cuisine depuis quinze minutes.

- Et il n'a encore rien cassé ? rigole-t-il en avançant avec moi, toujours accrochée à lui.

Parce que je suis quand même un minium civilisée, je le laisse retirer son manteau avant de lui demander d'arrêter notre ami. J'adore Mathias, mais il est maladroit, impatient, pas doué de ses mains. Ce n'est pas pour rien qu'il est devenu assureur. Il aurait pu reprendre le restaurant de ses parents, s'ils n'avaient pas décidé de l'éloigner des cuisines après qu'il se soit brûlé la main en voulant sortir un plat du four sans utiliser de manique. Je me souviens encore de l'odeur abominable de sa chair brûlée, mélangée à celle du gratin étalé sur le sol. Si on le laisse plus longtemps avec un tournevis entre les doigts, il risque de se crever un œil.

- Je peux le faire ! s'agace-t-il dans la cuisine quand Elliot s'approche de lui et pose une main sur son épaule.

- Bien sûr que tu peux, le rassure-t-il, mais j'ai envie de t'aider.

D'un mouvement souple, il se baisse pour lui prêter main-forte. Mes yeux trop curieux ne peuvent s'empêcher de le détailler ; lui et son pantalon cargo noir qui épouse la forme de ses cuisses musclées ; lui et son t-shirt relevé qui laisse entrevoir une bande de peau pâle et le tissu bleu marine de son boxer.

Avec l'habileté d'un voleur à la tire, il s'empare du tournevis de Mathias et, en quelques minutes à peine, les pieds sont montés, prêts à soutenir la table carrée qui, selon les plans de Daphné, doit trouver sa place sous la fenêtre. À nous trois, nous la redressons et l'accompagnons de ses deux chaises rétro en similicuir marron.

- J'installerai le mur d'herbes de Clochette la semaine prochaine. Ce n'est pas trop l'époque de ses aromatiques préférées, mais j'ai mis quelques trucs sous serres chez moi lorsqu'on a envisagé cette idée avec Daphné.

Je hoche la tête. Maintenant que cette cuisine commence à prendre vie, le vide que je ressentais à l'intérieur se dissipe. Un sourire timide étire mes lèvres. J'arrive à voir où je vais mettre mon cuiseur à riz, mes tasses, mes bocaux. Cette cuisine a été conçue pour moi. Elle est blanche, verte, boisée, chaleureuse, conviviale.

- Maïa ! m'appelle Manon, depuis l'autre pièce. J'ai trouvé les coussins !

Avec les garçons, on la rejoint dans le séjour. Manon, dont le manque de douceur n'est plus à prouver, balance mes nouveaux coussins sur le canapé pour y ajouter un peu de couleurs - jaune, orange, rose, terracotta.

- Ils sont super beaux, commente-t-elle en se jetant sur eux.

Mathias et moi ne tardons pas à la rejoindre en rigolant. Elliot, de son côté, l'air concentré, choisit un carton et commence à le déballer. Il a toujours été le plus sérieux, le plus mature de nous quatre. Mathias est celui qui arrive à nous faire rire en toute circonstance. Manon est celle qui écoute et conseille. Et Elliot... Je le regarde lire la notice de mon meuble TV en métal et en bois. Elliot est celui sur qui on peut compter. Je ne sais pas quel est mon rôle dans notre petit groupe, mais je sais que je les aime, ces trois imbéciles. Manon a sûrement raison, je ne pense pas que je survivrais sans eux dans ma vie. Toutefois, si cette idée lui fait peur, à moi, elle ne me déplaît pas.

🌸🌸🌸

- T'en penses quoi ?

À mes pieds, Clochette se lave les oreilles. Je soupire et marmonne :

- Merci pour ton aide.

Sur mon lit sont étalés une mini-jupe grise, une chemise blanche et un pull noir en laine et sans manche.

- C'est un peu trop austère, non ? Peut-être que je devrais mettre le pull rouge...

Ma lapine, qui doit en avoir assez de m'entendre déblatérer sur ma tenue en vue de mon rendez-vous, rentre chez elle. L'alarme me rappelant que je dois partir dans dix minutes si je ne veux pas être en retard fait vibrer mon téléphone. Après un nouveau soupir, j'enfile la jupe par-dessus mon collant et opte pour le pull noir. En me regardant dans le miroir, je me félicite de ne pas avoir tressé mes cheveux - j'aurais eu un air de Mercredi Addams - et m'empare de mon manteau vert forêt en laine. Je souris face à cet ajout coloré puis vérifie mes traits d'eyeliner. Satisfaite, je me tourne vers Clochette qui est en train de grignoter un brin plus long qu'elle. Cette vision me tire un autre sourire.

- Papi et mamie vont s'occuper de toi ce soir. Tu me promets d'être sage, hein ?

J'ajoute une poignée de foin dans le sac au-dessus de sa litière et me mets en route, les pieds au chaud dans mes derbies, non sans avoir oublié de rappeler toutes les consignes de babysitting à mes parents.

Quelques minutes plus tard, je saute sur le trottoir pour descendre du bus, évitant de peu une flaque éclairée par les reflets des réverbères. J'augmente le son de la musique qui se diffuse dans mon casque, puis enjambe l'eau de pluie ondulante qui s'est installée sur la chaussée déformée.

Le bar dans lequel Thimotée m'a donné rendez-vous se trouve à une quinzaine de minutes de mon arrêt. Je pourrais totalement prendre le métro afin de me rapprocher du but, mais décide de marcher dans les rues pavées de la ville. Grâce à mon alarme, je suis en avance, et même si je suis parvenue à faire bonne figure toute la journée, maintenant que l'heure approche, l'angoisse commence à gonfler dans ma poitrine. En passant près de boutiques illuminées et fermées, j'essaie de prendre une inspiration profonde pour soulager mes poumons oppressés. Après quatre ans à marcher vers Antoine, les pas qui me conduisent vers Thimotée sont douloureux. Mes jambes sont lourdes, pourtant je ne m'arrête pas. Je ne sais pas si l'idée de Manon est bonne, si fréquenter des inconnus me fera rebondir, mais je sais que j'ai besoin d'essayer, besoin d'aller de l'avant, de réapprendre à être amusante, insouciante, impulsive.

Ces dernières semaines, malgré mes nouvelles responsabilités, j'ai eu le temps de réfléchir à notre couple, aux serres qu'Antoine avait plantées dans mes épaules. J'ai réalisé que Manon n'avait pas tout à fait tort - je n'étais pas vraiment heureuse, et il y a des jours où je peine encore à être moi-même, à me souvenir de celle que j'étais avant de le rencontrer. Ce n'est pas nécessairement de sa faute, je suppose que c'est des choses qui arrivent... On se perd dans les idées de l'autre, on s'oublie, on change. Lui et moi n'avions pas une relation saine, je m'en rends compte aujourd'hui. Il prenait trop de place, m'imposait ses envies, son idéal. J'aurais dû et pu y mettre fin, mais c'était si simple de se laisser porter, de ne pas avoir à se gérer. Lorsque, comme moi, le côté imprévisible de la vie vous fait peur, suivre une voie toute tracée est rassurant. Sauf que j'ai noirci cette voie pour Antoine et il a préféré aller voir ailleurs.

Je range mon casque dans mon sac et, le cœur battant à tout rompre, pose ma main sur l'épaule du jeune homme qui me tourne le dos. Car je suis presque certaine qu'il s'agit de mon rencard, j'affiche un sourire sur mon visage alors qu'il pivote. Un sourire qu'il ne me renvoie pas. Sa mine, déconvenue, me fait même bafouiller.

- Hum... euh, je... Maïa.

- Thimotée, me répond-il en levant ses yeux verts désapprobateurs au-dessus de ma tête.

Ce n'est pas la première fois que je me retrouve face à un garçon plus petit que moi. C'est une chose à laquelle je me suis habituée très jeune. Néanmoins, je crois bien que c'est la première fois que je me retrouve face à un garçon qui a l'air aussi hostile à cette idée. Comme si dix pauvres centimètres allaient briser son ego, de toute évidence, déjà fragilisé.

Il tire sur le devant de sa veste, sûrement pour se donner du courage, et m'offre un rictus crispé avant de me faire signe de le suivre. Son regard, cette fois, se pose sur mes chaussures presque plates lorsqu'il m'ouvre la porte du bar. En temps normal, c'est plutôt mes jambes que les hommes aiment admirer.

L'intérieur d'inspiration industrielle nous accueille. Thimotée, sûr de lui, nous conduit à une table haute vide près de la fenêtre. Je pose mon sac aux pieds de mon tabouret à l'assise rouge en m'installant, puis relève la tête vers le visage toujours aussi fermé de mon date. Voilà pourquoi je déteste me retrouver à nouveau dans cette situation de premier rendez-vous, pourquoi je n'ai eu que des relations sérieuses de longue durée depuis mon adolescence ; je déteste purement et simplement les malaises des premières fois.

Sur le papier - par messages - Thimotée avait l'air d'être un garçon adorable, drôle, ouvert d'esprit. Mais il semblerait que son cul soit encore plus coincé que celui de ma tante Monique.

- Tu es grande, me dit-il finalement en tapotant la table en bois entre nous. Tu ne l'avais pas inscrit sur ton profil.

Un serveur au look hipster - moustache en guidon et chemise à carreaux - vient prendre nos commandes et m'empêche de lui répondre. Bien que nous soyons dans un bar ayant pour spécialité la bière, je choisis le coca-cola sur la carte. Un choix qui semble encore poser souci car Thimotée fronce ses sourcils épais.

- Je ne pensais pas que ce serait un problème.

- De ?

- Ma taille.

Il pince ses lèvres fines, les faisant presque disparaître, et hoche la tête.

- C'est si grave ? lui demandé-je en forçant un rire.

Thimotée se racle la gorge et tire sur le col de sa chemise boutonnée jusqu'en haut.

- Eh bien, je préfère pouvoir embrasser mes conquêtes sans avoir à grimper sur des échasses, tu vois ? Tu devrais ajouter l'information à ton profil.

Mes yeux s'arrondissent sous le choc de sa déclaration. Ses quoi ? Des quoi ? Pardon ?

Je décroise les jambes et serre les poings sur mes cuisses.

- Je te rassure, je ne suis pas si grande... Et ne t'inquiète pas, tu n'auras pas besoin d'échasses puisque je ne suis pas une de tes conquêtes.

Je me lève alors que le serveur arrive à notre hauteur. Je jette mon sac sur mon épaule et dit :

- Le petit bonhomme va payer !

J'entends la respiration de Thimotée se couper d'indignation et le rire étouffé du serveur retentir derrière moi quand je prends la fuite.

Une fois à l'extérieur, je remets mon casque sur mes oreilles les mains un peu tremblantes. Parce que j'ai peur que mon échec Tinder se lance ma poursuite, je ne perds pas une seconde avant de m'éloigner du bar à la façade moderne, peinte en gris anthracite - grâce à Daphné, les couleurs de ce monde n'ont plus de secret pour moi.

Une pluie fine commence à tomber pendant que je refais le chemin jusqu'à mon arrêt de bus, pressée de pouvoir me glisser sous ma couverture, dans mon plus beau pyjama, en compagnie de Clochette qui ne me reproche jamais d'être bien plus grande qu'elle.

Car je ressens tout à coup le besoin d'extérioriser mon agacement, j'ouvre la conversation de mon groupe d'amis.

🗨Maïa
Je suis trop grande...

🗨Mathias
Trop est en trop.

🗨Elliot
Qui t'a dit ça ?

🗨Manon
Ton rendez-vous s'est mal passé ?

Je me laisse tomber sur le banc de mon arrêt, à côté d'une personne âgée accrochée à son panier comme si sa vie en dépendait.

🗨Maïa

À partir de quand, c'est trop ?
Mon stupide rendez-vous.
Pas vraiment...

Un appel général est lancé par Manon. Appel auquel nous répondons les uns après les autres - même Elliot et Mathias pourtant assis ensemble dans le canapé en similicuir camel de ce dernier.

- Il ne voulait pas avoir à monter sur des échasses pour m'embrasser.

À côté de moi, la dame toussote.

- Tu n'es pas si grande. C'était un nain ou quoi ? me demande Elliot tandis que Mathias se retient d'exploser de rire au point que son visage vire au rouge.

- Même pas... Je dirais qu'il m'arrivait à peu près... ici, dis-je en plaçant ma main sous mes narines.

Sur l'abri de l'arrêt de bus, les gouttes de pluie se font plus lourdes, me poussant à augmenter le son pour entendre Elliot me répondre :

- Ça ne m'a pas l'air d'être une si grande différence de taille. Et puis même si ça l'était, il est où le problème ?

Je frotte pensivement mon front et ramène mes pieds sous le banc pour éviter qu'ils ne soient trempés par l'averse qui s'abat désormais sur nous.

- J'en sais rien, mais je pense que tu es la personne la moins bien placée pour discuter de ça. Tu es super grand, El ! La probabilité pour que tu tombes sur une fille encore plus grande que toi est proche de zéro.

Il ouvre la bouche pour s'offusquer, mais se tait en voyant Manon attraper son téléphone qui jusqu'à présent nous présentait une vue parfaite sur son plafond blanc. Sur nos écrans, elle apparaît, un chignon bancal sur le haut du crâne et un masque de beauté en tissu plaqué sur le visage. C'en est trop pour Mathias. Notre ami s'excuse, puis s'éloigne de son portable pour exploser de rire. Les lèvres d'Elliot tressaillent alors qu'il empêche un sourire de s'élargir.

- Elle a raison, tu ne peux pas comprendre..., commence Manon, pas le moins du monde perturbée par la réaction de Mathias.

- Alors c'est moi qui suis trop grand maintenant ?

Manon et moi lui lançons un regard noir qui nous vaut un roulement d'yeux.

- Comme Elliot, je ne sais pas si je peux vraiment m'exprimer sur le sujet... Je fais un mètre douze et j'aime quand un homme est plus grand que moi, car ça me donne une impression de sécurité. Mais au fond, je pense que tout ceci est une construction sociale complètement absurde. Nous vivons dans une société patriarcale où l'homme se croit encore au-dessus de la femme. Dès que ces messieurs sont plus petits que nous, ils ressentent un sentiment d'infériorité qui leur est désagréable. Tu t'en fous, toi, non ? D'être plus grande, je veux dire. En terminale, Quentin était légèrement plus petit que toi si mes souvenirs sont bons.

J'acquiesce d'un mouvement de tête. Quentin n'était pas le petit ami parfait, mais au moins, il ne m'a jamais reproché ma taille - comme si je pouvais y faire quoi que ce soit de toute manière.

- Tu n'es pas trop grande Mama, c'est ce gars qui était trop stupide.

Elliot hoche la tête et Mathias, qui ne devait pas être bien loin, reprend son téléphone.

- Te voir sur des échasses va devenir l'un de mes objectifs de vie.

On s'esclaffe tous les quatre, puis l'arrivée de mon bus nous oblige à mettre fin à notre conversation.

- Vous êtes très jolie, me complimente la vieille dame en se redressant à l'aide de sa canne. J'ai 80 ans et c'est moi qui vous l'dit, les hommes sont des chochottes.

Je glousse et tends mon bras pour l'aider à grimper à l'intérieur. J'attends qu'elle soit installée avant de la remercier chaleureusement. Le cœur plus léger, je vais m'asseoir au fond du véhicule presque vide à cette heure où les gens sont soit bien au chaud chez eux, soit déjà en soirée. À ma gauche, la pluie trace des chemins incertains sur la vitre. Je croise les bras autour de mon sac, souris, et me laisser bercer à la fois par la musique et par les impulsions du bus.

Est-ce étrange d'avoir le sentiment de me sentir plus légère ? Comme si les fissures de mon cœur avaient finalement été comblées avec de la peinture d'or ? J'ai, en quelque sorte, encore été rejetée ce soir, mais en sautant le pas, en acceptant l'idée que je pouvais recommencer à zéro, avancer pour de bon, pour de vrai, ma peine de cœur semble être entrée en rémission.

Hello 🐰

Comment ça va, vous ?
Perso, je me remets du Covid. Je passe une grande partie de mon temps à dormir tellement je suis éclatée... mais j'ai tout de même écrit un peu et, surtout, décidé d'enfin vous révéler le nouveau titre de cette histoire.

Alors, Philosophie des Papillons, on en pense quoi ?
J'ai également profité de ce changement de titre pour refaire la cover. Je l'aime beaucoup et j'espère qu'elle vous plaît également.

Sinon, qu'avez-vous pensez de ce chapitre ? Maïa essaie d'avancer et de passer à autre chose, mais Antoine a clairement laissé une marque...
Heureusement, elle est bien soutenue ! Entre Elliot, Manon et Mathias (on commence un peu à les connaître maintenant), c'est lequel votre petit chouchou ?

Je pense qu'il doit rester pas mal de répétitions et de fautes dans ce chapitre... J'avoue qu'ici, je vous poste mon premier jet vraiment brut... je reviendrai dessus plus tard, lorsque j'aurai terminé cette histoire.

Enfin bref, je vous dis à bientôt ! Et merci à ceux qui sont toujours là, votent et commentent ; ça fait chaud au cœur 💚

Un escargot bizarrement élégant 🐌

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