Chapitre 11

Maïa

Aujourd'hui

Les studios décorés par les architectes de mon père pourraient se confondre avec des chambres VIP bien équipées d'un hôpital privé. Tout y est blanc. Le carrelage au sol, mural, les meubles de la kitchenette, les murs. C'est froid, sans âme. Mais ça n'a pas l'air de déranger la jeune étudiante en droit qui les visite. De loin, je l'entends déjà discuter avec ses parents d'ajouter une touche personnelle.

— Si votre dossier est accepté, il faudra rendre les lieux en l'état, les prévient Adam.

Je roule des yeux derrière lui.

— Ne vous inquiétez pas, du moment que vous ne cassez pas les murs, ça ira.

Adam me lance un regard noir. Regard qui ne m'atteint pas à côté du sourire ravi de Lola – ma future locataire. Plusieurs jeunes filles ont visité les studios ce matin, deux ont décidé de laisser un dossier. Le chiffre parfait.

— Et si tu me laissais faire mon travail, sans me superviser, marmonne Adam, les dents serrées, en se rapprochant de moi.

Adam est un garçon de taille moyenne, les yeux gris, une barbe de trois jours bien taillée, un peu d'embonpoint – la plupart des femmes le trouvent certainement mignon. Dommage que sa personnalité détestable le rende aussi laid.

Je lâche un grognement étouffé, puis les abandonne pour rejoindre mon appartement.

Célestin est en train de déplacer mon matelas jusqu'à ma chambre lorsque je pousse la porte. Aujourd'hui, c'est le grand jour, mon père et mon frère ont déménagé mon lit à baldaquin en bois et viennent de finir de le monter. Clochette aussi est arrivée, enfermée dans sa pièce de 8m² le temps qu'elle s'habitue et qu'elle puisse découvrir le reste des lieux sans craindre de se faire marcher dessus par mon père qui ne regarde jamais où il met les pieds. Mon bébé a vécu dangereusement depuis ma rupture avec Antoine.

Les sourcils froncés, j'observe ma lapine renifler les quatre coins de sa chambre à travers la porte verrière coulissante installée il y a déjà plusieurs jours par les ouvriers sous les ordres de Daphné. Rassurée de la voir grignoter un morceau de foin au passage, je continue mon chemin dans le couloir qui aura besoin de quelques cadres pour l'égayer.

Les deux hommes de ma famille font basculer le matelas sur le sommier avant de se frotter les mains. Mon père, qui me voit apparaître dans sa vision périphérique, s'exclame :

— Ah ma petite étoile ! On vient de finir ! Tu n'as plus qu'à faire ton lit !

Son exagération est telle que j'entendrais presque les points d'exclamation résonner dans l'air alourdi par mon humeur maussade.

Mon frère vient poser son bras sur mon épaule, sans m'écraser de tout son poids, pour une fois, et me donne un coup de hanche.

— Allez sis', fais pas cette tête ! On dirait Clochette lorsqu'elle fait ses crottes.

Nous enjambons ma valise, sortons de ma chambre et nous retrouvons face à Adam qui nous attendait dans le salon. Je grogne à nouveau face à la poignée de main que Célestin échange avec lui, tout sourire.

— Tu ne pouvais pas attendre dehors ?

Les yeux plissés et les narines dilatées, il me tend un tas de feuilles.

— Ils avaient apporté tous les papiers nécessaires. J'espère que cette fois, madame acceptera d'y jeter un œil.

— J'ai regardé tous les dossiers que tu m'as envoyés, grincé-je.

Rapidement, j'épluche ceux qu'il vient de me donner et arrête en sentant la main de mon père se poser sur mon épaule droite.

— Lola et Amandine, tranché-je, d'une voix ferme.

Derrière moi, je sens mon père se redresser de fierté, comme si je venais de lui prouver que j'en étais capable. Que j'étais capable de m'en sortir. Seigneur, j'espère ne pas le décevoir.

— Ceux des quatre jeunes hommes étaient plus...

— Peu importe.

— Les fiches de paie des garants étaient...

— J'ai fait mon choix, Adam !

Nous pouvons voir les muscles de sa mâchoire se contracter quand il récupère les dossiers et me répond :

— Très bien ! Je te recontacte bientôt pour les signatures de bail et les remises de clefs.

— Merci. Au revoir.

— On se voit à l'agence, lui dit mon père alors qu'Adam disparaît. Bon, les enfants, je dois vous laisser, j'ai du boulot qui m'attend.

Il m'embrasse sur le crâne et tapote celui de mon frère avant de s'en aller à son tour. Une fois la porte fermée, Célestin se tourne vers moi, les yeux ronds.

— C'est quoi ton problème ?

Les bras croisés, je décide de jouer l'innocente.

— Comment ça ?

Mon frère roule des yeux devant ma piètre tentative.

— T'as vu comment t'es désagréable avec Adam ? Le gars, il t'aide à remplir cet endroit, c'est pas ton chien oh ! Et encore, je crois que même un chien, tu le traiterais mieux que ça ; il suffit de te voir avec Clochette.

— Oh d'ailleurs ! Tu as vu sa chambre ?

Je le contourne avec un petit sourire en coin, mais il m'arrête d'une pression autour du bras.

— Non, sérieux, il t'a fait quoi ?

Je lève la tête pour le regarder dans les yeux et soupire face à son air déterminé.

— Il est pénible, c'est tout.

Célestin fait la moue en caressant son menton rasé de près.

— De ce que j'ai vu, il réagit surtout à ton attitude, sœurette. Il s'est toujours montré sympathique avec moi.

— Eh bien, tant mieux pour toi ! Il ne l'a jamais été avec moi.

Pour être tout à fait honnête, je ne me souviens plus vraiment quand a commencé cette petite guéguerre avec Adam ni pourquoi. Je sais juste que lui comme moi y sommes désormais habitués.

Les lèvres de mon frère tremblotent sous l'effort qu'il déploie pour retenir son sourire.

— Tu es rancunière avec les mauvaises personnes, Maïa.

Je lui tire la langue en réponse, puis me remets en route d'un pas décidé.

— Je vais ouvrir à Clochette et la laisser explorer. Papa a apporté les restes d'hier soir, ils sont dans le frigo si jamais tu as faim.

Cette fois encore, mon frère stoppe mon avancée en attrapant mon bras. Mon cœur accélère ses battements. Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qu'il affiche un air désolé. Je sais même ce qu'il va me dire avant qu'il n'ouvre la bouche.

— Moi aussi, je dois y aller. Je suis déjà en retard pour mon service.

Célestin est devenu serveur juste après l'obtention de son Bac Scientifique. Notre père aurait voulu qu'il le rejoigne dans l'immobilier après des études d'économie, mais il en a décidé autrement. À l'époque, il venait de faire son coming-out auprès de nos parents et la nouvelle avait été difficile à digérer. L'éducation religieuse de notre père s'est mise en travers de sa tolérance le temps de quelques mois. Quelques mois pesants pour Célestin qui s'est empressé de chercher un emploi afin de se trouver son propre chez lui. Aujourd'hui, les choses se sont apaisées, mais il n'a présenté aucun de ses petits amis à notre famille, préférant encore garder son jardin secret.

Mon grand frère m'attire dans ses bras, puis pose son menton sur le haut de mon crâne.

— Ça va aller ! Tes amis ne vont pas tarder à arriver et tu sais que tu peux m'appeler si tu te sens mal. J'habite à deux pas.

— Merci, murmuré-je, la gorge serrée par un sanglot contenu.

Je ne sais pas pourquoi j'appréhende autant de me retrouver seule ici. Il fait jour. Clochette est là pour me tenir compagnie. Je suis une adulte...

En riant, mon frère me détache de lui.

— Allez sangsue, je dois vraiment me mettre en route là !

Le parquet grince tandis que Célestin s'éloigne. Dans ma plus belle imitation de Kitty Pattes de Velours, j'espère le voir se retourner une dernière fois et changer d'avis. Les yeux comme des billes, je prie pour qu'il reste juste un peu. Parce que c'est faux, je ne suis pas une adulte. Pas encore. Je suis toujours une petite fille immature qui joue la grande et ne s'amuse même pas.

🌸🌸🌸

Manon est la première à arriver, sur les coups de 15 heures. Elle me trouve assise par terre dans la pièce de Clochette, occupée à brosser le poil touffu de cette dernière. Ma lapine, loin d'être ravie, tente de s'échapper en me donnant des coups de pattes à la manière d'un kangourou en colère.

— J'espère que tu es sortie d'ici depuis le départ de Célestin. Oui, il m'a envoyé un message.

Ma meilleure amie, mains sur les hanches, profite de ma position pour me regarder de haut.

— J'ai été aux toilettes.

Manon soupire en retirant son écharpe rouge plus grande qu'elle, puis sa doudoune noire.

— Libère cette pauvre lapine et viens avec moi !

Malgré son grognement désapprobateur, j'embrasse Clochette entre les oreilles avant de suivre Manon jusqu'au salon. Les bras croisés, je la regarde déposer ses affaires sur les chaises dépareillées qui entourent ma table à manger ronde.

— Tu as du thé ? On va se faire un thé ! me dit-elle en ajustant son col roulé noir. Bon sang ! Pourquoi j'ai enfilé ce truc ?

Elle ferme les yeux, fait le signe zen avec ses mains et se reprend. Sans grand enthousiasme, je la suis jusque dans la cuisine, en fixant sa longue queue de cheval caressant ses épaules à chaque oscillement. Pendant qu'elle s'empare de deux tasses bleues, je mets de l'eau dans ma bouilloire avec son infuseur intégré. Parmi toutes les saveurs à notre disposition, je choisis la préférée de Manon – un thé noir aromatisé à la myrtille.

— Tu as écouté le dernier album de Taylor ? me demande-t-elle.

— Non, pourquoi ?

Je me retourne et m'adosse au plan de travail en recroisant les bras sur mon t-shirt vert olive trop large.

— Je suis sûre qu'il te ferait du bien. Attends, je vais le mettre !

Elle sort son téléphone, se connecte à l'enceinte Marshall du séjour et lance l'album.

— Parfois, cette femme... elle sait comment nous parler !

Elle s'installe sur l'une des chaises rétro alors que je verse l'eau dans nos tasses. Je m'assois à mon tour et souffle sur mon thé. Au contact du mug, mes doigts, souvent froids, se réchauffent.

— Alors, tu es retournée sur Tinder depuis Thimotée ?

Je manque de m'étouffer avec ma première gorgée à l'évocation du désastre. Thimotée n'a même pas cherché à s'excuser et je l'ai bloqué. Affaire close.

— Oui, un peu. Je parle avec un gars, Sébastien. Il m'a demandé mon Insta ce matin. Et j'ai ajouté ma taille sur mon profil...

Les yeux de ma meilleure amie s'arrondissent. Mon estomac se tord sous l'inquiétude.

— Tu ne lui as pas donné j'espère !

L'étau à l'intérieur de mon ventre se resserre. Heureusement que je n'ai presque rien mangé de la journée, car je pourrais presque tout recracher.

— Si... Pourquoi ? J'aurais pas dû ?

Manon plaque ses mains sur son visage de manière dramatique en gémissant.

— Débutante ! s'écrie-t-elle ensuite au point de me faire sursauter.

J'ajoute une cuillère de miel dans ma tasse et touille en fronçant des sourcils, perplexe.

— Ça fait plusieurs jours qu'on discute. Il est cool.

La réaction de mon amie ne se fait pas attendre ; elle renifle de manière dédaigneuse, et secoue la tête.

— Je croyais que tu voulais que je sorte de ma zone de confort, que je prenne des risques ? m'agacé-je en lâchant ma cuillère sur la table.

— Oui, bien sûr, j'ai envie que tu t'ouvres aux autres, mais... tu es trop naïve pour Tinder, marmonne-t-elle si bas qu'on dirait qu'elle se parle à elle-même. Enfin bref ! Je suis sûre que ça va aller !

Je hausse mes épaules, puis sirote tranquillement ma boisson en écoutant Taylor Swift partager ses expériences. Manon avait raison, grâce à elle, je me sens moins seule.

🌸🌸🌸

Assis sur mon canapé, Mathias se goinfre de chips sous le regard affligé d'Elliot. Les garçons sont arrivés en même temps vers 19 heures. Le premier avec un sac de courses rempli de gâteaux apéritifs ; le second avec mon anthurium de nouveau en pleine forme. Installée dans l'énorme pouf que j'ai sorti de la chambre d'ami, Manon, de son côté, pianote sur son téléphone pendant que je fais des allers-retours entre le séjour et la cuisine pour apporter nos victuailles. Une bouteille de coca sous le bras, un bol de tomates cerise dans la main gauche, je tente d'ouvrir le message Instagram de ma nouvelle connaissance Tinder de la main droite. Mais lorsque j'y parviens enfin, ce qui s'affiche sous mes yeux me provoque un hoquet de surprise si intense que mon portable m'échappe et tombe sur l'entrejambe d'Elliot. La honte me fige sur place. La tête baissée, Elliot fronce les sourcils face à la photo en gros plan du membre en érection de Sébastien. Ce n'est qu'au moment où il relève lentement les yeux pour me regarder que je réagis.

Les joues brûlantes, je laisse tomber bol et bouteille sur le canapé afin de récupérer mon téléphone, sauf que dans la précipitation, et à cause de mes mains devenues moites d'angoisse, il me glisse encore entre les doigts. Un gémissement plaintif sort de ma bouche. Bon sang, ce truc s'est transformé en savonnette ou quoi ?

Face à ma détresse, Elliot ramasse l'objet maudit et se lève pour me le rendre.

— Mon dieu, je suis tellement désolée !

— Qu'est-ce qui se passe ? s'enquièrent Manon et Mathias.

Je suis sûre que la panique se lit aisément sur mon visage, pourtant Elliot leur répond :

— Elle a reçu une dick pic.

— Quoi ? s'exclament nos amis.

Furieuse, je pousse Elliot. Hilare, il retombe sur le canapé.

— Montre ! m'ordonne Manon en m'arrachant le téléphone des mains.

La main plaquée sur la bouche, les pommettes roses, elle glousse en ouvrant le message.

— Il a triché ! T'as vu l'angle ? me dit-elle en me fourrant la photo sous les yeux. Je suis sûre qu'en réalité, elle n'est pas aussi énorme.

À son tour, Mathias demande le téléphone. Je secoue la tête et m'assois à côté d'un Elliot toujours en train de se marrer. Les coudes sur les genoux, je cache mon visage entre mes mains.

— Tu vois que c'était une mauvaise idée... Tu t'es fait dick picked !

Le rire d'Elliot, qui s'était enfin calmé, reprend de plus bel. J'attrape le coussin à ma droite et lui fous dans le visage.

— Tais-toi un peu, El ! J'ai rien demandé, moi ! Il avait l'air sympa ! Comment je pouvais deviner qu'il allait m'envoyer une photo pareille, hein ?

Mathias me rend mon téléphone, l'air impressionné.

— Manon a raison, l'angle est parfait. Le gars sait prendre des photos de bites.

Mes trois meilleurs amis échangent quelques regards, puis éclatent de rire.

— Je sais que vous essayez de dédramatiser la situation, leur dis-je, mais je me sens trop mal, là.

Cette fois, c'est mon front que je colle contre mes genoux. Elliot pose sa main sur mon dos et le frotte doucement.

— C'est vrai, Manon, je suis trop naïve et stupide pour tout ça.

Ma meilleure amie s'installe à côté de moi et sa main remplace celle d'Elliot.

— Dis pas n'importe quoi ! C'est ce mec le problème, pas toi ! On va le signaler et le bloquer, t'inquiète pas.

Mon torse se soulève sous le coup d'une inspiration saccadée. Je sais qu'elle a raison, que je ne devrais pas me sentir sale ou gênée à cause des actes d'une autre personne. Mais la honte et le dégoût de soi sont des sentiments puissants, difficiles à enrayer. Une fois qu'ils se font une place à l'intérieur, ils s'accrochent à vous comme des parasites. Et, actuellement, la vermine a planté ses griffes sous mon crâne.

— Il n'y a que des porcs qui envoient des photos de leur engin sans consentement, hein Elliot ? nous dit Mathias, tout en cherchant l'approbation du deuxième garçon de la pièce.

Je le sens s'agiter à côté de moi. Sans doute n'est-il pas ravi de devoir répondre à cette question.

— J'envoie pas de photo de mon engin tout court, mais ouais, les mecs qui font ça sans l'accord de l'autre personne sont des gros dégueulasses. Tu n'as rien à te reprocher, ajoute-il à mon attention.

Mes amis ont beau s'y mettre tous les trois pour me rassurer, c'est le bruit des pattes de Clochette sur le parquet qui me fait me redresser. J'abandonne ma place sur le canapé pour la rejoindre. Accroupie, je lui murmure :

— Viens faire câlin, Clo, maman a vu des horreurs.

Ma lapine remue son petit nez avant de tracer sa route jusqu'à mes amis.

— T'envoies vraiment jamais de photo de ton engin ? Même pas quand tu étais avec Camille ? Ça m'est arrivé d'en envoyer à Léonie, vu qu'elle vivait dans le sud...

Elliot se baisse pour caresser Clochette, arrêtée à ses pieds.

— Personne, ici, n'a envie de savoir que tu envoies des dick pics, Mathias.

— C'était entièrement consenti !

Clochette saute sur le canapé et pose ses deux pattes avant sur la jambe d'Elliot. Un sourire qu'il essaie de dissimuler en baissant la tête s'épanouit sur ses lèvres. Quelque chose d'étrange chatouille mon estomac. Je pose ma main sur mon ventre.

— Eh, ça va ? me demande Manon. J'ai signalé et bloqué l'ordure de partout.

Sa main caresse le haut de mon bras et j'acquiesce.

— Oui, ça va. J'ai faim, je crois.

Manon m'entraîne jusqu'au pouf si grand qu'on arrive à s'y asseoir toutes les deux. En face de nous, Clochette, toujours à côté d'Elliot, le regarde retirer sa surchemise et se poser plus confortablement contre le dossier du canapé. D'un bond, elle saute sur son ventre, puis gratte son t-shirt noir, sans se transformer en furie comme elle en a l'habitude avec moi. Concentré sur les paroles de Mathias, il la caresse entre les oreilles.

— Elle ne fait pas ça avec moi, marmonné-je. Elle ne faisait même pas ça avec Antoine.

— Quoi ? me glisse Manon en me filant le paquet de 3D.

D'un signe de tête, je lui montre Elliot.

— Oh... souffle-t-elle. Tu penses qu'il se rend compte qu'il pourrait créer une émeute. Parfois, je le l'observe et je sens l'orgasme monter.

Mon coude que je fourre dans ses côtes lui déclenche un gloussement.

— Non mais ça va pas ?

— Roh allez, je rigole ! Avoue qu'il est craquant... même Clochette est d'accord avec moi !

Je me tourne vers notre ami que j'ai déjà étudié sous toutes les coutures à de multiples reprises, je l'avoue. De profil son nez a une légère bosse qui casse l'harmonie quasi parfaite de ses traits – un défaut qui, en réalité, lui donne beaucoup de charme.

Mes yeux parcourent son corps élancé, de ses jambes écartées à son bras posé le long du dossier du canapé, et mon ventre se contracte douloureusement à la vue de son biceps qui se gonfle pendant que sa main vient fourrager ses cheveux coupés en dégradé. Entre le brun et le roux foncés, ils font ressortir le vert si particulier de ses yeux.

La bouche sèche, je m'enfile plusieurs 3D.

— Tu es vraiment affamée, rigole Manon, sans chercher à dissimuler l'allusion salace de sa remarque. C'est pour ça que tu ne devrais pas te décourager avec Tinder, affirme-t-elle en rehaussant la voix. Pour la faim que tu ressens, ça peut être utile.

Je secoue la tête avant de boire une gorgée de mon thé glacé.

Sur le canapé, Mathias, qui a arrêté de parler pour nous écouter, gesticule.

— Bon, maintenant que tu as l'air remise de tes émotions, tu nous expliques ce que tu fous sur Tinder ? Que Manon et moi soyons dessus n'a rien de surprenant, mais toi... Ça n'a rien de péjoratif ou quoi, le prend pas mal, mais en réalité, c'est toi la vraie fleur bleue de notre groupe, Manon se donne juste un genre.

Le corps de notre amie se tend à ma gauche.

— L'un n'empêche pas l'autre ! Ce n'est pas parce que j'aime le sexe que je suis contre le romantisme.

Mathias roule des yeux et se penche en avant.

— Ouais, ouais, si tu veux. Mais pour Maïa, l'un empêche l'autre, tu le sais bien, ajoute-t-il comme si je n'étais pas là. Elle n'a eu que des relations longues et sérieuses.

Ses sourcils tressautent sur son front. Les données en sa possession semblent s'additionner en l'espace de quelques secondes.

— C'est toi qui l'as inscrite sur Tinder ! l'accuse-t-il. Pourquoi ?

Je m'enfonce dans le pouf alors que Manon se redresse. Elliot, de l'autre côté de la table de salon, me regarde. Mon verre contre mon menton, je lui offre un sourire pour adoucir l'inquiétude qui s'est dessinée sur ses traits.

— Parce qu'elle avait besoin de passer à autre chose. Elle était obsédée par Antoine. Sortir lui fait du bien !

Elliot penche la tête sur le côté. Sa question silencieuse « ça te fait vraiment du bien ? » résonne presque plus fort que la réponse de Mathias.

— Ça lui fait du bien ? Un mec lui a dit qu'elle était trop grande, un autre lui envoie des photos de sa bite... Ce sera quoi ensuite ? Tinder, c'est la jungle ! Maïa n'a pas besoin de ça ! Elle gère tout un immeuble maintenant, des possibles locataires vont défiler ici ; c'est comme ça qu'elle va rencontrer l'homme de sa vie.

Manon se laisse retomber contre moi. Le rire moqueur qu'elle lâche fait vibrer son corps près du mien.

— Et c'est nous les fleurs bleues, marmonne-t-elle.

— Bon, ça suffit ! lancé-je en me sortant difficilement de notre assise. Au cas où vous l'auriez oublié, je suis là et je sais prendre des décisions toute seule... enfin, surtout lorsqu'il s'agit de ma vie sentimentale. Manon ne m'a forcée à rien. Ce n'est pas elle qui swipe. Je ne sais pas si Tinder est fait pour moi, mais je sais que...

Mes épaules s'affaissent un peu sous le poids des mots que je m'apprête à prononcer :

— J'ai besoin d'oublier la vie que je m'étais imaginée. Un rebond ne sera peut-être pas suffisant pour ça, mais on verra, ça ne me coûte rien d'essayer.

Sur ce, je me précipite vers la cuisine en prétextant une envie de saucisson – un choix discutable qui déclenche quelques rires derrière moi.

Cependant, une fois seule, je n'ouvre pas le réfrigérateur ; je pose mes mains sur le plan de travail et essaie de respirer à plein poumons. Il suffit de se confronter aux angoisses pour prendre conscience de l'effort que déploie quotidiennement notre corps pour nous alimenter en oxygène.

— Tu te sens bien ?

Je me tourne vers Elliot, sans chercher à afficher un sourire qui, de toute manière, aurait l'air faux. Appuyée contre le placard contenant mes casseroles, je croise les bras.

Elliot se rapproche de moi et lève sa main. Ses doigts se perdent quelques instants dans mes cheveux. Quelques instants pendant lesquels mon cœur faire une embardée. Pourquoi mon corps réagit-il de cette manière face à lui, aujourd'hui ? Les inepties de Manon me sont montées à la tête.

— Tu avais une plume d'oreiller, m'explique-t-il en reculant d'un pas.

— Merci, soufflé-je.

Un demi-sourire étire ses lèvres. En penchant la tête sur le côté, il glisse ses mains dans les poches de son jean.

— Tu ne m'as pas répondu.

Je baisse la tête et soupire.

— Ça va... C'est juste... Je me sens un peu...

— Dépassée ? propose-t-il en me voyant chercher mes mots.

J'acquiesce d'un mouvement de la tête.

— Ouais. Entre l'immeuble, la solitude, Tinder, les photos... énuméré-je. Je suppose que... Tout ça m'angoisse un peu.

Je ricane et agite les mains entre nous.

— C'est pas vrai... Je recommence à me plaindre, hein ?

Elliot capture ma main droite pour que j'arrête de gesticuler et plonge ses yeux dans les miens. Son intensité me fait déglutir.

— Maïa... Tu ne te plains pas. Tu exprimes juste ce qui te fait peur ; il n'y a rien de mal à ça.

Mes doigts s'accrochent aux siens, le font baisser les yeux sur notre point de contact.

— El ? Je sais que tu n'aimes pas ça, mais je peux avoir un câlin ?

Il ricane, puis écarte grand les bras.

— Qui a dit que je n'aimais pas ça ?

— Euh, tout le monde ?

Son rire, cette fois plus franc, résonne à mon oreille tandis que je presse le côté droit de mon visage contre son épaule. Ses bras se referment sur moi et je ferme les yeux, me laisse réconforter par la chaleur qui se dégage de son torse ferme.

— Je n'ai jamais dit que je n'aimais pas les câlins. Juste, je n'en fais pas à n'importe qui.

— Je ne suis pas n'importe qui alors ?

Sans être étouffante, son étreinte sur mon corps se resserre.

— Tu n'es pas n'importe qui, murmure-t-il, et je peux entendre un sourire craqueler sa voix.

Mes mains caressent son dos lorsque, moi aussi, je le serre un peu plus fort. L'odeur florale qui a imprégné son t-shirt pendant sa journée de travail envahit mes narines et me tire un sourire.

— Bon, il est où ce foutu saucisson, Maïa ? Tu m'as fait envie !

Mes paupières se soulèvent brusquement au moment où Mathias s'arrête sur le pas de la porte. La bouche ouverte, il regarde nos deux corps se décoller l'un de l'autre, puis s'écrie :

— Manon ! Ramène tes fesses, Elliot accepte de faire des câlins !

Nous entendons ses pas frapper le parquet ancien alors qu'elle nous rejoint en courant. À côté de moi, Elliot jure dans sa barbe.

Nos deux amis se jettent sur nous en même temps et mon rire couvre le grognement d'Elliot quand Mathias dit :

— Hmm, tu as reçu une livraison de roses, toi, je me trompe ?

🌸🌸🌸

Lumière allumée, enroulée dans ma couverture protégée par une housse de couette verte, je reste immobile en jetant des regards inquiets dans tous les coins et recoins de ma chambre.

Mes amis sont partis peu avant minuit, me laissant seule dans l'immeuble désert.

Après avoir fait le tour de l'appartement plusieurs fois, vérifier que toutes les ouvertures sur l'extérieur étaient fermées, j'ai mis Clochette dans sa pièce avec une poignée de foin et quelques granulés, et j'ai été me coucher. Mais je n'arrive pas à m'allonger et encore moins à éteindre ma lampe de chevet. Le bois ancien de l'appartement craque dans le silence. Le vent, qui se déchaîne à l'extérieur, fait claquer les volets. Et la pluie, qui s'abat dessus, me file les pires des frissons. J'ai toujours aimé le mauvais temps, mais je ne l'avais encore jamais expérimenté dans la peur. La différence est saisissante.

Les doigts tremblants, j'attrape mon téléphone sur ma table de nuit.

🗨Maïa
Les gars... J'ai peur...

🗨Manon
Va chercher Clochette.

🗨Mathias
Laisse la lumière allumée ou regarde un truc pour t'aider à t'endormir.

Comme si Clochette allait accepter de rester avec moi. Et comme si je n'y avais pas déjà pensé. La série que j'ai lancée sur Netflix et que j'ai fini par mettre en pause, car je n'arrivais pas à stopper mon flux de pensées sur les tueurs en série, me nargue sur l'écran de mon PC portable.

J'entoure mes jambes relevées avec mes bras et pose ma joue sur mes genoux lorsque mon téléphone vibre sur mon matelas.

— Tu as vérifié toutes les portes ?

La question d'Elliot, à l'image des deux autres réponses de nos amis, me fait soupirer.

— Tu ne risques rien, Maïa.

— L'immeuble entier est vide, chuchoté-je avec colère. Je suis complètement seule. Au rez-de-chaussée. C'est flippant !

— Tu veux retourner vérifier tes trois serrures ?

Dans la bouche de n'importe qui cette question paraîtrait moqueuse ou infantilisante, mais Elliot semble juste concerné.

— Non, ça ira...

— Tu as peur de sortir de ta chambre, dit-il comme une évidence.

— Ce n'est pas drôle ! m'exclamé-je alors, sur la défensive.

— Et je n'ai pas rigolé. Je peux rester en ligne avec toi pendant que tu vas voir, si tu veux.

Je plante mes dents dans ma lèvre inférieure, puis déglutis en posant mes pieds sur le parquet. Le bois froid sous ma voûte plantaire fait se recroqueviller mes orteils. Les yeux fixés sur ma porte entrouverte, je cherche mes chaussons à tâtons.

— Maïa ?

— Oui ! Oui ! J'y vais !

Les pieds au chaud dans mes pantoufles bébé Yoda et le téléphone vissé à l'oreille, je sors de ma chambre.

— Tu restes avec moi, hein ?

Cette fois, Elliot émet un petit rire à l'autre bout du fil.

Après avoir allumé presque toutes les lumières qui se trouvaient sur mon chemin, je vérifie une nouvelle fois que mon appartement est aussi bouclé et impénétrable qu'un coffre-fort. Une fois terminé, je me presse jusqu'à ma chambre afin d'y retrouver mon lit chaud et confortable.

— Bon sang ! Je me sens tellement stupide !

Ces mots à peine prononcés, je me rends compte qu'ils ont bien plus de portée et de significations que ma peur de vivre seule ou d'avoir mal fermé ma porte. Je me sens stupide, car je me sens en décalage, constamment. Car les autres avancent pendant que je reste bloquée. Car ma vie passe et je ne fais que la regarder.

— Tu vis seule pour la première fois de ta vie. Ça n'a rien d'anormal d'être un peu effrayée.

Après avoir mis mon téléphone sur haut-parleur, je parviens enfin à m'allonger et à diminuer la luminosité de mon ampoule connectée par l'intermédiaire de son application.

— Je sais bien...

Dans le silence de nos deux environnements, je l'entends se déplacer et ouvrir ou fermer une porte sur son passage. Parce que ça me rassure, je l'imagine comme on regarderait un film passionnant.

— Excuse-moi, je ne voulais pas réveiller Elias en parlant dans le couloir.

— Pas de souci. Comment il va ? murmuré-je, en continuant de l'écouter, lui.

— Ça va... Il est un peu perturbé à cause d'une sortie scolaire. Son professeur d'histoire doit les emmener au cinéma en décembre et, tu sais, le bruit, les lieux inconnus, il n'aime pas trop ça. Je lui ai acheté un livre sur la faune sous-marine pour lui changer les idées et je vais essayer de l'emmener sur place ce week-end pour qu'il s'habitue.

Elliot est majeur, mâture, à sa propre boutique, il pourrait louer voire s'acheter un appartement sans souci, s'il n'y avait pas Elias. Son petit frère est la prunelle de ses yeux. Leur mère s'occupe bien d'Enzo, mais elle a toujours refusé d'accepter qu'Elias avait des besoins différents et, sans le vouloir, a poussé Elliot à endosser un rôle de père plus que de grand frère.

— Maïa ? Tu dors ?

— Non. Je réfléchissais, c'est tout. C'est admirable, ce que tu fais.

Il ricane tout bas, puis soupire.

— Admirable est un grand mot.

— Ne joue pas les modestes ! le réprimandé-je. Tu fais quoi là ?

Les bruits se sont atténués depuis un moment de son côté. À croire qu'il s'est immobilisé.

— Rien. Je viens de me coucher.

Oh... Je replie mes genoux contre ma poitrine, là où mon cœur s'est mis à battre un peu plus vite.

— Tu es nu ?

— Quoi ? Non ! Bien sûr que non ! s'offusque-t-il.

— Ce serait bizarre si tu étais nu alors qu'on est au téléphone, Elliot !

— Je ne suis pas nu ! Et puis, je te demande, moi, si tu l'es ?

Un silence gênant s'installe sur la ligne avant que je ne m'exclame :

— Tu m'as entendue aller vérifier mes serrures ; tu penses sérieusement que je l'aurais fait en étant nue ?

— J'en sais rien, Maïa, c'est toi qui me demandes si je suis à poil ! Manon avait raison, tu as vraiment faim, rigole-t-il et je sens mes joues me brûler.

J'enfonce ma tête dans mon oreiller afin d'y étouffer mon grognement.

— J'arrive pas à croire que tu as entendu ça ! Toute cette soirée a été tellement embarrassante. Je suis désolée pour... tu sais.

Lorsque mon portable est tombé sur son entrejambe, j'ai cru que j'allais mourir, mais savoir qu'il m'a peut-être vue le reluquer de haut en bas comme un morceau de viande est pire encore ; je vais mourir.

— T'excuse pas. Ce genre de choses arrive, rarement, certes, mais ça arrive.

— C'est gentil de me rassurer, mais on sait tous les deux que c'est faux. Elle était en plein sur ton...

Je ne termine pas ma phrase. Cette journée a besoin de se terminer. Elle n'a été qu'angoisse et moments de malaise.

— Ça te fait vraiment du bien ? Tu sais, Tinder, les rencontres, l'idée d'un rebond ?

Sa voix se fait plus sérieuse, plus basse. Cette question, je sais qu'elle le tourmente sûrement depuis plusieurs heures, comme un ongle qui vous gratterait l'arrière du crâne sans discontinuer. Ses yeux, plus courageux que sa bouche, l'ont criée quand il me regardait depuis sa place sur le canapé. Avant ma séparation avec Antoine, il n'aurait pas osé la verbaliser. Avant, il ne s'en serait peut-être même pas inquiété. Je suppose qu'à force de me voir si désemparée, son instinct de protection, celui qu'il a développé auprès de ses petits frères, s'est réveillé.

— Je sais pas trop... Je suppose que ça pourrait être fun si les mecs n'étaient pas des porcs, no offense.

— T'inquiète ! Après tes récentes expériences, que tu penses l'inverse serait surprenant.

Ouais... Parfois j'ai l'impression que toutes mes expériences mènent à cette conclusion. Que c'est une constante pour la plupart des femmes. Si l'on devait faire des statistiques, je me demande ce qui en ressortirait.

— Je peux être honnête ?

Mes doigts se crispent autour de ma couverture. Je connais l'honnêteté froide dont il peut faire preuve. Surtout avec moi. Mais ce soir son calme m'apaise. Et ça fait des semaines qu'il se montre adorable...

— Vas-y...

Il prend une inspiration avant de se lancer :

— Si vraiment ça te fait du bien, continue, amuse-toi ! Mais, jusqu'à maintenant, j'ai surtout eu l'impression que ça t'occasionnait du stress – tu l'as dit toi-même... En vrai, je n'ai jamais été pour tous ces trucs de relations pansements. Ma mère a essayé, plein de fois, et ça ne s'est jamais bien terminé. Donc je suis peut-être un peu biaisé sur la question... Mais, Maïa, n'hésite pas à aller à ton rythme, ne te force pas à faire comme les autres. Manon et toi, vous êtes très différentes et, no offense, mais elle n'est pas toujours de bons conseils.

Ma gorge s'est serrée pendant qu'il parlait d'une traite, sans reprendre sa respiration. Pas parce qu'il m'a blessée, mais parce qu'il m'a surprise. Elliot, c'est le garçon taciturne qui observe plus qu'il ne parle. Sa soudaine sollicitude est touchante.

— Bref, on est tous la personne de mauvais conseils de quelqu'un.

Je ne retiens pas mon rire, et lui réponds :

— Je reste moi-même. Je vais à mon rythme.

— Bien, souffle-t-il.

C'est vrai, je ne précipite rien. Après tout, j'aurais pu passer la nuit avec Thimotée. Malgré ce léger détail à propos de ma taille, je sais qu'il n'aurait pas rechigné.

— Tu penses réussir à t'endormir, maintenant ?

Car je sais qu'il doit se lever tôt demain matin, j'enfouis mes inquiétudes au fond de moi pour le libérer de cet appel qui dure depuis près de vingt minutes.

— Ça va aller, je crois.

— On peut aussi rester en ligne. La communication finira par se couper toute seule ; je crois que la limite est de 3 heures. Ça fera presque comme à l'époque, quand on dormait tous dans le canapé de tes parents.

Ce souvenir, pas si lointain, me tire un sourire. Je prends mon second oreiller que je plaque contre mon ventre.

— D'accord. On peut attendre que ça coupe tout seul.

— Très bien. Bonne nuit, Maïa.

— Bonne nuit, El. Et merci, murmuré-je, la voix déjà alourdie par le sommeil.

Hello 🐰

Comment ça va de votre côté ? 
J'espère que ce chapitre 11 vous a plu ! Je crois que c'est l'un de mes préférés pour le moment.

Je ne sais jamais quoi dire dans mes NDA et j'ai toujours peur d'écrire des trucs qui pourraient vous influencer ou vous empêcher de vous faire votre propre avis sur cette histoire, alors... voilà ! Dites-moi ce que vous en avez pensé, si le cœur vous en dit...

Sinon, je préfère vous prévenir, je commence à être à court de chapitres (il m'en reste 4) et, malheureusement, un événement dans ma vie perso (Life is emotionally abusive) a fait que je suis bloquée niveau écriture. Je ne sais pas exactement quand je vais réussir à réaligner des mots sur mon document Word, mais, dans tous les cas, je vous tiendrais au courant de mon avancée, ici ou sur Instagram.

Je vous dis à plus dans la section commentaires ou à dans un mois pour la suite de cette histoire 🐌

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