Chapitre 1
Maïa
Aujourd'hui,
- Excuse-moi Maïa, mais tu pourrais reprendre depuis le début ? Il y a un truc qui me chiffonne dans ton histoire.
Manon, ma meilleure amie depuis le CP, retire de mon visage l'un des coussins qui me recouvrent de la tête aux pieds.
Quand, ce midi, en rentrant chez moi, j'ai aperçu Antoine en compagnie d'une jolie blonde, j'ai d'abord cru qu'ils étaient amis. Parce que, après tout, avoir des amis du sexe opposé, ça n'a rien d'exceptionnel. C'est lorsqu'il lui a mis la main aux fesses que j'ai commencé à avoir des doutes. Je ne touche jamais les fesses de Mathias. Enfin, je ne dirais pas que ça ne m'est jamais arrivé de les effleurer, mais ce n'était jamais prémédité.
La main d'Antoine sur le cul de son « amie » était préméditée.
Mais le moment où j'ai su, où j'ai compris qu'il était en train de me tromper, c'est lorsque j'ai vu sa langue se faufiler entre les lèvres de cette fille.
Tout ce qui s'est passé après ça est encore assez flou. Je me souviens m'être figée au beau milieu du passage piéton alors qu'un imbécile, bien au chaud dans sa BMW rutilante, me hurlait d'avancer. C'est quand il a commencé à klaxonner que j'ai retrouvé mes esprits. La peur de voir Antoine se retourner m'a poussée à courir.
Oui, je suis partie en courant.
J'ai couru jusqu'à notre appartement, ou plutôt le sien - c'est lui qui paie le loyer après tout -, et une fois à l'intérieur, entourée de tous ces meubles que j'avais choisis mais qui ne m'appartenaient pas, je suis restée immobile pendant encore plusieurs minutes. Il y avait de quoi être hébétée ; Antoine et moi, on était heureux. Tout du moins c'est ce que je pensais, j'en étais même persuadée. Apparemment, ce n'était pas le cas.
Neuf mois plus tôt, après trois ans de relation, nous avions décidé d'emménager ensemble. Sur mon petit nuage, je nous voyais déjà roucouler. Nous avions pensé à tout, discuté de tout. Un peu control freak sur les bords, j'étais persuadée d'avoir abordé tous les sujets primordiaux. Je suppose que j'aurais dû insister sur la monogamie.
- Eh bien, je revenais de mon cours de danse folklorique irlandaise quand...
Manon claque des doigts devant mes yeux, puis, en rejetant ses cheveux bruns d'une longueur exceptionnelle derrière ses épaules, s'écrie :
- Voilà, c'est ça qui me chiffonne !
Mon visage se déforme en une grimace d'incompréhension. Dans tout ce que je lui ai raconté - la petite blonde, Antoine - c'est la danse folklorique qui lui pose problème ?
- Depuis quand tu prends des cours de danse folklorique ?
Ses lentilles d'un bleu effrayant se plantent dans mon regard d'un noisette chaleureux.
- J'ai fait un rêve il y a quelques semaines, où je faisais de la danse folklorique sur un terrain de foot. Et Mbappé, très impressionné par ma performance, venait me demander une photo pour son Instagram.
Ses sourcils se froncent et je m'enfonce un peu plus sous ma pile de coussins.
Je suis contente que mon père ait décidé de ne pas toucher à ma chambre quand j'ai pris la décision d'aller vivre avec Antoine. Il devait se douter que je finirais par revenir. Lorsque Célestin, mon grand-frère, est parti de la maison, la sienne s'est transformée en bureau en une pauvre semaine. Après neuf mois, la mienne est restée la même.
- T'es fan du PSG ?
- Non, pourquoi ?
Elle ne répond pas à ma question et enchaîne :
- T'aime le foot au moins ?
- Pas vraiment, non.
- Alors pourquoi tu voudrais prendre une photo avec Mbappé ?
- J'ai jamais dit que je le voulais.
Manon plisse les yeux.
- Alors pourquoi prendre des cours de danse folklorique ?
Je soupire en me redressant et sors enfin la tête et les épaules de sous mes coussins.
- C'est pas parce que je ne veux pas en prendre maintenant, que si l'occasion se présentait je refuserais d'en prendre une.
La nuance n'a jamais été le truc de ma meilleure amie.
- Ça n'a aucun sens. Ce n'était qu'un rêve, tu penses que tes rêves sont prémonitoires ?
- Pas prémonitoires, mais je pense qu'il faut les prendre au sérieux, que, parfois, ce sont peut-être des signes que je dois changer des choses dans ma vie.
Elle se lève, le bout de son index posé sur son menton. Encore aujourd'hui, son look ne laisse rien au hasard, on la dirait tout droit sortie d'un M/V de groupe de K-pop. Une veste en cuir, une jupe en tulle orange, des bas noirs. Elle me redonnerait presque le sourire tellement je la trouve adorable.
- Donc la fois où tu as rêvé de cette vache géante, c'était quoi le message ?
- Que je devrais penser à devenir végétarienne ?
L'expression de mon amie reflète une nouvelle fois la confusion.
- Tu l'as fait ?
- J'ai diminué ma consommation.
- Bon, OK, admettons, mais la danse folklorique ?
Je lui offre mon plus bel air blasé, pour lui signifier : est-ce vraiment nécessaire que je t'explique mes raisons ?
En réalité, elles sont plutôt simples : je ne sais pas quoi faire de ma vie. Je me moque de Mbappé, je voulais juste essayer, trouver un truc dans lequel je serais douée. Pourquoi n'aurais-je pas pu avoir un talent inné pour la danse folklorique irlandaise, hein ?
Pour info : ce n'est pas le cas. On peut même dire que je crains. Je ne sais pas si c'est parce que mes jambes sont trop longues, mais je n'arrive pas à me coordonner comme il faut. Alors qu'en principe, je suis plutôt douée lorsqu'il s'agit de remuer mon corps.
Manon croise les bras sur sa poitrine et, avec une petite moue triste, me dit enfin :
- Donc, Antoine t'a trompée. Tu l'as quitté j'espère ! Quel petit enfoiré, j'ai jamais eu confiance ! Il était trop blond, trop beau, ses yeux trop bleus pour...
Je cesse de l'écouter. Je suppose que vu l'heure, Antoine a dû comprendre, qu'en effet, je l'avais quitté. Vider ma penderie et emmener notre lapine a dû lui mettre la puce à l'oreille. Et le mot que je lui ai laissé : « sois heureux avec ta blonde », a dû finir d'éclairer sa lanterne.
Clochette - ma lapine tête de lion -, me lance un regard noir depuis son enclos. Elle n'a pas pour habitude d'être enfermée. Chez nous... chez lui, nous la laissions vivre en semi‑liberté. Mais je ne pense pas que mon père apprécierait de la voir s'attaquer à tous les meubles en bois de sa maison.
Comment a-t-il pu faire ça à notre bébé ? La priver de ses deux parents alors qu'elle n'a même pas un an.
J'envoie valser mes coussins et, sous le regard médusé de Manon, je vais chercher Clochette. Comme à son habitude, elle tente de me mordre au moment où je m'approche, mais une fois dans mes bras, la vilaine s'installe contre ma poitrine.
Le ventre noué, je caresse sa fourrure grise et touffue.
- Quand je n'aurais plus envie de le tuer, je demanderai à ton père s'il souhaite mettre en place une garde alternée.
Pour toute réponse, Clochette frotte ses dents les unes contre les autres.
Manon, qui sans ses talons habituels m'arrive seulement à l'épaule, vient poser sa tête contre mon bras. Mon bébé grogne en face de son nez, plus pour la forme qu'autre chose, et reprend sa place contre mon cœur.
- Comment tu te sens, genre vraiment ?
Je repose Clochette sur son petit lit et Manon prend sa place au creux de mes bras.
- Je sais pas trop. Je suis en colère et un peu triste. Je pensais...
Elle lève les yeux pour me regarder. On avait des projets ensemble. J'ai beau être complètement paumée lorsqu'il s'agit de mon avenir professionnel, avec Antoine je voyais loin. Très loin. Malgré nos différences, nos problèmes, je pensais qu'on était soudés, qu'on pourrait traverser toutes les tempêtes - comme dans tous ces foutus romans à l'eau de rose.
L'infidélité n'est pas une simple tempête, c'est un putain d'ouragan. Si Antoine a été voir ailleurs, c'est qu'il préférait faire des projets avec une autre que moi.
- Je pensais que c'était pour la vie, lui révélé-je finalement, le ton amer.
Comme un animal, elle frotte sa joue sur mes seins.
- Mama, t'es trop bien pour lui, me dit-elle alors que je parviens à m'extraire de sa poigne.
Je retourne m'allonger parmi mes coussins et, la tête penchée en arrière, j'observe les volants blancs de mon lit à baldaquin.
- Tu penses que c'est ma faute, que je l'ai fait fuir ?
Je tire sur mes cheveux bruns bouclés. J'ai toujours refusé de me faire des lissages brésiliens ou de changer ma couleur, mais peut-être aurais-je dû ? Elle était blonde, punaise !
- Eh bien, tu l'appelais quand même mon Rondoudou chéri.
Les yeux ronds, je me redresse en position assise.
- Mais il est fan de Pokémon !
- Ouais, bah qu'il aille croupir en Enfer avec sa Carapute.
Un petit rire étranglé s'échappe de mes lèvres.
- On devrait pas... Enfin, si ça se trouve cette fille ne sait même pas que j'existe et puis, c'est pas cool pour les péripatéticiennes ni pour Carapuce d'ailleurs.
Manon roule ostensiblement des yeux.
- Tu me désespères parfois, tu sais ça ?
Ouais, je le sais. Peut-être même qu'Antoine m'a trompée parce que j'étais trop désespérante.
- Je rigolais ma poulette, tu sais bien qu'il n'y a absolument rien qui cloche chez toi. (Je fais la moue.) Antoine est juste un enfoiré. Les hommes sont des enfoirés.
- Sauf Mathias !
Mathias, comme Manon, est mon meilleur ami depuis le CP. Avant l'école primaire, ma mère m'enseignait les bases à la maison, et c'est mon père, tracassé par mon comportement associable, qui nous a poussées à couper le cordon. L'angoisse de séparation aurait pu m'en faire voir de toutes les couleurs, mais, finalement, les effets ont surtout été bénéfiques. Je suis sortie un peu de ma coquille et j'ai rencontré mes deux meilleurs amis.
- Et Elliot ! ajoute-t-elle.
Bien malgré moi, je grimace. Elliot a intégré notre petit groupe lors de notre année de seconde. Mathias, qui avait été séparé de nous, a agrandi son cercle d'amis et nous a ramené ce grand taciturne. J'aime bien Elliot, vraiment, sauf qu'il a ses moments. Ses comportements d'abruti ont créé un courant étrange entre nous. Dès que je pense entrevoir un passage, ce garçon a un don pour me claquer la porte au nez. Donc, c'est sûr, il n'est pas à proprement parler un enfoiré, mais bon...
Un léger coup donné à ma porte nous fait pivoter. Elle s'ouvre avec douceur et laisse apparaître mon père habillé d'un costume ajusté.
- Ma petite étoile, j'ai eu ton message, tout va bien ?
Une envie de courir me réfugier dans ses bras rassurants me prend, mais je la réfrène.
- Oui, papa.
Le regard concerné, il fait une petite moue en réponse à mon ton morne. Je n'ai jamais su lui mentir, pas même lorsque ça aurait été nécessaire. Le jour où il a compris, à cause de mes bafouillages, que j'avais perdu ma virginité avec mon petit ami du lycée a été des plus gênants.
- Tu restes manger Manon ?
- Avec plaisir, Isaac, roucoule-t-elle.
Allez savoir pourquoi ça l'amuse de dragouiller mon paternel. Heureusement, désormais habitué à ses taquineries, mon père roule des yeux et l'ignore.
- Je vais préparer un cari de poulet.
- Oh, j'en salive d'avance !
Contrairement à Manon, mon estomac plombé, loin d'être affamé, ne me provoque aucune salivation. Je ne rechigne pourtant jamais devant une spécialité de mon père. D'origine réunionnaise, il trouve important de nous connecter, mon frère et moi, à nos racines. Et pour ce faire, il utilise la cuisine.
- Je me change et, si vous voulez, vous pouvez venir m'aider.
Je reçois un coup d'œil appuyé avant qu'il ne quitte la pièce.
- Seigneur, les hommes de ta famille sont trop beaux ! Ton frère sera là ce soir, tu penses ?
Je roule des yeux.
- Tu te souviens que tu n'as aucune chance, car Célestin est gay, non ?
- Bien sûr ! Mais je m'en fous, je l'aime.
Elle mime un cœur avec ses mains afin d'appuyer ses propos.
- Tu aimes tout le monde, rigolé-je.
- Et tu n'aimes personne.
Faussement offusquée, j'ouvre la bouche et tombe en arrière sur mon matelas en me tenant la poitrine. Hilare, Manon me saute dessus pour me chatouiller. Après cinq bonnes minutes, pendant lesquelles je hurle à la mort, ma meilleure amie cesse de me torturer. Ses doigts écartent mes boucles de mon visage et, avec un petit sourire, elle me dit :
- Ça va aller, Mama. Tu es forte, belle, et grâce à ton cul, tu rebondis comme personne !
- T'es horrible ! m'indigné-je.
Elle me tire la langue et quitte ma chambre pour, sans doute, aller prêter main-forte à mon père.
Mon ventre se tord d'appréhension.
Ça va aller.
J'aimerais tellement pouvoir en être sûre.
Alors voilà, le début de Philosophie des Papillons !
Ça me fait tout bizarre de reposter sur la plateforme ! J'avais oublié à quel point c'était cool et stressant en même temps...
Pour info, cette histoire se déroule en France. Dans une ville que je connais très bien... J'espère qu'écrire sur un environnement que je connais m'aidera à développer mes maigres descriptions, mais bon... je n'aime pas trop ça, alors ne nous emballons pas trop.
Ensuite, le ton de LTdP devrait être un peu différent de celui de NTT, moins lourd, je dirais. Je ne sais pas si je vais réussir à tenir l'humour très longtemps (j'aime pleurer voyez-vous...), mais je vais essayer de faire en sorte que cette histoire ne soit pas complètement déprimante.
Enfin bref, que pensez-vous de Maïa pour l'instant ? (On la connaît mal, je sais !)
Je l'ai dit dans l'avant-propos, mais j'écris cette histoire en me laissant porter par l'inspiration. J'ai quelques chapitres de prêts, donc vous n'allez pas trop attendre pour les chapitres 2 et 3, mais pour ce qui est de la suite, ça risque d'être anarchique (je préfère prévenir lol).
Bon, on se dit à la semaine prochaine ou à l'année prochaine (blague nulle) !
P.S : Bonnes fêtes de fin d'année !
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