Chapitre 35 - Ne jamais dire jamais.

Dix minutes. Dix minutes que mon regard se perd dehors, dans la cour. J'ai envie de tout, sauf d'être là. J'ai envie de me pendre, pitié...Sortez-moi de là.

"- Acacia."

Ils n'ont toujours pas compris que ça ne servait à rien de dispenser ce genre de cours quand pas un seul élève ne le comprend ?

"- Acacia."

A quoi ça va nous servir plus tard toutes ces conneries, hein ? Franchement. Ce n'est pas comme si j'allais pouvoir aller demander à la première vendeuse du coin "Bonjour, vous pouvez me donner l'égalité correspondant au quotient de l'hypoténuse de la tangente de ce jean? Merci vous serez bien aimable". Sérieusement, moi, ils m'ont perdue depuis qu'ils ont commencé à mettre des lettres dans les calculs. C'était trop leur demander de garder que des chiffres ?

Autant je comprends qu'on compte avec les chiffres, mais les lettres ? A quoi ça sert ?

"- ACACIA JOYEAU-TAGLIANI ! Est-ce que vous m'écoutez ?

- Non madame Dupoint, mais je vous entends par contre. Cinq sur cinq."

Et puis avec une prof comme ça "Dupoint"...Comment voulez-vous que ça m'aide aussi ? Cette bonne femme était née pour devenir prof de maths je pense.

"- Veuillez me donner votre carnet de correspondance jeune demoiselle.

- Faut que je me baisse, mon sac est par terre et j'ai des problèmes de dos à force d'avoir le cul sur des chaises en bois pourris. Ça serait trop demandé au ministère d'investir dans des fauteuils en mousse ?

- NE RÉPONDEZ PAS ACACIA ! Où est-ce que vous vous croyez ?

- Ah bah faut savoir aussi ! Je dois vous répondre ou pas ? Non parce que vous venez clairement de me poser une question là.

- DEHORS ! Prenez vos affaires et sortez de mon cours ! N'oubliez pas de passer chez le CPE !"

De toute façon, je suis pote avec le CPE. À force d'y aller, on discute et il m'offre même des gâteaux. Je suis pas très fan des petits beurres, mais c'est mieux que les haricots rouges de la cantine.

"- Au fait Madame Dupoint, quitte à me faire virer, certainement pour avoir répondu à mon professeur, je vais vous faire une faveur non parce que ce n'est que le début de matinée donc vous pouvez encore vous rattraper, mais...vous avez un trou énorme dans votre jupe et ce n'est plus de votre âge de montrer vos fesses à une assemblée de jeunes gens déjà en rûte à cause des hormones. Voilà voilà !

- SORTEZZZ !!"

Je lui évite juste certains désagréments. Pour une fois que je fais une bonne action.

Je m'assois donc dans le long couloir de l'administration, devant le bureau du CPE et j'attends. J'attends qu'il daigne m'ouvrir la porte. Certainement déjà occupé à régler les heures de colles de ce mercredi aprem.

Soudain, un gars, capuche sur la tête, lunettes de soleil sur le nez et écouteurs dans les oreilles, musique à fond, s'assoit à côté de moi.

C'est quoi ce look de fausse racaille là ? Tu t'es cru où toi ?

"- Hé...Baisse ta musique, on entends que ça."

Forcément, il ne m'entend pas.

J'attrape alors le fil de l'écouteur et lui tire de l'oreille.

"- Hé le sourd, je te parle !"

Un sursaut lui est arraché quand il se tourne vers moi et son appareil tombe même de sa poche.

Alors, le CPE ouvre enfin la porte et nous regarde tous les deux.

"- Acacia...Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je fais ma pause, comme d'hab.

- Laisse-moi deviner, tu t'es faite virer du cours de Madame Dupoint ?

- Bingo !

- Tu peux patienter cinq minutes le temps que je m'occupe du jeune homme à côté de toi ? Entre Gaston.

- Ne dit-on pas les femmes d'abord ? Hé monsieur ! Il est où votre sens de la galanterie ?

- Peut-être quand tu seras une femme, en attendant t'es qu'une gamine qui n'en fait qu'à sa tête. Bon Gaston, c'est quand tu veux."

Gaston ?

Il enlève alors sa capuche et laisse apparaître sa chevelure rouquine.

"- En plus d'être sourd, tu me mets des bâtons dans les roues pour mon rendez-vous de la semaine....Sans vouloir faire de vilain de jeu de mots...T'as compris ? Roues...Roux ? Ah que je suis drôle parfois ! Je m'épate moi-même.

- Dites donc le buisson, on se calme."

Buisson ? Pardon ?

Alors que le CPE s'apprête à fermer la porte, je m'incruste dans le bureau, m'asseyant près du mur sous leurs regards choqués.

"- Faites comme si je n'étais pas là. Je vais me mettre à mon aise.

- Acacia ! C'est un rendez-vous privé.

- Entre vous et le débile du village ? Hein...Gaston ?

- Tu l'as trouvée toute seule celle-là aussi ou t'as dû peaufiner tes classiques ? Pauvre fille. En plus d'avoir un prénom de merde, ton cerveau a l'épaisseur d'une feuille. C'est triste.

- J'aime pas quand t'as l'air malheureux Gaston et complètement raplapla....

- A court de répartie que tu me sors la chanson ? Vraiment ?

- Je me retiens seulement, j'ai peur de te faire mal. Ça serait triste que tu ailles pleurer sous les jupons de ta maman, tu ne crois pas ?

- BON CA SUFFIT TOUS LES DEUX !"

On se regarde un coup avant d'éclater de rire.

"- Je devrais vous coller tous les deux juste parce que vous me tapez sur les nerfs ! Bon, Gaston, ton dossier d'inscription est complet, tu pourras venir en cours dès demain.

- Tant mieux. J'ai hâte.

- Le rouquin va à l'école ! On pourrait faire une suite d'aventure un peu comme les "Martine". Le rouquin à l'école, le rouquin se fait racketter son goûter, le rouquin se fait enfermer dans les toilettes, le rouquin porte le nom d'un mois de l'année...pourri."

Un grand sourire m'échappe tandis que je le vois ouvrir sa bouche en grand à tel point qu'elle forme presque un "O" parfait.

"- On a dit pas les noms de famille et les mamans Acacia.

- Désolée mois de mars.

- Soit pas jalouse parce que j'ai aussi le nom d'un Dieu romain.

- Laissez-moi deviner...Vous vous connaissez ?"

Si on se connaît lui et moi ?

"- Monsieur, Gaston et moi avons pratiquement grandi ensemble.

- Sauf que j'en ai eu marre d'elle, alors je m'en suis débarrassé. Vous savez comment sont les femmes ? Collantes, attachiantes et j'en passe ! Bon débarras.

- Rappelle-moi qui pleurait comme un bébé quand j'ai changé d'école en primaire ? Et qui est venu te défendre dans le parc au collège ?

- Je ne t'ai pas demandé d'intervenir ! Je m'en sortais très bien.

- Ah bah oui...T'avais la tête dans le sable, tu t'en sortais À MERVEILLE !

- Je faisais l'autruche justement. Je ne voulais pas entrer dans des conflits inutiles.

- Mais bien sûr...

- Bon pour la peine et pour t'occuper, Acacia, tu lui fais visiter le lycée ? Merci, tu seras bien aimable.

- Mais !

- C'est ça ou trois heures de colle...

- Si monsieur March veut bien se donner la peine de suivre le guide."

Quittant le bureau du CPE, je le vois m'observer d'un œil attentif.

"- Quoi ?

- T'as grandi...

- T'as cru que j'allais rester naine toute ma vie ?

- Non, mais je pensais que les filles en grandissant ça devenaient jolies, c'est clairement pas ton cas. Pauvre Acacia."

Connard.

"- Tu t'es vu avec toutes tes taches de rousseurs sur la tronche ?

- C'est parce que je suis beau gosse que tu dis ça ?

- Ah j'ai failli m'étouffer ! T'as dit quoi ?

- Bon au fait...Tes parents deviennent quoi ? Ils se sont mariés depuis le temps ?

- Non...Je crois que mon père en est à sa quatorzième demande en mariage.

- Qu'est-ce qu'elle fout ta mère ?

- Bonne question...

- Quand ma mère disait qu'elle était bizarre...

- Hé ! C'est de ma mère dont on parle. Et la tienne d'ailleurs ? C'est toujours une sorcière ?

- Dites donc !

- Bah quoi ?

- Mais ce n'est pas faux. Je crois qu'elle est dans la crise de la cinquantaine.

- On appelle ça la ménopause bouffon.

- Vous faites chier vous les filles. Vous avez vos règles, après vous tombez enceintes, après ça...C'est quand que vous arrêtez de vous plaindre et de râler ?

- Hmmm...Laisse-moi réfléchir ? Jamais !

- De vraies épines dans le pied."

Il me tape déjà sur les nerfs.

Cela fait au moins 5 ans que je n'ai pas revus Gaston et même si en 5 ans, certaines choses ont changées, notamment son physique plus ....plus....Enfin, voilà, il y a une chose qui ne changera jamais : Je refuse qu'il ait le dessus sur moi et ça tombe bien, il vient tout juste de s'enregistrer comme futur petit mouton pour ma bergerie.

Je vais le bouffer tout cru. S'il croit pouvoir me tenir tête, il se trompe grandement. Là j'ai simplement été gentille parce qu'il y avait le CPE, mais je ne me retiendrais plus. Hors de question.

De toute façon, ce n'est pas comme si nous avons été amis ne serait-ce qu'une fois.

Ma famille correspond au Capulet et la sienne au Montaigu...Je ne peux décidément pas m'entendre avec lui.

Jamais.

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Hello !

Ça fait longtemps que je ne vous ai pas fait un petit mot plein d'amour, alors je profite de ma semaine de vacances pour prendre le temps d'essayer d'écrire régulièrement et quoi de mieux en reprise qu'un chapitre 35 comme celui-là, dites moi ?

Acacia grandie. Elle retrouve ce brave Gaston qui en lui-même, a tout prit de sa mère également. Un vrai régal.

Pour ceux et celles qui l'auraient comprit, Acacia fait une légère référence à la fin, donc cela vous donne le ton de ce qui se prépare petit à petit, il est temps que l'adolescence apporte son lot de troubles et d'émotions !

Je vous embrasse bien fort et j'espère que vous continuez d'apprécier les aventures de cette famille bien atypique.

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