Chapitre 64 - Philippine
Il n'y a rien de plus inspirant que de s'asseoir dans un coin et d'observer. De voir la vie s'agiter autour de nous. Comment les gens se croisent et se recroisent sans se prêter la moindre attention particulière, sans voir ce qui se passe autour d'eux-mêmes.
Le quotidien est merveilleux. L'avez-vous remarqué ?
Avez-vous vu ce petit détail auquel seuls vous avez prêté attention ?
Votre voisin de palier qui met son polo à l'envers. Celle d'en face qui a encore perdu son chat. Cette vieille dame qui oublie que le hall d'entrée de l'immeuble n'est définitivement pas le cagibi des poubelles. Cette ado qui vous ferme la porte de l'ascenseur au nez en appuyant comme une folle sur le bouton, tout en gardant ce faux air excusé. Ce gamin qui braille dans la cage d'escalier en croyant que descendre la rampe, c'est drôle.
Et puis il y a cette voisine un peu trop seule.
Ce voisin un peu trop déprimé.
Puis au milieu de tout ça, il y a vous.
Vous, qui, après une journée éreintante au boulot ou un surplus de devoirs à faire après avoir quitté les cours, voyez tout ça. Vous qui curieusement, souriez parce que vous savez.
Vous savez que chacun d'entre eux est un monde à part entière.
— Ce n'est pas la voisine de l'autre jour et son copain ?
— Plutôt son ex-copain, regarde, elle lui balance ses fringues à la figure.
— Pauvre gars. Pop-corn ?
Assis l'un à côté de l'autre sur le balcon, les jambes se balançant dans le vide, Olivier et moi observons les mouvements de nos voisins et notamment de ce charmant petit couple qui est venu s'installer il y a peu.
— À ton avis, il l'a trompée ?
— Va savoir, en tout cas, elle a l'air furieuse.
— Ah, les femmes ! On ne peut pas vivre avec, mais on ne peut pas vivre sans non plus.
— On dirait bien que tu vas avoir un loyer en moins sous peu dans tes rentrées d'argent.
— Merde ! Et moi qui comptais sur ça pour m'acheter un petit îlot paradisiaque loin de tout. Je me serais isolé et je n'aurais emmené que mon ballon de volley.
— Et tu l'aurais appelé Vendredi ? Le style « Robinson Crusoé » ne te va pas vraiment. Même si tu as presque la barbe. Grève du rasoir ?
— Flemme.
— Ouais bah non, tu vas aller me raser ça parce que tu piques et je n'aime pas.
— Je ne pique pas ! Je suis tout doux.
— Non, non tu piques. Donc hop hop ! Au pire, je te le fais, si tu veux.
En voyant ses yeux s'écarquiller soudainement et comprenant certainement la menace que ça représente pour sa vie de me confier son rasoir, Olivier se lève brusquement et se précipite dans la salle de bain.
— Je choisis de vivre !
— Je ne vais pas t'égorger non plus ! Et puis ça ne me rapporterait rien. Je devrais attendre le mariage pour au moins toucher quelque chose.
— Je ne sais pas comment le prendre... Je suis partagé entre la joie d'apprendre que tu veux que l'on se marie un jour et le fait que tu aies prévu de me faire la peau dès notre nuit de noces, certainement, pour toucher mon assurance vie.
— Ah parce que tu crois que je pourrais te tuer ?
— On en parle du hamster de Madame Roland ?
— Un hamster ce n'est pas un homme ! Et si vraiment je voulais te tuer, ça fait longtemps que je l'aurais fait.
— Psychopathe.
— T'étais bien content de la trouver la nuit dernière, la « psychopathe ».
Je l'entends bougonner d'ici tandis que je rentre le saladier vide. Plus de pop-corn égal plus de scène à observer.
— Olivier ! C'est moi !
Timéo entre dans l'appartement tombant nez à nez avec moi.
— T'es encore là, toi ?
— J'habite à côté. Va falloir t'y faire.
— Tu sais, Philippine, tu seras à jamais cette piqûre de moustique sous le pied pour moi. Désagréable et chiante.
— Je prends ça comme un compliment venant de toi parce que tu vois, le temps de ton absence, j'avais presque oublié que tu existais !
— Ah ! Ah ! Madame fait un petit séjour à la campagne et elle retrouve sa verve d'avant ? Il t'a suffi de brouter l'herbe avec les vaches du coin ? Faut dire qu'on ne voit pas de grandes différences entre vous.
— Quand je pense que j'étais prête à être gentille avec toi. Il faut croire que tu ne retiens jamais la leçon. Maintenant, laisse les grandes personnes entre elles et va jouer aux petites voitures dans ta chambre. Tu seras mignon.
— Si tu crois que j'ai encore l'âge pour ce genre de chose... Et puis d'ailleurs, tu n'es pas ma mère.
— Encore heureuse ! Je t'aurais de suite mis à l'adoption.
— Bon, ça suffit tous les deux !
Olivier se joint à nous en nous dévisageant tandis que l'on se regarde avec un grand sourire avec Timéo.
— Je sais qu'on dit que tous les goûts sont dans la nature, Olivier, mais t'aurais pu mieux faire, tu me déçois.
— Je comprends que ce soit dur d'être enfant unique, mais de là à commander un bébé à une cigogne qui s'est sûrement trompé de toit... tu abuses, Olivier.
— Ok... Donc, c'est à mon tour cette fois, c'est ça ? C'est encore une de vos alliances tordues ?
— Pas du tout. Après tout, pourquoi on s'acharnerait contre toi ? Tu es mon grand frère et je te respecte au plus haut point. Comme je respecte la décision de papa et maman d'avoir fait un prototype avant de me concevoir. Je comprends. En te voyant, ils ont dû se dire qu'il y avait des choses à améliorer et qu'un second modèle serait mieux.
Je n'aurais pas aimé, mais le visage choqué que fait Olivier est décidément à tomber.
Il n'y a pas à dire, Junior est mon digne héritier et est bien meilleur que son aîné.
— Tu sais, tu me dois la vie ! J'avais demandé un lapin nain et à la place j'ai eu un frère nain. Si t'existes, c'est parce que je m'ennuyais tout seul.
— Y a des enfants qui commandent des Barbies, mais non... toi t'as commandé un petit frère.
— Ouais, mais j'aurais préféré Barbie et son avion bleu ou au moins Ken. Mais j'ai eu Timéo.
— Je compatis !
— Hé, Philippine ! Traîtresse ! À la base, c'était toi et moi contre lui.
Oups.
— Franchement, pour deux adultes soi-disant « respectables » je trouve que vous avez un comportement de gamin de cour de récré.
— Oh oui ! Punissez-moi, Monsieur le directeur ! Tirez-moi l'oreille !
— Philippine...
Ah. Pardon. Mauvais frère.
— C'est vrai. T'es tellement petit de toute façon que tu l'atteins même pas, mon oreille.
Je le vois s'approcher, par défi, mais à peine a-t-il fait un pas en avant qu'Olivier se met devant.
— On peut savoir où tu vas mettre ta main ?
— Ce n'est tout de même pas ma faute si tu n'es pas assez sévère avec elle.
Il se retourne vers moi avec son petit sourire lubrique avant de continuer.
— Oh, crois-moi... niveau punition, elle a eu sa part. Philippine n'a jamais été très sage de toute façon !
— Ah ! Je ne veux pas savoir ! Vous ramenez tout aux fesses, vous deux !
— C'est toi qui as commencé sur cette lancée. Si tu n'es pas capable de continuer...
Timéo nous passe devant, continuant vers la chambre, certainement pour défaire son sac et ranger ses quelques affaires tandis qu'Olivier me glisse un clin d'œil qui en dit long sur ses intentions.
Oh non, mon coco ! Je ne te laisserai pas commander le programme de notre soirée.
— Ce soir tu baisses ta petite culotte, c'est moi qui pilote !
— Range ton zizi, mon grand, t'as pas le permis !
Bien essayé, mais je reste celle qui dicte les règles.
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« Trop de gens désirent être clown, peu ambitionnent d'être drôle. C'est un problème. »
- Philippe Gaulier-
Fin du tome 1
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