Chapitre 62 - Fin de niveau

Je regarde les minutes défiler sur le minuscule petit écran de mon téléphone. J'attends. Un appel. Un message. Quelque chose. Un signe.

Mais rien ne vient. Pas un mot. Pas un bip.

Je dois certainement être à mon quatorzième appel manqué il me semble et toute cette histoire commence sérieusement à me préoccuper.

Dehors, l'accalmie n'est plus. La météo s'est calmée malgré les quelques gouttes s'écrasant encore au sol.

Je devrais y aller.

Non.

Je dois y aller.

En sortant, j'aperçois mon vieux voisin se précipitant vers sa camionnette. Bernard, je crois. Il avait l'habitude d'être un ami de mon grand-père et s'entendait bien avec lui.

— Bernard !

— Oh, Philippine ma petiote ! Tu tombes bien. Viens avec moi, vite !

— Pourquoi ?

— Il y a eu un accident sur la route pas loin du village.

Un accident.

Ni une, ni deux, je monte à ses côtés.

Un accident.

— Comment le sais-tu ?

— Apparemment c'est une sortie de route, la voiture est tombée dans le ravin et le terrain est tellement glissant que les pompiers ont un mal de chien à y accéder alors toute l'aide est la bienvenue. Tu sais, c'est un petit village et...

Une sortie de route.

Oh mon Dieu. J'ai peur. Soudainement, je prends conscience que cette sortie de route, ça pourrait être Olivier. C'est sûrement lui. Sinon, pourquoi ne répond-il pas à mes messages ? Pourquoi ne m'envoie-t-il pas un mot pour me prévenir ?

Mon Dieu, je ne suis pas croyante, je n'ai jamais demandé quoi que ce soit, mais s'il vous plaît... pas lui.

Pas lui.

Plus on se rapproche, mieux j'aperçois les sirènes et les gens déjà rassemblés sur place.

La barrière de sécurité est complètement déchirée et les gens sont trempés.

Je n'attends même pas que Bernard coupe le moteur pour me précipiter vers le groupe et en savoir plus.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Ça va faire une heure déjà qu'ils cherchent une solution, mais avec la pluie, le terrain est glissant et peut s'effondrer à tout moment sur le véhicule.

— Le... le véhicule... Quel modèle est-ce ?

Pas un S.U.V bleu, s'il vous plaît.

— Un S.U.V

Non.

Non.

Non !

— Oh, Bernard, t'as apporté la corde ?

— J'ai même trouvé un câble ! Tu crois que ça peut le faire ?

— Parfait !

Mais même avec toutes les bonnes intentions des villageois, les pompiers refusent de les laisser s'approcher du site de l'accident, jugeant la falaise trop dangereuse. Ils restent là, à réfléchir, cherchant une idée, une solution.

On dit que la voiture est tombée. En bas, tout en bas. Dans le ravin. La route est connue pour être étroite, sinueuse et glissante lors de forte pluie comme celle s'étant abattue toute la semaine.

On dit qu'il a glissé et qu'à l'heure actuelle, il est actuellement impossible d'aller le chercher.

Ils le laisseront là. Ils sont en train de le laisser là.

Ils le laissent mourir. Seul.

— Bernard, file-moi ta corde, ordonné-je brusquement en refusant de rester ici sans rien faire une seconde de plus.

Il faut que j'y aille. Que je vérifie. Que... que je fasse quelque chose.

— Qu'est-ce que tu veux faire ?

— Je vais y aller. Si personne ne veut le faire, je vais le faire.

— Arrête, c'est trop dangereux.

— Je refuse de rester sans rien faire ! Si ça se trouve... il... il est...

— Si ça se trouve, il est en train de te contempler depuis tout à l'heure, souffle soudainement une voix dans mon dos.

Je fais volte-face, trouvant Olivier juste là, derrière moi, un sourire timide au bout des lèvres.

— Je suis en retard, non ?

Comment est-ce que...

— Comment ?

— L'avantage d'avoir passé la semaine avec Timéo, c'est qu'on s'est refait tous les James Bond et j'ai trouvé ça vachement plus cool de sortir de la voiture que de tenter de me laisser tomber dans le trou.

Je n'ai pas hésité une seule seconde en lui sautant dessus, vérifiant chaque parcelle de son corps.

Ce n'est non sans quelques blessures qu'Olivier a réussi à s'en sortir. Vivant.

— Mon Dieu... J'ai eu si peur ! Espèce de... tu ne pouvais pas prévenir ?

— J'ai essayé, mais euh... mon portable est...

Il indique alors la falaise du doigt.

— Mort au combat, je crois bien.

J'ai l'impression de revivre. De respirer à nouveau.

Je me sens sauvée, d'une certaine manière, de par sa présence.

Mes jambes s'écroulent, ne supportant certainement plus toute cette tension qui semble m'avoir vieillie de trente ans alors qu'Olivier me rattrape tout juste dans ses bras.

Les larmes viennent. Un soulagement se joint à la pluie battante, nettoyant aussi sec les preuves de mon angoisse.

— Je suis désolé. Vraiment, je suis désolé, Philippine.

Mon cœur connaît une seconde jeunesse tandis que je le sens battre au rythme de l'agitation se produisant autour de nous.

Ce n'est qu'une voiture en bas. Rien qu'une voiture.

Ce n'est pas lui. Il n'est pas là-bas. En bas.

Il est là.

— Je vais mourir.

— Ah non, hein ! Je viens pas de frôler la mort pour rien !

Même si son visage a pris des traits aux premiers abords sérieux, ils s'effacent rapidement pour laisser place à une expression pleine de tendresse.

— On n'est même pas mariés et j'ai l'impression que c'est déjà : « jusqu'à ce que la mort nous sépare », toi et moi, dit-il en riant.

— Et ça te fait rire ?

— Assez. J'aime bien l'idée. Le fait que toi et moi, ça soit aussi fort malgré toutes nos disputes, nos prises de têtes, nos embrouilles. Tu vois, cette semain,e Timéo m'a demandé pourquoi je t'aimais et comment je savais que c'était toi et pas une autre.

— Qu'est-ce que tu lui as répondu ?

— Que je le savais. C'est tout. C'est plus qu'une simple conviction. C'est comme une sensation. Je sais que tu es ce qui me donne envie de me lever tous les matins. Malgré tout, tu fais ressortir le meilleur de moi-même. Tu m'as permis d'affronter certaines choses en face. Tu m'as donné la force et le courage. L'amour. Je sais que c'est toi parce que ça a toujours été toi. De cette première rencontre dans le parc à aujourd'hui au bord de cette route. C'est toi.

J'aurais pu avoir les mêmes mots à quelques détails près.

— Je veux rentrer...

— Oh oui ! Tu vas t'occuper de mes blessures en jouant mon infirmière ? J'ai toujours rêvé de me faire une infirmière !

— Olivier !

— Va bien falloir en plaisanter un jour.

— Mais aujourd'hui n'est pas ce jour.

— Triste vie. J'ai frôlé la mort et je commence tout juste à comprendre ce que ressent Super Mario à chaque fin de niveau sauf que moi, je n'ai même pas le droit au bisou sur la joue.

J'imagine Olivier en salopette et je me dis que le côté plombier lui donne un je ne sais quoi de sexy. Tant qu'il n'a pas le sourire du plombier, moi ça me va.

— Je ne suis clairement pas cette princesse coincée premièrement, et deuxièmement, je vais m'occuper de toi.

— Oh ! Philippine ! J'aime quand tu me parles comme ça.

— Je vais même te faire ta fête !

— Holala ! Finalement, je devrais frôler la mort plus souvent.

— Non, parce que si tu recommences et si je dois revivre ça, je m'assurerai de te tuer moi-même.

— Tu devras t'occuper de Timéo, alors.

Ah.

— Je tâcherai de voir si ton fantôme peut rester dans le coin quand même.

— C'est bien ce qu'il me semblait. 

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