Chapitre 47 - Arrête ton char !
Je présume que c'est le moment où je suis supposée dire quelque chose. Dans les films, chaque déclaration d'amour est suivie d'un langoureux baiser avec en fond sonore, la musique romantique par excellence. Dans les romans, souvent, les personnages s'envoient tout simplement en l'air comme si l'acte valait signature sur une sorte d'engagement imaginaire.
Olivier et moi, on est différents, ou du moins, je suis différente. Je reste assise à côté de lui qui semble soulagé d'avoir enfin craché le morceau. Il est étendu de tout son long sur mon canapé, les pieds sous la table, les bras le long du corps. De loin, on pourrait croire qu'il vient de rendre l'âme.
Quant à moi, je reste complètement scotchée sur place. Je cherche mes mots. Cela ne m'est encore jamais arrivé. D'habitude, ça me vient tout seul. Je ne cherche pas, je tape dans mon gros « fourre-tout » des mots et je les étale les uns à la suite des autres. Naturellement.
Mais pas cette fois et, plus les secondes passent, plus l'ambiance devient pesante pour moi. Je me sens dans l'obligation de lui répondre.
Oui, je DOIS lui répondre. Quelque chose. N'importe quoi. Allez, Philippine, sors-toi les doigts du cul et dis un truc ! Le premier truc qui te passe par la tête, on s'en fout. Il faut que tu casses ce silence des plus gênant.
— Tu veux un perrier menthe ? Je vais m'en faire un.
Mais non ! Pas ça, triple idiote !
Je suis une catastrophe. J'en ai parfaitement conscience. Je ne sais pas comment gérer l'émotionnel. Il me faudrait un cours dessus.
— T'es sérieuse là ?
Bah, euh, ouais ?
— Je viens de me casser le cul à te dire que je t'aime et toi, tu me proposes un perrier menthe ?
— Ouais... Mais j'ai du jus de pomme si tu préfères.
Que l'on m'enterre.
— Philippine, j'ai soif d'amour, pas de jus de pomme !
— Ah, ça... j'ai pas.
En voyant son regard et sa tête faire un brusque mouvement en arrière, je réalise alors que ce je viens de dire peut prêter à confusion.
— Pas dans ce sens-là ! Je n'ai pas d'amour dans le sens... en boisson dans le frigo, enfin voilà. Ce n'est pas un truc qui s'achète entre la Volvic et l'Évian, quoi.
— Tu me désespères. J'attendais beaucoup de choses, mais ça, je l'ai pas vu venir.
— Que veux-tu ? Je suis... surprenante !
— Ah ça...
— Donc c'est non pour le perrier menthe ?
Il se lève à ma suite malgré tout et me suit jusqu'au comptoir de la cuisine.
— T'as quoi comme alcool fort ? Je crois que j'ai besoin de noyer mon chagrin ou d'oublier que je viens de me prendre le plus beau vent de l'histoire sentimentale.
— Ce n'est pas un vent, arrête ton char, Ben-Hur. C'est juste que... que tu m'as prise au dépourvu et je ne sais pas comment te répondre.
— Tu ne sais pas ? Genre, tu ne sais pas ce que tu ressens ?
Parce qu'il faut mettre des mots sur ce paquet de nœuds que forment mes « sentiments » ? Eh ben on n'est pas sorti de l'auberge.
— Je sais que j'aime passer du temps avec toi. J'aime te voir tous les matins avec ta tête de mauvais jours. J'aime voir ce regard qui pétille au boulot. J'adore particulièrement quand on fait des bêtises à deux... Je n'aime pas te voir avec l'autre poil de carotte et... et j'en sais rien, après ! Ce n'est pas comme cocher une case « Tu veux être mon amoureux ? » Bordel à cul de pompe à merde !
J'ai envie de jeter le verre que je tiens quelque part, mais je me retiens. Toute cette histoire me dépasse largement et je ne pensais pas, à un seul moment, que j'en serais là aujourd'hui. C'est allé beaucoup trop loin pour que je puisse m'accorder à faire demi-tour.
Pourtant, Olivier, lui, a un grand sourire d'enfant heureux. Il a les yeux qui pétillent.
— Tu veux que je sois ton amoureux ?
Sérieusement ? Tu n'as retenu que ça ?
— Tu devrais faire gaffe, c'est un titre hautement honorifique. Peu de gens l'ont porté avant toi.
— Oh, mais je saurai m'en montrer digne. Donc... au final, tu m'as dit que tu m'aimais là, ou je rêve ?
— Moi je crois que t'as rêvé. Tu te rappelles, on parlait de ses gens qui dormaient les yeux ouverts.
— Philippine...
— Bon, ok. T'as gagné. Oui, je t'aime, satisfait ?
Si le fait qu'il se jette sur moi pour m'embrasser avant de nous foutre tous les deux par terre au milieu de ma cuisine est signe de satisfaction... alors soit ! Je vais prendre ça pour un « oui ».
— Tu sais, je me dis que l'on a toute la journée pour nous tout seuls maintenant, on pourrait profiter de ce petit moment rien que toi et moi pour...
— Ouuuh Olivier... N'est-ce pas une proposition indécente que j'entends ?
— Si, totalement. Je te propose de faire des choses cochonnes avec tout ce qui traîne dans ta cuisine.
— Ouh ! Et qui va faire le ménage après ?
— J'avoue que ce n'est pas trop mon délire le balai et l'éponge.
— Tu as tort, tu n'imagines pas tout ce que l'on peut faire avec un balai.
Je vais te montrer comment récurer le sol, tu vas voir. Ça sera sans doute la meilleure leçon de toute ta vie.
— En attendant, tu en penses quoi de ma proposition d'utiliser pleinement ta cuisine ?
— Je n'en sais rien pourquoi on n'utiliserait pas la tienne ?
— On est déjà couché par terre, là.
— On peut se déplacer.
On exploite beaucoup plus mon appartement que le tien alors tu pourrais faire un geste pour une fois et on pourrait faire des folies chez toi.
— Je te propose ça, lancé-je subitement en ayant cette pensée dans un coin de la tête.
— Quoi donc ?
— Concours de roulades. Le premier arrivé garde le droit de le faire où il le souhaite.
— Philippine, dévergondée ! Je suis champion du monde de galipettes moi, ma petite !
— Celles au lit, je n'en doute pas, mais j'suis tétine d'or des galipettes normales, moi !
— On va voir ça.
— OK. Très bien. À trois. Un, deux...
— Trois !
— Hé ! Tricheur, t'es parti avant !
Me mettant en boule pour rouler en direction de son appartement, Olivier a une légère avance sur moi tandis qu'il ralentit le rythme progressivement en arrivant vers le trou séparant nos deux appartements.
— J'ai la tête qui tourne... lance Olivier en marquant une pause tandis que je lui arrive droit dessus.
— M'en fous ! Pousse-toi !
— Ah non ! Hors de question que tu me la refasses celle-là ! Je te connais, Philippine !
Au moment où je m'apprête à lui passer à côté en le poussant « légèrement », Olivier me devance et me pousse sur le côté prenant la tête de la course.
— Tu triches !
— Tu t'apprêtais à faire pareil !
Je me redresse sur mes deux jambes et utilise son dos pour jouer à saute-mouton avant de retomber en galipette avant, à quelques centimètres de la cuisine.
— Alors là, ma cocotte, tu ne gagneras pas.
Il m'attrape la jambe et me retient en arrière.
— Tu ne gagneras pas cette fois !
— Tu sais que si tu me lâches, je vais partir devant.
— Il suffit de ne pas te lâcher. Théoriquement, tu es disqualifiée pour triche, cela fait de moi le grand gagnant donc... à moi les galipettes pour adultes, maintenant !
— Entre ton salon et ta cuisine ?
— Totalement !
Me plaquant dos au sol, il est pratiquement au-dessus de moi quand mon téléphone sonne depuis le salon.
— Attends, faut que j'aille répondre.
— On s'en fout... allez... j'ai attendu trop longtemps...
— C'est peut-être important, lève-toi !
Je le vire d'une main en me précipitant sur mon portable.
— Allô ?
— Mademoiselle Tagliani ? Ici le Docteur Nelson, annonce une voix grave de l'autre côté du combiné.
— Oh, Docteur ! Comment allez-vous ?
— Mademoiselle... Pouvez-vous venir d'urgence à l'hôpital ?
Non. Pas ça. Pas maintenant. Pas aujourd'hui.
— C'est votre grand-père.
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