Chapitre 41 - Joue avec moi

Laissant Olivier dans le couloir, je m'installe près du lit de mon grand-père alors endormi. Au moment où je m'assois à la place même où était Capucine, je ne peux m'empêcher de repenser au venin qu'elle m'a craché à la figure en bonne vipère qu'elle est. Suis-je une égoïste ? Suis-je une horrible personne à l'exemple du reste de ma famille ?

J'aimerais tellement croire le contraire, mais au fond, ma détestable cousine a marqué un point : une part de moi souhaite secrètement en finir avec tout ça. Et au moment même où ce genre d'abjectes pensées me revient à l'esprit, je me lève de la chaise et quitte la chambre tandis qu'Olivier attend encore dehors, à ma grande surprise.

On a un échange rapide et j'ai, à cet instant, l'impression que si je venais à le regarder trop longtemps, il saurait alors ce que je pense. Pire, ce que je ressens.

— Où est-ce que tu vas ?

— Je viens de me souvenir que je dois aller chercher Bora à la pension. Tu peux rejoindre ton cousin pour le café.

—Tu ne te joins pas à nous ?

— Désolée, mais mon chat avant les hommes !

Un léger sourire faussement poli et me voilà qui déguerpis. Je ne sais pas s'il a marché ou s'il a su voir le vrai du faux, mais j'espère qu'il ne me posera aucune question. Je n'aime pas ça. Je n'aime pas que l'on me demande « Comment tu vas ? » avec des yeux de merlan frit.

Puis, en étant sur le parking de l'hôpital, je me souviens que j'ai fait le chemin avec Olivier.

Merde. Ma voiture.

Je ne me vois pas ramener Bora en bus ou en métro non plus.

J'appelle donc un taxi. Ça ira très bien et, s'il le faut, je cacherai mon chat sous mon pull. Ça me donnera seulement des airs de femme enceinte.

Heureusement pour moi, je tombe sur un gars bien sympa qui nous ramène, mon chat et moi, jusqu'au pied de notre bulle de réconfort.

En entrant dans l'immeuble, comme si le sort ne s'acharnait pas déjà assez sur moi, il faut que je tombe nez à nez avec Madame Roland.

— Tiens... Philippine.

— Madame Roland, sifflé-je en la voyant. Cela fait tellement longtemps que je vous pensais morte.

— Cela ne fait pas assez longtemps à mon goût.

— Je ne pensais pas dire ça un jour, mais pour une fois, je partage votre avis. Bon, je vous sais bien enrobée, mais de là à prendre toute la largeur du couloir... Poussez-vous, bon sang !

—Je sortais justement. Tu es devant la porte.

— Parce que je n'arrive pas à entrer ! Faut-il que je vous roule sur le côté ?

Je le sens. J'ai perdu en puissance. Quelque chose cloche. Mes répliques ne me viennent plus aussi naturellement qu'avant et ma verve légendaire semble avoir disparu.

Quel genre de maléfice est-ce donc ?

— Vous savez quoi, madame Roland ? Je vous proposerais bien d'enterrer la hache de guerre une bonne fois pour toutes, mais plus je vous vois, plus je me dis qu'il me faudrait une hallebarde, en réalité.

— Toujours à croire que tu auras le dernier mot ? Tu t'essouffles, ma pauvre Philippine.

Et encore une fois, cette vieille peau a raison.

Il y a un truc chez moi qui ne tourne pas rond, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

— Je m'essouffle et je retiens mon souffle en même temps, il faut me comprendre. Vous êtes tellement proche de moi que... ce n'est juste pas possible.

— Bon, laisse-moi passer, insolente.

— Et moi qui vous prenais pour la Grosse Dame de Harry Potter. J'allais presque vous dire un mot magique ! C'est fou, non ?

— Parce qu'en plus, tu te crois drôle ?

Je ne le crois pas. Je le suis. Ça fait partie de mon package « charme naturel ». Faute d'avoir été là à la distribution des cerveaux et d'avoir dû prendre celui qui restait, j'ai au moins eu ça.

Finissant avec Madame Roland, je remonte dans l'appartement, relâche mon fauve qui retrouve son petit confort personnel et profite de ce moment de calme pour aller me coucher.

J'ai définitivement besoin de sommeil.

Ce n'est que lorsque je sens un mouvement lourd sur le lit que j'ouvre un œil, voyant deux billes marron me fixer avec une intensité que je ne connais pas.

— Bonzour ! Tu zoues avec moi ?

C'est quoi ÇA ?

— Et t'es qui ?

— Alize ! Tonton Olivier il est zouz la douze.

— Ok. Viens avec moi, le moustique.

Attrapant le machin par les jambes, la tête en bas, je ramène le paquet zozotant à Olivier.

— C'est à toi ? demandé-je en lui tendant la « chose ».

Forcément que c'est à lui.

— Alice ! Mais qu'est-ce que... pourquoi tu la tiens à l'envers ?

— On s'en fout. C'est à toi ?

— C'est ma petite cousine que tu es en train de traumatiser ou je rêve ?

Ouais enfin pour une gamine « traumatisée » elle a la banane, la môme.

— Qu'est-ce que ta petite cousine faisait sur mon lit ? Dans ma chambre ? Chez moi ?

— Je suis désolé. Je lui ai dit de ne pas bouger le temps que je me douche, je ne pensais pas qu'elle viendrait chez toi.

— Youuuuhouuu !

Et on dit que l'enfance est une période merveilleuse. Cependant, alors que j'entre en plein débat avec Olivier, Alice n'a pas de meilleur réflexe que d'attraper sa serviette de bain alors enroulée autour de sa taille et de tirer dessus d'un coup sec avec la force de ses petits bras.

— Alice !

— Toi, tu iras loin dans la vie, la regardé-je avec un grand sourire, hochant de la tête pour donner toute mon approbation à son geste.

— Ne l'encourage pas, Philippine !

Je la redresse vers moi en découvrant l'appareil mis à nu d'Olivier avant que ce dernier ne s'enfuie dans la chambre.

— Petite coquine ! On ne tire pas sur les serviettes des gens comme ça.

— Maman elle fait za zouvent à papa !

Au fond, je ne veux pas savoir ce que ses parents font de leurs journées ni dans quel cadre est éduquée cette enfant.

— Oh un zhat !

Malheur, elle a repéré Bora se baladant derrière moi.

Olivier revient parmi nous, tout habillé, complètement gêné tandis que je porte toujours un petit sourire de satisfaction d'avoir absolument tout vu. Ce n'est pas ma première fois, mais là, dans ce contexte-là, c'était jouissif.

— Je n'ai absolument rien vu. Rassure-toi, lancé-je en fermant les yeux.

J'ai tout vu oui, mon cochon !

— Désolé pour Alice, elle a l'énergie des enfants de son âge.

— Je vois ça.

— Par contre, Philippine...

— Quoi ?

— Pas de gros mots devant la petite, ok ?

Eh ! Non, mais pour qui tu me prends ? Je sais me tenir, quand même. Je dois vraiment être une barbare sanguinaire à ses yeux, par moment.

— Oui papa. Je serai sage.

— Merci.

Une journée sans dire une seule insulte, c'est comme passer une journée sans sa dose de café. Sans son téléphone allumé. Sans... Autant vous dire que le reste de la journée s'annonce extrêmement long.

Surtout avec cette mini-coquine dans les parages. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top