Chapitre 29 - Philippine à la rescousse !

En trois jours, j'ai su faire profiter à la société de toute mon expertise et j'ai ainsi mis un terme à tous les dossiers qui traînaient ici et là. Un par un, je les ai lus, je les ai mémorisés et je me suis plus ou moins faite au travail que l'on attendait de moi en général.

Gérer le portefeuille clientèle, s'occuper des commandes, s'assurer de préserver nos partenaires et j'en passe.

— Il a encore remis ça ? rouspète une voix dans le couloir.

— Malheureusement. Comme à chaque fois, lui souffle une seconde.

— Elle arrive à quelle heure ?

— Je crois que son rendez-vous est à 10h.

Les secrétaires manquant cruellement de quoi s'occuper piaillent encore devant mon bureau, car c'est certainement le meilleur endroit pour avoir une vue directe sur le bureau d'Olivier.

— Si vous ne savez pas quoi faire pour vous occuper, Mesdames, je peux aisément trouver de quoi vous fixer les fesses à vos chaises de bureau et vos doigts à vos claviers. Qu'est-ce que vous faites réunies ici ?

— Oh, Mademoiselle Tagliani... On observe à quelle sauce Monsieur Joyeau va se faire manger. Encore.

— C'est-à-dire ?

— Il a un rendez-vous à 10h avec la « Croqueuse des affaires ». Une femme terrible. À chaque fois qu'elle passe par ici, elle fait des dégâts considérables et Monsieur Joyeau devient insupportable.

— Moi je vous le dis... c'est son ex, vu comment ils se regardent à chaque fois.

— Une ex qui travaille pour l'ennemi et qui revient tous les trois mois avec une proposition de rachat ? C'est possible.

Un soupir m'échappe tandis que je referme la porte de mon bureau pour couvrir leurs commérages incessants. Néanmoins, intriguée, je me suis mise derrière un store, en poste d'observation, prête à voir la tête de cette « Croqueuse ».

— La voilà !

— Chut ! Elle va nous entendre !

Même le bureau voisin pourrait vous entendre, Mesdames.

— Regardez-moi ce tailleur trop bien fait pour elle. Je la hais.

— Elle doit sûrement n'avoir que de la salade dans sa lunch box.

— Chut !

La voilà. Une grande rouquine faisant certainement un mètre quatre-vingt sur ses espadrilles. Sacoche en cuir à la main, lunettes de soleil sur le nez et dossier sous le bras, la voilà qui toque au bureau d'Olivier.

— Une ex, hein ?

Vas-y, fais-le, mange-le tout cru. Ça lui apprendra à faire le malin.

Je soutiens les femmes en général donc il n'y a pas de raison. Il me traumatise assez comme ça pour ne pas avoir un juste retour de la part de la vie.

Bien fait pour toi, Olivier Joyeau.

— Vous avez vu son regard ? On dirait qu'il sait déjà ce qui l'attend.

— Tout le monde le sait... Ça va encore durer une plombe leur rendez-vous. Bon, petite pause-café ?

— Tu payes ta tournée ?

Sans les secrétaires devant mon bureau, je suis incapable de dire ce qui se passe de l'autre côté. Je ne vois pratiquement rien d'ici.

Merde. Je veux savoir.

Et puis crotte, hein !

— Excusez-moi ! Je me permets d'entrer.

À la surprise générale, et certainement la mienne, j'entre dans le bureau d'Olivier sans me priver.

J'ai l'impression d'être le mouton entrant dans la grotte de la meute de loups.

— Philippine ? Qu'est-ce que... Trouve une excuse. Trouve une excuse... N'importe quoi ! Allez, Philippine, pense ! Utilise ta matière grise pour une fois !

— Qu'est-ce que je fais là ? Étant donné que je suis la responsable de l'aspect partenariat et clientèle, je trouve ça inadmissible d'avoir été mise de côté pour cette petite réunion.

Voilà une excuse ! Bien, Philippine !

— Ah! Enchantée, Philippine Tagliani.

— Judith March.

Elle me fusille du regard et me broie la main comme si je venais d'interrompre quelque chose.

Ah ouais ? Tu veux la jouer comme ça, ma cocotte ? Il y a dix secondes jtais pourtant ta plus grande fan.

Je ne supporte pas ces gens qui vous prennent de haut comme s'ils vous étaient supérieurs d'une quelconque façon que ce soit.

— March ? Comme « Mars » en anglais ? C'est drôle comme nom.

— Je ne pense pas avoir été mise au courant d'une quelconque tierce personne dans les discussions, Olivier. Tu peux m'expliquer ?

— Philippine est...

Olivier se retourne vers moi et il aurait pu avoir une pancarte avec « S.O.S » écrit en lettres capitales que ça aurait été pareil.

— Philippine s'est très bien présentée elle-même. Je n'ai pas eu le temps de te prévenir, je viens tout juste de l'embaucher.

— Donc vous êtes une débutante ? Intéressant. Je ne voyais pas cela sous cet angle. Je n'ai rien contre le fait d'avoir un observateur en plus. Vous prendrez des notes bien sûr ?

— Des notes ? Vous avez un sens de l'humour incroyable, Madame March.

— Mademoiselle.

— Pourrais-je au moins être mise au courant de la raison de votre présence ? Comme je suis une « débutante », je n'ai pas une bonne mémoire donc il ne me semble pas avoir vu votre nom dans les dossiers importants. Peut-être est-ce une erreur de ma part ?

— Peut-être devriez-vous vous acheter des lunettes, en effet. N'est-ce pas l'outil indispensable de toute secrétaire qui se respecte ?

Débutante. Secrétaire.

Je vois le genre de femme. Pas étonnant qu'on lui donne un tel surnom.

— C'est dommage, j'ai cru comprendre que manger des carottes rendait aimable. Mais à l'exemple des flamants roses tirant leurs couleurs de leurs alimentations, je vois que vous n'avez pris que les couleurs du légume et non les bienfaits.

Et toc ! Un point pour Philippine, un !

— Que vous êtes drôle. Décidément.

— Je sais, on me le dit souvent. Donc Mademoiselle March ? Vous êtes venue pour une raison particulière ?

— Discuter avec Monsieur Joyeau, sans intermédiaire.

— Je crains fort que dorénavant, il y ait un intermédiaire. Après tout, Monsieur Joyeau me paye assez gracieusement pour faire ce genre de travail. Vous allez devoir traiter avec moi.

— Je n'ai pas de temps à perdre avec vous.

— Dans ce cas, je vous suggère de repartir comme vous êtes venue. Je suis totalement ouverte à la discussion et à de possibles négociations si besoin. Dois-je vous laisser ma carte ? N'oubliez pas de m'appeler.

— Ça ira. Je connais le numéro de ce bureau.

— C'est dommage, la ligne va être détournée prochainement. Vraiment ! Tout pour vous contrarier, il faut croire.

Je garde enfoui en moi ce plaisir malsain que j'ai de la rembarrer et de la repousser dans ses retranchements jusqu'à lui faire quitter le bureau d'Olivier.

— Dans ce cas, plus rien ne me retient. Nous nous reverrons à une autre occasion, Mademoiselle Tagliani.

— Le plus tard possible ! Toute « secrétaire » que je suis, j'ai un emploi du temps extrêmement chargé. Peut-être devriez-vous prendre rendez-vous avec ma secrétaire ?

— La secrétaire d'une secrétaire... Tu as vraiment de l'argent à foutre en l'air, Olivier. Mais la discussion ne s'arrête pas là.

Elle claque la porte du bureau tandis qu'Olivier s'écroule sur la banquette derrière lui.

— Merci.

Pourquoi tu me remercies ? Je viens de dépenser mon quota de méchanceté de la journée et je suis la plus épuisée de nous deux. Tu me le redevras, petit caillou, crois-moi.

— Je croyais que c'était votre boulot d'être mon bouclier ? Il faut croire que nos rôles s'inversent. J'ai cru comprendre que cette femme venait souvent.

— Assez souvent... Judith est pire qu'un pitbull ne lâchant jamais prise, et ce, malgré tous mes refus.

— Peut-être devriez-vous vous montrer plus ferme. Vous n'avez quasiment rien dit à part me crier silencieusement « à l'aide ».

— Je ne vous ai pas crié à l'aide ! se reprend-il pendant que je balaye son égo.

— Si, je l'ai vu dans vos yeux de cocker. Vous avez peur de cette femme.

— Et avec raison ! Judith et moi...

— Vous aviez une histoire ? Vous couchiez ensemble ? Je m'en moque. Vous êtes le patron de ce petit cercle de personnes donc agissez comme tel et sortez-vous les doigts du cul. Vous prenez un malin plaisir à me traumatiser alors il est temps de montrer aux autres ce que vous avez dans le pantalon, pour l'amour de Dieu !

M'apprêtant à quitter son bureau à mon tour, je m'arrête à la porte.

— Je ne vous sauverai pas à chaque fois. La prochaine fois, ça sera entre elle et vous.

Et la prochaine fois que ça sera entre elle et moi, c'est moi qui vais lui broyer la main, à cette ignoble sorcière rouquine. 

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