Chapitre 23 - Un point partout, balle au centre

Je le vois. Il est là. Juste là, sous mon nez. Il va garer le vélo juste devant l'entrée du bureau et il va franchir cette foutue porte le premier.

Hors de question. Je ne le laisserai pas faire. Je suis allée trop loin pour reculer maintenant.

Il ne gagnera pas !

— OLIVIER ! hurlé-je en essayant de le rattraper.

Telle une sportive du triathlon, je jette le vélo sur le côté, ne prenant même pas la peine de le mettre bien comme il faut, où il faut, et le poursuis tandis que je le vois courir devant moi.

— Vous ne vous en tirerez pas comme ça !

— Les dés sont lancés, Philippine !

Que tu crois mon ami.

Arrivant à sa hauteur, je lui fais un lamentable croche-pied tandis que je l'aperçois basculer en avant, attrapant à son tour ma jambe, m'obligeant à m'écrouler par terre.

— Ça suffit !

— Vous, ça suffit ! Lâchez ma jambe, Olivier !

Dans le sac, dans le sac... Allez, je dois bien avoir quelque chose dans le sac. Ah ! Mon déodorant !

— Attention, ça va piquer !

Lui « pshitant » un coup dans les yeux, il me lâche sous l'effet de surprise et c'est sans demander mon reste que je me relève, me précipitant à nouveau la première vers les ascenseurs, l'abandonnant à son sort.

— Eh bien, Philippine, vous semblez... épuisée. Vous ne travaillez pourtant pas tant que ça, me signifie mon patron en me voyant arriver dans tous mes états comme si je venais de faire le triathlon à moi toute seule.

— Disons que... j'ai eu une petite déconvenue.

— Au moins, vous avez eu l'intelligence, pour une fois, d'arriver avant notre invité.

Comment vous dire, noble patron, que notre « invité » est en train de mourir probablement dans le hall d'entrée de l'immeuble ?

Soudain, je vois Olivier passer la porte d'entrée, les yeux rouges, en larmes, furieux.

— Monsieur Joyeau ! Quel bonheur que vous soyez... Seigneur ! Que s'est-il passé ? s'écrie mon patron de stupeur en voyant l'état d'Olivier sans compter son costume complètement plissé ici et là. On aurait vraiment dit qu'il sortait d'une bagarre de rue.

Cache-toi, Philippine.

Me voilà à quatre pattes sous le bureau de la première secrétaire tandis que j'aperçois les chaussures d'Olivier juste là, sous mon nez.

— Disons que j'ai eu... une petite déconvenue.

— Curieux... Une de mes employées vient de me dire exactement la même chose... D'ailleurs, où est-elle encore allée, celle-là ? Toujours à disparaître ! Ne bougez pas, je vais vous la chercher.

— Oh, mais je compte aller nulle part. Surtout... trouvez-la, ordonne-t-il bien sèchement.

Je suis dans la merde.

Je suis dans la merde.

Je suis dans la merde.

Je fais quoi ? Je sors ? Je prétends que lui et moi n'avons rien en commun et que nous ne connaissons pas ? Je pourrais très bien me faufiler par la sortie de secours quand tous les regards seront ailleurs.

Franchement, ça me fait chier, après tout le mal que je me suis donné pour arriver ici avant lui, il va me faire fuir ? Vraiment.

— Ah ! Elle est là ! Sacrée boucle d'oreille ! Elle glisse partout, la vilaine, mimé-je en utilisant mon meilleur jeu d'actrice possible.

Sortant de ma cachette, ce n'est non fière de moi que j'affronte le regard de feu de mon voisin et, par la même occasion, de notre nouveau partenaire commercial.

Il ne m'est pas difficile de lire en toutes lettres « Tu. Vas. Mourir » dans ses yeux.

— Même pas peur, murmuré-je en regardant Olivier.

— Vous avez dit quelque chose, Philippine ? m'interroge mon patron en se penchant vers moi tandis que je peux sentir tout son mécontentement dans son regard.

— Hm ? Ah, comme cette réunion me tient à cœur !

— Je l'espère. Vous serez celle qui négociera avec Monsieur Joyeau les termes de cet accord.

Pardon ? Quoi ? J'ai cru mal entendre ? Vous pouvez répéter ?

— M... moi ?

— N'êtes-vous pas celle qui se plaint tout le temps, à tel point que cela en est agaçant, que vous n'êtes pas reconnue à votre juste valeur ? Je vous offre une occasion, Philippine.

Ouais, enfin, là, c'est un cadeau empoisonné, quand même.

— Comme c'est gentil à vous...

Soudain, Olivier m'agrippe le bras, sortant son plus beau faux sourire.

— Dans ce cas, impatient que je suis, je vais de ce pas commencer à négocier avec... Mademoiselle... ?

— Mademoiselle Tagliani.

— Tagliatelle ? relève-t-il amusé.

Un léger sourire moqueur apparaît alors sur le bout de ses lèvres qu'il tente de réprimer tandis que mon talon se perd sur ses orteils, lui arrachant une grimace.

— Ah ! Tagliani. J'ai dû mal entendre...

Il nous entraîne tous les deux dans la salle de réunion, refermant les stores.

— Alors, Mademoiselle Spaghetti... On s'entend ?

— Vous voulez vraiment la jouer comme ça avec moi ? On sait très bien que vous ne faites pas le poids. Vous avez eu deux raclées en peu de temps.

— Vous trichez et vous utilisez des méthodes peu recommandables.

— Ça, ce n'est pas mon problème, j'obtiens des résultats.

— Dites-moi, Philippine, quels résultats vous cherchez à avoir avec moi ?

— Je n'en sais rien, dites-moi vous. C'est vous qui me malmenez depuis le début.

— Moi ? Je vous malmène ?

— Parfaitement.

Parce que tout a commencé par ta faute. Ce que tu as commencé, tu dois t'assurer de le finir ou au moins de tenir le rythme contre ton opposant.

— Vous êtes gonflée...

— Il est vrai que je me sens un peu ballonnée avec tout ce sport.

— Et comme d'habitude, vous tournez tout à votre avantage. Jamais vous ne vous accordez un petit moment de répit ?

— Si, le soir, quand je suis SEULE CHEZ MOI ! Oh, mais j'oubliais ! Je ne peux pas être seule étant donné que j'ai une incroyable vue sur le salon de mon voisin.

— Faute à qui ?

— Rebouchez ce foutu trou, Olivier.

— C'est vous qui l'avez fait ! Espèce de folle.

— J'ai dû le faire, car le premier trou du cul du coin m'a expulsée de mon appartement.

— Un quoi... ? Vous m'avez...

— Un trou du cul, pourquoi ? Vous n'avez pas entendu ? Les oreilles, c'est comme la raie des fesses, ça se lave !

— Parfois, je me demande pourquoi vous êtes toujours seule, mais en fait, la question ne se pose même pas. Vous êtes aigrie, méchante, vulgaire, orgueilleuse. Personne ne vous aimera jamais.

Aïe. Touchée. Coulée.

— Vous savez quoi, tête de pioche ? J'ai jamais demandé à être aimée.

Je n'ai pas besoin qu'on me le rappelle. J'ai ma famille pour ça. Personne ne m'aime. Je ne suis que Philippine l'orpheline. Il n'y a jamais eu de place pour moi, j'ai toujours été de trop.

Ma propre famille a vu en moi le suppôt de Satan, faisant de ma mère le diable. Les groupes d'amis m'ont toujours accusée de plomber l'ambiance parce que je n'avais aucun humour et au travail... Je n'ai jamais supporté de devoir travailler en groupe.

Je sors donc de la salle de conférence en trombe. Trop c'est trop.

— Philippine ! Où est-ce que tu vas ? beugle mon patron en me voyant partir avec son air des plus insatisfait.

— JE DÉMISSIONNE, PUTAIN ! BOÎTE DE MERDE ! ALLEZ CREVER EN ENFER TOUS AUTANT QUE VOUS ÊTES !

Jamais plus je ne remettrai les pieds ici. Jamais plus je ne veux entendre parler d'Olivier Joyeau. 

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