Chapitre 14 - Fuyez pauvre fou !

Confortablement installé dans le fauteuil de bureau de Monsieur Pao, Olivier garde son petit air hautain, plein d'assurance. C'en est presque énervant. Je ne vois que ça. Toute la fierté, l'orgueil et la confiance en soi que cet homme dégage. Comparée à lui, j'ai l'impression d'être une quiche. Je déteste les gens comme ça qui vous étalent leur suffisance sans honte en vous montrant bien qui est le meilleur tandis que vous avez une vie, loin d'être misérable, mais tout juste excitante.

Je crois que c'est ce qui manque à la plupart des gens de nos jours : un peu de piquant.

— Donc vous disiez quoi, déjà ? me relance Olivier en remettant sa veste de costume en place.

— Que vous gênez ma réunion. Mais vous savez quoi ? Je peux la faire ailleurs, il n'y a pas de soucis. Gardez le fauteuil. Venez, Monsieur Pao.

— Mais... Philippine, fait alors ce dernier complètement gêné tandis que je l'attends sur le pas de sa porte.

— Non, non, venez. Ayez confiance.

— Hé ! Vous ne partez pas sans moi ! s'écrie Olivier en s'avançant vers moi.

Refermant la porte sous son nez, j'entraîne mon client aussi vite et aussi loin que possible de l'influence de mon concurrent. Il ne manquerait plus que je retourne au bureau en devant annoncer que j'ai perdu Monsieur Pao et les opportunités qu'il représentait pour nous.

Hors de question. De plus, ce n'est pas vraiment dans ma nature de ne pas remporter une victoire haut la main.

— Philippine, vous êtes sûre que... amorce mon client tandis que nous nous tenons tous deux sur les quais, en attente d'une possible résolution de la part d'Olivier, même si j'en doute clairement.

— Monsieur Pao, à mon signal... courez !

Olivier sort du bureau comme je l'escomptais pour se mettre à notre poursuite. J'entraîne mon pauvre petit client dans l'entrepôt, cherchant désespérément une cachette entre deux caisses de bois. Lui non plus, il ne lâchera pas l'affaire de sitôt. Quelle épine dans le pied !

— Philippine !! Je sais que vous êtes là !

Non. C'est faux.

— Voyons, réglons cela en adultes. Vous n'avez plus l'âge de jouer à cache-cache.

C'est ce que tu crois. Il n'y a pas d'âge pour jouer à cache-cache et, honnêtement, si ça ne tenait qu'à moi, je jouerais encore dans les jeux du MacDo, mais mon poids ne me le permet pas. Je risquerais de détruire l'infrastructure.

— Monsieur Pao, ne bougez pas d'ici, ok ? murmuré-je en tentant de le persuader de ne pas gâcher ma fenêtre de tir tandis que je m'apprête à réaliser le plus gros coup de bluff du siècle.

— Mais, Philippine...

— Chut. Il va vous trouver, sinon !

Je sors de mon petit coin, faisant face à un Olivier plus qu'agacé.

— Il paraît que vous me cherchez ? demandé-je tout sourire et prête à profiter de la moindre petite occasion.

— Je vous ai trouvée.

— Je me suis montrée à vous, nuance. Vous n'avez rien trouvé du tout.

— Je pensais que nous allions régler ça comme des adultes ? Cela ne sert à rien de reporter l'échéance. Rendez-vous à l'évidence, vous ne faites pas le poids.

— Croyez-moi, je fais le poids. Mais j'ai peur de vous écraser de par mes hautes capacités. On m'a toujours appris à prendre un adversaire à ma hauteur.

— Dit-elle alors qu'elle est haute comme trois pommes.

— Et ma pêche dans votre poire, ça vous irait ? Vous savez, je vous trouve vraiment désagréable comme personnage. Personne ne pourchasserait un client tel un psychopathe dans un entrepôt.

— Faisons-nous vraiment une salade de fruits ou nous allons discuter ? Et je n'aurais pas besoin de le pourchasser si vous ne vous étiez pas précipitée avec ce dernier jusqu'ici. Vous avez déjà entendu parler de réunions commerciales ? Non ? On discute, en principe.

— Mais nous sommes en train de le faire, bien que cela me défrise complètement.

— C'est plutôt à moi de dire ça ! Bon, où avez-vous caché mon client ?

— Vous voulez plutôt parler de MON client ?

— Non, non, du mien.

— Dans ce cas, désolée, mais je ne l'ai guère aperçu. Vous êtes venu seul, je crois ? Ah non, vous étiez accompagné de votre superbe égo.

— Vous aimez avoir le dernier mot, vous, n'est-ce pas ?

— Pas spécialement, mais j'aime avoir raison. Est-ce que cela se rapproche du fait d'avoir le dernier mot ? Probablement.

On se dévisage tous les deux en chiens de faïence.

— Vous me faites perdre du temps, Philippine.

— Mais je m'en fais gagner à moi-même ! Pas mal, hein ?

Un soupir lui échappe tandis qu'il s'approche de moi, m'obligeant à reculer.

— Dites-moi où il est... me menace-t-il de toute sa hauteur.

— Jamais !

— Philippine, je perds patience.

Par mégarde, mon regard se perd en direction des caisses où j'ai caché Monsieur Pao.

— Ah ! Ah ! Je le savais !

— Il faudra me passer sur le corps !

Me jetant sur lui alors qu'il se précipite vers la cachette que je me suis donné tant de mal à trouver, je le plaque au sol en remerciant mes années de rugby au lycée.

— Courez, Monsieur Pao ! FUYEZ, PAUVRE FOU !!!

J'ai un mal fou à contenir Olivier tandis que Monsieur Pao, probablement déboussolé et dans l'incompréhension de la situation, s'échappe de l'entrepôt. Comment deux adultes respectables en sont arrivés là ?

— Alors ? Je ne fais toujours pas le poids ? Hein ? demandé-je en étant allongée de tout mon long et en y mettant tout mon poids sur un Olivier sur le dos cherchant désespérément à se débarrasser de moi.

— Mais poussez-vous de là, voyons ! m'ordonne-t-il en me remuant.

— Laissez mon client tranquille ! exigé-je.

— Vous, laissez-moi tranquille ! Vous êtes complètement folle, ma parole ! D'abord l'appartement et maintenant mon lieu de travail ! C'est un costume tout neuf que vous m'obligez à rouler dans la poussière !

— Et c'est un tailleur d'occasion que vous me faites salir ! À votre place, je serais reconnaissant, plus d'un homme rêverait de m'avoir sur eux ! me vanté-je pas peu fière de moi.

— C'est seulement pour vous faire plaisir de croire ça. Descendez de là !

Réussissant à finalement se dégager, il se relève dans la foulée, me laissant vautrée à même le sol.

— Vous êtes vraiment un cas unique... dit-il en soupirant comme s'il se résignait.

— Je vous préviens, si je vous vois rôder autour de mon client, je n'hésiterai pas à recommencer. Je vois votre intervention sur mon marché comme une déclaration de guerre.

— Vous voulez vraiment une déclaration de guerre ? Parfait ! Je piquerai chacun de vos clients et je vous mettrai à la rue une bonne fois pour toutes ! me menace-t-il de son regard foudroyant.

— Vous serez mort avant... Apparemment, vous avez des allergies.

Eh oui, étudier les points faibles de mon ennemi, c'est ma spécialité !

— Je vous déteste, siffle-t-il en se retournant.

— Et moi, je vous méprise.

— Je vous hais encore plus !

— Tant mieux !

Et tandis que le ciel se couvre à l'horizon, le nuage de la guerre se profile petit à petit au-dessus de nous.

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