Chapitre 4

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Comme promis, la suite de notre petite histoire, en espérant qu'elle vous fera passer un bon moment !

Tan & Zinie

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Alors que le soleil pointait à l'horizon, l'homme mettait un pied devant l'autre, au hasard, dans une progression un peu chaotique parsemée de course et de marche lente où ses jambes menaçaient de le lâcher. La densité de la forêt ne lui permettait pas de distinguer le lever de l'astre et pourtant, déjà, ses yeux lui semblait douloureux. Était-il resté si longtemps dans le noir complet ?

Il s'arrêta à proximité d'une rivière, le souffle court et l'estomac noué par la peur, la faim et l'anxiété, face au vide que constituait sa mémoire. Il prit de l'eau dans ses mains en coupe et la porta à ses lèvres. Ses cheveux lui masquèrent la vue du monde, en formant un rideau autour de lui, et il les repoussa maladroitement. Il se promit de couper cette tignasse insensée à la première occasion et s'assit lourdement au sol, reprenant un souffle régulier.

Il ferma les yeux et inspira profondément, laissant son corps prendre le relais. Ses mains vinrent d'elles-mêmes se placer sur ses genoux, tandis qu'il croisait les jambes et il se redressa, se concentrant pour ignorer tout ce qui l'entourait. Il y avait quelque chose, là, au creux de sa poitrine. Quelque chose de vital qui pourrait l'aider, si seulement il comprenait comment l'atteindre. Il sentit une chaleur réconfortante parcourir sa peau et quelques forces lui revenir. Après quelques minutes, il se releva et fit le point. Son corps semblait aller mieux : il percevait la fatigue, mais rien qui puisse le contraindre à rester immobile ici. Son esprit, en revanche, était aussi vide que possible.

Je peux marcher, la belle affaire. Et pour aller où ?

Il se décida alors à suivre la lueur du soleil et traversa la rivière avant de faire marche arrière pour en suivre le lit le plus longtemps possible. Marcher dans l'eau demandait plus d'efforts, mais son instinct lui hurlait que la distance ne ferait pas tout, contre ceux qui le poursuivaient. La forêt devint moins fournie et il plissa les yeux, l'inconfort grandissant à mesure que le jour avançait. Ses pas le menèrent à proximité d'une maisonnette qui avait dû connaître des jours meilleurs. Il s'en approcha avec prudence et n'entra qu'après s'être assuré qu'elle était vide. « Abandonnée » serait le mot juste.

Il y trouva un lit sur lequel il refusa de s'installer, de peur de se faire dévorer vivant par les parasites, et un coffre qui ne contenait que des couvertures miteuses, et en-dessous, quelques vêtements épargnés par l'humidité. Il arracha les siens ou ce qu'il en restait et enfila la chemise et le pantalon de toile rugueuse à la place, en grimaçant d'inconfort. Pas étonnant que ces habits soient restés à peu près intacts : même les puces ne voudraient pas s'y loger ! Il dénicha également une petite boîte renfermant des pointes et des hameçons rouillés. Son estomac gronda de frustration à cette vue, et il décida de ne pas négliger un avertissement aussi clair. Il tira sur les fils de l'une des vieilles couvertures et s'en fit une pelote, récupéra un vieux couteau dont le manche semblait presque plus solide que la lame, et empocha la petite boîte avant de reprendre sa route avec prudence. L'oreille aux aguets, il se laissa guider par le bruit de l'eau et retrouva une rivière, incapable de déterminer s'il s'agissait de celle qu'il avait quitté plus tôt. Il trouva un endroit qui lui permettait de s'installer, tout en restant à l'abri des regards, et s'affaira. Il ne tenait pas à rester trop longtemps au même endroit, surtout si proche d'une source de bruit qui l'empêcherait de deviner l'approche de ses poursuivants.

Bientôt, il put mordre à pleines dents dans un poisson, à peine gêné par la chair crue tant la faim le tenaillait. Si sa lenteur ne le faisait pas prendre, à ce rythme, les hurlements de son estomac le feraient !

À priori, tu sais pêcher. Mais peu de chance que tu aies été enfermé pour avoir péché le mauvais poisson...

Le double sens de ses pensées le fit sourire et il repoussa fermement les idées noires qui rôdaient à la limite de son esprit. Il n'était pas encore temps de se poser trop de questions. Pourtant, cette cabane lui avait durant quelques instants rappelé un autre endroit. Isolé. Un lieu où il serait en sûreté. Mais il ignorait où se trouvait cet endroit, et il l'ignorait encore, alors qu'il avait repris sa marche depuis longtemps déjà. Le soleil était haut et l'obligeait à avancer le nez au sol. La chaleur l'accablait et il finit par se pelotonner dans une souche creuse et s'y endormit. Lorsqu'il s'éveilla, la nuit était tombée et la pénombre lui redonna de la vigueur. Il se sentait supérieur, dans ce noir qui handicaperait ses poursuivants, et en profita pour accélérer sa course. Il tenta de se repérer aux étoiles, et constata à l'évidence qu'il en était tout à fait capable.

Bien mon grand. Tu connais les étoiles, mais tu ne sais plus qui tu es...

La nuit s'étira et il dut lutter à la fois contre la fatigue physique et morale. À quoi bon courir. Vers où ? Pour fuir quoi, ou qui ? Combien de temps ? Mais l'instinct de survie surpassait tout, et un sentiment étrange le portait. Une envie de revanche.

Il accéléra sa course en sentant ses cheveux se dresser sur sa nuque, les bras parcourus de frissons. Tout en lui hurlait au danger, et il perçut bientôt des sons qui n'appartenaient pas à une forêt. Rien ne semblait suggérer qu'on l'avait vu, aucun cri, aucune course, mais quelqu'un approchait, à n'en point douter. Quand les arbres laissèrent brusquement place à la roche, il n'eut pas le temps de réaliser que le décor changeait, pas le temps de dévier sa course. Ses pieds ne trouvèrent bientôt plus aucun appui et il chuta durant de longues secondes. Il réprima un cri de surprise autant que de peur en tombant, mais ne put retenir un glapissement quand l'eau l'engloutit. Il s'efforça de rester sous le niveau de l'eau et se laissa emporter, plaçant ses bras devant lui pour s'éviter quelques mauvais coups.

Le tumulte de l'eau se calma ensuite, et il envisagea de rester ainsi, à avaler la distance sans faire trop d'efforts, mais l'idée de se laisser porter, de ne rien contrôler, le rebutait. Une fois de plus, il suivit son instinct et décida de stopper son voyage aquatique, après un énième méandre calme. Lorsqu'il réussit à rejoindre la rive, il s'extirpa de l'eau à grand-peine, tremblant, épuisé, mais vivant et libre.

Du bout des doigts, il étudia son visage et constata qu'il n'avait pu éviter tout ce que charriait la rivière. Il était blessé et saignait légèrement. Ses bras et ses jambes souffraient également de plusieurs griffures sanguinolentes, et il refusa tout net d'observer son abdomen, peu désireux de constater trop tôt les dégâts, mais les tâches sombres qui s'épanouissaient sur sa tunique n'auguraient rien de bon. Il dirigea ses pas vers l'aval de la rivière avant de s'arrêter et d'observer autour de lui. Il rebroussa alors chemin et, contre toute logique, grimpa sur la colline escarpée et boisée, tournant le dos à un terrain plus praticable.

Bientôt, ses pas furent plus assurés, malgré la fatigue et la douleur. Son cœur battait dans ses tempes. Il ne reconnaissait pas cet endroit, pas de manière consciente. Il aurait été incapable de seulement dire dans quelle région il se trouvait, mais son corps, son cœur, reconnaissaient cet endroit. Il courut presque sur les derniers mètres, bifurqua brusquement à l'aplomb d'une falaise et s'engouffra sur un sentier encombré de mauvaises herbes. Cette fois, il ne prit aucune précaution particulière et se jeta simplement contre la porte de la maisonnette cachée entre les arbres. Il étrangla un sanglot de soulagement quand un sceau s'illumina sur la porte, avant qu'elle ne s'ouvre. Il entra et referma consciencieusement derrière lui, puis se tourna et observa la pièce.

Son cœur tambourinait dans sa poitrine au point qu'il se sentait mal. Il étudia les lieux la gorge serrée, comme on observe en cachette, de crainte d'être moqué, ses anciens dessins d'enfant. Il inspira plusieurs fois, gêné par cette nostalgie qu'il ne comprenait pas, mais échoua à se contenir. Il ouvrit les placards, observa sous l'unique lit de la pièce centrale, fit l'inventaire de la cuisine. Partout, des talismans avaient maintenus les lieux en état. Lorsqu'il fit de nouveau face à la porte, il constata qu'un glyphe complexe l'ornait. Il sourit pour lui-même. Si quelqu'un était assez talentueux pour l'atteindre, si quiconque réussissait à le trouver ici, alors il méritait bien de le tuer. Il se laissa tomber à côté de la table et en caressa la surface du bout des doigts, avant de porter la main à ses joues humides.

Pourquoi pleures-tu, idiot ? Tu es en sécurité ici. Reprends-toi. Réfléchis.

Il n'avait pas été en mesure de réfléchir bien longtemps, une fois à l'abri dans cette maison étrangère et familière à la fois. Il avait rapidement séché ces larmes inutiles pour se concentrer sur ses blessures. La cuisine occupait une pièce à l'arrière de la maison et possédait un évier taillé à même la pierre. Un filet d'eau claire s'écoulait en continu, simplement guidé par une tige de bambou coincée dans un creux pas plus gros que son pouce. Il se lava sommairement et utilisa les herbes qui se trouvaient là pour désinfecter ses plaies. Il resta longuement, le regard fixé sur des étagères qu'il ne voyait même pas, les doigts serrés autour d'un flacon qu'il avait pris par réflexe, comme s'il avait quitté cette demeure la veille. Tout était soigneusement aligné, étiqueté, mais il n'avait pas eu besoin de lire quoi que ce soit. Il connaissait cet endroit.

Il aurait été incapable de dire ce que contenait ce logis, mais chaque fois qu'il cherchait un objet, il se dirigeait automatiquement vers le bon emplacement. Il trouva deux épées dans un long coffre sous le lit, dans une malle sous une petite fenêtre, des vêtements propres qu'il étudia avec incrédulité. Certaines tenues semblaient avoir deux tailles de plus que les autres. Une étagère croulait sous les livres, et il en feuilleta quelques-uns, se sentant démuni et agacé. Tout lui était familier. Tout lui était étranger.

Il dénicha enfin des jarres dont l'une contenant du riz et prit le risque d'allumer un feu pour en faire cuire.

Au stade où j'en suis, si quiconque arrive avant la fin de la cuisson, c'est lui que je mange !

Il s'alimenta avec urgence, comme si tout pouvait brusquement lui être retiré, et observa le jour poindre par la fenêtre. Ses yeux étaient douloureux encore, mais il pouvait supporter l'aube. Il avait du mal à garder la tête droite, le sommeil le gagnant peu à peu, et il luttait pour parvenir à se décider. Rester ici pour se reposer ? Il ne semblait pas avoir trop de choix... Mais ensuite ? Ce lieu était-il suffisamment sûr ? Assez protégé ?

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