Chapitre 29

Le chef de clan Nie avait réussi à esquiver tous les combats qui se déroulaient à proximité du temple. Il s'était montré aussi efficace que possible en aidant les blessés sans se mettre en danger, évitant ainsi d'apporter de la difficulté à une situation déjà bien assez complexe.

Dehors, la bataille avait à peine cessé faute de combattants et Huaisang accourait vers les marches, quand il vit Jin GuangYao émerger tout affolé de l'édifice.

— Que se passe-t-il, où t'enfuis-tu comme ça ?

Sans ralentir le pas, Meng Yao se retourna pour lui répondre, agacé :

— Je cours à JinlinTai m'occuper d'A-Ling ! Et ne pourrais-tu pas pour une fois m'aider, au lieu de toujours me soupçonner ?

— Excuse-moi, mais l'expérience m'a souvent démontré qu'il valait mieux se méfier de toi que l'inverse ! rétorqua Nie Huaisang sur un ton aigre.

Sur quoi, Lan Sizhui et Wen Ning s'avancèrent vers eux, l'air préoccupé.

— Où sont Wei-gongzi, HanGuang-Jun, Zewu-Jun et Jiang-zongzhu ?

S'arrêtant enfin, Meng Yao ne cacha pas sa joie de revoir ses deux amis, en particulier le cadavre féroce qui lui était devenu si sympathique. Wen Ning était tellement différent de celui qui l'avait pourchassé à l'intérieur, que Meng Yao trouvait presque injuste de leur donner la même dénomination.

— Général Fantôme, comment se fait-il que vous soyez là ? fit-il avec un sourire.

— C'est Wei-gongzi et A-Yuan qui m'ont alerté.

— Oui, confirma Sizhui. Père m'a appris que vous aviez été enlevé, alors Oncle Ning est là pour nous protéger pendant notre voyage vers Lanling. Pardonnez mon indélicatesse, mais est-ce que vos ravisseurs vous ont maltraité ?

Cela faisait tellement longtemps que nul ne s'était plus préoccupé de son sort, que Meng Yao n'en crut pas ses oreilles, et les larmes lui montèrent aux yeux.

— C'est gentil de ta part de t'en inquiéter, mais rassure-toi, je vais bien maintenant.

Ce disant, il fit discrètement jouer son poignet malmené, et constata avec satisfaction qu'il était guéri. Sizhui lui fit un adorable sourire, puis se pencha vers son oreille et chuchota :

— Et vous avez bien l'amulette, n'est-ce pas ?

Je suis désolé, je sais combien Oncle Xichen est soucieux de votre bien-être et de votre sécurité. Mais c'est la vie d'A-Ling qui est en jeu, et à mes yeux, rien ne saurait passer avant cela !

Meng Yao glissa la main dans sa poche qiankun pour vérifier que le charme était toujours là, avant de le confirmer à Sizhui d'un clignement de paupières.

— Parfait ! Alors ne perdons pas de temps, conclut ce dernier, en l'invitant d'un geste à grimper avec lui à bord de Suibian.

Meng Yao lança un regard désespéré vers l'entrée du temple. Il comprenait que ses ravisseurs lui avaient menti et s'étaient moqués de lui. Car non seulement Zewu-Jun avait volé à son secours, mais il s'était battu comme un enragé pour préserver sa vie, au risque d'y perdre la sienne. Des images de son amant tenant tête au cadavre féroce revinrent le hanter, et il s'entendit supplier :

— Ils sont toujours en train de combattre ChiFeng-Zun... Peut-être qu'un peu d'aide leur serait utile ?

Les cultivants présents décidèrent rapidement de l'organisation des forces restantes. Il fut arrêté que LianFang-Zun partirait seulement accompagné de Sizhui, et escorté par Wen Ning, ce qui constituait pour Huaisang une concession bien assez grande.

Une fois installé sur l'épée, qui s'élevait doucement dans les airs, Meng Yao se détendit. Toute tension nerveuse enfin envolée, la fatigue commençait à le gagner. Au bout de quelques kilomètres, Sizhui sentit sa tête s'incliner sur son épaule et comprit que son hôte s'était assoupi. Il demanda à Wen Ning de lui prêter l'une de ses chaînes, qu'il arrima autour de sa taille et celle de son passager, pour le maintenir en sûreté.

Et tandis qu'ils s'acheminaient vers JinlinTai, Meng Yao dans un sommeil agité vit défiler sous ses yeux toute sorte de guerriers sanguinaires. Maintenant qu'il avait découvert de quelle façon Lan Huan était capable de se battre pour lui, son point de vue sur les choses avait bien changé. À commencer peut-être par le retour de ce doux nom de « Lan Huan » dans ses notes mentales... Ainsi, le pur et noble Zewu-Jun pouvait lui aussi tremper ses mains dans le sang, et tout comme ceux qui avaient kidnappé Meng Yao, plonger son âme au cœur de la noirceur et de la saleté ?

Le jeune rêveur ignorait encore si ce constat l'horrifiait, ou suscitait au contraire son enthousiasme. Ce dont il était sûr, c'est que cela lui rendait Lan Huan infiniment plus humain. Le célèbre Premier Jade n'était plus ce modèle de dignité et de retenue, drapé dans sa certitude arrogante d'être toujours placé du bon côté de la barrière. Il n'était plus à ses yeux un dieu mais un homme, et Meng Yao trouvait cela beaucoup moins intimidant.

Alors que la bataille continuait à faire rage, ce fier combattant qu'il admirait tant se tourna soudain vers lui, et vissa son regard au sien. Sans le quitter des yeux, Zewu-Jun fit un bond prodigieux qui le propulsa plusieurs mètres au-dessus du sol, jusqu'au plafond voûté du temple. En redescendant, il plongea vers Meng Yao et brandit son épée au-dessus de sa tête...

Que se passe-t-il, qu'est-ce qu'il me v...

— Au secours ! hurla-t-il enfin, alors que la lame s'abattait sur lui.

Tremblant de tous ses membres, il agrippa Sizhui dont seuls les excellents réflexes leur avaient permis d'échapper à l'embardée, qui autrement les aurait jetés à bas de Suibian. Le propriétaire de l'épée redressa le cap en toute hâte, tandis que Wen Ning se positionnait en-dessous d'eux, pour le cas où une chute malencontreuse aurait eu lieu.

Terrifié par son cauchemar, Meng Yao ouvrait des yeux exorbités, les ongles enfoncés dans les côtes de Lan Sizhui. Un geste qui aurait pu déstabiliser le jeune conducteur ; au lieu de quoi, tout en retenant son passager contre lui, il atterrit en douceur dans la cour de JinlinTai. À leurs côtés, Wen Ning, qui jusque-là volait un peu en retrait, força l'allure pour toucher terre en même temps qu'eux.

— Ça va, LianFang-Zun ? l'interrogea-t-il, dès que ce dernier eut posé son pied sur le sol.

— Je... j'ai fait un rêve horrible ! articula Meng Yao, encore effrayé. J'ai rêvé que Zewu-Jun voulait me tuer...

Wen Ning et son neveu en restèrent tout interdits. Serait-ce déjà l'un des premiers effets du puisant artefact que le seigneur LianFang-Zun portait désormais sur lui ? Ils se regardaient embarrassés, se demandant s'ils devaient ou non lui dire la vérité, quand dans une envolée de robes blanches et or, des dizaines de gardes Jin déboulèrent en trombe pour encercler le cadavre féroce coupant court à leur interrogation. A-Yuan avait oublié combien son oncle Ning représentait encore pour beaucoup l'ennemi indésirable.

Meng Yao eut alors l'idée qui allait non seulement leur sauver la mise, mais également leur ouvrir grand les portes de JinlinTai. Il plongea les doigts dans sa manche qiankun et en ressortit l'Amulette du Tigre stygien.

— Regardez ! cria-t-il, en le brandissant aux yeux de tous. J'ai le remède qui va nous permettre de soigner et guérir votre chef de secte.

Contempler ce talisman que tous les grands clans avaient convoité resurgir des limbes frappa de stupeur une bonne partie de l'assemblée. Des hommes reculèrent même de quelques pas, inquiets de voir ce dangereux objet entre les mains du non moins dangereux Jin GuangYao. Le fétiche ne reposait pas directement dans sa main, mais tournoyait à quelques centimètres au-dessus de sa paume, enrobé de volutes de fumée bleutée.

— C'est la vérité ! confirma Lan Sizhui, conscient du début de malaise qui s'installait. Sans l'aide du Général Fantôme et de LianFang-Zun, nous n'aurions jamais remis la main sur ce précieux outil qui va sauver Jin Ling !

Comme pour authentifier ses dires, le chien spirituel de Jin Rulan surgit subitement de nulle part pour se frotter aux jambes de Meng Yao. Xianzi y mettait une telle confiance, une telle affection, que nul n'osa plus douter des intentions des nouveaux-venus.

— Très bien, acquiesça le chef des gardes. Suivez-moi, je vais vous conduire jusqu'à la chambre de notre zongzhu.

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