Chapitre 20
Bien à l'abri dans son HanShi entouré de bambous, Xichen ordonna à son valet d'apporter une autre couverture, et de préparer du thé noir bien chaud. Pendant que l'homme s'affairait dans la cuisine, il retourna dans sa chambre au chevet d'A-Yao. Sa confrontation avec tous ces inconnus, et les révélations brutales qu'ils lui avaient assénées, avaient eu raison de ses dernières forces. Une fois arrivé dans les appartements du chef de clan, A-Yao, après trois mots de politesse, avait vite avoué qu'il avait besoin de prendre du repos.
À présent, il était là bien au calme, et Xichen avait l'impression d'être revenu des années en arrière. Du temps des jours heureux. Il écarta du bout des doigts les mèches noires d'A-Yao, que la sueur avait collé sur son front, et tapota ses tempes avec un linge humide.
— Tu te sens un peu mieux ?
A-Yao ne lui répondit pas, se contentant de laisser son regard errer dans la pièce. La chaude et douce lumière des bougies faisait ressortir son teint de nacre, et troublé par l'extrême sensualité de sa pose involontairement alanguie sur le lit, Xichen détourna les yeux de l'arrondi de ses genoux qui attirait inexorablement sa main. Par chance – ou malchance, dépendant du point de vue où l'on se plaçait – le serviteur revenait de la cuisine avec l'édredon demandé et une théière pleine.
— Lan-zongzhu, désirez-vous autre chose ? fit l'homme, après avoir déposé le pot à thé sur la table.
Oui, j'aimerais poser ma main sur sa cheville et la remonter tout doucement le long de sa jambe, jusqu'à ce que...
— Hum... non, je n'ai plus besoin de rien, merci. Tu peux te retirer.
L'homme s'éloigna sous le regard de Meng Yao, qui, dès qu'il eut disparu derrière la porte, reprit aussitôt son examen attentif des lieux.
— Qu'est-ce que tu cherches des yeux comme ça ? lui demanda Xichen avec un petit rire.
— Tes trophées de chasse !
— Qu'appelles-tu mes trophées de...
Puis il se rappela l'histoire de la tête de cerf empaillée, et sentit toute sa tristesse affluer à nouveau. Il se dirigea alors tout droit vers le coffre où était entreposée sa garde-robe. Xichen souleva un hanfu et sortit une ceinture brune, ainsi que deux pampilles de couleur jaune doré. Avant que Meng Yao ait pu proférer la moindre remarque, il affirma avec conviction :
— Oui, bien sûr, cela m'a été très utile de conserver ces souvenirs de toi ! C'est ce qui m'a permis de ne pas devenir fou, et de me remémorer combien j'avais aimé poser mes mains sur cette ceinture, en t'enlaçant. Combien notre confiance mutuelle était forte, au point que tu me laissais t'aider à la nouer autour de ta taille, si fine... J'ai aimé me rappeler les nombreuses fois où tu me demandais de vérifier que ta tenue était parfaite, avant de sortir en public. Et si je n'ai pas osé arborer tes pampilles, c'est tout simplement parce que la Cultivation ne l'aurait jamais toléré, et que Wangji aurait également désapprouvé de me voir ainsi m'accrocher au passé. Mais dans le secret de ma chambre et de ma couche, je les ai sorties chaque nuit, pour avoir l'impression de m'endormir à tes côtés. Je refuse d'avoir honte de cela !
Des aveux tremblants, qui laissèrent Meng Yao sans voix. S'il doutait encore que cet homme l'avait aimé passionnément, les preuves étaient là, posées sur le lit, irréfutables. Il voyait que Lan Huan n'osait plus faire un geste et hésita à lui prendre la main, mais finalement y renonça.
— C'est vrai que c'est ton frère qui m'a tué... Je ne peux pas lui donner tort, apparemment, j'ai vraiment été une horrible personne !
Le moment que Xichen redoutait depuis si longtemps venait d'arriver. On aurait dit qu'il s'était transformé en statue de sel, en se demandant comment il allait faire pour avouer à Meng Yao qui était son véritable meurtrier. Son jeune frère juré le regarda avec compassion.
— Ne sois pas triste. En m'exécutant, ton frère n'a fait que son devoir, il a été à la hauteur de son rôle de XianDu.
— Il ne l'était pas encore à l'époque, fit Xichen d'une voix atone, c'était toi.
Meng Yao le regarda, interloqué. C'était en effet ce que Jiang Cheng lui avait dit, et également ce qu'il avait lu dans les notes de Lan Huan, ainsi que dans les livres consultés à la Tour Jinlin. Il n'avait tout simplement pas encore l'habitude de se considérer comme autre chose qu'un fuyard sans mémoire, qui se cachait de la furie des hommes.
Alors que Xichen cherchait encore comment aborder le sujet épineux du réel assassin d'A-Yao, un talisman d'alerte voleta devant leurs yeux avant de s'enflammer.
— Qui est-ce qui nous envoie cela ?
— C'est Wangji, fit Xichen en parcourant rapidement le parchemin du regard. Il nous demande de le rejoindre à la Tour Jinlin.
L'inquiétude serra la poitrine de Xichen. Ils n'étaient arrivés que depuis quelques heures, que pouvait-il bien se passer qui nécessite un retour soudain ?
— Devons-nous repartir immédiatement, interrogea Meng Yao d'une voix hésitante.
Xichen répondit par la négative d'un simple signe de tête.
— Prenons du repos. Nous sommes déjà parfaitement informés de la situation, ce qui n'est pas le cas de tous les chefs de clan. Ils seront renseignés aux premières heures, quant à nous, inutile de nous précipiter, nous ne ferions qu'apporter de l'agitation.
Et que ses ancêtres lui viennent en aide, il savait d'expérience que les hommes n'avaient pas besoin de cela pour s'échauffer !
Xichen sourit à Meng Yao, attendri de lire l'inquiétude sur son visage.
— Il ne s'agit que d'une procédure habituelle pour convoquer une grande réunion, nous n'avons pas plus d'aide à apporter maintenant qu'il y a quelques heures... Prends le temps de te reposer.
Mais au moment où il fit mine de se retirer, Meng Yao eut un geste vers lui, comme si le voir quitter la pièce le révulsait.
— S'il te plaît, souffla-t-il, ne me laisse pas.
Meng Yao avait détesté ces heures d'attente solitaire dans cette maisonnette pourtant agréable, à se demander quand Lan Huan allait revenir, ou même simplement s'il reviendrait. Conscient malgré tout du trouble de son ami, il ne put retenir une tendre taquinerie :
— Tout de même ! Sept années à conserver précieusement des bouts de tissu, en ma mémoire... Tu ne vas pas m'abandonner, maintenant que je suis là ?
Lan Huan paraissait incapable de parler, mais son regard disait tout ce qu'il avait besoin de comprendre. Meng Yao s'approcha et posa sa tête contre son torse, avant de fermer les yeux. Un soupir de satisfaction lui échappa, lent et apaisé. Il reprit en murmurant, faussement boudeur :
— J'ai passé sept froides années, endormi dans un cercueil de méchante pierre, gardé par des cultivants agressifs. J'exige réparation !
Il sentit la poitrine de Xichen secouée d'un petit rire, qui l'apaisa mieux que mille breuvages, et frémit lorsque sa main se posa dans son dos. Il releva la tête vers lui et le laissa poser son front contre le sien, accueillant ses aveux, la gorge serrée :
— Et moi, j'ai passé sept années à t'imaginer seul et dépourvu de souffle dans ce tombeau, maudissant le destin de t'avoir éloigné de mes bras.
Tous deux savaient parfaitement que « le destin » n'était pas le seul à blâmer mais qu'il avait reçu un sérieux coup de main, cependant, rien au monde n'aurait pu leur faire aborder ce sujet déplaisant.
— Mais tu es de retour... se réjouit-il. Enfin, tu es de retour ! Et plus jamais, je...
Xichen ferma un instant les yeux. Il ne pouvait pas faire ça. Il ne pouvait pas lui mentir, même par omission. Participer lui aussi à cette situation confuse, qui rendait tout si compliqué pour Meng Yao. Il avait exigé que rien ne lui soit dévoilé, si ce n'était pas indispensable pour trouver une solution et aider Jin Ling. Il avait posé ces conditions dans le but de protéger Meng Yao, pas pour se protéger lui-même. Or, ce qu'il cachait là...
— Nous devons parler, finit-il par souffler, d'un ton qui disait assez combien cela serait désagréable.
— Non, trancha aussitôt Meng Yao. Non, assez de bavardages ! Laisse-moi oublier cette ancienne vie. Rien de ce que j'ai pu y faire n'avait l'air bien moral... La seule chose positive qui me soit revenue, c'est toi. Et tu es là. Tout le reste n'est que vent.
Meng Yao avait gardé les paupières closes, glissant ses lèvres contre la joue de Xichen, tout le temps qu'il avait pris pour minauder ces mots. Il ouvrit enfin les yeux et croisa son regard.
— Montre-moi... chuchota-t-il. Montre-moi cet autre aspect de mon passage ici. Le reste peut bien attendre.
La tempérance du chef de clan Lan avait été mise à rude épreuve durant ces quelques minutes, bien plus que durant les sept dernières années réunies. Il enlaça plus étroitement l'homme blotti contre lui et l'embrassa avec tendresse. A-Yao avait raison : les mots n'étaient pas utiles, quand les gestes exprimaient bien mieux tout ce qu'il ressentait. Ses regrets attendraient.
Xichen remonta ses mains sur les flancs et le torse d'A-Yao, puis les glissa contre son cou, prenant son visage en coupe. Son pouce caressa une oreille, avant que sa bouche vienne en goûter le lobe. Il sourit de sentir A-Yao frissonner sous sa langue et ses doigts, et émettre un « Oh ! » surpris. Connaissant les moindres failles de son amant, il possédait forcément une longueur d'avance.
— Tricheur... lui souffla Meng Yao, le cœur battant, parfaitement conscient de ses manœuvres.
Mais à ce jeu-là, il n'avait aucun scrupule à enfreindre les règles, peu importe qui les avait édictées.
— En aucun cas. C'est de la stratégie, mon très cher !
Le rire léger d'A-Yao acheva de lui faire oublier le monde autour d'eux, et il l'embrassa de nouveau avec plus de passion que de tendresse, répondant aux gestes empressés qui le débarrassaient de sa ceinture, écartant les pans de sa robe. Xichen l'entraîna vers le lit, tandis qu'A-Yao sans se détacher de lui posait ses lèvres sur chaque centimètre carré de peau à sa portée.
— Tu veux me dévorer vivant, c'est ça ? rit Xichen, en l'allongeant sur les draps plus rudement qu'il ne l'aurait voulu.
Le désir rendait les yeux d'A-Yao luisants. De voir Lan Huan penché ainsi, au-dessus de lui, le plongeait dans l'extase et le laissait sans répartie, mais pas sans initiative. Il tourna la tête sur le côté et lui mordilla le poignet, tout en tirant sur la manche de sa robe intérieure pour la faire glisser le long de son bras. Des biceps ronds et lisses apparurent sous ses yeux émerveillés, qui ne se lassaient pas d'admirer cet homme. Il tendit la main pour les lui caresser, en profitant au passage pour lui défaire son ruban.
Lan Huan secoua la tête afin de libérer ses longs cheveux, qui coulèrent en cascade sur le torse de son partenaire. Une envolée de musc étourdit aussitôt Meng Yao jusqu'au vertige. Les réminiscences de ce parfum chaud et capiteux semblaient graver quelque part en lui, associées à de délicieuses sensations
— Si tu veux jouer à ça, nous allons être deux ! fit Xichen, entreprenant à son tour de le déshabiller.
Ils étaient tellement en manque l'un de l'autre, qu'en moins d'une minute, ils se retrouvèrent tous les deux entièrement nus, leurs robes et leurs pantalons jetés pêle-mêle sur le tapis. Xichen avait oublié combien A-Yao avait la peau douce, il était si heureux de retrouver son odeur ambrée et de pouvoir la parcourir à nouveau des doigts, qu'il en aurait pleuré !
La bouche sèche, Meng Yao observa la fine ligne de duvet brun qui lui courait du nombril au pubis, avant de tomber sur sa virilité dressée qu'il fixa avec avidité. Mais son amant fut plus rapide que lui, ou peut-être simplement plus affamé.
Pour une raison inconnue, Xichen avait toujours adoré ses genoux. Il aimait leur rondeur sous sa paume, et se pencha pour les embrasser, avant de les écarter tout doucement. La beauté d'A-Yao, comme livré sans défense à son bon vouloir, le fit déglutir avec difficulté... jusqu'au moment où son joli démon le dévisagea avec insolence, en soulevant son bassin de la manière la plus suggestive.
Il est vrai qu'A-Yao ne s'était jamais caché d'éprouver une affection particulière pour les fellations. Et Xichen, en bon élève, avait tellement aimé apprendre à les lui prodiguer ! Cette nouvelle première fois n'allait pas faire exception... Mais avant que Xichen ait pu terminer son office, A-Yao, haletant, le repoussa fermement pour avouer tout bas :
— Maintenant, je te veux en moi...
Un ordre qui ne manqua pas d'embraser les reins de Xichen, qui se prépara mentalement à lui offrir tout le plaisir possible. Après les préliminaires entrecoupés de baisers et de soupirs, Xichen s'enfonça lentement en lui, et Meng Yao l'accueillit avec un petit cri. Son compagnon s'inquiéta aussitôt :
— Je t'ai fait mal ?
A-Yao le gratifia d'une adorable moue de dénégation.
— Je dois juste me réhabituer, c'est tout ! fit-il, choqué que Lan Huan puisse le soupçonner de maniérisme.
Car peut-être bien qu'il avait perdu la mémoire, mais son corps, lui, se souvenait. Il se rappelait ces lentes intrusions, et savait comment s'y adapter, pour les transformer très vite en la plus pure des jouissances. Alors il alla de lui-même au-devant du désir de Lan Huan... Et tout en soutenant avec délectation les assauts de ce corps puissant, Meng Yao se dit que s'il devait plus tard affronter un danger, nul doute que ce beau guerrier saurait le défendre avec vigueur et âpreté.
— A-Huan... gémit-il soudain, en se tordant de plaisir au moment ultime.
Aspiré par son tourbillon de feu, Xichen essaya de lui résister encore un peu, mais bientôt dut se résoudre à rendre lui aussi les armes. Après l'amour, il aima se nicher dans son cou criblé de ces charmants grains de beauté qu'il aimait tant. L'ambre et le musc se mêlaient à présent, bienheureux, aux effluves de leurs ébats.
Xichen se rappela comment, des années plus tôt, A-Yao avait été celui qui l'avait initié à ces délices. Ce soir, son invité s'était montré plus fébrile qu'il ne l'avait jamais été, mais il avait retrouvé dans ses gestes la même tendresse, la même manière de rechercher un contact entre leurs deux peaux, le même désir d'être cajolé, aimé. Ce même élan qui avait fait de lui l'homme qui avait su le toucher plus que quiconque. Chaque baiser, chaque caresse semblait hurler : « Ne me lâche pas, ne me laisse pas, aime-moi ! »
Xichen avait savouré chaque instant, se délectant des soupirs de son amant, de chaque frémissement, du moindre gémissement. Les yeux plongés dans les siens, il s'était assuré que celui qu'il avait tant regretté sache qu'il était aimé.
Lorsque le sommeil les emporta enfin, il retint des larmes de soulagement à le sentir lové contre lui, un bras passé sur sa poitrine, son front à portée de baisers. Il inspira doucement son odeur tandis qu'il dérivait lentement, comblé. Bientôt, le souffle d'A-Yao se fit plus régulier, indiquant qu'il dormait désormais profondément. Alors dans le secret de la nuit, Xichen, en fermant les yeux et en le serrant plus fort contre lui, murmura tout bas :
— Je t'aime. Plus que ma propre vie.
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