Chapitre 17


La rapide détérioration de l'état de santé du Jin Zonghzu alarma tous les chefs de clan, ce qui incita les membres de sa famille à s'accorder rapidement pour laisser le champ libre à LianFang-Zun.

— Comme l'a très sagement souligné HanGuang-Jun, notre Excellence bien-aimée, rappela Xichen, nous n'avons pas réellement le choix.

Effaré par tout ce qu'il venait de découvrir en si peu de temps, Meng Yao tentait de contenir la panique qui était en train de le gagner, en songeant à la lourde responsabilité qui pesait désormais sur ses épaules.

Surtout rester calme, il n'y a pas de quoi s'affoler !... Ainsi, c'est ce grand taiseux qui t'a succédé dans ta charge de XianDu ? Le père de ton nouvel ami Sizhui et l'époux du Patriarche Yiling.

Cet homme à la beauté froide, qui ressemblait tant à Lan Huan, inspirait à Meng Yao un bizarre mélange de crainte et d'admiration. Il aimait son calme et ses manières posées, mais redoutait tout autant son silence pétrifiant. Cependant, si tous les cultivants l'avaient élu comme chef de file, c'est qu'il devait bien posséder quelques qualités.

Wei Wuxian se rapprocha de Zewu-Jun et lui demanda discrètement à l'oreille :

— Tu es bien certain que c'est lui ?

Surpris par sa question, Xichen se retourna. Bien sûr qu'il en était certain ! Il est des signes qui ne trompent pas, mais qu'il ne pouvait guère révéler, car ils relevaient de leur intimité. Comment aurait-il pu leur expliquer qu'il avait tout de suite reconnu la façon adorable que Meng Yao seul avait de se nicher dans son cou, en continuant d'entortiller distraitement autour de son doigt son ruban de GusuLan ? Après tout, nul n'avait à savoir avec qui il avait passé certaines de ses nuits, ni ce qu'il avait aimé faire avec cette personne au cours de leurs chasses nocturnes. Aussi, répondit-il simplement :

— Mais oui, c'est lui, pourquoi me demandes-tu cela ?

— Parce qu'il est bizarre, pas vraiment comme avant... Ça ne pourrait pas être un esprit-fantôme, ou alors un nouveau cas de possession démoniaque ?

Xichen le regarda d'un air sceptique.

— Qui pourrait vouloir séjourner dans le corps de Jin GuangYao et dans quel but ? Ce n'est pas comme si son destin avait été si enviable ! dit-il, plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu.

Wei Wuxian se tapota le menton du bout des doigts, pensif, avant de continuer.

— Ma situation ne l'était guère plus, rappelle-toi. Mais on a ramené mon âme ici, au prix d'un sacrifice inimaginable, pour une simple histoire de vengeance.

Il fixa de nouveau Xichen, la mine sérieuse, avant de poursuivre.

— Peut-être devrions-nous nous demander ce que quiconque aurait à gagner au retour de Jin GuangYao. Qu'a-t-il à offrir qu'un autre ne puisse ?

Son sourire devint soudain plus malicieux, et Xichen fronça les sourcils, attendant la suite avec un rien d'inquiétude.

— Évidemment, ce n'est pas à toi qu'il convient de répondre à cette question, Zewu-Jun. Même s'il me semble évident que ce que son retour peut t'offrir, c'est...

Xichen virait au rouge et sentait le souffle lui manquer. Il fut immensément soulagé de voir Wangji les rejoindre, coupant court au scandaleux sous-entendu.

— Wei Gongzi, vraiment ! soupira-t-il en sentant ses oreilles chauffer sous le rire effronté de son beau-frère.

Wangji a raison, il ne connaît aucune honte !

Il se détourna, refusant tout net d'affronter l'interrogation muette de son cadet, et rejoignit les autres cultivants d'un pas un peu plus rapide que d'ordinaire. À tout prendre, il préférait encore endurer la colère de Jiang Cheng : au moins, il savait rester de marbre face à cela.

Jiang Cheng suivait Meng Yao comme son ombre, le regard sombre, la démarche raide. Tout, dans son attitude, hurlait son envie d'en découdre et combien il estimait qu'ils perdaient tous leur temps ! Voir cet homme dans ces murs, dans cette pièce, ramenait à lui trop de souvenirs pour qu'il soit en mesure de s'apaiser.

Il aurait voulu jouer l'ironie et lui indiquer – en tout innocence – à quel endroit il avait si longtemps conservé la tête tranchée de son frère juré, et où sa femme s'était donné la mort, mais un regard acide de Zewu-Jun l'en empêcha. Wei Wuxian avait raison, quoi qu'il en coûte de l'admettre : il fallait laisser à LianFang-Zun l'occasion soit de prouver sa bonne foi, soit de commettre une erreur, que l'on puisse passer à la suite.

Ce dernier venait de s'arrêter devant une bibliothèque où s'entassaient des rouleaux et des livres, que Jin Ling avait souhaité conserver malgré ses mises en garde. S'il n'avait tenu qu'à lui, tout ce qui concernait la cultivation démoniaque aurait été réduit en poussière. Mais à l'époque, il n'avait pas eu le cœur de se disputer avec son neveu pour cela. Après tout, ces connaissances pouvaient s'avérer utiles, si par le plus grand des malheurs, le Fer Yin refaisait surface.

LianFang-Zun s'empara d'un livre et s'installa à une table pour l'étudier. Jiang Cheng échangea avec Lan Xichen un regard où se disputaient l'affrontement et l'entente : ils en avaient pour des heures ! Il n'était pas borné au point d'ignorer que sa surveillance étroite était peu propice aux avancées rapides de leur visiteur, aussi se retira-t-il dans une autre pièce. Au bout d'un moment, il sortit dans la cour, non sans avoir posté des gardes devant la porte, et rejoignit Huaisang. La mine sombre de ce dernier lui indiqua que non seulement il partageait ses doutes, mais que sa rancœur demeurait également intacte.

En raison des dispositions intellectuelles bien particulières de Meng Yao, qui arrivait à absorber, trier et classer très rapidement un grand nombre d'informations, les recherches en réalité ne prirent pas plusieurs heures mais à peine une cinquantaine de minutes. Il faut dire qu'il se sentait tellement mal en ce lieu, qu'il n'avait qu'un désir : le quitter au plus vite !

Sa dernière étude se porta sur la réplique du sceau que Wei Wuxian avait réalisé, en observant celui par lequel Jin Ling avait été piégé. Meng Yao comprit rapidement – par les remarques précises et avisées qu'il fit, en détaillant quelques signes – comment cet homme avait pu gagner son titre de Patriarche Yiling. La toile étalée devant eux, Meng Yao apprécia la qualité de chaque trait pour ce qu'elle était : une preuve évidente des talents du jeune homme.

Il resta longuement à observer le dessin, en silence, l'inquiétude lui rongeant les sangs. Que devait-il faire ? Ce qu'il allait dire conforterait forcément certains dubitatifs dans leur méfiance. Et s'il se trompait ? Si ce qu'il croyait avoir compris était faux, et qu'il ne faisait que s'enfoncer davantage dans une situation périlleuse ? Il laissa son regard dériver sur les étagères et les livres empilés, avant de se décider. Puis il se leva pour rejoindre Zewu-Jun et lui expliquer sa découverte, avant de se tourner vers l'assemblée suspendue à ses lèvres :

— Je crois comprendre ce qui s'est passé, aussi je vous remercie de m'accorder votre attention.

Tout aussi sceptique qu'il fût sur ses intentions, Wei Wuxian ne pouvait s'empêcher d'admirer la vivacité d'esprit de cet homme.

— A-Cheng ! hurla-t-il, en entrouvrant la porte. Reviens, Jin GuangYao a des choses à nous révéler.

Jiang Zongzhu ne se fit pas prier, aussitôt imité par Nie Zonghzu qui lui emboîta le pas. Lorsque tout le monde fut enfin rassemblé, Wei Wuxian, HanGuang-Jun, Sizhui et les trois chefs de clan, Meng Yao leur exposa ce qu'il avait déduit de la situation.

— Quelqu'un a vraisemblablement lancé un sceau de résurrection, afin de me réveiller. Compte tenu de tout ce que j'ai pu lire à son sujet, j'imagine que le but était que je rapporte l'Amulette du Tigre stygien resté dans notre sépulture.

Un souffle glacial parcourut l'assemblée, et Meng Yao n'apprécia vraiment pas les regards accusateurs qui se tournèrent vers Zewu-Jun.

— Ah ! fit Jiang Cheng, l'ironie se mêlant à son ton accusateur. Et ça, tu t'en rappelles, en revanche ?!

— LianFang-Zun, l'interpella Huaisang, avec son habituel ton de fausse innocence. Comment se fait-il que tu te rappelles ce détail, quand tu as oublié jusqu'à ton propre neveu ? Seuls ceux qui étaient présents au temple, le jour de ta mort, savent que l'amulette façonnée par Xue Yang se trouvait dans le cercueil.

Xichen s'approcha d'un pas de Meng Yao, lui manifestant son soutien, et se tenant prêt à toute éventualité. Mais celui-ci ne se laissa pas impressionner. Il se tourna vers les deux hommes et conserva un ton égal. Il ignorait bien des choses de son ancienne vie, mais quoi qu'elle ait pu lui réserver, elle lui avait à priori appris à rester de marbre face aux éclats d'humeur.

— J'ai trouvé dans mes ouvrages beaucoup d'indications sur l'attrait qu'a toujours exercé cet objet. Et si j'ai pu, en si peu de temps, comprendre où il se trouvait, je suppose que d'autres l'ont fait, tout comme moi.

La mine de Huaisang se fit plus sombre encore, et Jiang Chang échangea avec son frère un bref regard. Il voyait que Wei Wuxian était déjà en train d'établir dans sa tête une liste de toutes les personnes ayant assisté à la fin de Jin GuangYao, hormis eux.

— Seulement, enchaîna Meng Yao pour éviter d'autres interrogations embarrassantes, quelque chose n'a pas dû fonctionner, car en perdant la mémoire, j'ai également perdu de vue mon objectif. Et Zewu-Jun m'a confirmé que le drapeau d'attraction spirituelle, censé me dévorer à la fin, a finalement dévoré Jin Ling, en tuant également trois autres cultivants.

Un silence songeur accueillit sa déclaration, puis Jiang Cheng intervint :

— En somme, à part nous avoir dévoilé ton mobile, tu ne nous apprends rien. Au fond, qu'est-ce qui nous prouve que tu ne continues pas de simuler ?

— Rien ne vous le prouve, en effet, convint Meng Yao. Vous ne pouvez compter que sur ma bonne foi. Il est vrai qu'à l'heure présente, je n'ai pas encore réussi à déterminer avec quoi ils ont élaboré la bannière-cible.

— Une bannière-cible, vous croyez ? s'exclama le Patriarche Yiling. C'est vrai que ce n'est pas idiot.

À la différence d'un drapeau d'attraction spirituelle ordinaire, qui « ramassait » tous les esprits mauvais rôdant alentour, le rôle de la bannière-cible était d'attirer uniquement un ou plusieurs sujets bien précis. Dans leur cas, la cible bien sûr était Jin GuangYao, revenu d'entre les morts pour leur apporter l'Amulette du Tigre stygien sur un plateau d'argent. Or, pour faire réaliser une mission aussi complexe à un émissaire, il fallait qu'il entrât dans la composition de la bannière-cible un objet lui ayant appartenu, contenant une énergie du ressentiment particulièrement puissante.

— C'est la seule explication qui me vienne, à la lumière de ce que j'ai pu apprendre ces dernières heures. Mais si l'un d'entre vous, éclairé par les connaissances de toute une vie, a une autre idée à soumettre...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top