Chapitre 15
Xichen trouva un Jin Rulan extrêmement affaibli, le visage cireux et creusé, les yeux vides de leur éclat habituel. Il voulait bien comprendre l'inquiétude de son oncle, à le voir ainsi. Les gémissements du chien spirituel s'accordaient parfaitement à ce qu'il ressentit à cet instant.
Avisant le soignant qui s'affairait autour de son patient, Xichen observa avec lui les traces de malédiction qui s'épanouissaient sur son bras gauche et une partie de son torse. Nul n'eut besoin de lui préciser quelle serait l'issue pour le jeune homme, si elle se répandait sur l'ensemble de sa poitrine.
Lorsqu'ils furent seuls, Xichen s'installa au chevet de Rulan, après l'avoir aidé à se redresser légèrement.
— Comment te sens-tu, Jin Ling ?
Le jeune chef de clan Jin le fixa de ses yeux vitreux, en arborant un pauvre sourire.
— Je n'ai pas beaucoup de forces, alors ne les gaspille pas à me poser des questions sans intérêt. Toi plutôt, dis-moi... Tu l'as vu, n'est-ce pas ? Il est bien vivant ?!
Xichen ne put s'empêcher de frissonner à l'idée qu'on les écoutait peut-être, qu'on les épiait.
— Il l'est, en effet... chuchota-t-il, en se penchant vers Jin Ling. Et il est tout à fait prêt à t'aider, du moins, si nous arrivons à déterminer de quel mal tu souffres.
Cette simple nouvelle eut le don de requinquer le moral du malade, qui commença à s'agiter dangereusement, puis à s'étouffer dans une violente quinte de toux. Xichen prit le temps de l'apaiser et lui donna à boire, avant de poursuivre.
— Cependant, nous nous heurtons à un problème d'envergure. Deux, à la vérité. Le premier est que ton oncle Jin ne garde aucun souvenir de sa vie...
Jin Ling ouvrit de grands yeux étonnés, et Xichen ne put que regretter de le voir traverser les mêmes déceptions que les siennes : jamais ils n'auraient, ni l'un ni l'autre, de réponse à leurs pourtant nombreuses questions.
— Vraiment aucun ? souffla le jeune homme, qui ne parvenait pas à cacher son dépit.
— Non. Il a même perdu la notion de certains usages.
Xichen sourit, se voulant réconfortant.
— Mais il a conservé sa vive intelligence, je ne doute pas qu'il comblera ce manque rapidement.
Jin Ling approuva silencieusement, peu enthousiaste malgré tout.
— Et le second problème ?
— Ton oncle Jiang ne lui rendra pas la tâche facile.
— Je l'en empêcherai ! rétorqua Jin Ling, en sursautant presque dans son lit, ce qui provoqua une nouvelle quinte de toux qui le laissa épuisé. Je l'en empêcherai ! répéta-t-il encore. Je veux revoir mon oncle.
À l'écoute de ces aveux voilés, Xichen sentit son cœur se serrer. Jin Ling espérait au moins pouvoir retrouver ce petit bout de famille, lui qui avait été privé de tant des siens.
— Je comprends, Jin Ling, je le comprends tellement ! Je...
Xichen ne put s'empêcher d'envisager l'arrivée prochaine de Meng Yao. Et si les deux autres chefs de clan leur avaient tendu un piège ? S'ils lui avaient prévu en secret un comité d'accueil assassin ? Rien qu'à cette idée, Xichen sentit ses bras si vigoureux se couvrir de chair de poule. Il resserra un instant sa main sur la garde de Shuoyue, comme si un tel geste pouvait conjurer le danger.
— Tu quoi ? lui rappela Jin Ling, impatient, en secouant sa manche.
— J'ai averti Wen Ning et Sizhui de... de l'escorter jusqu'ici. Mais j'ai demandé à Wei Wuxian et mon frère de venir un peu plus tôt, au cas où...
Il n'eut pas le temps d'en dire plus, car d'un brutal coup d'épaule dans la porte, Jiang Cheng venait de faire son apparition.
— Wei Wuxian vient d'arriver, accompagné de HanGuang-Jun ! annonça-t-il d'un ton acerbe, l'œil méfiant. Quelle surprise de vous avoir ainsi réunis au même endroit, aussi rapidement ! poursuivit-il, en croisant les bras d'un air de défi. Tu nous avais annoncé leur arrivée pour demain, Zewu Jun.
Il lança à son neveu un regard de reproche – même si l'inquiétude y perçait également, malgré sa volonté de paraître assuré – avant de le reporter sur Lan Xichen.
— Il va venir ? interrogea-t-il d'une voix sèche.
Face au mutisme des deux autres, il fit volte-face dans un mouvement de manches et ressortit. Xichen l'entendit aboyer des ordres aux cultivants alentour, avant d'entamer une dispute avec son frère de lait.
— Wei Wuxian, toujours présent évidemment, lorsqu'il s'agit de se mêler d'affaires qui ne le regardent pas !
— A-Cheng... entendit-il soupirer Wei Ying. Que tu le veuilles ou non, Jin Ling est aussi mon neveu. Son sort me préoccupe autant que toi, alors arrêtons, s'il te plaît, de nous quereller.
— C'est amusant comme tout le monde veut s'autoproclamer oncle de Jin Ling, en ce moment. En attendant, le seul qui pourrait réellement lui venir en aide brille par son absence !
Xichen ferma les yeux quelques secondes et sourit à Jin Ling en se redressant.
— Nous allons te remettre sur pied, promit-il, avant de rejoindre les autres.
Il salua Wei Wuxian et son frère avec un sourire de gratitude, peinant à masquer son soulagement. Tous les quatre s'installèrent, Huaisang sur leurs talons, dans une pièce où ils pourraient discuter posément, du moins Xichen l'espérait-il.
— LianFang-Zun va effectivement nous rejoindre, annonça-t-il, tandis que Huaisang ouvrait des yeux ronds et que Jiang Cheng rongeait son frein. Mais comme je vous l'ai dit l'autre jour, il est bel et bien amnésique. Aussi serait-il appréciable que chacun garde pour lui ses... révélations fracassantes.
Jiang Cheng s'étouffa presque d'indignation.
— Mais bien sûr, Zewu-Jun, nous veillerons tous à accueillir ce criminel avec la plus grande des courtoisies, cela va de soi !
Le soupir de Wei Wuxian le conforta dans sa colère et il crispa son poing sur sa table.
— Cet homme mériterait qu'on le tue à vue, et qu'on le réexpédie dans le tombeau à subir le courroux de ChiFeng-Zun, là où est sa place !
Xichen nota le regard en coin de Huaisang, qui cachait son amertume derrière son éventail. Il pouvait comprendre leurs regrets et le sentiment d'injustice qui les étreignait. Alors que ChiFeng-Zun errait encore entre les murs de son tombeau, incapable de la moindre conscience, Meng Yao arpentait la terre sous bonne escorte.
— Cet homme méritait qu'on le tue, et quelqu'un en effet a dû s'en charger, et ce n'était pas vous ! rappela Xichen, sur un ton acide. Nous ignorons encore comment il a pu revenir, même si je connais votre avis sur la question. Je m'étonne cependant que vous n'ayez pas été en mesure de trouver de quoi étayer vos accusations, Jiang Zongzhu, Nie Zonghzu.
— Il est tout de même plus que probable que LianFang-Zun ait réussi à prévoir cette issue avant que nous le retrouvions au temple, il y a sept ans, tempéra Wei Wuxian. Mais un homme ne peut pas être éternellement jugé sur ses crimes passés.
Ce sujet restait sensible malgré les années écoulées, et Huaisang agita son éventail à un rythme plus soutenu.
— Pour l'heure, poursuivit Wei Wuxian, nous avons besoin de toute l'aide possible pour soigner Jing Ling. Et si LianFang-Zun fait partie de ces possibilités, il doit rester en vie... le plus longtemps possible.
Xichen retint un rire de dérision.
— JE l'ai retrouvé. JE lui ai demandé de venir jusqu'ici pour apporter son aide. Je ne serai pas responsable de sa mort une seconde fois ! asséna-t-il d'une voix ferme, que peu lui avait connu jusque-là.
Il fixa Nie Huaisang par-dessus son éventail. Malgré son caractère emporté, il ne redoutait pas Jiang Cheng, qui ferait passer le bien-être de son neveu avant sa rancune.
— Au moindre risque, je m'arrangerai pour le mettre en sécurité. Aussi, je suggère à chacun de bien ouvrir l'œil et de ne pas se méprendre sur les intentions des autres ! fit-il sans détourner le regard de longues secondes.
Il reporta ensuite son attention sur Jiang Cheng.
— Et lui annoncer brutalement ce qu'il a commis par le passé ne l'aidera pas à se concentrer sur le problème présent.
— Sauf s'il est déjà bien au fait de ce qui se passe, insista Jiang Cheng.
— Et pourquoi viendrait-il, dans ce cas, se jeter dans la gueule du loup ?
— Pour reprendre son poste de Zongzhu, glissa Huaisang, surprenant tout le monde.
Un vent de panique souffla dans la pièce.
— Non... assura Xichen après un temps de pause, conscient malgré tout que chacun dans la pièce avait d'excellentes raisons de douter de ses certitudes.
Il secoua lentement la tête et conclut :
— De toute manière, nous ne pourrons pas trouver la vérité ici, entre nous seuls... Alors pour l'heure, concentrons-nous sur l'état de santé de Jin Ling.
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Voila pour aujourd'hui ! nous espérons que vous prenez toujours plaisir à nous lire.
A partir de maintenant, le rythme de publication va changer : en effet, nous avons commencé à publier cette fanfiction sur un groupe facebook, il y a plusieurs semaines de cela, et nous continuons à le faire. Les publications étant maintenant au même niveau, nous continuerons donc à mettre à jour au rythme commencé sur Facebook, à savoir une fois par semaine, le dimanche.
Donc, demain, chapitre 16... et le 17 pour dimanche prochain
Au plaisir de vous lire, c'est toujours un bonheur d'avoir des retours :)
Tan & Zinie
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