• Ch.30 - L'Affrontement •

Précédemment:
Jorge a soigné Emilie et lui a appris que Louis était bel et bien mort. Ils sont ensuite revenus chercher les blocards puis sont allés récupérer les filles. Un survivant avait pris Beth en otage. Celle-ci l'a mordu pour lui échapper. Elle a révélé être contaminée par la Braise avant de se tirer une balle dans la tête.

Nous avions quitté l'immeuble depuis plusieurs minutes mais le bruit de la balle résonnait toujours dans mon esprit. Je ne pouvais me l'enlever de la tête. Je ressassais sans cesse les derniers instants de Beth et je me remémorais ses yeux.

Ses yeux emplis de tellement d'émotions. Tristesse, colère, souffrance, soulagement, apaisement. Je n'aurais jamais cru que l'on pouvait ressentir toutes ces émotions à la fois jusqu'à aujourd'hui.

Il y avait quelques jours de cela — ce qui me semblait être une éternité —, prononcer ou même penser ces mots m'auraient paru la chose la plus inconcevable qui soit. À présent, ils occupaient toutes mes pensées, me brouillaient la vue et me nouaient la gorge. Le coeur au bord des lèvres, je ne pouvais me mentir sur le fait que j'avais fini par développer de l'affection pour Beth, des sentiments dont je ne connaîtrais jamais le sens exact.

Le destin funeste de la jobarde avait jeté un voile de désolation sur le groupe. Tous marchaient en silence, les uns derrière les autres, parfois plusieurs sur la même ligne, mais jamais ils ne souriaient. J'étais pourtant sûre que nous étions très peu à avoir réellement connu Beth mais elle était des autres. Et elle n'était pas immunisée. Tout le monde avait peur de ne pas vraiment être un immune, qu'on leur ait menti. Je ne pouvais les en blâmer.

Je relevai la tête pour examiner l'horizon. Un profond abattement s'empara de moi alors que nous quittions la ville pour pénétrer dans un désert de ruines et de sable. Comment le monde avait pu devenir ce qu'il était? Par moments, il me venait de regretter cette époque où l'on ne craignait pas à chaque instant pour sa vie, une époque que je n'avais même pas connue.

Je pressai le pas pour me rapprocher de Luke. Bien que cela se révéla étrange, il était lui aussi touché par le deuil, ou du moins le désespoir. Qu'importe, tout était de sa faute après tout. Depuis le début, depuis notre rencontre. J'avais pris des risques pour lui, je lui avais fait confiance, je lui avais fait une promesse et maintenant, Beth était morte.

Je lui donnai un coup dans le bras, juste assez fort pour lui causer une douleur.

— Putain, t'es pas bien?

— Je devrais te retourner la question, sale traître.

— Je suis pas un traître, souffla-t-il, visiblement vexé.

— Un traître à la solidarité, si. Beth est morte à cause de ton alliance avec WICKED.

— Mon alliance n'a fait qu'accélérer sa mort! Elle n'était pas immunisée, elle serait morte plus tard si elle ne s'était pas tirée une balle dans le crâne! s'énerva-t-il.

Furibonde, je le poussai violemment sur le côté et il en trébucha, s'effrondrant dans la poussière avec fracas. Les blocards, attirés par le bruit, s'approchèrent tandis que Luke explosait en une quinte de toux. Minho émergea du groupe. Ses yeux se posèrent sur le blond puis sur moi, me lançant des éclairs, voire même un orage entier. Il s'avança à grands pas vers moi et m'attrapa durement par le poignet pour m'éloigner du groupe.

— Tu peux pas te contenir ou quoi!?

Son ton n'était pas enclin à la clémence, je n'avais pas intérêt à le mettre trop en colère.

— C'est lui. Il a... il a parlé de Beth. Il a insulté sa mémoire!

— Tu exagères, j'en suis sûr. Tu es intenable Emilie, sérieusement. Y a pas moyen que tu tiennes une heure sans cogner quelqu'un. C'est à se demander si t'as pas été élevée par des griffeurs!

— T'es un con Minho, grognai-je, sans un sourire.

— Quand tu fais ta tête de mule, tu joues le rôle à fond toi. Pour causer plus sérieusement, j'aimerais que tu viennes à la tête du groupe pour que je t'ai à l'oeil. Je t'interdis d'aller parler à qui que ce soit et encore moins de frapper quiconque avant qu'on ait trouver le groupe B. Sinon je vais vraiment m'énerver. Compris?

Je m'apprêtais à le contredire mais, au vue de son expression faciale digne d'un pirate, je me contentai d'un hochement de tête.

Satisfait, il tourna les talons pour prendre des nouvelles de Luke, me laissant toute seule. Je regagnai donc en traînant des pieds le groupe et rejoingnis l'avant de la troupe. Entre temps, le blond avait été remis debout et s'époussetait. J'espérais qu'il écoperait au minimum d'un bleu.

Nous nous remîmes en marche au moment où Minho m'avait rejointe. Je l'observai du coin de l'oeil alors que l'on progressait en silence. Son visage était marqué par le temps et par le manque d'appétit. Son teint était plus blâfard qu'il ne l'était au bloc et des cernes s'étaient formés sous ses yeux. Je savais très bien qu'il aurait voulu marcher à un rythme plus soutenu et rapide, voire même courir, mais nous n'étions que trois coureurs dans le groupe — les autres ne tiendraient pas et encore moins Elsa.

En parlant d'elle, passé le choc du suicide de Beth, Thomas avait demandé à quelques blocards de l'accompagner pour récupérer Elsa. Je n'avais pas pu les aider. J'étais restée prostrée sur place, partagée entre l'envie de m'imprégner du souvenir de Beth et celui de m'enfuir, aussi loin que mes jambes me soutiendraient.

Je me souvenais de les avoir vaguement vus passer dans mon champ de vision, soutenant Elsa en disposant chacun un bras autour de sa taille. Je ne savais combien de temps j'étais restée, telle une statue figée à jamais, debout devant son corps sans vie mais Siggy m'avait ramenée à la réalité en posant une main prévenante sur mon épaule.

Durant notre cheminement, j'avais pris le temps d'observer la brune à l'arrière du groupe. Elle était toujours comateuse mais parvenait à marcher, du moment qu'elle était aidée. Elle ne me jeta pas un seul regard mais je savais qu'elle sentait mon regard sur elle.

Je devinais aisément qu'un jour ou l'autre, nous allions devoir avoir une discussion toutes les deux mais je ne voulais pas y songer pour l'instant. Bien que j'étais tiraillée par ce qu'elle m'avait fait, je ne pouvais m'empêcher de me demander qu'est-ce que WICKED lui avait fait subir ainsi que les raisons l'ayant poussée à me planter cette seringue dans le bras.

Je reportai mon attention sur Caleb, un peu en retrait. Il ne regardait pas devant lui, ne cherchait pas à contempler l'horizon ni le paysage; il avait jeté son dévolu sur le sol terreux. Il semblait perdu dans un tourbillon de pensées qui occupait tout son esprit. Qu'est-ce qui le troublait autant? La première suggestion qui me venait était la disparition de Beth. En effet, ils s'étaient connus au bloc. J'aurai aimé savoir la véritable raison pour lui arracher un sourire, pour lui changer les idées mais, plus nous avançions, plus la tension entre nous augmentait.

J'avais parfois la désagréable sensation que cela durait depuis nos retrouvailles dans la terre brûlée. Nous ne retrouverons jamais notre complicité que nous nourrissions avant le labyrinthe.

Je l'avais perdu tout comme j'avais perdu Minho et Newt avant lui. Je n'avais plus de nouvelles de Linda, Elsa était déclassée et Beth était décédée. Comment tout avait pu aller autant de travers depuis notre sortie du labyrinthe? Alors qu'il signifiait la fin des problèmes? Tout cela n'en finira-t-il donc pas?

— Regardez! s'écria soudain un blocard.

Je tournai la tête vers l'origine de cette exclamation et découvris un garçon derrière moi qui pointait du doigt une chose au loin. Je suivis la direction qu'il donnait et aperçus, effectivement, une forme à quelques dizaines de mètres devant nous. Il s'agissait de formes mouvantes claires parfois traversées de blanc.

— C'est le groupe B à votre avis? proposa ce même blocard.

— Ou des fondus, si ça se trouve, compléta son ami à ses côtés.

— Arrêtons-nous là, hors de leur portée. Thomas, tu viens avec moi, lui ordonna-t-il.

Le brun s'avança jusqu'à lui, un peu vacillant. Les deux blocards s'apprêtèrent à partir en éclaireur quand Minho se tourna d'un quart de tour et posa des yeux brillants sur moi.

— Toi, tu viens aussi. Allez, grouille-toi.

— Deux c'est bien assez.

— Je veux t'avoir à l'oeil alors tu te ramènes jusqu'ici et tu nous suis.

Je soupirai bruyamment pour bien lui montrer mon épuisement mais obtempérai tout de même.

Les formes se situaient à près d'un kilomètre de là où nous étions. Minho et Thomas conservaient une avance de quelques pas sur moi et je sentais bien, tout comme eux, la tension qui régnait. Je ne parvins pas à rester silencieuse.

— Alors, vous pensez que c'est le groupe B?

Mon ton était plein d'espoir comme si je voulais me racheter — peut-être était-ce ce que je souhaitais au fond. Malgré la bienveillance que j'avais tenté de faire transparaître dans ma voix, aucun des deux blocards ne daigna me répondre. J'accélérai le pas pour les rattraper et me retrouver à leur hauteur.

— Vous voulez pas qu'on fasse une trêve? Ça sert à rien de se faire la gueule alors qu'on a WICKED à nos trousses. On n'aura tout le temps de se disputer après tout ça.

— Tu penses vraiment qu'on a le temps? grinça Minho.

Il gardait le regard droit devant lui, fixé sur le groupe qui s'agitait au loin.

— Bien sûr. On va leur échapper, trouver un endroit sans fondus.

— Tu es bien optimiste pour une personne manipulée par WICKED. Enfin, je veux dire, tu penses sincèrement que toi, tu vas survivre? Comment tu espères y arriver si tu n'es même pas capable de te contenir toi-même? Face à eux, tu n'as aucune chance.

Je le pris comme une gifle, la plus grande que je n'avais jamais eue. Il m'avait presque craché cette vérité à la figure, sans même trouver le courage de me la dire dans les yeux. Je serrai les poings mais me retins de lui envoyer un coup dans la mâchoire — nul besoin de confirmer ses propos.

— Putain, tu te rends compte de ce que tu dis!? Je n'ai pas le droit de vouloir vivre? C'est réservé aux personnes normales, c'est ce que tu insinues? Quand je pense que je t'aimais, je comprends pas comment tu peux être aussi cruel à mon égard.

— Je ne suis pas cruel, c'est toi qui l'es. Tu as peur de la vérité alors tu cherches à gagner du temps et à ne pas penser à ce qu'il t'attend. Ce n'est pas aux gens comme Luke ou Elsa à qui tu dois t'en prendre, ils ont été manipulés, on leur a retourné le cerveau avec des promesses. C'est les Créateurs la source du problème. Tu veux t'éloigner de nous pour ne pas nous blesser mais c'est en nous rejetant que tu nous fais du mal. Ce n'est pas le moment de nous séparer et de créer des différends. Nous avons besoin de pouvoir nous faire confiance et lutter tous ensemble contre le mal qui nous ronge. Ouvre les yeux, merde. Tu pourrais être très utile si tu cherchais une solution pour faire imploser WICKED au lieu de comment tu pourrais te venger d'eux.

— Je cherche comment les détruire, c'est ce que je n'arrête pas de faire.

— Non, c'est faux. Tu cherches comment toi seule pourrait les tuer et sauver ta peau, pas comment tous nous secourir tout en faisant définitivement disparaître cette menace qui plane au-dessus de nos têtes.

— On peut dire que tu portes bien ton surnom de Leader, Minho, intervint Thomas, timidement.

Nos regards se portèrent sur lui, alors que nous étions quelque peu hébétés suite à cet arrêt brutal dans notre conversation. Minho esquissa un sourire fier à l'adresse de Thomas.

— Merci mec, c'est inné chez moi.

— Comme la modestie, ajoutai-je dans un murmure.

— Et l'ouïe fine, déclara-t-il en me jaugeant du regard.

Je m'humectai les lèvres en dirigeant mon regard au loin. Nous nous étions beaucoup plus rapprochés du groupe à présent et l'on pouvait commencer à apercevoir leurs visages.

— Il y a quelque chose qui ne va pas... m'inquiétai-je, au vue de l'agitation.

— C'est le groupe B? interrogea le brun à ma droite.

— Il me semble que oui.

Ce fut au moment où j'entrevus ma soeur que je fus sûre que c'était bel et bien le groupe B. Cependant, quelque chose allait de travers; une fille s'acharnait à essayer de s'attaquer à n'importe quelle personne qui lui tombait sous la main. Elle semblait... enragée.

— Mais qu'est-ce que..? commença Thomas.

Comme si elle l'avait entendu, la furie se tourna vers lui. Son visage se fendit d'un sourire carnassier et elle bondit en avant, sans nous laisser le temps de réagir. Je ne pouvais détacher mes yeux de son visage qui m'était atrocement familier. Était-elle devenue une fondue?

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Merci d'avoir lu <3

— Bisou mes griffeurs ♡

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