• Ch.22 - L'Amoureux •
Il était déjà l'heure de repartir. Je m'étais réveillée à l'aube alors que tous s'affairaient déjà à rassembler leurs affaires. J'avais eu un moment d'absence à mon réveil; je croyais être encore au bloc, peut-être tombée de mon hamac et sûrement en retard pour l'ouverture des portes. Ce n'était pas la réalité, le bloc appartenait au passé et ses morts aussi. Il fallait avancer, affronter le présent qui s'avérait plus qu'éprouvant.
Une main se posa sur mon épaule avec douceur. Je relevai la tête vers son origine et découvris Caleb. Je ne savais pas depuis combien de temps il était réveillé mais, au moins, il avait dormi cette fois-ci, ne serait-ce que pour quelques heures.
— Prête? Tu as assez dormi?
— C'est à toi que je devrais poser la... Aïe!
Je posai une main sur mon épaule en grimaçant. J'avais oublié ce détail. J'avais essayé de me lever, en m'appuyant sur ma main gauche, sans penser à ma blessure qui ne s'était certainement pas guérie une nuit.
— Alors ton épaule..? Tu tiens le coup?
— Comme tu peux le voir, je ne risque pas de guérir avant un petit bout de temps. Mais ne te soucie pas de moi, Caleb. Tu n'as qu'à aller prendre des nouvelles de Beth, j'aimerai savoir comment elle va. Peut-être qu'elle se réveillera bientôt.
— Elle a ouvert les yeux pendant que tu dormais. Elle va mieux. Ils sont assez forts les gars de ton bloc, même si c'est étrange d'en fréquenter autant d'un seul coup...
— Monsieur était dans un bloc de filles, c'est vrai. Qu'est-ce que tu étais à plaindre!
— J'étais en manque de présence masculine figure-toi. Trop de filles. Elles sont tellement agaçantes quand elles parlent trop ou qu'elles te font un sermont. J'avais l'impression d'avoir au moins une demi-douzaine de mères, par moment!
— Tu auras pu connaître la sensation au moins. C'était pas si mal.
Il haussa les épaules et s'apprêta à tourner les talons mais je le retins par le poignet.
— J'aimerais savoir ce que tu penses du plan. Tu crois que c'est une bonne idée d'aller vers la ville?
— C'est là que les filles iront car elles se diront qu'on ira aussi là-bas. Et c'est ce qu'on va faire. Elles me manquent beaucoup, tu sais.
— Je me doute, assurai-je, avec un petit sourire triste.
— Qu'est-ce que tu penses qu'il arrivera pour moi après? Quand WICKED réapparaîtra?
— Ils ne te tueront pas.
— Tu le sais aussi bien que moi: je ne peux pas vivre si tu vis et inversement.
— On y réfléchira après, il faut penser au présent d'abord. Ça sert à rien de pleurer avant d'avoir mal.
On se regarda pendant plusieurs longues secondes. Mon cerveau était désordonné. Il y avait trop à penser, trop d'issues, trop de danger. Toujours le risque que les fondus nous tombent dessus, le risque que l'on tombe dans un piège, le risque que l'un de nous se blesse ou meurt. Le risque que WICKED se retourne contre nous. Pour l'instant, nous avions déjà dû faire face à tous ces risques.
On pourrait croire que nous avions déjà tout affronté, tout enduré, mais nous savions que cela était faux. Le pire n'était pas derrière nous, nous étions en plein dedans. Au moins, au bloc, nous avions les murs pour nous protéger des griffeurs. Nous n'étions pas à l'abri des autres mais il y avait de l'ordre et des règles. Ici, c'était plus proche de l'anarchie, d'un scénario apocalyptique que de la dernière ligne droite avant d'être libres.
— On y va!
Thomas venait de parler. Cela me semblait encore irréel que nous nous étions retrouvés. Tous les souvenirs du bloc m'étaient revenus durant la nuit. Les blocards avaient rouvert mes blessures, fait renaître des sourires, réparé des moments brisés. La charge mentale était le plus dur à supporter après tout ce que nous avions vécu.
J'attrapai mon sac sans vérifier son contenu et partis au trot pour rejoindre Thomas à l'avant du groupe. Il avançait d'un pas déterminé et souple. Je me demandais qu'est-ce qu'il avait dû affronter après que l'on se soit retrouvés séparés à la sortie du labyrinthe. S'il avait revu Newt de son côté, s'il avait entendu parler de Luke.
— Thomas, je peux te poser une question? engageai-je, hésitante.
Il fixait l'horizon et je crus que je devrais réitérer ma question mais il me répondit, après une inspiration:
— Je t'écoute.
— Qu'est-ce qui vous est arrivé depuis le labyrinthe à vous? Et d'où vous sortiez toutes ces armes?
— D'abord, ces armes étaient dans nos sacs. C'est WICKED qui nous les a données.
J'acquiesçai; j'avais moi-même eu un pistolet dans mon sac — simple coïncidence ou mise en scène pour que j'obtienne en particulier ce bagage parmi tous les autres, ça, je ne le saurai sûrement jamais.
— Je crois que j'avais passé quelques temps à WICKED avant d'arriver dans le bâtiment inhabité. Je me souviens juste qu'ils m'ont soigné, que j'ai pu me laver dans une douche sur mesure. Ils m'ont fait passé différents tests pour mesurer mes capacités et m'ont inséré un truc dans le bras avec une seringue.
Il tira sa manche pour me présenter son bras droit. On pouvait clairement discerner une petite bosse sous sa peau qui semblait affecter ses veines, plus sombres que la normale.
Instinctivement, je sus ce qu'ils lui avaient injecté dans son corps: une sorte de puce. Une différente de la mienne, certes, et elle ne devait pas le contrôler de la même façon que la mienne mais elle devait apporter des informations utiles à WICKED. Peut-être sa position, étant donné qu'au bloc, ils savaient parfaitement où il se trouvait en temps réel. Sauf qu'ici, c'était beaucoup trop vaste et aucune caméra ne passerait inaperçue.
Curieuse, je tirai à mon tour la manche mais constatai que je n'avais pas de bosse sous ma peau. Thomas fronça les sourcils mais j'en déduisis que la puce dans ma nuque devait avoir cette fonctionnalité, en plus de me contrôler.
— Tu n'en as pas, déclara le brun, déconcerté.
— C'est normal. La mienne se trouve là, le rassurai-je en lui désignant l'arrière de mon cou.
— Pourquoi?
— C'est... compliqué. Parle-moi plutôt de ce qui est arrivé à toi et aux blocards. Qu'est-ce qu'il s'est passé avant que tu te réveilles dans le bâtiment?
Thomas se mordit la lèvre inférieure. Manifestement, il aurait voulu en savoir plus à propos de ma puce et de son emplacement différent de la sienne. Il se retint de poser toute question et décida de répondre à la mienne:
— Je crois bien que j'avais rencontré Janson, on avait même parlé même si je ne me souviens plus de quoi. J'étais parti dormir et un garçon que j'avais eu l'occasion d'apercevoir auparavant m'avait apporté un verre d'eau d'une couleur étrange. Il m'a dit que je devais le boire. Je n'étais pas très rassuré mais ils m'avaient donné le gîte, à manger, un vrai lit, une chance de survivre alors je ne m'étais pas vraiment méfié. Sauf que je ne me suis pas réveillé dans mon lit le lendemain mais dans le fameux bâtiment, avec les autres blocards.
— À quoi il ressemblait ce garçon?
— Mhm, il était blond et aussi grand que moi. Il était assez commun dans son genre, il ne sortait pas du lot comme Newt, tu vois.
À l'instant où il prononça son nom, il retint son souffle, attendant à tout moment à me voir exploser. Je frémis à peine. Il l'avait dit avec une aisance qui ne m'avait pas blessé outre mesure. D'autre part, il avait raison. Newt était spécial — de mon propre point de vue et non de celui de sa soeur —, beaucoup plus que ne l'était Luke.
— Il s'appelait Luke, n'est-ce pas?
— Peut-être, je n'en sais rien. Je ne lui ai jamais demandé, à vrai dire.
— Ça ne peut être que lui. Il est dans la nature aujourd'hui, à cause de moi. Il s'est enfui après qu'on ait fait face à une explosion.
— Une explosion? répéta-t-il.
— WICKED avait placé une bombe dans une maison. Juste avant qu'elle n'explose, cette photo en est sortie.
Pour la première fois, je montrai le cliché à une personne, afin que je ne sois plus la seule à porter le poids du savoir. Thomas prit la photo dans ses mains et dévisagea chacun des visages. Il posa finalement son doigt sur la tête de Luke.
— C'était lui, le garçon de WICKED.
Il suivit du bout de son doigt le tracé des différentes croix, un air sérieux ayant envahi son visage.
— WICKED se fiche pas mal de nous, c'est ça? Tout ce qu'ils veulent c'est ce qui coule là-dedans.
Il leva le bras et désigna ses veines bleues ou violettes qui coloraient son poignet. Avec un petit sourire pathétique, je hochai la tête.
— Nous sommes le prix de leur survie. Leur remède. Cela pourrait nous coûter la vie, mais tant qu'ils obtiennent ceux qu'ils veulent, ils n'en ont rien à faire, soupirai-je.
— Newt ne peut pas penser ainsi. C'est... insensé.
Je fronçai les sourcils; qu'avait-il donc à toujours ramener le cas de Newt au premier plan?
— Qu'est-ce que ça peut faire de toute manière? Lui ou un autre, ça n'y change rien. Il reste un traître. Il a fait son choix.
— TAIS-TOI! s'insurge-t-il, un peu trop fort car les autres lui lancent des regards étonnés.
Comprenant la gravité de la situation, je posai une main sur son bras pour le forcer à s'arrêter. Les blocards passèrent à côté de nous en nous lançant des regards confus ou amusés. Deux garçons transportant Beth sur une visière improvisée nous dépassèrent à leur tour et mon coeur se réchauffa quand j'aperçus que son teint ne semblait plus si cadavérique.
Caleb me frôla sans même me regarder mais je devinais sans mal sa mâchoire contractée. Je ne cherchai pas à lui expliquer la situation. S'il avait décidé de se montrer possessif, qu'il ne comptait pas sur moi pour couper les ponts avec mes amis.
Une fois que nous nous trouvions à l'arrière du groupe, je repris ma marche en adoptant un rythme assez lent pour être à l'écart de toute oreille indiscrète.
— Qu'est-ce que tu as Thomas? Tu peux me le dire, tu sais. Garder ses secrets pour soi trop longtemps, devoir en assumer le poids seul consume à petit feu. C'est la vérité.
Il ne répondit rien et se passa une main sur sa nuque, visiblement mal à l'aise. Il leva les yeux au ciel puis les baissa progressivement en suivant du regard les dégradés matinaux formant une fresque céleste aux couleurs de l'arc-en-ciel.
Enfin, il prit une brève inspiration, s'humidifia les lèvres et me confia, nerveux et sincère:
— J-je crois que j'ai des sentiments pour Newt...
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HAPPY PRIDE MONTH! 🌈
Merci d'avoir lu <3
— Bisou mes griffeurs ♡
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