Sous mes yeux étonnés, Luke baissa les siens sans oser m'affronter.
— Tu es faible, lâchai-je.
Il ne réagit pas à mes mots et garda son regard fixé vers le bas. Je lui attrapai le col avec fureur et l'incitai à me regarder.
Je n'en revenais pas. Lorsque je l'avais quitté, je lui avais promis de revenir pour lui, pour le sortir de là. Jamais je n'aurais cru que je le retrouverai alors qu'il essayait de m'abattre.
– T'as quoi dans le crâne!? Pourquoi t'as essayé de me tuer? Je te faisais confiance, je voulais venir t'aider et toi, qu'est-ce que tu fais? Tu complotes avec WICKED pour m'exterminer? Je devrais laisser les fondus te crever.
Caleb me tira en arrière en tenant solidement mes bras. Il savait que me laisser trop longtemps avec Luke aurait engendré un oeil au beurre noir à ce dernier – voire pire. Beth releva le blond et lui bloqua ses bras dans son dos.
– C'est pas la solution, Emilie.
Je me tournai vers Caleb qui m'avait libérée entre temps. Je plongeai mes yeux dans les siens et, pendant un instant, je me perdis dans l'océan de confusion de ses yeux. Je détachai rapidement mon regard du sien pour le tourner vers Luke.
– Tu m'as trahie. Tu sais ce qu'on faisait aux traîtres au bloc? On les jetait aux griffeurs. Sauf qu'on n'est pas au bloc mais dans la terre brûlée. Je décide donc qu'on te garde comme prisonnier le temps de trouver quoi faire de toi.
Je me tournai respectivement vers Beth et Caleb, en quête de leur approbation. Visiblement, aucun des deux ne semblait le connaître et ne savait donc pas quoi décider.
Je me mordis la lèvre inférieure tandis que je réfléchissais à une solution pour éviter qu'il s'échappe. Je finis par revenir sur mes pas pour récupérer nos affaires. Je jetai les sacs sur le sable, aux pieds de Caleb. Je fouillai le mien et en extirpai un bout de drap. Je plaçai une de mes mains à chaque extrémité et tirai d'un coup sec afin d'en tester la solidité. Le drap ne scilla pas.
– Mets-le à plat ventre, ordonnai-je à Beth.
Elle obtempéra et le poussa en avant. Luke atterrit la tête la première dans le sable et se mit à en cracher des grains alors qu'il mettait sa tête sur le côté.
– Tu devrais pas faire ça Emilie. Arrête de te croire plus forte que WICKED, croassa le blond à mon attention.
– Et toi, arrête de me sous-estimer.
J'enroulai le bout de drap autour de ses mains. Sournoisement, je levai son bras courbé le long de son dos le plus au milieu de ses omoplates possible. Luke poussa un cri de douleur mêlée à de la rage.
– Tu ne pourras pas sauver tout le monde.
– Comme si je m'en doutais pas.
Je serrai un coup sec sur le drap, bloquant presque l'arrivée du sang dans ses mains.
– Deserre un peu, c'est pas le moment de tuer quelqu'un, décréta Beth.
Je la fusillai du regard. Si Luke lui avait fait ce qu'il m'avait fait, elle n'aurait pas réagi de la sorte.
– Il ne le mérite pas.
– Tu as encore tes mains? Bien, alors laisse-lui les siennes.
– Tu es de quel côté Beth? De celui de WICKED ou des blocards? La question se pose.
– Je suis de celui de la survie, décida-t-elle.
– T'es qu'une foutue égoïste dans ce cas.
– Au contraire, je suis réaliste. J'ai pas passé trois ans de ma vie enfermée entre quatre murs pour mourir dans un désert glauque entourée de fondus tout ça parce qu'une privilégiée s'est retournée contre son propre camp! Alors maintenant, j'aimerai qu'on reprenne notre marche.
Elle attrapa d'une main le bras de Luke et le remit sur pied. Elle s'affaira à renouer correctement ses liens puis attrapa le bout qui pendait pour le tenir. Elle le poussa en avant, nous laissant, Caleb et moi, sur le côté.
Ce dernier me regarda quelques instants avec un air perdu, secoua la tête et partit au trot rejoindre Beth.
Je me saisis de mon sac et le plaçai sur mes épaules. Je constatai que Beth n'avait pas récupéré le sien, abandonné sur le sable, à mes pieds. Je soupirai intérieurement – ce devait être une espèce de punition. En serrant les dents, je le pris et entrepris de les suivre.
•
En fin de journée, nous arrivâmes en vue d'un autre bâtiment, semblable à celui dans lequel nous avions dormi la nuit dernière.
– Je prends le premier quart, annonça Beth. À toi de dormir la furie.
Je n'eus pas besoin de la regarder pour savoir qu'elle parlait de moi en utilisant ce surnom.
J'entrai la première dans la maison tandis que les autres attendaient au-dehors. S'il y avait un piège, j'allais vite être prévenue.
Tous les carreaux étaient brisés – volontairement ou non –, le sable occupait une grande partie du sol et des mobiliers et il régnait un silence funeste. Je choisis de vérifier d'abord le premier étage. L'escalier grinça dès la première marche, ce qui confirma ce que je pensais: c'était une vieille maison.
J'atterris sur un palier donnant sur trois portes. La première se révélait être une vaste chambre aux couleurs délavées avec simplement un lit double et une armoire. En m'approchant un peu plus, je constatai une énorme tache de sang sur les draps. Je chassai mes pensées négatives et me dirigeai vers la seconde pièce.
C'était une salle de bains. Mes yeux s'arrondirent de stupéfaction face à la baignoire – je n'avais connu que des douches communes. Je m'en approchai et passai mes doigts sur le bord. Elle était intacte mise à part la pellicule de poussière qui occupait le fond. Il y avait aussi un lavabo surmonté d'un miroir parcouru de nombreuses fissures, dans lequel je me voyais en plusieurs exemplaires.
Il y avait des vêtements étalés dans un coin et je m'accroupis pour les examiner. C'était des vêtements d'enfant – sept ans, tout au plus. Leurs couleurs étaient devenues fades avec le temps, bien que je ne savais depuis combien de temps ils pourrissaient dans cette maison, abandonnés.
Je sortis de la salle de bains et me tournai vers la dernière pièce. Ma main se posa sur la poignée et j'eus un pressentiment étrange.
– T'as bientôt fini Emilie? m'interpela Caleb, sans prévenir.
Je sursautai à l'entente de sa voix, tirée brusquement hors de mes pensées. Fébrile, je lui répondis:
– Oui oui, j'ai presque terminé!
– Prends ton temps surtout, ironisa Beth.
Je levai les yeux au ciel sans répondre à sa remarque. Je reportai mon attention sur la fameuse pièce et ouvrit la porte qui grinça. L'émotion me submergea lorsque je me rendis compte que c'était une chambre d'enfant – de garçon, étant donné le prénom formé par des autocollants sur le mur. Je m'approchai du bureau et survolai les dessins de mes yeux embués. Je n'aurai jamais pensé que je pouvais être aussi sensible.
Je fis les quelques pas qui me séparaient du petit lit à baldaquin et m'assis sur le bord. Et je me mis à pleurer, sans retenue. Mes larmes coulaient pour cette famille disparue et pour cet enfant dont l'enfance avait dû être brisée. Mais aussi pour moi, qui n'avait jamais connu le principe du foyer familial, qui n'avait jamais eu de chambre à moi décorée des couleurs de l'arc-en-ciel avec des murs couverts de mes dessins et le sol jonché de mes jouets. Pour moi qui n'avait jamais eu de véritable famille.
J'entendis soudain des pas monter l'escalier. J'essuyai maladroitement mes larmes avec mes mains et me levai du lit. J'étais toujours secourue de soubresauts quand Caleb fit irruption dans la chambre.
– La porte était entrouverte alors j'ai pensé que tu...
Il s'interrompit lorsqu'il vit mes yeux rougis et miroitants. Il accourut aussitôt à mes côtés et me prit dans ses bras, sans chercher à comprendre. Soulagée qu'il ne me pose pas de questions, je posai ma tête au creux de son cou et mes bras autour de lui.
Nous restâmes dans cette position durant plusieurs minutes; j'humai l'odeur rassurante de Caleb tandis qu'il glissait ses doigts dans mes cheveux. Je me sentais en sécurité avec lui, presque autant que je l'étais avec Minho.
Soudain, du coin de l'oeil, je remarquai une photo à demi cachée par un livre. Je me séparai de Caleb qui me jeta un regard interrogateur pendant que j'allais m'en saisir.
Je passai mon pouce dessus pour retirer la couche de poussière et dirigeai mon regard vers l'enfant sur la photo. Je fronçai les sourcils alors que ses traits me semblaient familiers. Ses yeux, la forme de son visage, son air malicieux me rappelaient quelqu'un: Minho.
Était-ce là où il habitait avant WICKED? Était-ce son ancienne maison?
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Merci d'avoir lu <3
– Bisou mes griffeurs ♡
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