꧁ 𝐂𝐚𝐮𝐜𝐡𝐞𝐦𝐚𝐫 ꧂
Bonjour, je m'appelle Gracey.
Par où commencer ? Tu es un journal. Je ne sais même pas pourquoi je te parle. Je trouve ça idiot. Tu es dans mes mains à cause de mon père. Il dit qu'il vaut mieux que j'écrive mes rêves sur du papier que de les raconter aux gens. Ça les effraie, il parait. Il m'a dit aussi de raconter mes journées, qui sont plus que monotones. Il dit que je pourrais aller loin, car j'ai un niveau d'écriture très élevé pour mon jeune âge. " Je suis brillant " comme ma mère dit. Mais tout ça, je ne l'ai appris que par la voie de la littérature et de la poésie, je n'ai rien à faire de plus que lire, à Thunder Mesa, si ce ne c'est de m'occuper de ma sœur, Mélanie. Allons bon, je vais expliquer mon dernier rêve, puisqu'il le faut.
J'avais les paupières clauses mais je sentais que je flottais dans les aires, ou dans de l'eau et que je divaguais. De gauche à droite. J'ouvrais les yeux. Tout était sombre. Une forme mince et flexible se tordait en face de moi. Elle était argentée. Nous aurions dit de l'argent liquide. Je tendais ma main, pour la toucher. Aussi doux que du satin. Mais, elle s'empara de moi, en grandissant, et se collant sur mon bras. Elle tournoyait et remontait, petit à petit. Je ne bougeais plus. Ma tête était la seule partie de mon corps qui n'était pas encore sous l'emprise de cette chose argentée. Puis, une autre forme s'approcha de moi. Cette chose était tenue par deux immenses mains. Ne pouvant pas bouger, je ne pouvais pas m'enfuir. Elle fusionna presque avec mon visage, m'étouffant peu à peu.
J'ai raconté cette histoire à notre major d'homme. Il semblait choqué. Enfin. Un enfant faisant des rêves de mort, ça choque toujours. Surtout lorsqu'il s'agit du fils de l'homme le plus riche de Thunder Mesa !
Aujourd'hui, je n'ai pas fait grand-chose... Comme d'habitude de toute manière... J'ai aidé mon père à porter de nouveaux meubles pour la chambre de Mélanie, qui se trouve juste à côté de la mienne. Elle semblait très heureuse de voir que nous lui rapportions une coiffeuse, bien que je trouve ça vraiment stupide de par son très jeune âge. Mais c'est mère qui l'a commandé.
Mère... Elle me chérie, elle m'aime. Elle est fière d'avoir un fils intelligent, mais elle a peur de moi... Elle trouve que les rêves que je fais " ne sont pas normaux ". Et elle a raison.
- Gracey chéri ?
Je me retournais. C'était elle. Et je détestais qu'elle m'appelle comme ça. Je posais ma plume et me leva.
- Maman, j'écrivais !
Elle s'immobilisa.
- Ton rêve ? Demandait-elle, d'une toute petite voix.
- Oui. Mon rêve.
Elle s'approchait de moi. D'un revers de la main, je fermais mon journal.
- Ton père te demande... Il est dans son bureau.
- Très bien.
Je soupirais. Que me voulait-il encore ? Je sortais de la bibliothèque, en direction du bureau. Je passais devant la salle à manger, en contre bas, et voyais ma sœur, assise par terre à jouer avec des cubes en bois. Je continuais ma route, laissant ma mère derrière moi, qui avait rejoint Mélanie. Une fois devant la porte, je toquais trois fois, attendant une réponse de la voix grave et chaleureuse d'Henry Ravenswood.
- Entre Gracey !
Je poussais la porte et voyais mon père, assis sur son bureau, un paquet dans les mains.
- Bonjour, père.
Il tapota une place vide sur le bureau, m'invitant à m'asseoir.
- J'ai un petit cadeau pour toi. Comme tu m'as bien aidé ce matin, je voulais te récompenser.
Il me donna la petite boite qu'il tenait, emballée dans le Thunder Mesa Daily Report de la veille. Je tirais sur la petite ficelle blanche, et arrachais le papier. Dans la petite boite se trouvait un petit joyau vert, un émeraude. Je le pris entre mes doigts et l'inspecta sous toutes ses coutures.
- Papa ! Il est magnifique !
Mon père souriait. Il savait que cela allait me faire plaisir.
- Nous l'avons trouvé ce matin dans la BTM. Ce n'est pas souvent que nous trouvons des pierres d'une telle splendeur.
Je l'ai remise dans la boite, et j'ai regardé mon père.
- C'est un très beau cadeau, merci !
- J'étais sûr qu'elle te plairait.
Je posais la boite sur ma table de chevet, délicatement, à côté de ma lampe à huile. Je m'allongeais sur mon lit, regardant le plafond, les yeux dans le vague. Je décidais alors de remonter ma couverture sur moi, laissant toujours le feu allumé. Je sombrais peu à peu dans un lourd sommeil.
La Big Thunder Mountain. L'or. Des roches qui s'écrasent au sol. La terre qui tremble. Des gens qui crient. Des corps étalés de partout. Mélanie. Le manoir, abîmé, délabré comme je ne l'aurais jamais imaginé.
Je me réveillais en sursaut. Ma lampe était éteinte, l'huile avait sûrement été entièrement utilisée. Je me relevais cherchant le petit flacon qui me permettrait de réapprovisionner la lampe de sa matière première. Mais, tremblant comme une feuille, je fis tomber la petite fiole, en la cherchant de la main. Je décidais alors de sortir de la pièce. Je ne tenais presque pas debout. J'attrapais mon carnet et ma plume à la volée et descendais les grands escaliers principaux, me recroquevillant sur le premier fauteuil devant lequel je passais. Je grelottais, j'avais froid, et j'étais encore tout secoué par mon cauchemar. J'étais dans le grand hall, c'était la seule pièce qui restait allumée durant la nuit. Un bruit sec me fit sursauter. Je me retournais et me rendais compte qu'il ne s'agissait juste du tonnerre, que je voyais grâce aux grandes fenêtres en haut des marches. Je me repliais un peu plus sur moi-même. J'ouvrais mon carnet, et commença à écrire mon nouveau rêve.
Je viens de me réveiller. C'était horrible. Plus horrible que les autres fois. Ce fut court, mais épouvantable. J'ai eu des images qui sont passées à toute vitesse dans ma tête. Je ne me rappelle pas de tout. Je me souviens que le sol tremblait, que des gens hurlaient. Et c'est tout. Mais je sais que j'ai rêvé de bien plus de choses, mon état le prouve. Mais je ne m'en souviens plus. J'ai peur, sans savoir pourquoi.
Je pausais ma plume sur l'accoudoir de mon fauteuil. Les yeux parcouraient la pièce, se posant sur chaque objet qui m'entourait. Un vase rempli de fleurs fraîches. Un cadre. Un buste. De qui il s'agissait ?
Je ne savais pas. Je m'affalais un peu plus.
C'est père qui m'a réveillé, aux aurores, puisqu'il avait l'habitude d'aller travailler assez tôt.
- Gracey, me disait-il, ça te dirait de venir avec moi, au travail, pour que tu puisses voir à quoi ressemble une mine ?
Je n'avais rien à faire de la journée, et même si ça ne me disait pas plus que ça, et que je savais déjà à quoi ressemblait une mine, j'ai accepté, en guise de remerciement pour le petit cadeau qu'il m'avait fait la veille. Je suis monté me changer, enfilant le premier costume qui me venait sous la main, attrapant ma montre à gousset, et m'enfonçant mon haut de forme sur la tête. Je retrouvais mon père dehors, dans le jardin.
- Allons-y.
Nous descendions de la colline de Boot Hill, nous dirigeant vers le Thunder Mesa Riverboat Landing. Nous pouvions voir le manoir, qui surplombait le village. Il était encore à moitié construit. Et c'était comme ça depuis déjà plusieurs années. Je n'étais même pas encore né, que le manoir était déjà en construction, mais mon père avait tout de même décidé d'y habiter, bien qu'il manquait un étage entier, et qu'il n'était même pas peint. Le sifflement du bateau à vapeur m'extirpa de mes pensées. Nous montions à notre tour tout les deux. Il fallait prendre à chaque fois le bateau pour atteindre l'autre rive, où se trouvait la Big Thunder Mountain. Un pont avait été envisagé, mais pas avant plusieurs années.
La brise fraiche faisait du bien. Il faisait très chaud en cette période de l'année, à Thunder Mesa. La grande roue du bateau créait un clapotis régulier, et la cheminée recrachait de la vapeur dans un cri. Je fermais les yeux et me laissait emporter. Mon père me mit une main sur l'épaule.
- Mon fils, tu es fait pour naviguer sur les océans.
Un sourire se dessinait sur mon visage. C'était vrai, que j'aimais bien la mer.
Une fois sur l'autre rive, au pied de la Big Thunder Mountain, mon père m'avait invité à monter dans l'une des nacelles emmenant au cœur de la mine. Je passais une jambe, puis l'autre, avant de m'asseoir à l'intérieur. Mon père s'approcha et me dit :
- Je prends le prochain, accroche-toi bien.
Avant que je n'ai pu dire quoi que ce soit, le wagon était déjà parti, fonçant comme une fusée. Mes deux mains agrippaient les bords par réflexe, pour ne pas tomber. Je me surpris même à crier. La nacelle allait de plus en plus vite, penchant dangereusement sur le côté, lors des virages, et plongeant vers l'avant, lors des descentes... Je pensais qu'elle ne s'arrêterait plus jamais, mais, une fois au centre de la BTM, le wagon freina tout seul. Je sortais lentement de celui-ci, tremblant comme une feuille, mes habits froissés, et mes cheveux en bataille. Je m'adressais à un homme non loin de moi :
- Comment ce fait-il que cette chose se soit arrêtée toute seule ?
Il me regarda, et éclata de rire.
- Tu es Gracey n'est-ce-pas ? Dit-il en reprenant son souffle, le fils d'Henry.
Je hochais de la tête, pour approuver.
Il pointa du doigt le plafond. Je regardais et constatait que des cordes y étaient accrochées, sur tout le parcours que j'avais fait. Une autre servait de frein, qui était dans les mains de l'homme, à cet instant.
- Je comprends mieux...
Il repoussa la nacelle, qui recommença sa course folle, toute seule. Mon père ne tarda pas à arriver lui aussi.
Il sortait de la nacelle d'une grande enjambée. Pas l'un de ses vêtements n'était froissé, il n'avait pas l'air du tout d'être secoué. Même son haut de forme était à sa place. Je portais soudainement mes mains à ma tête.
- Mon haut de forme !
Mon père se pencha pour attraper mon chapeau dans le wagon, qu'il avait surement récupéré sur son chemin. Il me le tendit.
- Merci ! Dis-je, stupéfait.
Il fit un signe de la tête à l'homme, qui le lui rendit.
- Allons.
Il enchaîna le pas, en se dirigeant vers un tunnel. Je le suivais. Nous sommes tombés sur une grande caverne, aux parois ocres et orangées. Plusieurs dizaines d'individus brisaient de grosses roches avec des pioches, espérant trouver en leur centre des pépites d'or, quelque soit leur taille. Toc, toc, toc... Un rythme régulier.
- Viens Gracey.
Je le suivais, collé à deux centimètres de lui, de peur de me prendre un rocher sur la figure. Nous passions de tunnels à tunnels, pour enfin arriver à un bureau aménagé.
- Bonjour M. Henry, lança un homme à l'autre bout, heureux de vous voir !
Mon père semblait surpris.
- Bonjour M. Knight, que faites-vous dans mon bureau ?
- Oh ! Eh bien je vous déposais les chiffres de la semaine.
Il posait sur le bureau un petit tas de feuilles.
- Fort bien. Comment va le petit Iggy ? Et votre femme ?
- Ils se portent à merveille ! Vous savez, depuis que vous m'avez promu chef des travaux !
Ils parlèrent encore un peu, et se firent leur au-revoir. Mon père se retourna vers moi.
- Bienvenu dans mon bureau !
- Je pensais l'avoir deviné...
Ils s'asseyait dans son gros fauteuil de cuir, et m'invitait à faire la même dans une chaise en face de lui. Une grosse explosion se dit entendre, tandis que la pièce entière tremblait. Je pris peur, et me recroquevillais sur la chaise. Mon père rigola.
- Ce n'est rien Gracey ! Il ne s'agit que de la TNT dont nous nous servons pour creuser les tunnels !
- Tu n'as pas peur que tout s'effondre ? Par exemple, cette pièce, précisément ?
Il porta ses yeux au plafond.
- Ne t'inquiètes pas ! Nous l'avons consolidé avec les poutres en bois derrière toi, et derrière moi.
Je ne les avais même pas remarquées. Il y en avait des dizaines, allant du sol au plafond. Mais cette pièce ne me rassurait tout de même pas.
- Bon, je vais te présenter aux mineurs !
Il se releva, et je le suivais. Avant de sortir, je remarquais quelque chose d'assez étrange, gravé sur l'une des parois de pierre. C'était un oiseau, un aigle, il me semblait bien.
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