" Je te hais " - Mélanie

Je n'ai pas approché mon père pendant des jours, je ne voulais plus lui parler, ni le voir. Celui-ci d'ailleurs devenait de plus en plus méchant avec tout le monde, que ce soit avec mère, les employés, ou ses propres amis, s'il en avait toujours...

La mort d'Ignatius a fait écho aux autres meurtres, et les gens commençaient à répandre des rumeurs. Bien-sûr, je ne suis allée ni à ses funérailles, ni à celles du capitaine. Il était hors de question de voir mon père jouer la comédie. Cela ne ferait que me mettre en rogne.

Je ne mangeais presque pas. Je restais dans ma chambre, seule, maussade. Je pleurais souvent, assise contre ma fenêtre à regarder les gens vivre et s'activer. Je ne chantais plus aussi souvent qu'avant, même s'il m'arrivait parfois de continuer de fredonner l'air de Sawyer.

Ma mère passait me voir de temps à autre pour me parler un peu. Je ne lui ai rien raconté, je ne voulais pas que mes amies se fassent tuer par ma faute, déjà qu'elles avaient l'air de travailler dans un endroit peu rassurant, avec un malade mental... De toute manière, je n'avais plus envie d'en parler. Je voulais juste mourir dans mon coin, décrépir et sombrer dans l'oubli.

Mourir. Oui. Pourquoi pas. Cela me semblait convenable. Mourir de chagrin. C'était douloureux, mais poétique.

Mais ma mère en a décidé autrement.

- Tu ne vas pas te laisser abattre éternellement, et tu vas sortir un peu, a-t-elle ordonné.

J'étais allongée sur mon lit, à fixer le plafond des yeux, sans dire un mot.

- Je vais d'ailleurs sortir avec toi, a-t-elle ajouté. Je vais me préparer. Je veux te voir dans dix minutes devant le portail du manoir.

Elle n'a rien dit de plus, puis est sortie de ma chambre.

Je ne voulais pas sortir. Je n'en avais plus l'envie. Ni même le courage. Mais ma mère était la seule personne qui me restait, je ne pouvais pas refuser. Alors je me suis pliée à ses obligations et je l'ai attendue comme elle me l'avait demandé.

- Bien, s'est-elle exclamée en me voyant. Nous devons rejoindre ton père à la mine.

Comment ? Si j'avais su cela plus tôt, je n'aurais même pas décroché mes yeux du plafond ! Je ne supporterais même plus l'idée de me trouver à côté de mon père !

- Excellent, ai-je murmuré désespérée.

Nous avons pris le Mark Twain qui nous a emmenées jusqu'à la Big Thunder Mountain. Puis nous avons retrouvé mon père de l'autre côté.

- Ma tendre femme et ma tendre fille, s'est-il écrié en nous voyant arriver.

Il m'importunait au plus haut point. Il était en la compagnie d'un garçon, devant avoir mon âge.

- Je vous présente Jake Evans, a-t-il dit en présentant le garçon.

Celui-ci a tendu sa main et je l'ai serrée. Il était étrangement beau. Des cheveux bruns, un visage très symétrique, de belles dents...

- Ravi de vous rencontrer Miss Ravenswood !

- De même, ai-je souri bêtement.

Je ne le connaissais pas encore, mais il me faisait déjà de l'effet.


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Jake Evans a passé la journée avec nous et a été invité au manoir pour dîner. Et ce fut comme ça pendant plusieurs jours. Chaque geste qu'il faisait, chaque parole qu'il disait m'hypnotisait et c'était un jeu dangereux. Il ne fallait pas que je retombe amoureuse. Il ne fallait pas qu'il m'approche. Je ne pourrais pas supporter un décès de plus.

- Donc, vous venez d'arriver à Thunder Mesa, l'a questionné ma mère.

- Oui, et votre mari, M. Ravenswood, m'a donné du boulot dans sa compagnie ! Je l'en remercie beaucoup d'ailleurs !

Mon père, la bouche pleine, a fait un signe de la main pour lui dire que ce n'était rien. J'ai attrapé mon pain et en ai rompu un morceau que j'ai englouti tellement j'étais malade d'être dans la même pièce que lui. Il était tellement faux.

- Dites Jake, a continué ma mère en plantant sa fourchette dans quelques haricots, cela vous conviendrait de faire plus amples connaissances avec ma fille ?

- Oh, mais oui, a-t-il souri, Mélanie a l'air d'être une personne remarquable !

Non pas que le compliment de Jake ne m'est pas touché, mais se rendaient-ils simplement compte que j'étais là avec eux ?

- Très bien ! Allez donc à la bibliothèque, a proposé ma mère.

Il semblerait bien que non. Jake s'est essuyé les lèvres avec sa serviette et s'est levé.

- Allez y, lui ai-je dit, premier étage, au fond du couloir, je vous rejoins tout de suite.

Il m'a écouté, et a pris la direction du grand hall pour emprunter l'escalier. Il était tellement beau et gentil...

- À quoi jouez-vous, ai-je chuchoté à l'intention de ma mère en me levant brusquement, que comptez-vous encore faire ?

Celle-ci a terminé calmement le haricot qu'elle mâchouillait déjà depuis une bonne minute, et m'a simplement répondu :

- Je te pousse à faire de nouvelles connaissances chérie. Tu es restée enfermée beaucoup trop longtemps.

- Oh... Et cela ne vous dérange en rien qu'il ne soit ni riche ni un extraordinaire gentleman, lui ai-je lancé insolente.

Elle s'est contenté de fourrer de nouveau un haricot dans sa bouche.

- Et vous, VOUS, ai-je brillé à mon père en plissant les yeux, quelle mauvaise foi. Quel personnage vicieux vous êtes ! Quel est votre but ? Pourquoi me présenter un simple employé des mines, hein ? Me le coller sous le nez, l'inviter à manger ? Lui aussi vous comptez l'ass...

Il a toussé au-dessus de ma voix, laissant percevoir un " boniches " entre deux d'entre eux.

- Ton père prévoit de faire monter en grade notre bon ami, m'a informé ma mère. C'est pour cela qu'il se rapproche de lui.

- Oui, bien-sûr, ai-je dit sur un ton qui se voulait sarcastique.

- Vas donc rejoindre Jake à présent, il t'attend.

Mon père a arboré un petit sourire en coin, lorsque j'ai quitté la salle à manger. J'ai retrouvé Jake qui s'était installé dans l'un des fauteuils, un livre à la main. Il aimait lire ? Intéressant.

- Votre bibliothèque contient des livres qui ont l'air passionnants, s'est-il exclamé en me voyant arriver.

- Que lisez-vous, lui ai-je demandé en m'avachissant dans la méridienne en face de lui.

Il m'a montré la couverture, c'était un livre sur la musique et le chant.

- Vous aimez la musique, lui ai-je demandé surprise.

- La musique, les chansons, les instruments...

- Moi aussi ! Je chante un peu d'ailleurs, lui ai-je fait part.

- Oh ! Je joue de la guitare ! Nous avons déjà un point en commun, a-t-il dit avec son grand sourire qui m'a fait chavirer, l'amour pour le son !


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Comme l'avait dit ma mère, Jake a pris la place d'Ignatius Knight. Mon père avait besoin d'un nouveau bras droit. Celui-ci était heureux dans son nouveau poste.

J'ai continué à sortir avec lui, car je pensais savoir pourquoi mon père ne s'opposait pas à ce que je le côtoie. Les rumeurs continuaient de courir. On disait qu'il était un assassin. Cela me faisait beaucoup rigoler, car il ne s'y était pas attendu, et je n'y étais pour rien. Comme me l'avait dit Jasper, les " domestiques " pouvaient entendre ou voir des choses... Et visiblement aussi les raconter. Son image se dégradait peu un peu. Les gens ne savaient plus quoi penser, ni qui croire. Mais, cela semblait étrange aux yeux des habitants de Thunder Mesa que les quatre plus riches hommes de la ville, et qui m'avaient approché " de trop près " qui plus est, aient été assassinés à la chaine. Donc, mon père me laissait en paix avec mon nouveau soupirant pour paraitre innocent aux yeux de tous.

J'avais donc pris un malin plaisir à révéler mon attirance à Jake juste devant ses yeux. Je savais qu'il bouillait de l'intérieur, mais il ne pouvait rien faire sous peine de réveiller encore plus les soupçons. Et comme par surprise, aucun ours, aucune scie, aucune chute ni dynamite n'est venu l'agresser. Il vivait à présent avec moi, dans ma chambre, le manoir était sa nouvelle maison. C'était un réel bonheur.

- Jake, l'ai-je appelé un beau jour lorsque nous admirions le magnifique paysage de la Big Thunder Montain, et si nous nous marions ?

Je voulais profiter de la mauvaise position de mon père pour m'unir à lui et m'enfuir d'ici une bonne fois pour toutes. Peut-être arriverais-je à me reconstruire et oublier mon passé. C'était ma dernière chance.

- TOUT À FAIT D'ACCORD ! OUI, a-t-il littéralement hurlé.

- Et que diriez-vous de partir d'ici, lui ai-je proposé, de tout plaquer et d'aller vivre notre vie ensemble ? Je ne supporte plus de vivre ici avec mon père... enfin les rumeurs.

C'était moins une.

- Tout ce que vous voudrez Mélanie !

Me revoilà fiancée, pour la seconde fois.


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Ma mère n'a jamais été aussi heureuse de sa vie que lorsque je lui ai appris la nouvelle, un matin. Elle a pris Jake dans ses bras et a pleuré pendant des heures. Je ne savais pas si c'était de joie parce que nous allions nous marier, ou de tristesse car nous allions partir ensuite...

Mon père lui, a réagi d'une tout autre manière, comme je m'y attendais. Il a pincé les lèvres et a affiché son plus beau sourire.

- Je suis extrêmement heureux pour vous deux, a-t-il dit en me fixant de son regard noir, vous allez pouvoir vous installer tous deux au manoir dans une chambre plus grande, aux côté de Martha, et de moi.

Il avait bien appuyé sur ce dernier mot, pour me faire comprendre que je lui appartenais toujours. Mais ça m'était égal. J'allais me marier et partir. Et ne plus jamais le revoir.

- Nous ne comptons pas rester à Thunder Mesa, lui a expliqué clairement Jake, nous voulons aller vivre ailleurs, et... fonder une famille ?

Il m'a regardé interrogateur, et je me suis jeté dans ses bras. Quelle bonne idée ! Une petite maisonnée avec, pourquoi pas, deux beaux enfants ! Une fille et un garçon ! Nous pourrions leur apprendre le goût de la musique et du chant, et leur apprendre d'un instrument !

- AH NON ! IL EST HORS DE QUESTION QUE VOUS PARTIEZ, a vociféré mon père, LE MANOIR A ÉTÉ CONSTRUIT POUR TOI ! C'EST TON HÉRITAGE !

Oui... Bien-sûr... Pour moi... Il ne voulait juste pas que je parte loin de lui.

- Nous partirons si nous voulons partir père !

- Je m'y oppose ! Je m'oppose à votre mariage, a-t-il proclamé.

- Vous n'avez pas le droit, lui a hurlé Jake.

Mon père l'a foudroyé du regard, puis lui a annoncé :

- Jake Evans, je vous retire de votre poste de responsable des mines.

- Père !

- Ce n'est pas grave Mélanie, m'a rassuré mon fiancé, c'est une raison de plus pour partir d'ici.

Mon père l'a attrapé par le col de sa chemise et lui a craché de s'en aller du manoir, qu'il n'était plus la bienvenue ici. Jake m'a embrassé juste devant ses yeux et a pris la direction de la sortie.

- Je me marierais que vous le vouliez ou non, ai-je tranché tandis que mon père essayait de canaliser sa colère, et je partirais d'ici. Je me dégagerai de vos sordides liens, et vous ne me rêverez plus jamais. ASSASSIN !

J'ai couru jusqu'à ma chambre et je me suis appuyée contre la vitre, comme à mon habitude. J'étais encore une fois en larmes. Je n'en pouvais plus. Mon père était un être immonde et dénué d'amour ou d'empathie.

J'ai croisé le regard d'un homme sur le pont du Thunder Mesa Riverboat Landing. Il me semblait qu'il venait de déménager de la Californie pour s'installer lui aussi ici. Il devait me prendre pour une folle, à me voir pleurer ainsi à ma fenêtre. Une pauvre lady déchue.

- Ma chérie, a soufflé ma mère en me rejoignant à la fenêtre, je suis désolée... Ton père n'est pas très ouvert d'esprit.

Sans blague... Tellement fermé d'esprit qu'il tue littéralement ce qui ne lui plait pas.

- Moi je ne te souhaite que ça, m'a-t-elle chuchoté en appuyant sa tête contre mon épaule, partir et vivre ta vie, avec ton mari, et ta future famille.

Elle m'a retournée, pour que je sois face à elle.

- N'écoute pas ton père.

Nous sommes allées nous allonger sur mon lit, et nous avons commencé à parler des préparatifs pour le mariage.

- Tu pourrais porter la robe de grand-mère pour l'objet devant être vieux, a proposé ma mère.

- Très bonne idée, ai-je répondu à ma mère enthousiaste, et pour l'objet neuf...

Je me suis levée et j'ai farfouillé dans ma boite à bijoux. J'en ai sorti le pendentif que Sawyer m'avait offert.

- Voilà !

- Oh ! Très joli, s'est exclamée ma mère, ton père m'en avait aussi offert un lors de l'un de nos nombreuses sorties... Je l'ai perdu malheureusement...

Elle a essuyé une larme au coin de son œil.

-Cela fait très longtemps que ton père ne m'a rien offert. Ni simplement dit qu'il m'aimait. Ou pris dans ses bras. Il a tellement changé depuis que nous nous sommes installés ici. Depuis que nous avons envoyé Gracey là-bas...

- Gracey, celui dont père parlait, me suis-je dit pour moi, qui est-il ? Vous le connaissez, vous aussi, mère ?

Elle m'a regardé un regard triste et empli de désespoir.

- Il est temps que tu saches, m'a-t-elle dit. Mais pas maintenant.

Très bien. Je n'allais pas plus la pousser. C'était déjà un grand pas. Mais il était temps qu'elle sache aussi. Je ne pouvais pas la laisser dans son chagrin d'amour éternel. Mon père la trompait. Il fallait qu'elle connaisse la vérité pour ça, et pour ce qu'il avait fait d'autre, et de bien plus horrible.

- Mère... Justement j'ai quelque chose à vous révéler.

Allais-je vraiment lui dire toute la vérité ? Qu'adviendrait-il de Louise et Alice ? Mon père allait réellement les assassiner ? Je ne savais même pas où elles étaient. Mais, si vraiment il faisait quoi que ce soit, s'il tentait ne serait ce que de leur toucher l'un de leurs cheveux, je révélerais au grand jour tout ce que je savais. Il n'était déjà pas en bonne posture vis-à-vis des gens... Je pouvais du moment à l'autre tout expliquer au shérif et le faire emprisonner, ou pire, exiler de Thunder Mesa, qu'il avait bâti de ses propres mains. Ce serait la punition la plus douloureuse pour lui, tout perdre, sa ville, son argent, son manoir, et sa femme qui l'aimait éperdument, pendant qu'il faisait la cour a de petites jeunettes. Il avait déjà perdu sa fille.

- Qu'est-ce donc chérie ?

- Eh bien...

Une énorme secousse m'a coupé et m'a fait tomber par terre.

- MÉLANIE !

Ma mère m'a tiré jusque sur le lit sur lequel j'ai eu du mal à monter, car les secousses se faisaient de plus en plus fortes.

- Un tremblement de terre, a-t-elle crié au-dessus du vacarme.

Mes meubles se balançaient d'un côté à un autre de la pièce, et le lit semblait sauter sur place. Ma mère s'est levée avec beaucoup de peine et m'a ordonné de rester sous mon bureau car il fallait m'abriter.

- Non ! Je viens avec vous !

Mais c'était déjà trop tard. Pour s'assurer que je ne sorte pas, elle m'a enfermé dans ma chambre.

-Mère non !

- Je dois aller chercher ton père, a-t-elle crié depuis l'autre côté.

- MAIS IL VOUS TROMPE !

Elle était déjà partie en courant et n'avait pas entendu ce que j'avais dit. J'ai foncé vers la fenêtre, slalomant entre les meubles et débris à terre qui se déplaçaient seuls à grande vitesse. Plus le tremblement de terre durait, plus il s'intensifiait.

Thunder Mesa tanguait et beaucoup de gens étaient à terre, morts, ou simplement blessés ou n'arrivant pas à se relever. Des morceaux de roches tombaient de la Big Thunder Mountain se décrochaient et tombaient sur toute la ville.

J'ai aperçu mon père sortir du jardin du manoir en courant suivi de près par ma mère lui faisant des signes pour qu'il rentre. Il n'en n'avait que faire. Mais ma mère voulait absolument sauver l'homme qu'elle aimait, et je la comprenais. Je n'avais pas réussi, et n'avais rien vu arriver lorsque c'était mon tour. Un énorme morceau de pierre leur est tombé dessus, les écrasant sans pouvoir s'enfuir.

- NON ! MAMAN !

J'ai donné un coup de poing contre la vitre.

- PAPA !

J'ai plaqué mes mains contre la fenêtre en hurlant de douleur. Mes deux parents venaient de mourir sur le coup juste devant mes yeux.

- MAMAN... PAPA...

Je me suis retournée et j'ai défoncé la poignée de la porte à l'aide de l'un des gros tomes de la série de livres que ma mère m'avait offert. J'ai descendu les étages et suis sortie, le sol tremblant toujours. Une fois dehors j'ai regardé tout autour de moi et j'ai hurlé :

- COMBIEN ? DIS-MOI SATANÉE VILLE, COMBIEN DE PERSONNES QUE J'AIME DEVRONT ENCORE MOURIR POUR MOI ? COMBIEN S'ACRIFIERONT LEURS VIES POUR D'AUTRES ?

Je me suis avancée encore plus, sortant du jardin, a quelques mètres du rocher ayant écrasé mes parents.

- JE TE HAIS, ai-je hurlé ne sachant pas trop si je parlais à la ville ou à mon père lui-même, JE TE DÉTESTE ! JE TE HAIS DE TOUT MON CŒUR !

Mes genoux se sont effondrés et je suis tombée, à quatre pattes, par terre. Le tremblement de terre était terminé.

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