J'étais horrifiée et terrifiée devant le bureau du shérif Johnson. Ayant enfilé ses santiags et son accoutrement de travail il semblait sortir Gwenda droit d'un film Western. De plus, pour rester dans le genre, au lieu de se servir d'une voiture, il se déplaçait à dos de cheval.

Je ne savais pas quoi penser. J'avais l'impression que rien de tout cela ne s'était réellement passé, que Mme. Evers n'était pas morte, et que cette horrible voix ne s'était jamais élevée dans l'air.

Le shérif est venu s'assoir devant moi pour me poser quelques questions. Je comptais tout lui révéler, quitte à ce qu'il me prenne pour une folle.

J'avais retrouvé Mme. Evers pendue dans l'une des pièces de Phantom Manor, alors qu'une voix sordide s'était présentée comme notre hôte. Une fille était également allongée au sol, mais toujours consciente. Alors, je l'ai portée et j'ai fuit cet horrible endroit.

— C'est Megan, la fille de Mme. Evers.

— Elle est réveillée, ai-je demandé inquiète, elle va bien ?

— Je ne sais pas, m'a-t-il répondu en soupirant, elle a été placée dans l'hôpital le plus proche. Il faudra que je lui pose des questions à elle aussi.

— Quel verdict tirez-vous de mon témoignage ?

— Un psychopathe, avec un mégaphone, a-t-il supposé, qui s'est probablement enfui après que vous soyez sorties. Mais c'est tiré par les cheveux. C'est difficile de savoir étant donné que vous êtes la seule témoin capable de me répondre pour l'instant.

Où alors un fantôme, un zombie, un esprit ? J'étais prête à toute possibilité depuis que j'avais vu le spectre de Luis.

— Et mon fils ? Avez-vous fouillé le manoir comme vous me l'aviez promis ?

— J'ai envoyé une troupe, mais ils sont revenus en disant ne rien avoir trouvé que ce soit pour votre fils ou pour l'éventuelle trace d'un assassin.

— Mais c'est impossible, ai-je crié, il doit bien être quelque part ! Faites des recherches ! Si son amie a été retrouvée à Phantom Manor, c'est qu'il doit y être, lui aussi - et je le savais très bien.

— Nous allons passer un appel à témoin, a-t-il calmement expliqué, nous verrons ce qui en découlera.

— Mais j'ai déjà interrogé pratiquement tous les habitants de Thunder Mesa, ai-je hurlé en me levant d'un bon.

— Calmez-vous Mme. Robinson, a-t-il de nouveau soupiré, ce sera mieux pour tout le monde.

— ME CALMER ?

C'en était trop. Je suis sortie de son bureau en furie, tandis qu'il m'a lancé :

— Laissez votre téléphone allumé au cas où si nous devions vous interroger de nouveau.

C'était le pire policier que je n'avais jamais vu auparavant. Il m'énervait tellement avec son air nonchalant ! Bon sang, il y a shérif dans le village, ce n'est pas pour qu'il serve de décoration ! Mon fils avait disparu ! Je n'avais plus de trace de lui, il ne me répondait pas au téléphone ! C'était alarmant non ? Pas pour lui. Ou alors cachait-il quelque chose, sous ses apparences de paresseux. Ce pouvait être une possibilité.

M. Evers, un homme costaud et plutôt grand était assis à une table, en compagnie d'un petit garçon assis sur sa jambe, son fils sûrement, tous les deux en larmes. Je me suis rapprochée d'eux.

— Je suis désolée pour ce qui est arrivé, me suis-je excusée, et j'aurais préféré ne pas être celle qui devait le découvrir...

— Merci Mme. Robinson, a-t-il dit dans un sanglot. Merci de nous avoir rapporté Megan.

Alors ça, je ne m'y attendais pas ! Il n'avait pas à me remercier, c'était normal...

— Vous avez retrouvé votre fils, m'a-t-il demandé.

J'ai soupiré et me suis assise à côté d'eux.

— Malheureusement non... Je ne sais pas s'il va bien, ou s'il est encore en vie... J'ai peur et le shérif ne veut pas m'aider...

Une larme a coulé le long de mon visage. J'étais angoissée, je voulais retrouver mon fils. Pourtant je savais très bien où il était car Luis me l'avait dit. Puis m'est venu une idée.

— M. Evers, dis-je d'une petite voix, serait-il possible d'appeler votre fille, pour lui demander si elle sait où pourrait se trouver Jason ?

— Bien-sûr, a-t-il répondu en composant le numéro sur son propre téléphone, tenez.

Il me l'a passé et je l'ai approché de mon oreille. " Réponds, s'il te plait " ai-je pensé pendant que l'appareil sonnait pour la troisième fois. Peut-être qu'elle avait fait tomber le sien dans le manoir. J'espérais de tout cœur que ce ne soit pas le cas, où alors que ce soit Jason qui me réponde.

— Allô, a annoncé une petite voix fatiguée.

Ce n'était pas Jason, mais bien Megan.

— Megan, c'est la mère de Jason. Tout va bien de ton côté, lui ai-je posé espérant qu'elle n'ait rien de trop grave.

— Madame Robinson ? Jason est en grand danger, a-t-elle crié de l'autre côté, allez vite le chercher au manoir.

— Que s'est-il passé, ai-je paniqué, pourquoi étiez-vous là-bas ?

— Un stupide nigaud de notre classe a lancé un défi à Jason comme quoi il n'arriverait pas à rester dans Phantom Manor plus de dix minutes. C'était une sorte de bizutage comme il était nouveau. Mais celui-ci s'est vite enfui lorsqu'une force invisible nous a attaqué, et Jason s'est fait emporter plus loin dans le manoir.

Cette histoire faisait étrangement écho à celle de Steve de la supérette.

— Allez vite le chercher Mme. Robinson.

J'ai raccroché, et je suis restée plantée là pendant plus d'une minute. Mais j'ai repris mes esprits, et je me suis mise à courir pour rentrer chez moi et prévenir Sarah de mon absence. J'allais retourner au manoir décidée coûte que coûte à retrouver mon fils. Quel pari idiot ! Pourquoi accepter un gage dans le genre ? Jason n'aurait jamais réagi comme ça avant. Que s'était-il passé dans sa tête ?

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Arrivée au cabanon, j'ai enfoncé ma clef dans la serrure et j'ai ouvert la porte.

— Sarah, l'ai-je appelée, je pars à la recherche de ton frère.

J'ai pénétré dans le salon, elle était assise, le livre de Thunder Mesa sur les genoux à parler probablement à Luis qui devait être assis à côté d'elle.

— Mais, ce n'était pas déjà ce que tu étais allée faire en partant pour la première fois, m'a-t-elle fait remarquer.

— Bien vu oui, ai-je dit, mais ce fut plus compliqué que je ne le pensais...

Sarah a fermé le livre, l'a posé à côté d'elle puis s'est levée, déterminée. 

— Je viens avec toi maman, m'a-t-elle déclaré.

— Il en est hors de question, ai-je tout de suite refusé.

Elle s'est approchée, a pausé sa main sur mon bras, et Luis est apparu, en tailleur sur le canapé, regardant la scène avec attention, comme s'il était au théâtre.

— Je te rappelle que je peux voir les fantômes, a-t-elle protesté.

Il était vrai que son don pouvait être très utile... Mais c'était un lieu dangereux. Je ne pouvais pas la perdre.

— Chérie...

— Je dois à tout prix y aller maman. Nous devons retrouver Jason.

Bon. Très bien. Je me suis levée, et j'ai attrapé une lampe torche, deux pommes et un couteau au cas où, même si le fait de rencontrer quelqu'un de physique à part Jason me semblait assez compromis vu l'endroit où j'allais me rendre.

— J'aurais voulu que vous veniez aussi Luis, mais cela semble dur puisque je ne peux pas vous voir. N'y a-t-il pas un moyen de vous apercevoir ?

Un chapeau accroché jusqu'à présent au mur juste à côté d'un tableau s'est mis voler et s'est arrêté net, en flottant dans l'air. Il l'avait simplement posé sur sa tête. Avant de partir, j'ai pris aussi un carnet et de quoi écrire, s'il voulait interagir avec moi sans passer par Sarah. Je n'arrivais toujours pas à croire d'ailleurs que je pouvais parler à un mort. La veille, je n'y aurais pas cru une seconde. C'était terrifiant de savoir que les fantômes existaient vraiment.

Nous avons traversé le village alors que le soleil commençait à pointer le bout de son nez. Luis avait caché son chapeau dans mon sac le temps du trajet, et m'avait tenu le bras pour que je sache qu'il me suivait. Le contact entre nos peaux - si nous pouvions appeler ça comme ça pour lui - m'avait donné un léger coup de jus. Mon bras s'était très vite refroidi ensuite.

Nous sommes arrivés devant le portail du manoir - ouvert cette fois, sûrement après l'intervention de la troupe du shérif - et j'ai une nouvelle fois ressenti cette sensation étrange, cet appel au fond de moi.

— C'est reparti, ai-je simplement soufflé alors que je commençais à gravir la pente menant aux escaliers, main dans la main avec Sarah.