Chapitre 65
Lundi 28 juillet 2018, 20h37.
‒ Tu n'as pas à te presser, d'accord ? Prends ton temps, la rassura Zac avec une main apaisante dans son dos.
Alors que la jeune fille était descendue de la voiture et avait marché jusqu'à la porte d'entrée avec confiance, elle s'était figée au moment d'ouvrir la porte.
Elle se tenait là, debout comme un piquet, complètement paralysée sur le perron de la maison des Hilton. Ca faisait une poignée de minutes maintenant mais son père ne perdait pas patience et attendait gentiment à ses côtés. Il ne la poussait pas à entrer ni même à parler, il se contentait d'être là pour elle comme Charlene l'avait tant désiré qu'il le soit quand elle était au plus bas.
‒ C'est quand tu veux, assura-t-il en frottant son dos lentement. Si tu as besoin d'un peu de temps pour toi, c'est parfaitement compréhensible. On sait que c'est difficile.
Perdue dans son esprit, elle entendait vaguement ce qu'il disait et hochait la tête lentement. Elle avait les yeux fixés sur le judas de la porte alors qu'elle jouait distraitement avec la manche de la veste de son père qu'il avait posé sur ses épaules quand il l'avait vu frissonner. Malgré qu'on soit en plein dans l'été, la soirée était assez fraîche.
‒ Tu devrais aller à l'intérieur et les prévenir que j'arrive, d'accord ?
‒ Je peux pas te laisser seule.
‒ Pourquoi ?
‒ Tu sais très bien pour quelles raisons, fit-il en s'appuyant contre la rambarde du perron.
‒ Je vais pas m'enfuir papa.
‒ Charlie...
‒ Tu dois me faire confiance, mon éducateur dit que c'est primordial.
Les lèvres pincées en une ligne fine, Zac l'observa quelques secondes avant de soupirer et d'hocher la tête.
‒ D'accord, marmonna-t-il. D'accord... je te laisse cinq minutes puis je viens te chercher. Ne trahis pas ma confiance, Charlie.
‒ Je ne le ferais pas.
Avec un dernier regard pour elle, le père de famille ouvrit la porte d'entrée et s'engouffra dans la maison. Le stress prenant possession de son corps, Charlene se força à contrôler sa respiration et secoua ses mains dans des gestes nerveux. N'arrivant pas à refouler toutes ses émotions négatives, elle devait bouger. Elle descendit les quelques marches du perron et fit des allers-retours sur l'herbe devant la maison.
‒ Ca va aller Charlie, se murmura-t-elle à elle-même. Aller, prends ton courage à deux mains et vas-y.
Se motivant, la jeune fille stoppa sa marche, se tourna vers la porte d'entrée et expulsa tout l'air de ses poumons dans une expiration mesurée pour calmer son anxiété. Elle se prépara à avancer jusqu'au perron, cependant elle ne réussit pas à puiser en elle la force de mettre un pied devant l'autre. Elle souffla nerveusement alors qu'elle plongea la main dans sa poche à la recherche de la sucette à la cerise qu'elle avait acheté quand elle était au centre. Elle s'empressa de la déballer et la fourra dans sa bouche. Elle fit rouler la sucrerie d'un bout à l'autre de sa bouche à l'aide de sa langue. Charlie avait appris pendant sa cure que certains gestes répétitifs pouvaient calmer son anxiété et apaiser son esprit.
La porte d'entrée s'ouvrit lentement. L'adolescente pensa voir son père apparaître en disant que les cinq minutes étaient écoulées mais elle croisa plutôt le regard profond de Mary. Elle eut un petit sourire, c'était évident. La blonde était toujours celle qu'on envoyait pour « gérer une crise » dans leur groupe. Charlene l'observa traverser le jardin avant pour la rejoindre, les traits du visage sereins.
‒ Hé, salua celle-ci d'une voix douce.
‒ On t'a envoyé vérifier si je m'étais pas enfuie ? questionna la brune, incertaine de quoi dire d'autre à son amie.
‒ Non. Tu veux venir à l'intérieur ?
Charlie n'avait pas de réponse à cette question alors elle détourna le regard vers le sol et joua distraitement avec son bonbon.
‒ Ça te dérange si je reste un peu avec toi ?
Pinçant ses lèvres entre elles, l'adolescente haussa les épaules. Mary se posta à ses côtés mais elle fit face à la rue contrairement à Charlene. Elle posa ses mains sur ses hanches, ferma ses paupières et inspira profondément l'air frais de la soirée. La faible brise faisait légèrement bouger ses cheveux ondulés. Elle ne lui parla pas, se contenta de rester là, calme...
La jeune Clark avait dessiné des dizaines de fois chaque personne de son entourage mais, à chaque fois qu'elle traçait les contours de Mary, elle n'arrivait pas à faire transparaître toute la tranquillité qu'elle ressentait en sa présence. Son amie n'était encore qu'une enfant, comme elle, pourtant on aurait dit qu'elle avait vécu des décennies. Parfois, elle semblait renfermer en elle une sagesse vieille de plusieurs millénaires.
‒ Je peux pas entrer, avoua-t-elle dans un murmure après avoir sortir la sucette de sa bouche.
‒ Mmh ?
‒ Je peux pas aller à l'intérieur et faire face à tout le monde.
‒ Pourquoi ça ?
Charlie fronça les sourcils et tordit sa bouche en un rictus qui pouvait être traduit par « tu te moques de moi ? ».
‒ Tu sais pourquoi.
‒ Je peux faire des suppositions, oui, confirma la jeune fille. Mais je ne suis pas dans ta tête, je ne peux pas parler pour toi.
Toujours aussi sereine, Mary ouvrit ses paupières mais garda son visage dirigé vers la rue afin d'éviter à son amie de se sentir épiée et acculée.
‒ Je sais que tu as du mal à exprimer ce que tu ressens mais tu ne peux pas compter sur les autres pour savoir exactement ce qu'il se passe là-dedans, indiqua-t-elle en tapotant sa propre tempe. Il faut que tu apprennes à te confier, et je me doute que c'est dur mais parfois il suffit juste de se lancer.
‒ Je sais... L'éducateur du centre a essayé de m'aider à être plus à l'aise avec cette idée mais... j'ai encore beaucoup de difficulté.
‒ Ca va, tu as le temps de développer ça et on sera tous là pour te soutenir. Tu peux te tourner vers l'un de nous quand tu veux.
Touchée par ces mots, Charlie leva son regard vers son amie et, hésitante, attrapa lentement sa main dans la sienne. Mary lui sourit tandis qu'elle entremêlait fermement leurs doigts.
‒ Merci.
La blonde lui donna un autre sourire, plus doux encore, pour lui transmettre qu'elle n'avait pas besoin de dire merci.
‒ Tu veux parler ou tu veux entrer ?
Charlene ne répondit pas tout de suite à la question. Elle avait besoin de réfléchir, elle prit le temps d'observer la maison de sa professeure d'art. D'après les dires de son père, la majorité de ses proches se trouvaient à cette fête. L'adolescente avait peur... Elle savait très bien qu'un jour elle devrait leur faire face et autant arracher le pansement d'un coup mais ce soir... Ce soir, ils étaient pratiquement tous là. C'était comme faire face à une foule.
L'emprise sur sa main se resserra et lui fit tourner la tête vers son amie qui n'avait pas perdu son sourire. Parfois, il ne suffisait que d'une personne pour vous calmer et chasser l'anxiété qui vous paralysait.
‒ Tu restes près de moi ?
‒ Si c'est ce que tu veux, bien sûr.
‒ Alors on entre.
‒ D'accord.
Mary ne la brusqua pas, comme à son habitude. Elle laissa à Charlie le soin de les entraîner vers la maison et d'y entrer. À peine eurent-elles mis un pied à l'intérieur que le brouhaha des conversations éclata à leurs oreilles. Elles accrochèrent leurs vestes au porte-manteau et la brune se dirigea timidement vers le salon, son amie toujours sur ses talons.
Prise par l'émotion, elle sentit des larmes monter à ses yeux quand elle vit toutes les personnes présentes dans la pièce. Toute sa bande était là, dispatchée, il n'en manquait pas un -même si c'était lundi et que Nina avait normalement ses cours de piano. Son père se tenait à l'opposé de sa mère, Ellie dans ses bras, et discutait avec Julian. Ses oncles, ses tantes et ses cousins et cousines étaient présents aussi, la famille Hilton mélangée à eux. Le regard de Charlene croisa celui de son petit ami (si il l'était toujours...), elle s'empressa de le fuir et fut surprise mais ravie de voir M.J. et Kara.
‒ Charlie ! s'exclama soudain une voix enfantine.
La brune redirigea son regard vers sa petite sœur et vit leur père la déposer au sol pour qu'elle court dans sa direction. Elle s'accroupit et réceptionna Ellie contre elle, enroulant ses bras autour de la fine silhouette de la fillette.
‒ Tu m'as manqué Charlie !
Son petit point se crispa sur le tissu de son t-shirt alors qu'elle se blottissait tout contre elle. L'aînée enfouit son nez dans ses doux cheveux bruns et respira profondément son shampoing pour enfant à la framboise.
‒ Tu m'as manqué aussi, murmura-t-elle, les larmes s'accumulant dans ses yeux. Tu m'as énormément manqué...
Charlene embrassa plusieurs fois la tempe d'Ellie et voulut reculer mais cette dernière ne sembla pas le lui permettre. Aimant l'effet calmant qui se diffusait dans son crâne à cause de leur proximité, l'adolescente ne rompit pas leur étreinte et se releva en portant la fillette sur sa hanche.
Hésitante, mais puisant son courage dans la présence de son amie et de sa sœur, Charlie se déplaça lentement dans le salon et salua tout le monde. Presque une heure plus tard et après avoir rapidement parler avec les invités, elle se retrouva assise sur le canapé entre Mary et David qui lui donnaient des nouvelles de leurs camarades du lycée -qui étaient tous au courant de son histoire, les ragots allaient vite dans un lycée. David lui confia qu'il avait foiré son année et qu'il était obligé de rester une année de plus pour repasser le diplôme. Charlie se sentit presque un monstre de se réjouir de ça mais au moins, elle savait qu'elle aurait un pilier, un repère avec elle l'année prochaine quand elle-même devra redoubler.
Pendant qu'elle discutait avec ses amis, Charlene laissa distraitement ses yeux voyager dans la pièce jusqu'à croiser ceux de Léo. Ce dernier détourna presque immédiatement son regard provoquant un pincement dans son cœur. Les lèvres tirées en une ligne fine, la jeune fille s'excusa et s'éloigna en direction du couloir. Elle rassura du bout des lèvres sa tante qui l'arrêta d'une main sur l'avant-bras quand elle passa à son niveau et continua son chemin pour se cacher dans la salle de bain. Prise d'une bouffée de chaleur et sentant l'anxiété monter d'un cran, elle éventa son visage à l'aide de sa main alors qu'elle ouvrait le robinet. Elle s'aspergea le visage avec l'eau froide et se regarda dans le miroir.
Elle ne resta pas isolée dans la petite pièce pendant très longtemps. Quelqu'un vient toquer doucement sur la porte.
‒ Charlie ? appela-t-on de l'autre côté.
Celle-ci se redressa, surprise, et tourna son visage dans la direction d'où provenait une voix familière. Et pour cause, il s'agissait de Léo.
‒ Charlie ? Est-ce que ça va ?
‒ Euh... oui oui, affirma-t-elle après un court instant d'hésitation.
‒ Tu veux bien m'ouvrir ?
Sachant que c'était la bonne chose à faire, qu'elle ne devait plus se cacher dans un coin quand elle était effrayée mais plutôt affronter sa peur et faire face, Charlene se dirigea vers la porte et enroula lentement sa main autour de la poignée. Cependant, le venin insidieux qu'était la peur la figea avant qu'elle n'ouvre.
‒ Charlie ?
Le ton de Léo était plus pressant alors qu'il toquait une nouvelle fois à la porte. Sa voix était plus forte aussi. La jeune fille ne voulait pas qu'il attira l'attention de tous ses proches alors elle prit son courage à deux mains et ouvrit la porte pour faire face à celui qui avait été -ou était toujours, elle ne saurait le dire- son petit ami.
‒ Euh... salut ? proposa-t-elle, incertaine.
Léo l'observa en silence quelques secondes, comme s'il l'inspectait, l'analysait... et Charlene savait qu'il cherchait en fait des indices, quelque chose qui lui indiquerait qu'elle avait ou non consommé quelque chose.
‒ J'avais juste besoin d'un peu de temps seule et de silence, se justifia-t-elle en croisant les bras sur la poitrine. Cette fête... c'est beaucoup à prendre.
Pinçant ses lèvres en une ligne fine, le jeune homme ne répondit pas et se contenta d'hocher la tête pour montrer qu'il comprenait. Aucun des deux ne parla par la suite.
Devant lui, Charlie ne savait plus quoi faire ou quoi dire. Devait-elle lui demander des nouvelles de sa vie ou devait-elle s'excuser ? S'excuser pour son comportement à la fois dans ses actions et ses paroles, s'excuser pour ce à quoi il avait du faire face, ce pour quoi il ne s'était pas engagé quand il s'était mis en couple avec elle... Ou devait-elle faire comme si rien ne s'était passé ? Etaient-ils toujours en couple ? Après tout, elle avait changé, elle n'était pas la même fille qu'il avait vue pendant une grande partie de leur relation. Et même si elle avait essayé de redevenir son ancien moi, elle n'était pas tout à faire comme avant, il fallait se l'avouer. Est-ce qu'il l'aimait toujours ? Est-ce qu'il retrouverait en elle les mêmes qualités qui avaient fait chavirer son cœur ou avaient-elles disparu et avec elles son amour ?
Charlene avait tellement de questions dont elle n'osa poser pour la plupart. Après une bonne poignée de minutes dans le silence, Léo l'attrapa par le coude et la poussa gentiment vers le salon.
‒ Allons rejoindre les autres.
❀
Mardi 29 juillet 2018, 5h59.
Les yeux de Charlie s'ouvrirent sur un plafond qui lui était inconnu. C'était ni celui immaculé et lisse du centre New Life ni celui remplit d'étoiles phosphorescentes de sa chambre. Celui-là, taché par endroits, était celui de la maison de transition Second Chance où son père l'avait déposé la veille après leur petite fête. Ils avaient ainsi pu brièvement rencontrer la personne qui était en charge du centre H24 : Agatha, une femme d'un certain âge, qui était la propriétaire de la maison et qui dormait au rez-de-chaussée dans la suite parentale. D'après ce que Charlene avait compris, cette femme possédait cet endroit depuis des années et, à la mort de sa compagne, avait choisi d'en faire un centre d'aide.
Sans un regard vers le réveil posé sur la table de chevet, elle savait qu'il était très tôt dans la matinée, sûrement aux alentours de six heures. Son séjour au New Life avait détraqué toutes ses habitudes de sommeil. La jeune fille roula jusqu'au bord du lit, en sortit puis se faufila hors de la pièce en prenant garde à ne pas réveiller les deux autres filles qui partageaient la chambre avec elle. Encore en pyjama et les cheveux ébouriffés, elle descendit les escaliers et se rendit dans la cuisine pour se préparer un petit déjeuner.
Agatha avait été très claire la veille quand elle lui avait expliquer qu'ici ce n'était pas comme à New Life. Ici, elle ne devait pas s'attendre à ce que les repas soient préparés par du personnel et partageaient dans les salles communes. Le but de cette maison était d'apprendre -ou réapprendre- à être autonome et à se réinsérer en douceur dans la société. Les pensionnaires devaient donc trouver leur propre rythme tout en rendant encore des comptes à leurs tuteurs. Tout ce que Agatha exigeait était qu'ils participent aux corvées. En début de semaine, elle affichait une liste des choses à faire sur le frigo et chacun venait choisir une tâche à effectuer dans les jours qui suivaient.
Alors qu'elle coupait des fruits en fredonnant, Charlie sursauta presque quand la propriétaire de la maison entra dans son champ de vision. Celle-ci grommela un salut du bout de ses lèvres, attrapa un mug dans le placard au-dessus de l'évier et se fit couler un café.
Les prochaines minutes s'écoulèrent dans un silence confortable jusqu'à ce que le téléphone fixe rompe cette quiétude. Agatha grogna tandis qu'elle reposait sa tasse sur l'ilot de la cuisine et se traîna dans l'autre pièce pour répondre. Charlene pouvait entendre sa voix mais elle ne prêta pas attention à ce qu'elle disait. Après un moment, la vieille femme revient dans la pièce et se rassit à sa place.
‒ C'était votre père, signala-t-elle après avoir bu une gorgée de son café.
À ses mots, la jeune fille se redressa et regarda vers elle, un sourcil haussé.
‒ Il voulait prendre de vos nouvelles.
‒ Déjà ? Il m'a déposé ici y a quelques heures à peine, rétorqua Charlie. Dites plutôt qu'il voulait s'assurer que je n'ai pas pris mes jambes à mon cou.
Agatha ne répondit pas et elles finirent leurs déjeuners en silence.
❀
Vendredi 1 août 2018, 15h12.
L'adolescente arrangea ses cheveux courts qu'elle avait hérissé en passant sa robe par-dessus sa tête et observa son reflet dans le miroir de la chambre. Avec une moue, elle lissa sa tenue et décida que c'était assez bien. Elle entendit sonner alors elle s'empressa d'enfiler ses sandales et de descendre. Celeste, une autre pensionnaire, avait ouvert la porte d'entrée et discutait -ou plutôt flirtait- avec son triplé.
‒ Oh Charlie, te voilà, remarqua ce dernier, presque soulagé. Tu y prêtes à y aller ?
‒ Tu vas où ? demanda Celeste en haussant un sourcil.
‒ Voir de la famille pour le weekend, je reviens dimanche dans la journée. Agatha est au courant.
Avec un salut de la main, elle sortit de la maison et suivit son frère qui marchait déjà dans l'allée en direction de sa jeep.
‒ Où est papa ?
‒ Déjà en route. Je lui ai dis que je passerais te prendre.
‒ Il a réussi à baisser sa garde et à moins contrôler les choses ? questionna Charlie, rhétoriquement.
‒ Mmh, répondit son frère avec un haussement d'épaules. Je lui ai dis qu'on aurait pas envie de se taper les trois heures de route jusqu'à Burns en écoutant le CD de musique pour enfants d'Ellie. J'ai du négocier un peu mais il a finalement accepté. Allez, monte, j'ai promis qu'on arriverait juste après lui.
Charlie s'installa sur le siège passager et sourit avec émotion. Elle avait l'impression que ça faisait des années qu'elle n'était pas montée dans cette voiture. Un tas de bons souvenirs avec ses amis et ses frères éclatèrent dans son esprit.
La première heure se passa en silence. Le frère et la sœur étaient plongés dans leurs propres pensées mais l'ambiance n'était pas pesante pour autant. Charlie appréciait ce moment de calme, depuis qu'elle était à la maison de transition, elle avait eu peu de temps pour elle-même. Il fallait toujours qu'elle court à droite et à gauche pour trouver du travail, pour faire ses corvées ou pour assister à ses réunions.
‒ Hé Ju, l'interpella-t-elle soudainement. J'ai trouvé un petit boulot pour l'été.
‒ Ah oui ?
‒ En fait, ma marraine connait quelqu'un qui cherchait une caissière dans un magasin de bricolage.
‒ Ta marraine ?
‒ Oh, c'est une ancienne droguée comme moi. Elle va aux mêmes réunions que moi, en fait c'est elle qui m'y emmène. Son rôle m'aider dans mon rétablissement en me donnant des conseils et tout ça, essaya-t-elle d'expliquer. C'est important d'en avoir une et... j'ai tout de suite accroché avec elle alors quand elle m'a proposé de me parrainer j'ai accepté.
‒ C'est bien. Je suis content pour toi, approuva le jeune homme. Parle-moi un peu de ton nouveau travail.
Contrairement au début de voyage, le reste du trajet s'effectua dans un flou de discussions banales mais qui réchauffa le cœur des deux Clark. Cela faisait si longtemps qu'ils n'avaient pas discuté ainsi...
Vendredi 1 août 2018, 21h31.
Refusant d'être le centre de l'attention maintenant qu'elle était revenue du centre, Charlene avait passé une bonne partie de la soirée à raser les murs et à se cacher dans un coin de la pièce. De là où elle était, elle pouvait attendre la table où était posé la nourriture tout en gardant un œil sur la plupart des membres de sa famille. Un mouvement à sa gauche attira son attention, elle tourna la tête pour voir son cousin s'adosser au mur à ses côtés.
‒ C'est moi ou tu essaies de te cacher de tante Elizabeth et grand-mère ? demanda le jeune homme en regardant dans la direction de leur grand-mère et sa sœur.
Ces deux dernières avaient pris au piège Julian qui essayait de fuir discrètement mais les deux vieilles femmes l'encerclaient.
‒ Elles ne font pas attention à moi, Ju les absorbe trop.
‒ Je parie qu'elles le questionnent sur Mary. Elles l'aiment bien trop, elles avaient espéré qu'il la ramène aujourd'hui.
‒ Mmh.
‒ Ton père a insisté pour que toute la famille soit présente aujourd'hui. Il pense que c'est important que tout le monde resserre les rangs autour de toi et te montre leur soutien.
‒ C'est gentil. Je crois ? hésita Charlie. Je suis pas sûre d'apprécier autant de monde autour de moi, ça semble un peu étouffant.
Quand Teo ne répondit pas, elle tourna une nouvelle fois son regard vers lui. Son cousin la regardait, presque choqué.
‒ Quoi ?
‒ Euh, rien. C'est juste que... je t'ai rarement vu confier ce que tu penses ou ressens aussi facilement.
‒ Oh ouais... c'est un des changements que je devais atteindre pendant et après ma cure.
‒ Je dirais que l'objectif est atteint.
‒ Pas totalement mais j'y travaille activement. D'ailleurs... je voulais te présenter mes excuses. Je suis désolée pour les mots que j'ai pu dire ou les choses que j'ai fait qui t'ont blessé. Je sais que ça ne réparera-
‒ Charlie, arrête, la stoppa-t-il avec un froncement de sourcils. Tu n'as pas besoin de t'excuser.
‒ En fait si, je dois le faire. Mon éducateur dit que c'est important de réparer ses torts et-
‒ Je m'en fous de ce que ce type a dit, tu n'es pas obligée de faire ça avec moi. Charlie, on est une famille. Je te connais et je t'aime. Tu n'as pas à t'excuser parce que tu as souffert et que tu as cherché une façon de gérer ça. Même si c'était une mauvaise façon. Tout ce que tu dois faire, c'est de me promettre que si la douleur revient et que c'est trop fort pour que tu puisses le supporter, tu viendras voir l'un de nous. Que ce soit Julian, ton père, moi... ou même tes amis.
Emue par ces mots, l'adolescente sécha ses larmes avec la serviette qu'elle tenait puis entraîna son cousin dans une étreinte ferme, murmurant une litanie de « merci » et de « je te promets » d'une voix rauque. Teo frotta une main réconfortante dans son dos alors que ses yeux attrapèrent ceux de son cousin de l'autre côté de la pièce. Il lui fit signe de son autre main pour signaler que tout allait bien.
Ce sera peut-être un peu dur encore au début mais tout finira par rentrer dans l'ordre.
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