Chapitre 50

Lundi 25 mars 2018, 12h02.

Alors qu'elle était plongée dans son sommeil, Charlene sentit qu'on la secouait en douceur et grommela de mécontentement. Elle ouvrit tout de même une paupière et rencontra le visage de Gwen penchée au-dessus d'elle, un doux sourire plaqué sur son visage.

Hé Charlie, il est temps de se réveiller. Le repas est en train d'être servi.

La jeune fille prit une minute pour émerger et s'étirer. Elle se redressa en position assise, arrangea ses cheveux en une queue de cheval, dégagea la couverture de ses jambes, se leva et tient en équilibre sur un pied. Après avoir arrangé sa tenue, elle attrapa ses béquilles, enroula fermement ses mains tremblantes autour des poignées et suivit Gwen dans la grande salle à manger qui pouvait accueillir environ quarante personnes. Charlie fut entraîné à une table où quatre garçons semblaient visiblement attendre quelque chose -ou quelqu'un- pour commencer à manger.

Hé les gars, voici la nouvelle dont je vous ai parlé : Charlie, la présenta Gwen. Meuf, voici les autres membres de notre groupe Tom, Jasper, Ricky et Kam.

La gorge nouée, Charlie se contenta d'adresser un salut de la main à tout le monde.

Tiens, assieds-toi ici, continua l'autre jeune fille. Je vais nous chercher une assiette. Oh, es-tu allergique à quelque chose ?

Non, répondit la brune en obéissant et s'asseyant tranquillement à la table.

Alors que le silence engloutissait toute la tablée, l'adolescente observa tour à tour les quatre garçons qu'elle allait quotidiennement côtoyer pour une durée indéterminée. Quand ce fut au tour de Tom, elle remarqua une petite cicatrice sur son cou mais elle détourna le regard et n'y prêta pas plus attention. Cependant, le jeune homme lui lança un regard noir.

Qu'est-ce qui se passe ? Tu n'as jamais vu une cicatrice de trachéotomie, hm ? Oui, j'ai eu une trachéotomie, OK ? Ce n'est pas une grosseur, ce n'est pas non plus une difformité, c'est une cicatrice. Alors arrête de la fixer comme ça.

D'accord, très bien.

Je ne pense pas qu'elle la fixait Tom, la défendit Ricky.

Ah non ? Et qu'est-ce que tu en sais connard ?

Avant que l'ambiance devienne pesante, Gwen revient avec deux assiettes de nourriture et ramena de la joie à la table.


Lundi 25 mars 2018, 14h56.

Après avoir mangé et avoir nettoyé la salle à manger, la camarade de chambre de Charlie lui fit visiter les lieux qui étaient immenses de manière plus approfondie que Mikey afin de lui permettre de prendre ses marques. Quand elles furent enfin dehors -elles marchaient au rythme de la brune-, Gwen l'amena au deuxième bâtiment sur le terrain.

Il y a deux ans, le centre a décidé de construire une écurie, expliqua cette dernière en entrant dans le bâtiment. Petit à petit, ils ont récupéré des cheveux abandonnés dans des associations. Il y en a seize maintenant, bientôt dix-sept parce qu'une des juments attend un poulain.

L'odeur des chevaux monta au nez de Charlene et elle inspira un coup pour s'en imprégner. Elle ne savait pas pourquoi mais cette odeur -qu'elle sentait pour la première fois de sa vie- l'apaisait. Lentement, elle s'approcha d'un des boxs.

C'est à nous de nous en occuper. Et on les monte de temps en temps. Enfin, peut-être que toi tu ne le pourras pas.

Charlie jeta un coup d'œil dans le box et observa le cheval à la robe noire qui mangeait du foin. Il était magnifique et dégageait une aura calme et rassurante. La plaque sur la porte signalait qu'il s'appelait : Waneta.

Peut-être que Mikey te fera monter avec lui.

La brune hocha la tête mais en vérité, elle écoutait distraitement parce qu'elle était totalement absorbée par le cheval.

Allez viens, la visite est finie. On doit aller voir Donna pour qu'elle te donne ton planning.

Toujours au rythme de Charlie qui avait dû mal à avancer avec ses béquilles, les deux adolescentes repartirent vers le bâtiment principal et soupirèrent de contentement quand elles furent de nouveau au chaud. Accoudés au comptoir de l'accueil, Ricky et Kam étaient en train de plaisanter avec la femme ronde qui gloussait légèrement.

Hey Donna ! Est-ce que tu as le planning de Charlie ? C'est bientôt l'heure de la réunion de groupe.

Bien sûr que je l'ai. Pour qui est-ce que tu me prends, Gwen ?

La quarantenaire se leva de son siège, ouvrit un tiroir de son bureau et farfouilla dans ses papiers. Elle en attrapa deux, les observa quelques secondes puis tendit l'un d'eux à Charlene tandis qu'elle reposait l'autre sur son bureau.

Voilà ton emploie du temps ! Il va être temps pour ton groupe d'avoir leur réunion avec Mikey mais toi, tu as un entretien avec madame Cooper.

Madame Cooper ? Répéta-elle incertaine.

Oh, c'est la direction du centre, l'informa Kam en tapotant sur le comptoir du bout de ses doigts. Elle est rarement présente ici mais elle vient dès qu'un nouveau arrive et discute un peu avec eux.

Elle vient aujourd'hui ? Demanda Ricky à l'adulte.

Mmh mmh, confirma-t-elle. Elle sera là d'ici une vingtaine de minutes.

Génial, s'enthousiasma Gwen avec un grand sourire. Bon, Charlie, nous allons devoir te laisser mais tu seras entre de bonnes mains avec madame Cooper.

Allez les jeunes, il est plus que temps pour vous d'y aller, ordonna Donna. Et toi, Charlie tu peux attendre sur le canapé là-bas.

À tout à l'heure !

Alors que les trois adolescents s'éloignaient en discutant vivement, Charlene obéit et alla s'asseoir sur le canapé près de la porte d'entrée. Pendant ce qui lui sembla des heures, elle attendit en regardant les murs et en jouant avec un fil de son pull.

Finalement, une élégante femme poussa la porte d'entrée et avança jusqu'au comptoir, ses chaussures à talons claquant contre le sol. La jeune fille examina son tailleur et son chignon, le tout tiré à quatre épingles, et décida qu'elle ne l'aimerait pas. Elle baissa alors son regard sur ses genoux.

Bonjour Donna, comment allez-vous ?

Très bien madame Cooper, merci.

Et le centre, il se porte bien ?

Il y a eu quelques soucis avec un patient, Henry voudra sûrement vous en parler.

Bien, dites-lui de passer me voir plus tard dans l'après-midi.

D'accord madame Cooper, c'est noté, répondit-elle alors qu'elle écrivait sur une note. La nouvelle arrivante, Charlene Clark, vous attend sur le canapé pour votre entretien.

Alors, je n'ai plus qu'à la voir. Merci Donna.

Les talons claquèrent de nouveau dans le hall et s'arrêtèrent à quelques pas de l'adolescente.

Mademoiselle Clark ?

À l'entente de son nom de famille, Charlie releva son visage et planta ses yeux dans ceux de la femme. Son manteau était suspendu sur son avant-bras et ses doigts étaient fermement enroulés autour de son sac à main. Elle lui sourit aimablement et, d'un signe de la tête, lui demanda de la suivre. Le plus rapidement possible, la brune rassembla ses béquilles et suivit la femme qui se trouvait déjà à plusieurs mètres d'elle. Changeant son manteau de bras, cette dernière fouilla dans son sac, sortit un trousseau de clés et déverrouilla la porte tout au fond du couloir. Elle alluma la lumière de son bureau, se dirigea vers sa fenêtre et ouvrit les stores avant d'éteindre son lampadaire.

Vous pouvez vous asseoir mademoiselle Clark.

Charlie avança jusqu'au milieu de la pièce, appuya ses béquilles contre le mur le plus proche, sautilla sur un pied pendant un ou deux mètres et se laissa tomber sur un siège prévu pour les invités. Alors qu'elle grattait distraitement une tâche imaginaire sur son jean, elle observait la femme s'installer derrière son bureau et sortir son ordinateur portable.

Bien mademoiselle Clark, je me présente : Arabella Cooper, reprit-elle en prenant un dossier d'un tiroir. Est-ce que je peux vous appeler Charlene ?

Mmh mmh, acquiesça distraitement la jeune fille.

Si tu es dans ce bureau, c'est juste pour discuter un petit peu.

D'accord.

Avant de s'asseoir sur son propre fauteuil, madame Cooper alla refermer la porte de son bureau restée grande ouverte tandis que Charlie se redressa et jeta un coup d'œil sur le dossier sur lequel était écrit au marqueur noir « Charlene Clark ». Quand elle entendit le clic de la porte, elle se réadossa contre son siège et braqua son regard sur la fenêtre. Madame Cooper alla s'installer sur son siège et lui sourit gentiment.

On peut commencer, vous êtes prête ?

Charlie lui adressa un faux sourire et hocha la tête.


Lundi 25 mars 2018, 16h02.

Resserrant son emprise sur les poignets de ses béquilles, l'adolescente traversa le hall et rejoignit les membres de son groupe présents dans la pièce -Jasper et Kam. Le premier lui fit un grand sourire quand il l'aperçut tandis que le second enroula un bras autour de ses épaules.

Charlie, comment s'est passé ton entretien avec madame Cooper ?

Bien, marmonna-t-elle vaguement en concentrant son regard ailleurs.

Alors... elle a posé ses questions habituelles, n'est-ce pas ?

Je ne connais pas ses questions habituelles.

Mais si, ce sont quasiment les mêmes à chaque fois : « quels sont tes attentes quant à cette cure ? » ou encore « as-tu des craintes ? ».

Avant qu'elle ne puisse répondre de quelques manières qui soient, une voix autoritaire retentit dans le hall et un homme se dressa en haut des escaliers.

Jeunes gens, appela-t-il d'une voix forte. Que faites-vous encore dans le hall ? Vous avez des choses à faire !

Au son de la voix, Kam détacha son bras d'autour de la brune tandis que Jasper se redressa bien droit.

Oui monsieur, répondit ce dernier en faisant un pas sur le côté. À tout à l'heure, vous deux !

Il partit en direction de l'extérieur tandis que le second jeune homme fit signe à Charlie de le suivre. Celle-ci n'hésita pas et prit les traces de Kam qui l'emmenait jusqu'à un placard à balais. Une femme d'une trentaine d'années était adossée à côté de la porte et notait ce que chaque adolescent prenait.

Tania est l'une des éducatrices du New Life Center, expliqua Kam dans un murmure à son oreille. Elle est là pour s'assurer qu'on ne garde pas de produits d'entretien à la fin de nos corvées au cas où on voudrait se suicider.

Haussant un sourcil, Charlie vient se mettre dans la file de jeunes et tourna son visage vers son accompagnateur.

Je pensais que les personnes qui étaient ici venaient pour s'en sortir.

Tu viens d'arriver, le manque ne se fait pas encore sentir mais, crois-moi, chacun ici à -au moins une fois- eu envie de se tuer.

N'attendant pas de réponse, le jeune homme s'engouffra dans le placard et se tourna vers Charlene pour lui tendre un balai. Pinçant ses lèvres entre elles, cette dernière s'avança de quelques pas et le récupéra comme elle put avec ses béquilles. Kam attrapa aussi un seau et une serpillère tandis qu'une seconde fille prenait les produits de nettoyage nécessaires puis, tous les trois se rendirent dans la salle de réunion qu'ils devaient nettoyer. Immédiatement, la fille inconnue passa le balai alors que Kam et Charlie se rendait aux fenêtres pour en laver les vitres.


Lundi 25 mars 2018, 22h53.

Un bruit de papier froissé réveilla Charlene et la fit se tourner dans son lit. Tendant un bras aux muscles douloureux, elle alluma sa lampe de chevet et dirigea un regard vers Gwen qui mâchait quelque chose.

C'est du chocolat, indiqua la jeune fille, la bouche pleine, alors qu'elle l'observait se redresser. Accro à l'héroïne.

Tu as dix ans ou quoi ?

Quatorze en fait, corrigea-t-elle en fourrant un nouveau carré de chocolat dans sa bouche. Et ça me fait du bien de faire le plein de sucre.

Hochant distraitement, Charlie arrangea son oreiller et se rallongea.

D'accord, bonne nuit Gwen.

Elle éteignit sa lumière et remonta sa couverture sur son corps frissonnant. Le bruit de papier froissé continua alors la jeune fille tourna sa tête vers sa camarade de chambre.

Tu devrais dormir Gwen.

Je n'arrive pas, chouina celle-ci. J'ai trop froid.

Essaie.

Charlie ferma ses paupières et enfouit son visage dans son oreiller pour essayer de s'endormir. Elle entendit Gwen remuer dans son propre lit et soupirer quelques fois. Soufflant d'exaspération, la brune rouvrit ses yeux, repoussa sa couverture d'une main et alluma une nouvelle fois sa lampe de chevet de l'autre.

Attrape ta couette et viens ici.

Après une seconde d'hésitation, la plus jeune se leva de son lit, retira sa couverture du matelas, attrapa un canard en peluche et vient se coucher aux côtés de Charlie en prenant garde à sa jambe plâtrée. Elle étendit sa couverture par-dessus celle de la plus âgée, les rabattit sur elles et se serra contre Charlene. Cette dernière éteignit sa lampe encore une fois, entoura Gwen d'un bras et se força à se rendormir.

Mardi 26 mars 2018, 5h34.

Quand Charlie se réveilla ce matin-là, elle avait l'impression qu'elle était tombée de la surface de la Terre et qu'elle ne s'arrêterait jamais de tomber. Comme Alice quand elle avait suivi le lapin jusqu'au Pays des Merveilles. Elle resta allongée de longues minutes et aurait aimé rester plus longtemps dans son lit, seulement un homme tapa violemment à la porte et entra dans la chambre sans attendre la permission.

Allez, il est l'heure de se lever !

L'homme repartit aussi vite qu'il était arrivé. Charlene grogna, ouvrit un œil et regarda le vieux réveil posé sur la table de chevet : six heures une du matin. Gwen s'agita sur le matelas, se leva du lit de sa camarade de chambre et alla ouvrer les rideaux en grand. Charlie grogna une nouvelle fois en rabattant sa couverture sur son visage et s'enfouissant dans son oreiller.

Debout, Charlie. On a que quinze minutes pour se préparer et faire notre lit avant d'aller prendre le petit déjeuner.

Comme elle put, la brune se retourna dos à Gwen et ferma ses paupières de toutes ses forces.

Je vais me doucher d'abord. Quand je sors, il faudra que tu y ailles.

L'adolescente disparut dans la petite salle de bain attenante à leur chambre et referma la porte derrière elle. Charlie se donna encore cinq minutes avant de se lever. Hier, après avoir fait le ménage dans la salle de réunion, elle avait dû aider à préparer le repas puis avait aidé à nettoyer la cuisine. Elle était épuisée mais au mois, elle n'avait pas eu le temps de se préoccuper de son état de manque. Quand Gwen réapparut dans la chambre, elle sut qu'il fallait qu'elle se lève. Elle attrapa un jogging ample et un pull bien chaud ainsi que des sous-vêtements propres et alla se laver. Elle se doucha rapidement car l'eau était déjà froide, enfila ses vêtements et retourna dans sa chambre. La plus jeune était en train de faire le lit de sa camarade de chambre.

Qu'est-ce que tu fais ?

Il est six heure treize, tu n'aurais pas eu le temps de le faire toi-même. Et puis, c'est aussi pour te remercier de m'avoir laissé dormir. Allez, dépêchons-nous de descendre.

Charlie hocha la tête et descendit lentement les escaliers à l'aide de ses béquilles. Dans la grande salle à manger, elle chercha du regard où étaient assis les quatre garçons de son groupe. Elle vit Jasper se redresser sur sa chaise un peu plus loin et leur faire un signe.

Hier soir, au cours du diner, la brune avait pu un peu plus cerner les membres de son groupe. Kam était celui qui avait des informations sur tout et tout le monde. Jasper était le plus attentionné, il avait toujours un mot gentil et apaisait les tensions. Ricky était très silencieux mais écoutait les autres et donnait de bons conseils. Tom était celui qui était le plus en colère, il gérait très mal sa désintoxication. Et Gwen était hyperactive, elle ne rechignait à faire aucune tâche : que ce soit faire à manger, s'occuper des chevaux ou même nettoyer les toilettes.

Salut les filles, leur sourit Kam quand elles arrivèrent à leur table. Bien dormi ?

La plus jeune répondit pour toutes les deux tandis que Jasper se leva et tira la chaise afin que Charlene puisse s'asseoir. Gwen s'arrête quelques minutes dans son discours et alla leur chercher des assiettes bien garnies. La brune remercia les deux adolescents.

Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ? Questionna la blessée. Des corvées encore ?

Mmh mmh, non, fredonna Jasper. Tu n'as pas regardé ton planning ? C'est notre jour d'activité. On fait une activité tous les mardis et les vendredis.

Oh... c'est cool.

Plutôt cool, ouais.

La jeune femme joua distraitement avec sa nourriture pendant une poignée de minutes et finit par manger une petite partie. Elle remonta dans sa chambre, se lava les dents et coiffa rapidement ses cheveux en une tresse. Elle enleva son jogging informe et enfila un plus moulant dont elle avait découpé une jambe pour faire passer son plâtre décoré de dessins de Lucy et d'Ellie.

Ô comme ses amis et sa famille lui manquaient énormément alors qu'elle ne les avait quittés que dimanche soir. Et il y avait la drogue, aussi.

Comment allait-elle faire pour supporter ses tremblements, des insomnies, le manque qui lui rongeait le corps... ? Elle n'était là que depuis deux jours mais c'était déjà l'enfer. Comment allait-elle s'en sortir ? 

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Média : Ma chère Charlie

Les béquilles de Charlie sont semblables à celles-là

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