Chapitre 46

Lundi 11 mars 2018, 21h11.

Charlie tomba de vingt étages d'un coup.

Sentimentalement parlant, c'était à peu près ça : la sensation de vide et de peur, le cœur qui semblait pouvoir lâcher à tout moment.

Quoi ? Se contenta-t-elle de répondre bêtement.

Une lueur -qu'elle n'eut pas le temps de déchiffrer- passa dans le regard de Lucy avant que celle-ci n'explose de rire. Confuse, Charlene ne put que l'observer alors qu'elle grimaçait de douleur tout en riant plus fort encore si c'était possible. Elle s'étouffa avec sa propre salive et ce fut ce qu'il calma sa crise.

Oh, Seigneur ! S'exclama l'ancienne blonde entre deux gloussements. Tu aurais dû voir ta tête, Charlie ! C'était une pure merveille !

Euh... je...

Oh là, respire un bon coup C, je blaguais juste.

Comment Lucy arrive-t-elle à plaisanter dans ces circonstances ? Se questionna mentalement Charlie. On a eu un grave accident et, on a eu de la chance de s'en sortir si on en croyait le docteur Salomon.

Afin de ne pas alourdir l'humeur de son amie, l'adolescente ferma ses paupières un instant et expira lentement une bouffée d'air avant de les rouvrir. Ses lèvres s'étirèrent en un grand -et faux- sourire et elle écouta Lucy parler jusqu'à ce que son infirmier revienne la chercher et la ramène dans sa chambre. Dès qu'elle fut seule, elle laissa tomber son masque joyeux et se mit à sangloter silencieusement.

Lundi 18 mars 2018, 15h57.

La vie à l'hôpital était monotone et ennuyeuse, les deux jeunes filles s'en étaient bien rendues compte après une semaine à y séjourner. Elles étaient impatientes de quitter l'endroit et de rentrer chez elles dans l'Idaho mais il fallait encore qu'elles attendent jusqu'au lendemain. 

Chaque jour, créant ainsi une routine, Lucy était déplacée dans la chambre de son amie par son infirmière de jour -Aurore. Si elle était séparée trop longtemps de la brune, elle devenait ingérable et faisait la misère au personnel de l'hôpital. Charlie, de son côté, se contentait de rester amorphe dans son lit et ne faisait rien d'autre que de souffrir -à la fois du manque et de ses nombreuses blessures.

Aujourd'hui était un jour comme un autre : les adolescentes étaient serrées l'une contre l'autre dans le petit lit de la chambre de Charlene et regardaient un vieux téléfilm qui se déroulait pendant l'automne tandis que Zac Clark était assis sur un des fauteuils et lisait un journal de sport. Ce dernier avait pris quelques jours de congé à son nouveau travail afin de rester dans l'Utah avec elles tandis que sa femme et son fils étaient repartis le lendemain du réveil de Charlie.

Aurore et Frederick finirent par entrer dans la chambre et les saluèrent joyeusement. L'homme changea la perfusion de sa patiente tandis que sa collègue poussa un fauteuil roulant vide de l'autre côté du lit.

Allez Lucy, il est temps que je te ramène dans ta chambre, s'exclama-t-elle en repoussant le drap qui les couvrait. Le docteur veut faire un bilan santé complet avant de valider ta sortie pour demain.

L'ancienne blonde roula ses yeux au ciel mais accepta tout de même d'aider son infirmière à l'asseoir dans le fauteuil. Alors qu'elle était poussée en dehors de la chambre, elle fit un signe de main à son amie et lui souhaita une bonne soirée. Zac, quant à lui, se leva de son fauteuil, replia son journal et le posa dessus.

Je vais aller me prendre un café à la cafétaria, signala-t-il à sa fille. Est-ce que tu veux que je te remonte quelque chose ?

Oh, peut-être un donut à la vanille ? S'ils en ont.

L'homme hocha la tête, embrassa le dessus de son crâne et sortit de la chambre. La pièce était silencieuse si on oubliait la télévision allumée et Frederick qui s'activait autour du lit et des machines.

Frederick, appela la jeune fille après une minute de silence. J'ai mal.

Je sais Charlie.

Donne-moi de la morphine. S'il te plaît...

Non.

Je ne le dirais à personne. Je te promets.

Je ne peux pas Charlie. Tes parents ont signé une décharge, tu te souviens ? Refusa l'infirmier. C'est pour ton bien qu'on ne t'en procure pas.

Avant qu'elle puisse argumenter et négocier, il récupéra la poche de perfusion vide et sortit de la chambre. Charlene pinça ses lèvres entre elles et frappa le matelas de son poing.

Putain !

Cherchant une autre solution, elle tendit son bras vers sa table de chevet et attrapa son téléphone. Quand elle s'était réveillée la semaine dernière, la jeune fille avait été ravie de constater que les pompiers avaient récupérer ses affaires importantes dans la carcasse de la voiture. Charlie l'alluma et constata qu'elle avait un message. De Boone. Ce dernier, tout comme la famille de Lucy, n'était pas venu les voir à l'hôpital mais il n'avait pas l'excuse de devoir s'occuper d'un bébé et de jeunes enfants.

(1) nouveau message.

De Boone (15h41) : Resteras-tu son amie ?

Réponse (16h32) : Je le serais toujours.

De Boone (16h32) : Quoi qu'il arrive ?

Réponse (16h32) : Quoi qu'il arrive.

De Boone (16h32) : Bien, parce qu'elle a besoin d'une amie.

Réponse (16h33) : Elle l'a. Mais elle t'a toi aussi, non ?

Le jeune homme ne lui répondit plus par la suite alors elle verrouilla son téléphone et le reposa sur le meuble, oubliant complétement la raison pour laquelle elle l'avait pris au début. Avec une certaine difficulté due à ses blessures et les contractions de ses muscles, Charlene se tourna sur le flanc, se blottit sous sa couverture et ferma ses yeux quelques secondes. Le bruit de la porte qui s'ouvrait la réveilla et elle ouvrit ses paupières pour regarder son père se faufiler dans la pièce. Il tenait deux gobelets à emporter et un sachet de nourriture en équilibre dans ses mains.

Tiens chérie, il n'avait pas de donut à la vanille alors je t'en ai pris un au caramel, informa Zac en posant la nourriture sur la commode. Et je t'ai aussi pris un chocolat chaud.

L'adolescente se tourna sur le dos et attrapa le gobelet tendu par son père.

Merci papa, sourit-elle avec fatigue.

De rien, Charlene.

Il se détourna pour aller s'asseoir sur le fauteuil près du lit mais sa fille le retient d'une main sur son avant-bras. Les yeux plantés dans les siens, elle se décala légèrement et tapota le matelas de sa main libre. Avec un sourire hésitant, Zac retira ses chaussures et s'allongea à ses côtés. Charlie bougea et posa sa tête sur l'épaule de son père qui entoura les siennes de son bras. Elle les dents pour qu'aucun gémissement de douleur ne franchisse la barrière de ses lèvres alors qu'elle se mouva jusqu'à trouver la position qui lui causait le moins de souffrance. Un nouveau film démarra à la télévision mais elle n'y prêta pas attention et se laissa sombrer dans un sommeil non sans douleur.

Mardi 19 mars 2019, 12h19.

Charlene était assise en travers de la banquette arrière de la voiture afin d'allonger ses jambes et s'était adossée contre la portière. De sa position, elle pouvait observer le profil de son père ou bien l'extérieur par la fenêtre d'en face. Lucy, quant à elle, était assise sur le siège passager et reniflait, brisant de temps à autre le silence qui régnait dans l'habitacle.

Pour une raison ou une autre, quand elles avaient quitté le St.Mark's Hospital deux heures plus tôt, l'ancienne blonde avait fondu en larmes et Charlie l'avait prise dans ses bras afin de la consoler. Elle avait eu l'impression qu'elle ne s'arrêterait jamais de pleurer.

Elle n'était pas la seule à se sentir mal. Si les calculs de la brune étaient justes, ils arriveraient à Nampa dans environ trois heures et elle ferait alors face à sa famille et à ses amis. Elle avait peur, c'était bien trop rapide. Elle ne se sentait pas prête.

Dites, les filles, est-ce que vous avez faim ?

Plongée dans ses pensées, Lucy ne répondit pas mais Charlene se redressa et échangea un regard avec son père à travers le rétroviseur central.

Je meurs de faim, papa.

Bien, j'ai vu un panneau pour un diner à cinq kilomètres environ.

C'est parfait.

Une poignée de minutes plus tard, Zac arrêta la voiture devant la vitrine d'un restaurant et coupa le contact. Tandis qu'il sortait de la voiture et venait ouvrir la portière arrière, Charlie se récupéra ses béquilles et descendit de la voiture à l'aide de son père.

Lucy ? Appela-t-il ensuite.

Celle-ci n'avait toujours pas bougé de sa place et semblait être dans un autre monde. Avec un soupir, elle arrangea sa prise sur ses béquilles et tourna son visage vers l'homme.

Pars devant papa, on te rejoint à l'intérieur.

Pinçant ses lèvres entre elles, il hésita un instant avant d'hocher la tête et de confier les clés de la voiture à sa fille. Elle attendit qu'il soit à l'intérieur du bâtiment, ouvrit la portière du côté passager et se pencha pour ancrer ses yeux dans ceux de son amie.

Lucy ? Lucy. Hey, salua-t-elle quand l'adolescente parut prendre enfin conscience de sa présence. Nous allons manger un petit quelque chose, tu veux bien venir ?

L'ancienne blonde hocha mollement sa tête et attendit que Charlene recule d'un pas ou deux pour sortir de la voiture à son tour. Pendant que Lucy déambulait vers le diner, la brune verrouilla la voiture, fourra les clés dans la poche de son manteau, resserra sa prise sur ses béquilles et marcha à la suite de son amie. Le père de famille leur fit signe depuis une table au fond et les regarda s'approcher avec lenteur de lui. Immédiatement, une serveuse vient prendre leur commande : la même chose pour les deux membres de la famille Clark -un milkshake à la vanille et un baconburger- tandis que Lucy se contenta d'un milkshake à la banane et au chocolat.

Quand la nourriture fut placée devant Charlie, elle sentit la nausée monter. Elle avait dit qu'elle avait faim mais elle avait menti pour faire plaisir à son père. Elle aurait aimé avoir un petit joint sous la main à fumer, ça lui donnait toujours faim.

Tu ne manges pas, Charlene ?

Cette dernière releva ses yeux de son assiette et arrêta de jouer avec sa nourriture.

Si, si. Bien sûr. J'étais juste... perdue dans mes pensées.

Avec un sourire forcé, elle attrapa une frite, l'enfourna dans sa bouche et la mâcha avec exagération. Elle s'obligea à l'avaler en dépit de son envie de vomir et en prit une seconde. Satisfait, Zac se reconcentra sur son propre repas. Ils finirent rapidement -même si Charlie avait mangé seulement la moitié de son hamburger et de ses frites- et se remirent en route pour rentrer chez eux.

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Média : Diner

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