Chapitre 37

Samedi 23 février 2018, 6h29.

La main de Lucy entra dans son champ de vision avec, entre son index et son majeur, un joint allumé. Charlie l'attrapa sans cesser d'admirer la magnifique vue qui s'étendait devant elles. Elle avait conduit jusqu'à une petite falaise qui surplombait une petite ville. Il était seulement six heures et demi du matin mais les habitants commençaient à s'éveiller pour se rendre au travail et la ville se parait de lumières.

C'était beau, presque irréel.

Les deux adolescentes attendaient de voir le soleil se levait. Cependant, il semblait vouloir prendre son temps. Charlene recula le siège, l'inclina pour qu'elle soit à demi-allongée, se débarrassa de ses chaussures et posa ses pieds sur le tableau de bord. Elle tira plusieurs bouffés sur le joint et le tendit à son amie qui s'était installée dans la même position. La jeune Clark sortit son téléphone et constata que Léo lui avait envoyé un message, il voulait savoir pourquoi il était seul dans le lit. Elle tapa une rapide réponse en lui expliquant qu'elle passait le weekend avec Lucy puis elle fourra son téléphone dans son sac de voyage. Une nouvelle fois, son amie lui passa le joint et sortit une bouteille d'eau de son propre sac alors que Charlie ouvrait la bouche pour la première fois depuis de longues heures.

Est-ce que ça va un peu mieux ?

Un peu, oui. Ça m'a détendu, déclara-t-elle avec un geste de la main. Le paysage, je veux dire.

Pas le joint ? Demanda la brune en haussant un sourcil.

Évidement que si, ricana Lucy alors qu'elle buvait une gorgée d'eau.

Elles regardèrent encore le paysage quelques minutes avant que Charlie ne décrète qu'il faisait assez jour et qu'elle avait besoin d'un café. Elle jeta un coup d'œil au panneau qui marquait le début d'un sentier et sur lequel était inscrit le nom de la ville en contrebas et le temps de trajet à pieds -soit une estimation d'une heure quarante.

Je vais aller en ville nous chercher de quoi manger, indiqua Charlene à l'ancienne blonde en enfilant de nouveau ses chaussures. Je vais prendre le petit sentier, à pieds. Tu ne bouges pas de là, et profite-en pour dormir un peu.

Mollement, Lucy hocha la tête, sortit avec difficulté et maladresse un plaid de son sac et s'en recouvrît alors qu'elle ajustait sa position. Charlie, de son côté, attrapa le petit sac à dos qu'elle avait emmené en plus du gros sac de voyage et ouvrit sa portière pour sortir de la voiture avant d'aller s'aventurer sur le sentier.

Samedi 22 février 2018, 8h29.

Après avoir fait quelques rapides courses dans un petit supermarché, la jeune fille s'était arrêtée dans un café et avait commandé un Royal French Breakfast -la spécialité du chef qui était d'origine française- pour Lucy et elle. Le petit déjeuner était composé d'un croissant, d'un pain au chocolat, d'une demi baguette avec du beurre et de la confiture ainsi qu'un café et un verre de jus d'orange. Une serveuse vient lui apporter sa commande avec un sourire et lui souhaita un bon repas. Charlene mangea tranquillement et admira le paysage par la fenêtre. Son téléphone vibra dans sa poche arrière, elle le sortit et vit que c'était son père qui essayait de l'appeler depuis dix minutes. Elle hésita un court instant avant de décrocher :

Allô, papa ?

Euh, bonjour Charlene.

Ouais, bonjour. Qu'est-ce que tu veux ?

Elle attrapa son croissant d'une main et croqua dedans en attendant que Zac parle enfin. Ce dernier -tout comme sa fille- garda le silence pendant plusieurs longues minutes. Si bien que Charlie oublia même qu'elle était au téléphone jusqu'au moment où son père dit enfin quelque chose :

Euh, écoute... je sais bien que vous avez su vous gérer tous seuls pendant plusieurs semaines mais... j'aimerais être au courant de ce que vous faites et quand vous le faites. Pourquoi il n'y a plus personne à la maison ?

Avec un soupir, Charlie détacha son regard du paysage et reposa son croissant dans son assiette.

Un instant, papa.

Elle écarta son téléphone de son oreille, chercha l'application agenda dans le menu et regarda les évènements qu'elle avait entré pour aujourd'hui. Elle reprit l'appel.

OK, alors Julian avait rendez-vous avec le coach et ses coéquipiers pour leur weekend au camping mensuel. Quant à Ellie, elle avait une fête d'anniversaire chez son amie Maggie, soit la mère de la petite est venue, soit c'est Julian qui l'a emmené. Je devais aller la récupérer mais je ne peux plus finalement. C'est à toi de le faire.

D'accord, répondit Zac Clark. Quand est-ce que je dois aller la chercher alors ?

Et bien, la mère de Maggie a invité toutes les amies de sa fille à camper dans leur jardin cette nuit. Tu dois passer la chercher demain matin à dix heures, l'adresse est écrite sur un post-it vert dans le bureau à côté de l'ordinateur, tu l'as trouvé ?

Oui.

Julian a pris sa jeep pour rejoindre au lycée, il va la laisser dans le parking de l'école pour le weekend, continua-t-elle. Il rentrera à Nampa dimanche aux alentours de vingt-heures mais il mangera avec son équipe et le coach dans un restaurant alors pas besoin de préparer un repas pour lui.

D'accord, compris.

Bon, bye !

Elle alla raccrocher mais son père l'arrêta :

Attends Charlene ! Où est-ce que tu es, toi ?

Oh. Je suis en weekend avec une amie quelque part dans l'Idaho.

Quelque part dans l'Idaho ? Répéta bêtement l'homme en attendant plus d'indications.

Mmh mmh.

Mais... tu as pris ma voiture !

Euh, ouais. Lucy n'avait pas la sienne et je ne pouvais pas annuler à la dernière minute.

Charlene. Comment est-ce que je fais pour aller chercher Ellie chez sa copine ?

À pieds, tout simplement. Ce n'est pas si loin -quinze minutes je crois- et Ellie aime marcher. Bon papa, je dois te laisser, bye.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre, raccrocha et fourra son téléphone dans sa poche puis elle finit son petit déjeuner avec sérénité.

Samedi 22 février 2018, 8h54.

Pleine de volonté et rechargée à bloc, Charlie s'élança sur le sentier et commença à gravir le montage pour rejoindre la voiture toujours garée en haut de la falaise. La nourriture et les boissons qu'elle avait achetées étaient fourrés dans son sac et ajoutaient plus de poids dans son dos mais rien qui n'entravait sa motivation. Marcher était apaisant et Charlene écoutait la nature s'éveillait jusqu'à ce que quelqu'un vienne la déranger. Une personne marchait derrière elle et semblait suivre son rythme mais elle n'y fit pas tout de suite attention -c'était un sentier pour randonneurs après tout. Cependant, un moment plus tard, la jeune fille finit par se stopper et se retourna pour regarder derrière elle.

Nolan ? Fit-elle bêtement.

Bonjour ma sœur.

Cette dernière le scanna du regard : il portait une tenue confortable -qu'elle l'avait déjà vu revêtir quand il allait se promener et observer la nature- avec des chaussures de randonnée et une grosse doudoune kaki.

Tu penses que c'est une tenue pour faire de la randonnée ? Questionna Nolan, un sourcil haussé.

Charlie baissa ses yeux sur sa tenue : un jean, un pull et des boots... C'était une tenue qu'elle mettait en général en ville.

Je n'avais pas prévu de me balader en montagne.

Ce n'était pas prévu ? Mais vous avez décidé de venir à la montagne, non ? Il fallait s'y attendre.

On a décidé de venir en voiture, répondit Charlie en lui lançant un regard blasé. C'était pour éviter d'avoir à marcher.

Elle se remit dans le bon sens et reprit sa marche à un bon rythme.

Vous auriez pu prendre le bus ou le train pour venir ici, exposa le jeune homme en accélérant sa foulée pour être au même niveau que sa triplette. Papa aura sûrement besoin de sa voiture ce weekend. Tu ne peux pas lui emprunter sans sa permission en plus.

Charlene roula ses yeux et ne répondit pas, elle en avait marre de ses remarques et n'aimait pas parler de son père. Elle écarta une branche de son chemin et la laissa fouette l'air derrière elle. Celle-ci traversa le corps de Nolan sans qu'il ne grimace ou essaie même de l'éviter.

Charlie, je suis le fruit de ton imagination, tu te rappelles ? Tu ne peux pas me blesser, ria-t-il en enjambant un tronc d'arbre, pas le moins du monde vexer. Mais plus sérieusement, je sais que tu en veux à papa mais tu devrais essayer de lui laisser une seconde chance.

Je n'ai pas envie d'en parler, No.

Tu n'as jamais envie de discuter des choses qui te dérangent, rétorqua le jeune homme alors qu'il levait les yeux au ciel. Tu sais, papa fait vraiment des efforts pour bien s'occuper de vous. Il s'est laissé aller quelques temps mais ça va mieux désormais.

L'adolescente continua d'avancer sans plus faire attention à son triplé et garda son regard obstinément braqué devant elle.

Tu ne peux pas m'ignorer pour stopper la conversation, tu sais, chantonna le jeune homme avec amusement. Je peux t'ennuyer jusqu'à ce que tu me répondes. Tu me connais assez pour savoir que j'en suis parfaitement capable.

Malgré ses efforts pour l'énerver, il n'arriva pas à faire parler Charlie. Elle garda le silence alors qu'un sourire en coin étirait ses lèvres et regarda derrière elle pour voir que la ville était encore assez proche -cela voulait dire qu'elle était encore loin d'être arrivée. Elle soupira en continuant son chemin et, en quelques secondes, elle remarqua que son frère n'était plus là. Elle roula des yeux une nouvelle fois et continua à grimper vers la voiture. Quand elle arriva devant, elle remarqua que son amie était profondément endormie dans une position inconfortable. Elle ouvrit brusquement la portière, réveillant la blonde dans un sursaut.

Bordel, C ! Grogna Lucy mal réveillée. Tu m'as fait peur !

Charlene gloussa alors qu'elle s'installa dans la voiture. 

Samedi 22 février 2018, 10h41.

La tête rejetée en arrière contre le dossier de son fauteuil, Charlie avait une cigarette coincée entre ses lèvres et ses pieds étaient posés sur le tableau de bord. Elle passa une main dans ses cheveux pour les repousser de son visage puis attrapa sa cigarette entre son index et son majeur et expira la fumée. De sa main libre, elle se frotta le front entres ses sourcils froncés.

Ça ne va pas, C ?

Si, si. Ça va, c'est juste que...

Elle s'arrêta au milieu de sa phrase et tourna son visage vers la fenêtre pour regarder vers l'extérieur alors qu'elle prenait une autre taffe de sa cigarette. Lucy, depuis son propre siège, attendait qu'elle parle en fumant sa propre cigarette et grignotant un muffin au citron. Charlie prit le temps de finir sa cigarette et jeta le mégot éteint dans un gobelet en carton avant de finalement parler :

Mon père m'a appelé.

Ah oui, quand ça ?

Quand j'étais en bas, dans la ville.

Se grattant le bout du nez, Charlene se pencha et farfouilla dans son sac à dos qu'elle avait laissé entrer leurs deux fauteuils. Elle attrapa le paquet de Pop Tarts à la cerise et en sortit une qu'elle déballa avec lenteur.

Il voulait savoir où étaient tous ses enfants, reprit-elle, les yeux fixés sur la nourriture.

Et c'est une mauvaise chose ? Demanda Lucy alors qu'elle croquait dans son muffin. Tu te plaignais que tes parents ne s'occupaient pas assez de vous plus tôt. Et là, ton père t'appelle de son propre chef pour savoir où vous vous trouvez. Il se soucie enfin de vous.

Avec un long soupir, la brune cassa un bout de sa Pop Tarts et le fourra dans sa bouche.

Je sais que c'était ce que je voulais pour nous et c'est bien qu'il recommence à faire des trucs avec Ellie mais... Il se même bien trop de ce que je fais maintenant. Je ne suis plus habituée.

Charlie referma sa fenêtre parce que le froid s'engouffrait dans la voiture et la faisait frissonner.

Tu sais, c'est comme apprendre à faire du vélo sans les petites roues, essaya-t-elle d'expliquer. C'était dure au début mais j'y arrive maintenant et je n'ai plus besoin des petites roues ! Seulement, on veut me les remettre. Pas question ! Tu comprends ?

Lucy se contenta d'hocher la tête et n'ajouta rien de plus alors qu'elle tendit un cachet d'ecstasy à son amie qui le goba avec une gorgée de soda.

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Média : Charlie

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