Chapitre 34
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Mercredi 20 février 2018, 15h42.
Sans douceur, Charlie fourra ses livres de cours au fond de son sac à dos, referma la porte d'entrée et claqua la porte de son casier. Elle attrapa son sac par la bretelle et l'enfila sur son épaule avant de s'avancer vers la sortie principale du lycée. Ayant envie de marcher un peu et d'être seule, la jeune fille avait prévenu son triplé de partir sans elle ainsi, elle n'avait pas à se presser. Plongée dans ses pensées, elle ne remarqua pas tout de suite qu'une voiture de police était garée en doubles files sur le trottoir en bas des escaliers.
‒ Charlene ! L'appela-t-on au moment où elle la vit finalement.
L'adolescente détourna son regard de la voiture de police noire et blanche et le porta sur l'homme en uniforme qui avait monté l'escalier pour se rapprocher d'elle. L'officier McGregor se tenait désormais à deux ou trois marches en dessous d'elle.
‒ Paul, salua-t-elle en resserrant sa main sur la brettelle de son sac. Bonjour.
‒ Bonjour Charlene. J'aimerais que tu me suives au poste, s'il te plaît, quémanda-t-il.
Fonçant les sourcils, elle descendit une marche sans vraiment s'en rendre compte.
‒ Pourquoi ?
‒ Le shérif aimerait parler à quelqu'un de ta famille, rétorqua-t-il. Nous sommes passés chez vous mais il n'y avait personne.
‒ Oh euh, oui... Papa a sorti un peu la tête de l'eau semblerait-il. Comme il a été viré de son ancien travail, il en cherche un nouveau. Et Julian est parti pour la maison juste quelques minutes plus tôt.
‒ D'accord. Bon, nous avons quand même besoin de toi au poste, tu peux venir ? On convoquera ton père et ton frère un autre jour.
‒ Oui, aucun problème.
Charlie suivit le jeune homme, descendit les escaliers et monta dans la voiture de police. Elle se terra dans le silence pour le reste du trajet et joua distraitement avec un fil de son manteau. Une fois arrivés au poste, elle demanda à l'officier McGregor si elle pouvait d'abord se rendre aux toilettes.
‒ Bien sûr, je vais prévenir le shérif que tu es arrivée puis je reviens t'attendre ici.
Après avoir hoché la tête, elle s'éloigna et traversa le couloir pour se rendre aux toilettes publiques pour femmes. Elle s'assura que personne n'était présent dans la pièce et les cabines puis marcha jusqu'aux lavabos et y posa son sac à dos. Regardant son reflet fatigué dans le miroir, elle ouvrit l'eau du robinet, amena ses mains dessous et se pencha pour asperger son visage avant de se redresser et de couper l'eau. L'adolescente s'efforça de se donner une bonne mine en corrigeant son maquillage et en pinçant légèrement ses joues. Elle essuya son cou avec une serviette, la jeta à la poubelle et recula d'un pas pour se regarder de nouveau dans le miroir.
‒ Allez, tu peux le faire ma grande, se murmura Charlie à elle-même. Ce n'est que le shérif Nigel et Paul. Tu les connais, tu peux le faire.
Elle prit une profonde inspiration et expira lentement pour se donner du courage. Elle enroula sa main autour de la bretelle de son sac à dos et se dirigea vers la sortie des toilettes au moment où la porte s'ouvrit sur une femme en uniforme qui la laissa passer avec un sourire. Comme il lui avait dit, l'officier McGregor l'attendait à l'accueil. D'une main légère dans son dos, il la guida vers le bureau du shérif. Celui-ci se leva immédiatement de son fauteuil à roulettes et tendit sa main vers la jeune fille qui la serra dans la sienne.
‒ Bonjour Charlene, comment vas-tu ?
‒ Bien, merci Shérif Reynolds.
‒ D'accord, assis-toi.
Obéissant, elle le regarda congédier son adjoint et se rasseoir sur son siège.
‒ Pourquoi vous vouliez me voir Shérif ?
‒ Nous avons des suspects : quatre hommes ont battu deux adolescents à Boise, il y a deux jours. Il semblerait que ce sont les mêmes que ceux qui vous ont agressé Nolan et toi ce soir-là, indiqua-t-il.
‒ Pourquoi vous pensez que ce sont eux ? Je n'ai pas réussi à vous donner de descriptions exactes après tout.
‒ Eh bien, les deux adolescents sont hôpital alors les policiers de Boise ont pu les interroger. Le mode opératoire est le même pour leur agression que pour la tienne. Les quatre types s'en sont pris à deux garçons qui pariaient sur des matchs de basketball lycéens et qui ont gagné un gros paquet d'argent, expliqua le shérif en rapprochant son fauteuil de son bureau. Maintenant ça peut très bien ne pas être eux. La police de Boise nous a envoyé une vidéo de surveillance sur laquelle ils apparaissent, j'aimerais te la montrer pour voir si tu peux les identifier.
‒ Oui d'accord, bien entendu.
La pièce devient silencieuse pendant un instant tandis que le shérif Reynolds tapait sur le clavier de son ordinateur. Quand il trouva ce qu'il cherchait, il tourna l'écran vers elle et se décala légèrement pour pouvoir le voir aussi. Sur celui-ci, Charlie vit apparaître quatre photos assez floues et se pencha un peu plus vers l'ordinateur pour pouvoir examiner les quatre visages. Dès qu'elle se concentra sur la photo numéro deux, l'adolescente dut retenir ses larmes tant bien que mal alors que des flashbacks l'assaillirent de toutes parts.
‒ J'en reconnais deux : le premier avec sa barbe de trois jours et le troisième avec son tatouage dans le cou, certifia-t-elle. Mais je ne comprends pas, je me souviens qu'ils étaient trois ce soir-là et les deux autres me sont inconnus.
Après avoir noté ce qu'elle venait de dire, Nigel Reynolds lui répondit :
‒ C'est normal, il est tout à fait possible qu'ils ne trainent pas toujours ensemble après tout. Mais ce n'est pas grave, tu nous as beaucoup aidé en identifiant deux d'entre eux.
‒ Je comprends. Est-ce que vous les avez déjà arrêtés ?
‒ Malheureusement, non, soupira-t-il. Mais avec ta déposition, celles des deux jeunes hommes de Boise et leurs photos, nous le ferons bientôt, je te l'assure Charlene.
Mercredi 20 février 2018, 18h02.
Alors qu'elle faisait rebondir George sur son genou, Charlie ne quittait pas son visage poupin du regard.
‒ C'est dingue, il me fait tellement penser à Ellie. De part son physique mais aussi son caractère si calme.
Elle leva une main et écarta une mèche de cheveux châtains du bébé pour pouvoir mieux voir ses yeux bleus.
‒ Jusqu'à quand doit-on garder tes frères et sœurs ?
‒ Dix-neuf heures trente.
Assise en face de la brune, Lucy mâchait un bâton de réglisse et passait distraitement ses doigts dans les cheveux frisés de Fred. Celui-ci avait le front posé sur ses bras croisés, eux-mêmes appuyés sur la table de pique-nique en bois, et avait râlé un moment d'avoir été obligé de quitter la maison. Lola, Henric et Damien, quant à eux, étaient parfaitement heureux d'être dehors et se pourchassaient à travers le parc.
‒ Normalement Ross, Esteban et Janet devraient être là, avec nous. Tu sais, pour nous aider avec les petits... mais dès que Hal a ouvert la bouche pour dire qu'ils commençaient les travaux ce soir, ils ont détallé comme des lapins sans même écouter la fin. Ils avaient trop peur que les parents demandent leurs aides avec le chantier.
Une assistante sociale était passée chez les Dietrich quelques temps plus tôt. Lucy lui avait confié, sur le ton de la plaisanterie, que la femme avait failli avoir une crise cardiaque quand elle avait vu la maison. En particulier quand elle avait constaté que les neuf enfants dormaient sur des matelas à même le sol et étaient entassés dans deux chambres. Hal et Jane devaient alors faires des aménagements dans leur maison pour pouvoir les accueillir dans de bonnes conditions sinon ils allaient être repris. Les deux parents, malgré les apparences, aimaient leurs enfants et s'étaient donc ressaisi. Avec l'aide de quelques amis, ils allaient créer une extension qui contiendrait deux nouvelles chambres et une salle de bain commune.
‒ Bon, et toi ? Reprit Lucy. Dis-moi pourquoi tu as appelé pour passer me voir.
Charlie commença instantanément à lui raconter sa rencontre avec le shérif de sa ville.
‒ Et donc, ils ont retrouvé la trace de tes agresseurs ? Questionna l'ancienne blonde après qu'elle ait fini de parler.
‒ Oui. Du moins, c'est ce que le shérif a dit, affirma-t-elle. Il a aussi dit qu'ils les arrêteraient bientôt.
‒ C'est bien. Mais, tu n'as pas peur ?
‒ De quoi ?
‒ Eh bien... de les recroiser, précisa-t-elle. Tu m'as dit que ces types étaient à Boise, il y a deux jours. Ils pourraient peut-être revenir par ici et s'en prendre de nouveau à toi. Tu sais... pour avoir parler à la police.
‒ Oh. Je n'y avais pas pensé, avoua la brune. Tu penses qu'ils pourraient revenir exprès pour moi ? S'inquiéta-t-elle.
‒ Je ne sais pas. Oui, peut-être ? En tout cas si j'étais toi, j'achèterais un spray au poivre ou un truc de ce genre. Juste au cas où.
‒ Ouais, je vais y réfléchir.
Charlie déclara et arrangea sa prise sur le petit George tout en changeant de discussion.
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Jeudi 21 février 2018, 7h41.
Les écouteurs enfoncés dans ses oreilles, Charlene balançait légèrement sa tête en rythme avec la musique et regardait son triplé courir sur le terrain. Elle était assise dans les gradins et attendait patiemment qu'il soit l'heure de se rendre en cours.
Pour la première fois depuis longtemps, la jeune fille assistait à un entraînement de l'équipe de basketball de son lycée. Quand elle était entrée dans le gymnase avec Julian, tous les coéquipiers de ce dernier s'étaient retournés vers eux et les avaient regardés avec compassion. Charlie a détesté ça. Heureusement, ça n'avait pas duré puisque le Coach les avait envoyés se changer. Quelques courtes minutes plus tard, Cole était revenu en tenue, l'avait cherché du regard et avait trottiné jusqu'à elle. Il lui avait parlé un moment et avait pris de ses nouvelles. De ce fait, l'adolescente avait pu constater que leur maillot -anciennement or avec des touches de vert- avait changé pour être désormais vert avec écrit en or et noir à l'avant « Wolves » avec leur logo, une tête de loup. En haut à gauche, un patch de la taille d'une balle de golf était cousu et, dessus, était inscrit un « N » majuscule avec le numéro 23. C'était le numéro de son frère décédé.
Sa respiration s'était coupée pendant un instant, l'équipe n'avait pas oublié Nolan. Au contraire, ses coéquipiers le portaient sur leurs cœurs. Charlie en avait été si émue qu'elle avait failli fondre en larmes une fois assise sur les gradins.
Une main passa devant son visage et la ramena soudainement à la réalité. La jeune fille retira un de ses écouteurs et tourna sa tête pour voir qu'il s'agissait de David.
‒ Hé salut.
Elle attrapa son sac à dos et se glissa sur le banc pour se décaler.
‒ Salut Charlie.
L'adolescent se pencha, déposa un baiser sur la joue de la brune et s'assit à ses côtés avant de farfouiller dans son sac. Il en ressortit un petit carnet multicolore et le luit tendit avec un stylo argenté et pailleté. Intriguée, Charlene l'attrapa et y jeta un coup d'œil : c'était un magazine complet de mots fléchés. Un sourire attendri étira ses lèvres, elle posa le magazine sur ses genoux et se tourna vers son ami pour passer son bras autour de son cou. Elle le tira vers elle et lui déposa un long et bruyant baiser sur la joue.
‒ Merci David.
Jeudi 21 février 2018, 8h11.
Avalant son cachet d'ecstasy, Charlie déverrouilla la porte des toilettes, manqua de bousculer en sortant de la salle de bain et se dépêcha de se rendre en cours. Elle était en retard de quelques minutes déjà et tout le monde la regardait mais elle n'y fit pas attention. Marmonnant une vague excuse, elle se rendit à sa place derrière Nina, posa son sac à dos sur le sol et sortit ses affaires avant de se pencher en avant. Du bout de son crayon gris, elle tapota sur l'épaule de sa meilleure amie et attendit qu'elle se retourne pour lui murmurer un bon anniversaire.
‒ Merci Charlie, lui sourit Nina en se cambrant pour pouvoir lui parler tout en restant face à leur professeur. J'ai demandé à ma mère si je pouvais rester à la maison aujourd'hui. Tu sais, vu que ce n'est pas tous les jours qu'on a dix-huit ans... Tu verrais le cinéma qu'elle m'a fait ! Elle s'est imaginée que parce que je manque un jour de cours, je raterai ma vie. Bon, j'ai quand même réussi à négocier pour avoir la maison un soir pour organiser une fête mais je n'ai pas encore la date. Peu importe, je te tiendrais au courant.
Même si Nina ne pouvait pas la voir, la brune approuva en hochant la tête et se recula pour s'adosser au dossier de sa chaise. Le professeur, quant à lui, partit dans un de ses longs monologues dont il avait le secret et qui fit décrocher Charlie.
Dix minutes plus tard, elle était avachie sur sa table et avait le nez enfoui dans la manche de son pull -en vérité, celui de Nolan. Il était trop grand pour elle mais elle aimait l'odeur qui était imprégné dans le tissu, un mélange de café et chewing-gum aux cassis. De cette façon, elle avait l'impression que son frère était à ses côtés et l'enveloppait dans ses bras rassurants. Sa seconde main était sous son bureau et tapait distraitement des messages à Lucy. Cette dernière aidait ses parents avec les travaux et avait visiblement envie d'être ailleurs mais cependant, elle devait rester car l'assistante sociale allait passer. À la pause de dix heures, Charlene s'éclipsa vers l'extérieur du bâtiment, se cacha dans le parking, s'alluma une cigarette volée à son père le matin même et appela son amie.
‒ Lucy à l'appareil, répondit-elle.
‒ On remet ça ?
‒ Charlie, c'est toi ? De quoi est-ce que tu parles ?
‒ Evidement que c'est moi. Qui veux-tu que ce soit d'autre ? Questionna l'adolescente rhétoriquement en soufflant la fumée. Bon, je parlais de notre weekend à Pocatello. On remet ça ?
‒ Euh, oui... pourquoi pas.
‒ Parfait ! Il annonce un bon mètre de neige pour demain alors le lycée risque d'être fermé. Je pourrais donc partir vendredi dans la journée sans que ça n'étonne personne. Arrange-toi pour être prête dans la journée de demain, au cas où.
‒ Je serais prête, assura Lucy après un bâillement. En revanche, je n'aurais pas la voiture. Ross en a besoin ce weekend.
‒ Pas de soucis, je peux essayer d'emprunter celle de mon père.
‒ Oui, d'accord. Tu me tiens au courant.
‒ Evidemment.
‒ Oh, attends ! Ce soir, on se voit ?
‒ OK.
‒ Bien, je passe te chercher à vingt-heures.
Raccrochant, Charlene jeta un coup d'œil à sa montre et prit une nouvelle taffe de sa cigarette. C'était presque l'heure de retourner en cours. Elle slaloma lentement entre les voitures en finissant sa cigarette, jeta son mégot au sol et l'écrasa sous sa semelle puis accéléra pour se rendre à l'intérieur du bâtiment.
Jeudi 21 février 2018, 23h47.
Les yeux à moitié-fermés et les bras enroulés autour d'elle, Charlie se balançait d'un pied à l'autre sur le chemin de terre. Son regard bougeait sans cesse de la grille verrouillée du parc à l'orée d'un groupement d'arbres. Frigorifiée, elle se frictionna les bras pour essayer d'apporter un peu de chaleur à son corps.
‒ Lucy, appela-t-elle à voix basse et en laissant trainer la dernière syllabe du nom. Dépêche-toi.
‒ Oui, oui, une seconde j'ai presque fini.
Pinçant ses lèvres entre elles, la brune hocha légèrement sa tête même si personne ne la voyait et s'avança vers la sortie du parc. Elle enroula ses mains autour de deux barreaux et appuya son front dessus. Le froid du métal apaisa la fièvre qu'elle ressentait. Après un instant, elle entendit son amie se rapprocher enfin. À vrai dire, tout le monde pouvait l'entendre essayer de se frayer un chemin à travers les buissons.
‒ Tu aurais pu faire pipi chez toi dans quelques minutes plutôt qu'entre deux pauvres troncs d'arbres, marmonna Charlie, la bouche pâteuse alors que Lucy arrivait à son niveau.
Elle lui jeta un regard et gloussa à son allure : ses cheveux étaient dans tous les sens, des feuilles et des brindilles y étaient enfouies, ses pupilles étaient dilatés et ses vêtements débraillés.
‒ Ce n'est pas ma faute si ma vessie fait la taille d'un pois chiche. Et toute la bière que j'ai bue n'a sûrement pas aidé. D'ailleurs, où sont celles qui nous restent ? J'ai encore une petite soif.
‒ L, on en a plus. Tu les as finis.
‒ Euh, tu en as sifflé une ou deux aussi.
‒ Ouais, deux, confirma-t-elle en se reculant d'un pas. Tu t'es tapée les quatre autres.
‒ Mmh ? Ouais, peut-être...
‒ Bon, ce n'est pas tout mais... on doit encore escalader cette merde et rentrer chez nous.
‒ C'est parti alors.
Les deux adolescentes se préparèrent à franchir les grilles quand, soudainement, Charlie les arrêta. Elle venait de repérer un faisceau lumineux un peu plus loin. Elle agrippa l'avant-bras de Lucy, la tira vers les buissons à leurs droites et la força à s'accroupir derrière eux.
‒ Mais, qu'est-ce que-
Charlene couvrit sa bouche à l'aide de sa main et la fit se baisser un peu plus. Elle amena sa bouche à l'oreille de l'ancienne blonde et murmura :
‒ Il y a un gardien qui vient par ici. Il ne faut pas qu'on se fasse attraper, on aura une amende sinon.
Rencontrant son regard, Lucy hocha lentement sa tête et, ses yeux se plissant avec malice, elle lécha la paume de la brune. Cette dernière dut retenir son cri d'indignation et lança un regard noir à son amie qui semblait très amusée. Elles entendirent le gardien passer lentement près d'elles de l'autre côté de la grille et diriger sa lampe torche vers l'intérieur du parc. Charlie sentit son cœur battre la chamade et l'adrénaline couler dans ses veines. Les deux filles restèrent silencieuses et se fixèrent pendant quelques minutes jusqu'à ce que le gardien s'éloigne. Finalement, une fois sur qu'il était parti et qu'il ne reviendrait pas, elles se relevèrent, coururent vers le portail du parc toujours verrouillé et commencèrent à l'escalader. Très vite, Lucy se retrouva de l'autre côté tandis que Charlene était perchée tout en haut de la clôture, une jambe pendue de chaque côté.
‒ Allez C, l'encouragea l'ancienne blonde en regardant par où était parti le gardien. Accélère. Il faut que tu sois en bas avant qu'il ne revienne.
‒ Si tu crois que c'est facile, grommela la brune en ajustant sa prise sur la grille. Je pense que j'ai le vertige.
‒ Ah ouais mais toi aussi, ria-t-elle.
Charlie bougea légèrement pour avoir une meilleure prise et voulut passer sa seconde jambe de l'autre côté. Son geste fut sûrement un peu trop brusque ou maladroit et elle glissa, enfonçant le pique en haut de la grille dans sa cuisse. Un cri de douleur franchit ses lèvres alors que des larmes montaient dans ses yeux.
‒ C, qu'est-ce qui se passe ?
N'osant par regarder vers sa cuisse, Charlene baissa son regard vers Lucy qui se tenait sous elle. Cette dernière tentait de voir ce qu'il se passait, les traits tirés par l'inquiétude.
‒ J'ai glissé, murmura l'adolescente fébrilement. Et... et un pique s'est enfoncé dans ma cuisse.
‒ Oh.
‒ Ouais.
‒ Euh... est-ce que tu peux te retirer ?
‒ Non, je ne peux pas. J'ai aucun appui.
‒ OK... Attends, j'ai une idée ! Je vais attraper ton pied avec mes mains ! Comme ça, tu pourras t'appuyer dessus et t'extirper.
‒ D'accord.
Pour essayer d'oublier sa douleur, elle ferma ses paupières et mordilla l'intérieur de sa joue tandis que Lucy nouait ses doigts sous sa semelle. L'adolescente y prit alors appuie ainsi que sur ses mains et poussa dessus de toutes ses forces. Elle sentit le pique s'extirper lentement de sa chair, lui provoquant plus de souffrance encore.
‒ Alors, comment ça se passe ?
‒ Douloureusement.
Après une longue minute, le morceau en métal pointu fut sorti et elle put se laisser tomber sur le trottoir aux côtés de Lucy. Elle se réceptionna mal, gémissant de douleur, et s'aida de son amie pour se remettre debout et le rester. Une fois stable sur ses pieds, Charlie regarda finalement vers sa cuisse et fut horrifier de voir qu'il y avait du sang partout et que son jean -qui en était imbibé- était déchiré à l'endroit où le pique s'était planté.
‒ Viens C, partons avant que le gardien ne revienne.
Lucy enroula son bras autour de la taille de la brune et la tira loin du parc.
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Vendredi 22 février 2018, 6h08.
Avec un bâillement bruyant, Charlie s'assit sur son matelas, étira ses bras au-dessus de sa tête et repoussa la couverture de ses jambes. Elle resta stupéfaite en voyant un bandage ensanglanté à sa cuisse et du sang sur les draps. Elle essaya de se rappeler ce qui lui était arrivé mais impossible.
Après quelques minutes de réflexion et d'hébétement, la jeune fille décida qu'elle s'en foutait et se leva de son lit avec difficulté. Elle retira les draps sales qu'elle roula en boule, marcha jusqu'à son placard et les fourra au fond avec ce qu'il semblait être un jean sale afin de les cacher pour que sa famille ne pose pas de questions. Il ne fallait pas qu'elle oublie de les mettre à la machine quand il n'y aurait personne à la maison.
Charlene s'assit au bord de sa chaise et déroula le bandage, révélant une plaie d'environ sept centimètres de long à l'intérieur de sa cuisse gauche et du sang séché. Elle alla mettre le pansement avec les draps dans le placard et referma la porte. Se dirigeant vers la salle de bain, la brune appuya une main sur sa blessure pour s'assurer que du sang ne tombait pas et tachait le sol. Elle se débarrassa de sa robe de chambre, alluma l'eau et entra dans la douche. Elle gratta le sang séché avec ses ongles -grimaçant de douleur quand elle appuya trop fort sur la plaie- et le regarda colorer l'eau de la douche en rose pâle. Une fois cela fait, elle ferma ses paupières et laissa ses muscles se détendre grâce à la chaleur. Doucement, elle commença à chantonner la première chose qui lui passa par la tête.
‒ Change your heart, look around you. Change your heart. It will astound you. I need you loving like the sunshine. Everybody got to learn sometimes.
Alors qu'elle se savonnait, Charlie eut soudain un flashback qui la fit se stopper net de chanter.
Elle se souvient comment elle s'était blessée à la cuisse : elle avait escaladé le portail d'un parc, avait glissé alors qu'elle était perchée tout en haut et un pique s'était enfoncé dans sa jambe. La jeune fille se rappelait aussi que c'était Lucy qui l'avait déposé chez elle avec sa voiture, il était quelque part aux alentours d'une heure du matin. Elle avait arrêté un peu trop brusquement sa voiture, montant à moitié sur le trottoir, et avait renversé la poubelle des Clark sur la pelouse. Les deux amies en avaient ri jusqu'à s'en étouffer. Charlene avait ensuite regardé la voiture partir à toutes allures puis elle s'était traînée jusque dans sa chambre, avait retiré son jean déchiré et ensanglanté et avait bandé sa cuisse rapidement. Elle avait caché son pantalon dans son placard et était allé s'allonger dans son lit, blottie sous sa couverture.
Finissant rapidement sa douche, Charlie banda correctement sa cuisse et s'habilla en quelques mouvements avant de retourner dans sa chambre pour préparer ses affaires pour la journée.
Vendredi 22 février 2018, 7h41.
Assise à la table de la cuisine, l'adolescente traçait distraitement le bord de sa tasse à café alors qu'elle écoutait avec attention la radio. L'animateur donnait la liste des établissements scolaires fermés dans le comté en ce jour de tempête de neige. Après plusieurs noms vient celui de la maternelle d'Ellie. Cette dernière s'empressa d'avaler sa cuillérée de céréales pour pouvoir lâcher un cri de joie puis engloutit une nouvelle cuillère de Lucky Charms. Quand ce fut au tour du lycée des triplés d'être nommé, les deux sœurs entendirent un sonore « yes » venir du salon dans lequel Julian prenait son petit déjeuner devant les dessins animés. Charlie entendit le bruit d'un bol posé brusquement sur un support et des pas pressés marcher jusqu'à la cuisine. Le jeune homme entra dans la pièce, attrapa Ellie sous ses aisselles -la faisant crier de surprise et lâcher sa cuillère sur la table- et la fit tournoyer dans les airs. La fillette ria joyeusement et battit des pieds. Finalement, après une minute, il l'assit sur le comptoir de la cuisine et la tient d'une main pour se tourner vers sa triplée.
‒ Et si on allait à la patinoire, aujourd'hui ? Proposa-t-il avec un grand sourire.
‒ Oh oui !
Ellie applaudit avec enthousiasme et remua ses jambes une fois de plus.
‒ Ouais... je sais pas trop, hésita Charlie après avoir bu une gorgée de son café.
Elle avait prévu de partir plus tard dans l'après-midi avec Lucy pour leur weekend organisé. De leurs côtés, les deux autres membres de la fratrie commencèrent à la fixer en silence et lui firent les yeux doux.
‒ Allez, s'il te plaît Charlie, la supplia Ellie en joignant ses mains sous son menton. S'il te plaît !
‒ S'il te plaît, s'ajouta Julian en faisant ressortir sa lèvre inférieure dans une moue. Je voulais proposer à Mary de venir avec nous... tu pourrais peut-être proposer à Léo ?
En soupirant, Charlie accepta d'aller à la patinoire avec eux. C'était l'idée de voir son petit ami qui la fit céder. Rapidement, ils finirent leur petit déjeuner et remontèrent se brosser les dents ainsi que finir de se préparer. La jeune fille mit un pull bordeaux avec deux bandes blanches au niveau de chaque poignet par-dessus son débardeur moulant puis enfila ses baskets noires et blanches. Après s'être assurée que personne ne viendrait la déranger, elle sortit un petit sachet de coke, prépara quelques rails qu'elle sniffa en un instant puis nettoya son bureau et rangea le reste de la drogue dans sa cachette.
Ayant encore un peu de temps devant elle, Charlene attrapa son téléphone et tapa un rapide message pour Lucy afin de la prévenir que le départ de leur escapade était reporté à ce soir puis appela Léo. Il fut directement partant pour la patinoire puisque c'était son jour de repos et s'enthousiasma à l'idée de voir sa petite amie. Ils parlèrent encore quelques minutes avant que Julian l'appelle depuis le rez-de-chaussée, la faisant raccrocher. Charlie s'emmitoufla dans une écharpe et un bonnet, récupéra des gants chauds et descendit rejoindre sa fratrie qui l'attendait en bas. Les cherchant du regard dans le hall, elle se figea à mi-chemin dans les escaliers et fronça les sourcils.
Entre Julian et Ellie se tenait leur père.
Habillé pour sortir braver le froid.
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Média : Shérif Reynolds
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