Les liens du sang
Vous avez demandé une preuve, la voici.
Ces mots étaient griffonnés sur une simple en enveloppe. Dedans se trouvait un mouchoir tâché de sang qui enroulait un petit doigt, découpé grossièrement.
Mon père se tenait à genoux dans l'entrée, exactement là où il avait reçu le courrier.
Il répétait sans cesse: je voulais juste savoir, je voulais juste savoir...
Ça commençait à bien faire cette histoire.
_Papa reprends toi! Ça s'trouve c'est même pas le doigt de Méli. Dis-je excédé.
_Bien sûr que si c'est le sien. Me dit-il avec une voix presque désincarnée, remplie de douleur. Ils ont coupé le doigt avec la tâche de naissance. Le doigt de ma petite princesse... Elle doit être terrorisée.
Et il se mit à pleurer silencieusement.
Les consignes étaient simples:
Nous avons votre fille. Payez la rançon. Ne prévenez pas la police. Attendez les instructions.
Moi j'étais comme un lion en cage, je voulais juste revoir ma petite soeur. Et ne rien faire me rendait complètement fou. Ça prenait du temps de rassembler autant d'argent sans éveiller les soupçons. On pouvait pas simplement liquider nos avoirs comme ça sans raisons.
Mon père était très riche et de ce fait, il avait établi des gardes du corps autour de nous. Il savait qu'on pouvait être la cible de ce genre de problème.
Alors je ne comprenais pas. Non! Je ne comprenais pas comment ça avait pu arriver.
Mélina allait à sa leçon d'équitation quand elle a été enlevée. Il y a forcément eu un cafouillage quelque part. Ce n'était simplement pas possible que deux gardes du corps et un chauffeur aient disparu comme ça!
Papa ne voulait pas prévenir la police. Il y avait trop de risques qu'ils se vengent encore sur la petite m'avait-il expliqué.
Très bien! Dans ce cas, je mènerais l'enquête moi même. Pas question de recevoir des morceaux de ma petite soeur au compte goutte.
Je montai les escaliers menant à ma chambre, laissant mon père à sa tristesse. Je n'allais pas me morfondre comme lui en attendant que cela se passe.
Mon ordinateur sous la main, je me mis à pianoter comme jamais; hackant les systèmes, contournant les firewalls, me faufilant à travers les mots de passe et les réseaux pour suivre à la trace la vie, les déplacements, les appels des ces trois hommes qui devaient assurer la protection de ma soeur et qui avaient disparus du radar en manquant cruellement à leur devoir.
Je ne mis pas longtemps à repérer une liste d'appels récurent du téléphone de David Crayers, le garde n°2. Toujours le même jour à la même heure. Mais depuis ce matin, plus rien.
Le garde n°1 Phil Cillon avait reçu une somme d'argent importante de source inconnu sur son compte.
Et le chauffeur Carlton Shelly avait simplement disparu. Son téléphone n'avait pas changé de coordonnées depuis deux jours.
Après les avoir géolocalisé, je préparai ce dont j'avais besoin.
Ma tablette, mon couteau de chasse et mon beretta avec son silencieux. Pour le moment, je n'avais pas besoin de plus.
Je redescendis les marches au pas de course, ma besace sur le dos.
_Papa, je m'en vais. Criai-je presque.
_Où vas-tu?
_Je vais chercher Méli. Répondis-je déterminé en claquant la porte.
J'enfourchai ma moto et me dirigeai plein sud vers le cellulaire du chauffeur.
Le soleil chauffait l'asphalte mais un vent frais s'infiltrait en dessous de mes vêtements. J'avais oublié de prendre ma veste. Je baissai la visière de mon casque et appuyai sur l'accélérateur.
La première adresse m'amena dans une petite ruelle sombre sans issue. Tout au bout, deux grosses bennes me firent soupirer. Soit le téléphone de Carlton avait été jeté, soit il était lui même dans cette poubelle, dans un état que je n'avais pas envie de voir...
Je fis demi-tour sans aucun état d'âme.
Direction les banlieues modeste de la ville. Je voulais des réponses et j'allais les obtenir par tous les moyens.
Arrivé chez Cillon, je fis discrètement le tour de la maison puis entrai par une fenêtre restée ouverte. Le rez-de-chaussée était vide mais j'entendais quelqu'un se déplacer à l'étage.
L'escalier grinça sous mon poids, pourtant, cela ne sembla alerter personne.
Est-ce que c'était Phil le responsable de tout ça? Est-ce que Méli était ici?
Je poussai doucement la porte et fut choqué de voir tout un attirail médical, avec une femme alitée dans un lit d'hôpital. Elle semblait endormie, reliée à tout un tas de tuyaux.
Phil, assis sur une chaise, tenait la main de la femme sans même m'adresser un regard.
_Vous savez pourquoi je suis là n'est-ce pas ?
_Je n'avais pas le choix. Ma femme... Elle allait mourir. Je ne pouvais pas la laisser partir. J'avais besoin de cet argent pour un médicament expérimentale. M'expliqua-t-il.
_Ce serait donc dommage qu'elle meurt maintenant. Dis-je d'un ton glacial en pointant mon arme vers elle. Ma phrase eu le mérite d'attirer son attention sur moi.
_S'il vous plaît, monsieur Sahil, ne faites pas ça. Épargnez ma femme je vous en prie. Supplia-t-il.
Je sorti mon couteau et le plaçai sous sa gorge, tout en continuant à menacer sa femme.
_Je n'ai qu'une question. Où est ma soeur?
J'enfonçai la lame dans sa peau, faisant une entaille qui libéra instantanément son sang.
_Je n'en sais rien monsieur je vous assure je...
_Peut-être que ceci te motivera à me donner la réponse que j'attends. Le coupai-je en tirant dans l'épaule de sa femme. Les machines s'affolèrent de suite et l'homme tenta de se précipiter pour l'aider mais le tranchant sous sa gorge le retint.
_Alors? Je t'écoute.
_Espèce de taré, vous êtes tous complètement dingue. Il faut la soigner! Il faut que je comprime la blessure et que je l'emmène à l'hôpital! Vitupéra-t-il ardemment.
_Dans ce cas tu ferais mieux de me répondre. Et plus vite que ça. Sauf si tu préfères que ta femme se vide de son sang. Dis-je nonchalamment.
Bien sûr ça me faisait quelque chose. Cette pauvre femme n'y était pour rien et j'espérais qu'il passerait vite à table pour pouvoir s'occuper d'elle au plus vite. Mais tout ce qui m'importait c'était ma petite soeur.
_C'était l'idée de Crayers. Cracha-t-il. Il a un complice qui travaille dans un entrepôt en dehors de la ville. Il voulait plus d'argent pour se refaire une vie. Il m'a convaincu qu'on ne craindrait rien que le vieux paierait. Mais son acolyte c'est un malade, il a tout du dégénéré... C'est lui qui a tranché le doigt de la petite puce. Je l'entendais hurler sans rien pouvoir faire. Je...
_Tu te permets de l'appeler ainsi ? Sale lâche! Ma colère s'abattit sur lui en même temps que mon poing. Le couteau que je tenais lui entailla la joue et il tomba de sa chaise, complètement sonné. Sur les nerfs, je lui assénai un coup de pied qui lui fit cracher du sang.
Pour la dernière fois, où est Mélina ?
_L'entrepôt... près du port... à l'ouest de la ville... Tu les trouveras sûrement là-bas. M'apprit-il difficilement avant qu'un dernier coup de pied ne le fasse tomber dans l'inconscience.
J'entrai ces nouvelles données dans le gps et grimpai à nouveau sur ma moto. Par acquis de conscience, j'appelai quand même les urgences pour leur dire que j'avais entendu un coup de feu à cette adresse. Puis je m'en allai.
La route menant au port était longue et quelque peu sinueuse mais je finis par déboucher sur ce que je cherchais. La nuit était tombée et camouflait bien mes déplacements.
Je m'approchais aussi silencieusement que je pouvais du bâtiment principal.
Mais rien.
Pitié. Je n'avais pas fait tout ça pour rien quand même...
C'est alors que j'entendis du bruit. En suivant la source, je tombai sur un vieil entrepôt abandonné où luisait de la lumière. Je reconnu la voix du garde du corps qui discutait houleusement avec son compère tandis que celui-ci rigolait.
La rage, la douleur et la haine se mélangèrent. Comment ils pouvaient plaisanter alors que ma petite soeur devait être là, quelque part pas loin, complètement tétanisée par la peur?
Je fis le tour de la bicoque et jetai un oeil discret par la fenêtre usée par le temps et les saletés environnantes.
Je vis d'abord un homme que je ne connaissais pas, une bière à la main dans un fauteuil crade. Dans son autre main se trouvait un couteau papillon avec lequel il jouait, l'ouvrant et le fermant.
En face de lui, Crayers se tenait debout près de la porte. Il regardait régulièrement dehors, apparemment pas très rassuré par son plan dont il avait perdu le contrôle. Il avait une arme coincée dans son jean et faisait des allers-retours le long de l'entrée. Il me dégoûtait ce traître.
Mon coeur se mit à battre plus fort quand enfin je la vis.
Recroquevillée sur ses genoux, pieds et poings liés par des cordes, ma petite soeur chérie avait les yeux et la bouche fermés par du gros Scotch et un bandeau sale. Je voyais son petit corps trembler sur le matelas répugnant où ils l'avaient posée.
Une de ses mains était grossièrement emmailloté.
Je n'osais imaginer ce que lui avait fait ces stupides humains guidés par la cupidité ou la folie.
Je sortis mon flingue, brisai le carreau d'un coup de pierre et sans laisser le temps aux deux truands de réagir, je tirai dans la tête du complice. La détonation résonna dans la vaste piece. J'avais oublié le silencieux. Pour la discrétion on repassera...
_MÉLI! BAISSE-TOI! Criai-je alors que Crayers ripostait déjà.
Je ne voulais pas qu'une balle perdue l'atteigne.Vite je fis le tour et entrai dans l'entrepôt comme un forcené.
L'horreur se déroula alors sous mes yeux. Cette sale vermine avait pris ma soeur comme bouclier humain. Elle sanglotait, coincée entre le bras puissant de quelqu'un qu'elle prenait, il y a encore quelque temps, pour son ami. Ses pieds se débattant dans le vide, elle ne touchait plus le sol.
J'ajustai mon arme mais ne tirai pas.
_Ordure, tu n'as pas honte de te cacher derrière une enfant? Crachai-je.
_Pas quand il s'agit de protéger ma vie, non. Répondit-il en appuyant un peu plus son Glock sur le visage de Mélina.
_Relâche-la! Si tu tiens à la vie, relâche-la.
_Non, certainement pas.
_Dans ce cas tu ne la mérites pas. Dis-je sombrement en appuyant sur la détente.
Je tirai en visant son genoux ce qui le fit ployer immédiatement. Mélina tomba au sol et je me précipitai vers elle. Je tranchai les cordes et retirai ce qui entravait ses sens.
Elle cligna des yeux puis les ouvrit pour de bons.
_Livius! Tu es venu me chercher... me dit-elle en se blotissant contre moi. Elle se mit alors à pleurer pour de bon.
L'homme gémissait derrière nous. Mais je ne m'en préoccupais pas, trop concentré sur ma petite chérie.
Un son déchira mes tympans en même temps qu'une douleur fulgurante traversa mon corps. Méli sursauta en criant.
Je me retournai et regardai Crayers avec haine. Il était lui-même affaibli mais il avait trouvé le moyen de me tirer dessus.
Je ramassai vivement mon arme et tirai sans réfléchir une seconde. La balle siffla et se logea juste entre ses deux yeux sans qu'il n'ait une occasion de riposter. Puis une autre dans le coeur pour faire bonne mesure.
On ne s'en prend pas à ceux que j'aime.
_Mélina... C'est terminé maintenant. On rentre à la maison.
Je la pris contre moi et la soulevai pour partir loin d'ici.
Je me dirigeais hors de cet enfer, vers ma moto, quand je sentis mon corps faiblir. La sueur perlait sur mon front et quelque chose de chaud s'écoulait sous mon tee-shirt.
_Livius? Qu'est-ce qui se passe ?
Je la déposai délicatement sur la moto et flanchai aussitôt après.
_LIVI! Cria la petite en sautant près de moi.
Ses yeux se remplirent de larmes quand elle vit ma blessure. Elle appuya dessus avec ses petites mains mais déjà, je me sentais partir.
_Ma puce, cherche ma tablette dans le sac, et appelle papa. Dis lui ce qui s'est passé et de venir te chercher. Expliquai-je doucement.
_Quoi? Non. NON! Pourquoi? Livi, ne me laisse pas!
_Mélina, fais ce que je te dis s'il te plaît. J'essayais de la gronder mais je n'avais plus de force.
_Tu vas mourir c'est ça? Demanda-t-elle en pleurant et reniflant.
Elle s'essuya le nez en laissant des traces rouges sur son visage. Ses mains étaient remplies de sang, mon sang...
_Ma puce, je mourrais cent fois pour toi.
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