Le sommeil des enfants

D'un mouvement large et enveloppant, son corps fluctuait en une amplitude douillette, chaleureuse, bienheureuse. L'univers entier semblait balancer et tanguer au rythme d'une idéale inertie.

Il était emporté, envahi, inondé dans une satisfaction de confort pur. Ses yeux enivrés se révulsaient.

« Regarde ! Il s'endort déjà ! »

Il connaissait la voix, il l'avait déjà entendue, mais des prémices de rêve occupaient ses pensées primitives et il ne se souvenait plus bien. Il avait bu. Son ventre était gonflé. Il faisait bon. Pourquoi résister ? Surtout, il n'avait jamais été bercé avec une régularité aussi doucereuse et irrésistible. Béatitude. Un laisser-aller merveilleux.

« C'est vraiment très bien. Ça fonctionne à la perfection.

— Tu as vu ? On aurait eu tort de s'en passer. »

Les sons résonnaient à présent dans le songe, liant la réalité à l'imagination, se glissant de plus en plus vers l'en-soi profond. Tout devenait délicieusement confus dans la sensation constante des lentes allées-et-venues du support qui le portait.

« Tu crois qu'il dort ? C'est possible, si vite ?

— On dirait bien. »

Des images lumineuses, comme des cercles pâles, apparaissaient dans ses perceptions, et sa conscience s'éteignit en une fusion dont l'influence essentielle consistait en ce mouvement impeccable, à la base de tous ses sentiments de confiance et d'abandon.

Les mots qui suivirent, il ne les entendit pas. Il était bien trop petit pour avoir compris les précédents, mais les suivants échappèrent à ses sens. Le sommeil l'avait conquis.

« Vraiment, ces machines sont excellentes. Jamais je ne les aurais crues si efficaces ! »

Le bras mécanique, soulevant le bébé avec méthode, réduisait son rythme, ses capteurs ayant enregistré l'endormissement du nourrisson et s'y adaptant. Synchronicité. Efficacité. Une conception scientifique optimale, fruit du génie des meilleurs inventeurs.

« On va avoir du temps maintenant.

— Oui.

— On n'aura plus à l'endormir. C'était trop long.

— Oui. C'est plus hygiénique aussi. On n'est plus en contact. Comme pour le biberon.

— Le biberon était affreux, heureusement qu'on en est débarrassé. C'est surtout qu'on manquait des séries. C'était ennuyeux.

— C'est vrai. Il n'y aura qu'à s'en servir chaque fois qu'il pleurera.

— Bien sûr. Il n'y a pas de raison qu'un bébé nous empêche de vivre notre vie comme avant, n'est-ce pas ?

— Avec ces machines, on peut largement économiser du temps. Parce que tu vois, ça fait très bien les choses tout seul. Ce n'est pas tellement cher pour ce qu'on gagne en liberté et en tranquillité.

— Oui. Et puis, je n'osais pas te dire mais... s'occuper du petit... Quelquefois, ça me dégoûtait un peu.

— Moi aussi ! Laissons-le dans sa chambre, et allons regarder la télé. »

Les présences s'éloignèrent, et s'éloignèrent aussi dans le rêve. Alors le bébé eut comme une inquiétude qui le poignit un instant, et son souffle accéléra, son cœur également. Mais la machine aussitôt se remit en marche, et son corps subit de nouveau le roulement délicieux et irrésistible qui l'emporta de force en arrière, parmi les lumières vagues et les images insensées.

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