Immaculée

Comme on jugea un jour que les enfants en nombre

Portaient sur toute chose un regard vide et sombre,

On voulut ranimer l'étincelle en leurs yeux

Et l'on crut qu'il fallait faire tomber des cieux

Comme aux temps très lointains les splendeurs de la neige.


Tout fut organisé comme un complexe arpège,

Rien n'était trop précieux pour les émerveiller :

On chargea donc les corps de mille bombardiers

De neige qu'on trouva sur les sommets ultimes,

On larguerait l'averse et ce serait sublime !


On fit tout décoller en un bruyant secret :

Ces escadres de fer et leur chargement prêt ;

Leur vacarme moderne affligea les nuages

Mais on escomptait bien que leur pâleur sauvage

Descendrait sur le monde et plairait aux enfants.


On avait tant déçu ! Ah ! Comme en réchauffant

La Terre en gris vestige, en sables infertiles,

On avait abîmé en poussières stériles

Le cerveau du plus jeune et sa curiosité,

Il était plus que temps, il fallait se hâter.


Et bientôt dans l'azur les inflexibles ailes

Des avions tout remplis de leur neige éternelle

Tranchèrent bruyamment cet espace asphyxié

Qui, pareil aux grands bois que l'on avait sciés,

Rendait son dernier cri en un bruit de machine.


C'est alors qu'on ouvrit – suspense qui fascine ! –

Les soutes de froideur au plus haut des déserts

En habiles efforts synchrones et experts :

On larguait ! on larguait ! La blancheur belle et pure

Oh ! dégringolerait sur le noir des toitures,

Et l'on verrait le bien envahir les esprits !


Et tout un univers qui serait bien surpris

Forcé de décaler son attention louche

Des écrans tentateurs tout en ouvrant la bouche

Quitterait à jamais son cynisme odieux

En tournant son regard simplement vers les cieux !


Mais on avait omis, car la neige était rare,

Ce que n'ignorait pas le moindre être ovipare :

Que la neige fondait et qu'au cœur des avions

Se produirait alors une étrange fusion.

Et il tomba la rouille, et il tomba la pluie.


Un infecte mélange à l'huile et à la suie

Dévalant de l'escadre et suintant des moteurs

S'abattit mornement de ces vastes hauteurs

Et couvrit en un flot – ô si liquide frappe ! –

De sa hideur les toits comme une lourde chape.


Et les yeux des petits longuement imprégnés

De cette horreur sans nom dont ils furent baignés

Tirèrent pour toujours le dégoût de ce monde :

Échaudés de froideur après ce coup de sonde

Et ils n'osèrent plus s'aventurer dehors :


Et ni les beaux couchants tout illuminés d'or,

Et ni les parfums doux de la nuit qui commence

Ne purent plus charger de sensations immenses

La conscience abêtie où se tut le Réveil...


Et tout fut à jamais un sinistre sommeil.

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