Trois.
Eliel tenait enfin le petit bébé contre lui, il s'était presque jeté sur lui quand il l'avait vu dans son petit lit, après avoir jeté un regard furtif à sa mère pour s'assurer qu'elle allait bien. Il était tout petit, tout joufflu et avait la peau... D'une couleur étrange, mais ça allait finir par partir. Il déposa plein de bisous sur sa tête, son petit frère était calme et le regardait, comme s'il savait qu'ils étaient frères. Il avait de petits cheveux tout noir et ses yeux étaient marrons clairs, comme ceux de leur mère. Mais ce qui le surprit le plus, était son poids plume, il avait l'impression de porter une pomme dans le creux de son bras, c'était hallucinant !
— Coucou Eloen, moi je suis Eliel, ton grand frère, dit-il doucement en caressant sa petite joue de son pouce affectueusement. Papa et maman ont choisi ce prénom parce qu'il ressemblait au mien, ils commencent pareil tout les deux, expliqua-t-il.
Il se tourna un peu vers son père, assis sur le petit siège à côté de sa femme.
— Tu vois là, à moitié somnolent c'est papa.
Son père rit doucement en tentant d'ouvrir grand les yeux, regardant ses deux fils avec un sourire fier.
— Bon c'est normal qu'il soit fatigué, il a veillé sur notre maman durant toute la nuit. Tu verras que papa, malgré son mètre quatre-vingt dix et son air autoritaire, ne l'est en fait pas du tout, c'est un vrai papa poule et si un jour tu veux un jouet, il faut que tu demandes à papa d'abord, il ne résiste pas bien longtemps.
Les deux hommes se mirent à rire et le père ronchonna pour la forme, même si dans le fond, il reconnaissait de pas être assez stricte. Eliel se tourna maintenant vers leur mère, toujours profondément endormie, l'expression apaisée, ce qui n'avait pas dû l'être quelques heures auparavant.
— Elle, c'est ta maman. Notre maman à tout les deux. Mais tu dois la connaître puisque tu as passé huit mois dans son ventre. Alors oui je suis désolé, j'ai essayé de lui dire que te faire écouter de la musique classique tout les soirs avant de dormir était inutile, mais elle n'en fait qu'à sa tête. C'est une vraie tête de mule. Ne te fis pas à sa petite taille et à sa tête toute mignonne, c'est elle qui te forcera à manger des légumes chaque jour.
Un rire s'ajouta au leur et ils se tournèrent vers le nouveau venu, deux cafés fumant dans les mains. Hisae donna un gobelet à son père, qui se redressa et le remercia puis posa l'autre sur la table.
— Et le petit blondinet, c'est... Hisae, c'est le petit frère de Loan, mon meilleur ami. Vous êtes tout les deux des petits frères. Il est mignon n'est-ce que pas ? Il est tout blond aux yeux verts, mais c'est le seul de sa famille, ses parents et Lo' sont bruns aux yeux bleus et marrons pour son père. Mais lui non plus, ne te fie pas à sa bouille d'ange, il a un caractère de merde quand il s'y met.
Hisae lui fit une grimace et cela le fit rire.
— Viens le porter, lui dit-il.
Le blond secoua la tête en faisant un pas en arrière.
— Allez, je veux une photo de vous deux ! insista-t-il.
Finalement, l'autre s'avoua vaincu et soupira. Il s'assit dans le siège à côté du berceau et tendit ses bras pour recevoir le bébé. Quand Eliel lui donna, il le vit se crisper et regarder attentivement Eloen. Il sourit et sortit son téléphone de sa poche avant de prendre plusieurs photos, dont une qu'il mit en fond d'écran. Il reprit ensuite rapidement son petit frère, constatant le malaise de sa crevette et aussi car il adorait l'avoir dans ses bras. Il le trouvait tellement adorable.
— T'as prévenu la famille ? demanda-t-il à son père.
— Ouais, mais je leur ai dit de venir demain, il faut que ta mère se repose et Eloen aussi d'ailleurs, alors remets le dans son lit, il doit dormir.
— Quoi ? Déjà ?
Son père lui fit un regard réprobateur, auquel il répondit par une moue boudeuse. Il l'embrassa une dernière fois et le reposa à contre cœur. Il prit la place d'Hisae et le tira sur ses cuisses, n'ayant pas d'autre chaise pour qu'il s'assoit. Rapidement, son père s'endormit, suivit du petit blond qui s'assoupit contre son torse, visage dans son cou. Eliel resta le dernier éveillé, observant son petit frère encore. Il se sentait tellement bien à l'instant, avec Hisae dans ses bras et Eloen en face de lui, qu'il voulait faire durer encore le plaisir. Il avait autour de lui toutes les personnes qui lui étaient vitales à sa vie.
Cependant, il finit par fermer les yeux et rejoindre le pays des rêves. Pour la première fois depuis des mois, il ne fit pas de cauchemars et son sommeil fut réparateur. Une nuit sans rêves, sans cauchemars. Il se sentait juste bien, apaisé.
Le lendemain, il se réveilla difficilement, les rayons du soleil venant l'éblouir. Il mit quelques secondes avant de se rappeler de l'endroit où il était et qui était sur lui, toujours dans la même position qu'hier. Il remarqua qu'une couverture les recouvrait chaudement. Il commençait même à surchauffer. Quand il releva la tête, il aperçut sa tante, son mari et ses deux enfants, une fille de douze ans et un garçon de treize, ainsi que ses grands-parents, dont sa mamie qui portait son petit-frère et enfin, les parents de Loan, qui lui offraient un grand sourire en voyant leur fils profondément endormi dans ses bras. C'était pas la première fois qu'ils le voyaient dans cette position, Hisae s'endormait facilement dans ses bras. Tous semblaient chuchotés pour ne pas réveiller le père du nouveau-né et Hisae.
— Loan est pas là ? demanda-t-il à ses parents en murmurant.
— Il va arriver, il est partit chercher des cafés au distributeur, répondit sa mère.
Il hocha la tête et plongea sa main dans les cheveux du blond sur lui, s'amusant avec tout en regardant son petit frère, sur qui tout le monde s'extasiait. Loan débarqua enfin et distribua des cafés avant de venir à côté de lui pour discuter avec.
Il sentait néanmoins les regards furtifs que lui lançaient sa tante et son mari. Mais il n'y fit pas vraiment attention, après tout, ça faisait plus d'un an qu'ils n'étaient pas venus, alors peut-être le trouvaient-ils changé ? Ou alors la proximité qu'il avait avec Hisae les gênait ? Il s'en fichait pas mal. Ses parents lui avaient toujours appris qu'il devait faire ce qu'il voulait, peu importe si les gens acceptaient ou non. Alors il leur sourit aimablement pour répondre à leurs regards.
Quelques minutes, ce furent à des amis de venir, c'est alors que la mère de Loan s'approcha d'eux et caressa la joue d'Hisae.
— Il faut le réveiller, on va partir, annonça-t-elle.
— Au pire laissez le dormir, je le ramènerai dès qu'il se réveillera, proposa Eliel.
— C'est gentil de ta part Eliel mais il a encore beaucoup de choses à faire et demain il a école.
Il soupira intérieurement. Il l'aurait bien réveillé avec plein de bisous, mais il n'osait jamais lui en faire devant ses parents. Autant qu'ils le voient l'enlacer ne le dérangeait pas, mais des baisers, c'était trop intime pour le faire devant les autres. C'est donc sa mère qui se chargea de le tirer du sommeil, il remua un peu contre lui en ronchonnant des paroles incompréhensibles avant de daigner enfin ouvrir les yeux paresseusement.
La tête encore endormie, il fit la bise à tout ceux qui étaient présents, n'omettant pas de féliciter la mère d'Eliel pour avoir mis au monde un si beau bébé.
Eliel les raccompagna jusque dehors, devant leur voiture et avant de monter à l'intérieur, Loan lança avec un clin d'œil.
— Maintenant que t'as un petit frère, tu vas enfin lâcher le mien.
Le grand brun rit, amusé, et ajouta pour taquiner :
— Ouais, je te le rends.
Une porte claqua et la voiture disparue au loin.
Il passa donc tout son dimanche à la maternité, voyant défilé du monde, de sa famille, des collègues, des amis etc. Il rentra chez lui au soir, le sourire béat aux lèvres et pensait déjà à revenir le lendemain, après ses cours.
Ses pensées étaient monopolisées par Eloen et même dans une salle de classe, il peinait à se concentrer. Il avait déjà montré à tout ses potes les photos de son petit frère, heureux et fier. En sortant de l'université, il envoya un message à Hisae pour lui demander si son contrôle c'était bien passé et fila à l'hôpital. Durant toute sa semaine, il jonglait entre les cours et la maternité, accumulant une fois de plus du travail et des révisions. Cependant, Hisae ne lui avait pas adressé une seule fois la parole depuis l'autre soir et il s'en inquiéta énormément. Certes, le blond l'envoyait souvent bouler, mais jamais il ne l'avait ignoré aussi longtemps.
Aujourd'hui, Loan avait décidé qu'ils sortiraient en soirée pour faire « prendre l'air » à Eliel. Il avait longuement hésité avant d'accepter, ça lui ferait du bien de voir quelque chose d'autre que la maternité et ses amphis. Il partit donc attendre son meilleur ami chez lui, mais celui-ci lui avait prévenu qu'il n'y avait personne chez lui, dommage, il comptait voir Hisae mais c'était foutu.
Comme à son habitude, il écrasa sa clope par terre avant de regarder dans le pot de fleur à côté du paillasson, dénichant la clé de la maison. Il l'ouvrit et aussitôt, le chaton vint le voir, réclamant de l'attention. Il le prit dans ses bras et partit s'installer sur le canapé. Il prit son téléphone d'une main et défilant sa page Facebook, mettant des photos du chat sur ses genoux sur snap, il meublait l'attente quand il entendit des pas dans les escaliers, il eut un sursaut de surprise. Loan lui avait dit qu'il ne devait y avoir personne, qui était-ce ?
Il ne fit pas de bruit et jeta un coup d'œil derrière lui, il sourit en voyant une tête blonde rejoindre la cuisine. Il ne l'avait même pas capté, alors Eliel l'épia, fixant son regard sur son boxer, le seul vêtement qu'il portait et qui lui moulait parfaitement ses fesses, bougeant ses hanches en marchant. Il n'arrivait pas à décrocher son regard de ceux-ci, comme hypnotisé. Il le vit se servir un verre d'eau, dos à lui. Comme la cuisine était ouverte sur le salon, cela l'aida à le mater discrètement. Il se rendit compte que c'était la première fois qu'il le voyait juste en caleçon. Hisae était très pudique et se recouvrait toujours le corps.
Cependant, quand il se retourna et que leurs yeux tombèrent l'un dans l'autre, Hisae se figea en palissant à vu d'œil et Eliel sourit. Enfin, jusqu'au moment où son regard glissa plus bas... Et ce qu'il vit sur son torse le rendit bouche-bée, faisant disparaître toutes traces d'amusement. Beaucoup cicatrices ornaient sa peau laiteuse, toutes étaient différentes, certaines grosses et imposantes et d'autres plus fines et discrètes. Il y avait même ce qui lui semblait être des cicatrices de brûlures. Il déglutit, son cœur se serrant à cette vue et il n'arriva pas encore à bien réaliser toute cette violence inscrite, imprégnée sur sa jolie peau opaline.
Son sang ne fit qu'un tour quand il entendit la porte d'entrée s'ouvrir et la voix de son meilleur ami résonner. Il vit immédiatement rouge et se jeta sur Loan à peine avait-il posé un pas dans le salon, le plaquant brutalement contre le mur le plus proche en le tenant par le col de sa veste. Si ses yeux pouvaient tuer, Loan serait mort depuis un moment déjà. La colère, non la fureur commençait à le prendre entièrement, emplissant son cerveau et ses membres, prêt à frapper dans le tas.
— Oh mec qu'est-ce qui...
— Putain c'est quoi ça ?! hurla-t-il en pointant du doigt son petit frère, torse nu et statufié devant la scène qui se déroulait devant ses yeux.
Loan regarda Hisae mais ne parut pas surpris et cela augmenta la colère d'Eliel. Il allait le tuer ! Lui et ses foutus parents ! Ils allaient tous les détruire par avoir touché le blond !
Il lâcha son col et enroula sa main autour de son cou.
— Qu'est-ce que c'est ?! Qu'est-ce que vous lui avez fait bande de connards ?! Cria-t-il complètement hors de lui.
— Ça ne te regarde pas Eliel, tu n'aurais... Jamais dû voir ça ! tenta de répliquer Loan en fronçant les sourcils.
Ce fut la phrase de trop et Eliel lui balança son poing sur la figure, l'autre couina de douleur sous le coup puissant qu'il venait de recevoir et tenter de se débattre, tirant sur la main qui enserrait son cou et qui était en train de lui couper la respiration. Il le refrappa mais cette fois au ventre, ne sachant plus se contenir. Il s'apprêtait à réitérer quand une petite voix hurla :
— Eliel arrêtes ! Je t'en supplie arrêtes il a rien fait ! Ils ont rien fait je te jure !
Mais cela ne le convint pas et il donna un coup de pieds à son meilleur ami, lâchant son cou et celui-ci s'écroula à terre, ses deux mains sur son ventre douloureux. Il allait continuer mais deux bras vinrent s'enrouler autour des siens pour le bloquer.
— Lâches moi je vais les tuer, gronda-t-il d'une voix qu'il avait rarement eu l'occasion d'entendre.
— Arrêtes Eliel ! Je... C'est pas eux crois moi je t'en supplie !
— Alors qui ?! haussa-t-il plus fort la voix, méprisant Loan du regard.
— Mes parents, lâcha-t-il enfin, d'une petite voix cassée.
Eliel allait répliquer, mais Hisae le coupa.
— Mes vrais parents, pas ceux de Loan...
Sa révélation le refroidit instantanément. Ses muscles se détendirent et ses yeux s'écarquillèrent. Ce... Ce n'était pas ses parents ? Il ne comprenait plus rien... Les bras d'Hisae se desserraient autour de lui en voyant qu'il avait réussi à le calmer, cependant, il colla son front à son dos.
— Q... Quoi ?
— J'ai été adopté étant enfant par la famille de Loan... Je... J'ai été retrouvé seul dans un appartement vide, recouvert de sang et de blessures...
Eliel l'entendit renifler et il se sentait lui-même défaillir. Son meilleur ami se releva et se mit en position assise contre le mur, l'air grave.
— Mais... Je me souviens de rien, j'ai... juste quelques visions par moment.
— Tes cris d'angoisses elles...
— Oui, elles viennent de là, le coupa-t-il. C'est une voisine qui m'a retrouvé au bord de la mort, j'ai été en soin intensif pendant plusieurs jours à l'hôpital, on m'a ensuite emmené dans un orphelinat et j'ai rencontré ma nouvelle famille. Personne ne doit savoir ça... Parce que... Parce qu'on ne connaît pas mes vrais parents, ils sont encore dehors, en toute liberté... Les policiers ont déjà essayé de faire des recherches, mais ils ont jamais trouvé, alors ils nous ont dit de garder le silence et de ne montrer à personne mes cicatrices, si les gens en parlent... Mes géniteurs pourraient me retrouver et... Et...
Il n'arrivait pas à finir sa phrase. Les neurones d'Eliel avaient depuis un petit moment court-circuitées, il n'arrivait pas à mettre de l'ordre dans ses pensées et tout se bousculait. Il était perdu, perdu comme jamais.
— Bordel t'aurais du te taire ! lui reprocha Loan en gémissant au sol.
— Il allait te tuer ! répliqua Hisae en se décollant du grand brun et en venant se poser à côté de son frère.
Eliel resta encore paralysé durant quelques secondes avant de s'enfuir lâchement.
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