Six.

— T'as des allergies ?

Eliel secoua la tête faiblement, l'esprit encore tourmenté mais légèrement moins en bordel. La mère d'Hisae lui tendit un petit cachet après avoir bandé et fait stopper le saignement de ses phalanges. Devant sa réticence à prendre la petite pilule, sa mère ajouta :

— C'est un calmant, t'en fais pas c'est des plantes, j'en prenais souvent avant...

— Ecoutez je...

— Je sais, le coupa-t-elle. Je sais, tu veux juste savoir pour Hisae, mais si tu veux écouter, je te veux en bon état, tu ne voudrais pas faire un malaise durant mon explication si ?

Résigné, il prit le calmant à base de plantes et le mit dans sa bouche, l'avalant avec le verre d'eau qu'elle lui avait donné. Il avait toujours le morceau de sucre à côté de lui, et la femme l'intima du regard de le manger. Désirant enfin passé aux choses sérieuses, il grimaça en le croquant et l'avalant. Elle finit par lui donner une cuillère de sirop pour sa gorge et s'installa enfin à ses côtés, prête à parler d'une chose qui, elle-aussi, la faisait énormément souffrir. Avant qu'elle ne débute, il eut la décence de lui demander d'aller voir Isys pour lui dire qu'elle pouvait repartir à la fac et qu'il récupérait sa voiture dès que possible.

Quand elle revint dans le salon, elle eut un long soupire, sûrement se préparait-elle à un monologue à venir.

— Avant toutes choses, je veux que ce que je m'apprête à te dire reste entre nous, mon mari ne doit rien savoir. Je vais t'en parler car... Tu me fais penser à moi quand on l'a adopté, je... Je devenais complètement folle et je ne veux pas te laisser comme ça, mais il faut que tu prennes conscience que je prends des risques à t'en parler... Je sais que t'es un ami de très longues dates, que mes enfants t'aiment beaucoup et tes parents sont des amis proches, mais je veux que tu me promettes d'en parler à personne.

— Je vous le promets, lâcha sincèrement Eliel.

— Bien.

Elle ramena ses jambes contre elles en s'asseyant sur le canapé, à quelques centimètres de lui. Elle ne le regardait pas, elle fixait un point invisible au sol, se concentrant probablement sur ses mots futurs.

— Je ne sais pas si tu y crois à toutes ces choses, mais un jour, moi et mon mari avions décidé d'aller dans le parc où nous allions toujours avec Loan, il s'était mis à pleuvoir soudainement et contrairement aux autres fois, nous n'avions pas fait demi-tour, sans nous consulter, nous avions continué à rouler en silence. Ce jour, l'atmosphère était particulière lourde, personne ne parlait et même Loan était calmé, ce qui était très rare quand il était enfant. Il jouait avec ses jouets sans bruit. Cependant, sur le chemin que l'on prenait chaque jour, il y avait eut un accident routier, une moto avait percuté de plein fouet une voiture, il y avait énormément de monde autour, des policiers, des ambulanciers etc, mon mari a donc fait demi-tour pour prendre un autre chemin, et c'est là que nous sommes passés devant un orphelinat, dont nous n'avons jamais vu jusqu'ici depuis que nous habitions ici. Sans s'en rendre compte, il avait ralenti en passant devant. Quand nous sommes arrivés au parc, la pluie s'était arrêtée et Loan s'était remis à crier dans tout les sens, tandis que nous, nous parlions de cet orphelinat, de notre envie d'avoir un deuxième enfant. Je suis une personne très superstitieuse et je suis persuadée que nous ne sommes pas passés devant cette bâtisse pour rien, alors d'un commun accord, nous avions téléphoné à l'orphelinat et le rendez-vous était pris.

Les mains d'Eliel s'étaient mises à trembler une nouvelle fois, le pire était à venir et sa mère reprenait sa respiration, il pouvait apercevoir les larmes dans ses yeux qui menaçaient de couler à tout moment en se remémorant ce moment douloureux de sa vie.

— Un mois plus tard, nous l'avions rencontré... J'ai rencontré mon fils, j'ai su, dès l'instant où nos yeux se sont croisés, qu'il était mon fils. Nous avions discuté avec ceux qui s'occupaient de lui, on lui a parlé et même s'il n'osait pas s'approcher au début, je pouvais voir qu'il nous lançait des regards curieux. Il avait trois ans, il était maigre... Très maigre. On nous a gentiment fait comprendre qu'il serait plus simple pour nous d'adopter un petit bébé, qu'Hisae avait des soins à suivre ainsi qu'un suivi psychologique très important, qu'il n'était pas comme les autres enfants de son âge, mais on s'en fichait, on voulait prendre le risque, il semblait mériter qu'on le prenne pour lui. Après plusieurs visites et le contrat signé, ils nous ont enfin expliqué son passé, ce qu'il avait subi...

Elle essuya ses yeux avec ses mains, ses cheveux cachant son visage.

— Ils... Ils nous ont appris qu'il avait été retrouvé dans un appartement désertique... Sur... Sur le point de mourir, des traces de strangulations, la respiration faible, les yeux clos et le corps raide. Des marques envahissaient tout son corps, mais les pires étaient ceux sur son torse... Il y avait des bleus, des hématomes qui recouvraient toute sa peau, des marques de brûlures, des choses vraiment horribles... Quand ils ont montré son buste, j'ai vomi comme jamais de ma vie, j'ai pleuré, tellement pleuré que c'en devenait douloureux. Lorsqu'ils m'ont annoncé que les parents n'avaient pas été retrouvé et que si on souhaitait toujours l'adopter après avoir entendu tout cela, on devrait partir de la ville où nous habitions et le cacher, ne parler à personne de ce que nous sachions pour ne prendre aucun risque. L'adoption a été plutôt rapide, nous avions mis deux ans avant qu'il ne puisse vivre chez nous, étant donné qu'il n'y avait eu aucune demande autre que la notre, et pendant ces deux ans, une horde de spécialistes nous avait suivi pour s'assurer que nous étions la famille parfaite pour lui, et durant ce temps, je m'étais rendue malade en imaginant toutes sortes de choses tordues à son propos, chaque fois que nous rentrions de l'orphelinat, je m'écroulai. Je ne dormais plus la nuit, je ne mangeais plus, je ne prenais plus goût à la vie, à tel point que mon mari m' proposé de stopper la procédure d'adoption... Il m'a menacé de tout arrêter si je ne me reprenais pas, étant lui-même au bout du rouleau après ses nombreuses et veines tentatives de me raisonner. Moi j'étais la pessimiste qui vivait dans le passé, cherchant sans cesses des informations, passant mon temps au téléphone avec les policiers pour avoir des informations, tandis que mon mari, était l'optimiste qui remettait le passé à sa place et qui souhaitait offrir un futur à notre enfant. Lui aussi était furieux, dévasté, mais il savait que l'on ne pouvait rien faire de plus que de lui assurer un avenir.

Eliel pencha la tête en arrière, ravalant difficilement sa salive. Il voulait entendre la suite et en même temps, il en était si effrayé. Il n'en supporterait pas davantage.

— Qu'est-ce... Qu'est-ce qu'ils lui ont fait ?

— Il a passé une série d'examens quand ils l'ont retrouvé, et d'après des spécialistes... Ses... Ces deux êtres horribles et inhumains auraient voulu en finir avec lui... Ils auraient tenté de le... De mettre fin à sa vie en partant.

Cette fois, un sanglot plus bruyant se fit entendre et le brun avait de nouveau envie de vomir. Son cœur se serrait, s'arrêtait, s'emballait successivement. Il avait mal, mal partout, si mal.

— D'autre marques étaient plus anciennes, ce qui confirmaient qu'il a été battu... Ils ne savaient pas comment exactement, mais ils ont dit qu'ils avaient probablement utilisé des objets, des armes, certaines blessures étaient trop profondes pour que ce soit de la main d'un homme, puis les brûlures montraient qu'ils ne se contentaient pas seulement de le frapper...

Il se pencha, tête vers le sol et posa sa main libre sur son estomac, des nausées  le prirent de court.. Aussitôt, une main vint se loger dans son dos et exerça de fines pressions pour le rassurer.

— Je crois qu'il serait mieux qu'on... Qu'on s'arrête là, annonça la mère de son meilleur ami.

— Est-ce que... Est-ce qu'ils ont abusé de lui ? demanda-t-il avec toute la force qu'il lui restait, la voix nouée et fermant ses paupières, la peur sourde d'une réponse positive.

— Non ! Non, il a passé de nombreux tests et aucun ne révèle de... Il n'a pas été... Violé.

Un énorme poids se retira de son cœur, il se sentait toujours mal, mais de savoir qu'ils ne l'avaient pas violé le rassurait. Cela ne le dissuada tout de même pas d'avoir envie de les tuer de ses propres mains. Tout ce qu'elle lui avait dit tournait en boucle dans sa tête, il n'arrivait plus à stagner son regard et ses pupilles vacillaient dangereusement. Encore une fois, il avait besoin de voir Hisae, de s'assurer qu'il aille bien. Il avait tellement envie de tout changer, de lui enlever toutes ses cicatrices, de lui donner une vie heureuse, de le protéger, de le rassurer en lui promettant que plus jamais, il n'aurait à subir ces monstruosités.

Deux mains vinrent se poser sur ses joues et sa tête fut tournée vers celle de la femme, ses yeux rougis dans les siens, dans le même état.

— Ecoute moi Eliel, je sais que tu tiens à mon fils, je sais que tu l'aimes énormément et que c'est extrêmement difficile pour toi d'apprendre ça, mais s'il te plaît, ne fais pas comme moi, reprends toi, Hisae est bien aujourd'hui, il a une bonne vie, des amis sur qui compter, une famille qui l'aime, un grand frère et son meilleur ami au petit soin pour lui, ne te rend pas malade pour ça... Non seulement ça te fera du mal à toi, mais aussi à Hisae, tu vas lui rappeler son passé et ses crises d'angoisses vont revenir plus nombreuses et conséquentes. Hier... Il en a fait une en te voyant fuir, il a pensé que ça te dégoûtait, que tu ne voulais plus le voir et pourtant... Quand mon mari a annoncé qu'il ne voulait plus jamais te voir ici suite à tes actes envers Loan, Hisae est sorti de ses gongs et t'a défendu, il a dit que tout était de sa faute, que s'il avait porté un t-shirt, rien de tout ça ne serait arrivé. Il t'aime beaucoup tu sais, tu es le seul qui ait le droit de le toucher... Alors s'il te plait Eliel, reprends toi, pour toi, mais aussi pour lui.

Comment pouvait-elle lui demander de ne pas se sentir mal ? Comment pouvait-il apaiser ses sentiments destructeurs en lui après avoir appris ça ? Cependant, elle avait raison sur le fait qu'Hisae allait être mal en le voyant dans cet état, ça allait empirer les choses. Il ne pouvait pas lui faire subir ça. Mais comment... Comment trouver un semblant de paix intérieure ? Il était effrayé, angoissé, furieux, peiné, une déferlante de sentiments tous plus dévastateurs les uns que les autres.

Cependant, une nouvelle question s'imposa à lui : pourquoi réagissait-il comme ça ? Il trouvait normal de se sentir mal, il appréciait énormément le petit frère de son meilleur ami et humainement, on ne pouvait qu'être touché par une histoire pareille, mais l'être au point de s'en rendre malade...

Sa question eut le dont de l'apaiser un peu, mais vraiment très peu.

— Quand... Quand est-ce qu'il rentre ?

— Euh, à trois heure je crois, dans une heure. Tu veux l'attendre ? proposa doucement sa mère.

Il hocha la tête.

— D'accord, mais dans ce cas là, va dormir, je te réveillerai quand il sera là.

Il s'apprêtait à répliquer, mais elle le devança, se relevant déjà du sofa.

— Si Hisae te voit comme... Dans cet état, il va s'inquiéter et je n'en ai pas envie, puis tu as besoin de sommeil. Juste une heure, je ne te demanderai pas plus.

La mère de son ami était intelligente, elle savait où appuyer exactement pour le faire céder. Il suffisait simplement d'y inclure Hisae et il acceptait dans la seconde suivante, même s'il était presque certain de ne pas trouver le sommeil. Elle l'aida à se relever et sans dire mot, le conduit dans la chambre du plus petit, alors qu'il dormait toujours dans celle de Loan en temps normal, mais il était bien trop satisfait pour redire quoique ce soit. Il s'allongea dedans à son aise, la mère demanda s'il ne désirait rien puis partit. Quand elle referma la porte derrière elle, il se jeta presque sur son coussin et enfouit son nez dedans, respirant tel un drogué son odeur. Il remonta les couvertures sur lui, sa peau frissonnante. Il se releva un peu pour retirer sa boucle d'oreille qui commençait à lui faire mal et le posa sur le bureau, sauf qu'une photo attira son œil. Il la prit dans ses mains et bloqua pendant quelques secondes dessus. C'était lui et son petit frère à la maternité, comment avait-il pu l'avoir ? Elle était dans son téléphone et il ne l'avait mise que sur... Facebook, bien sûr ! Il eut un maigre sourire en se rappelant son historique, et trouvait ça adorable qu'il avait une photo de lui à côté de celles de sa famille. Il se recoucha et serra le coussin dans ses bras.

Contrairement à se qu'il craignait, il réussit à s'endormir, sans doute avait-il trop accumuler de fatigue. Cependant, quand sa conscience réapparue, il garda les yeux fermés et gémit en sentant que le coussin n'était plus dans ses bras, à la place, il sentait un poids sur ses cuisses et il remua d'inconfort.

— Eliel... Eliel je suis désolé, tout ça c'est ma faute... entendit-il murmurer avec tristesse.



J'allais continuer à écrire et mettre la scène toute mimi, puis je me suis dit que mon sadisme me manquait vachement, alors voilà ! mdr

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