Petit Spectre Disparu
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"Tu n'es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis."
Victor Hugo
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Il faisait beau et chaud, comme durant toute l'année, ici, en Espagne. Le vent, doux malgré l'hiver, soufflait doucement dans les feuilles des arbres. La famille Cielo se trouvait dans un parc magnifique, où l'herbe et les arbres s'étendaient à perte de vue autour d'un petit lac. Il s'agissait du Parque de la Paloma, un lieu agréable proche de chez eux.
C'était l'endroit préféré de la petite Lydia, âgée de six ans.
Ses parents, Sr. et Sra. Cielo, étaient assis confortablement sur un banc, heureux de voir leurs enfants s'amuser.
L'un des deux garçons de quatorze ans, Marco, demandait sans cesse à son frère et à sa sœur de jouer au basket-ball avec lui. Ceux-ci étant occupés et n'obtenant donc pas de réponse, il abandonna la partie et entreprit de grimper à l'arbre le plus proche, pour « s'exercer à l'escalade ».
Son frère jumeau, Ronaldo, jouait de la guitare au bord du lac, avec une certaine habilité. Il accompagnait la plus jeune, Lydia, qui chantonnait d'une jolie petite voix fluette. La fillette courait, ses petits pieds nus faisant gicler l'écume naissante, créant de jolies gouttelettes qui, sous le doux soleil d'hiver, se transformaient en perles de lumière.
Ennuyé par un manque d'attention évident, Marco sauta avec souplesse de son perchoir et, louvoyant entre les grands arbres aux feuilles dansantes sous le chant du vent, il s'approcha avec discrétion de sa fratrie. Le garçon se tapit derrière un grand chêne des marais, épiant le concert improvisé de Lydia et Ronaldo, et se mit à attendre le bon moment.
Les deux autres enfants, ne se doutant de rien, continuaient à jouer, à chanter et à sauter dans l'eau glacée du point d'eau. La Señora Cielo demanda alors à sa progéniture :
« Les enfants ! Voulez-vous qu'on aille voir les animaux ? »
Personne ne répondit. À l'évidence, Marco, Ronaldo et Lydia étaient trop occupés.
En fait, les deux derniers s'étaient tournés vers leur mère, mais leur frère en avait profité pour sortir doucement de sa cachette et trottiner sans bruit derrière eux. Soudainement, il poussa un rugissement et se jeta sur son frère et sa sœur, les faisant tomber entièrement dans l'eau froide.
Ils hurlèrent, avant d'éclater de rire.
« Je crois qu'ils s'amusent trop pour t'entendre, Alice ! » constata le père de famille, un grand sourire aux lèvres.
Lydia et Ronaldo se retournèrent vers leur frère pour se venger. Mais, discrètement, celui-ci fit un clin d'œil à son jumeau, qui comprit. Ensemble, les deux aînés se jetèrent sur leur cadette pour la marteler de chatouillis, dans le but de la faire rire.
Comme Ronaldo aimait ce rire, aiguë et cristallin, ce joli rire de petit ange qui semblait rester en suspens dans l'air ! Ces chants, ces rires, ces cris de joie, tout semblait être un beau rêve éternel.
Mais, bientôt, le vent les emporta au loin et les bruits s'estompèrent. Tout comme le bonheur, le son est éphémère, il ne dure pas.
Et, d'un rêve, on finit toujours par se réveiller.
***
Ronaldo ouvrit lentement les paupières. Il était dans son lit, vêtu de son pyjama cerise et blanc, son préféré, celui qu'il avait reçu de son père.
Il jeta un coup d'œil à ce qui se trouvait autour de lui : une pièce sombre aux murs gris ayant l'aspect lugubre ; une grande table de bois clair, de forme carrée, placée au centre de la pièce ; un vieux tapis ; une grande et longue fenêtre ornée de longs rideaux, laissés légèrement ouverts au milieu et trainant dans la poussière...
Et puis, de l'autre côté de cette fenêtre, un lit, en tout point semblable au sien. Dans ce lit se trouvait un autre garçon, aux mêmes cheveux châtains que lui, au même teint hâlé que lui, qui gesticulait dans son sommeil, sans doute en proie à un cauchemar.
Et, à côté de ce lit... un fauteuil.
Ce maudit fauteuil qui n'aurait jamais dû être ici. Ce fauteuil qui lui rappelait chaque jour la douleur, le manque, l'absence...
Durant la journée, Ronaldo restait fort.
Il faisait tout pour que son frère ne retombe pas dans sa dépression, pour que sa voix ne tremble pas lorsqu'il parlait au téléphone avec sa mère, chaque soir. Il ne voulait pas que ses camarades de classe, qui les observaient déjà, son jumeau et lui, avec de la pitié dans le regard, le croient faible.
Mais, quand venait la nuit, tout, dans les ombres dansantes sur les murs gris et lugubres, dans le bruit des voitures lointaines qui vrombissaient, dans les étoiles qui brillaient par le morceau de fenêtre laissé découvert, dans ce maudit fauteuil...
Tout les lui rappelait.
Eux, ainsi que ce jour funeste, ce samedi 2 juillet 2022, cette date qu'il n'oublierait jamais. Cette date qui, au moyen d'une voiture en contresens sur l'autoroute, devint la dernière de leur existence.
Ce drame qui l'avait réduit au silence, elle qui chantait à tûte-tête durant toute la longueur de sa courte vie, elle qui chantait à tûte-tête encore dans ses rêves.
Ronaldo se mit à pleurer.
Son départ à elle avait été plus dur que celui de son père. Le garçon avait toujours été plus proche de sa petite sœur que de son géniteur. Elle avait une telle joie de vivre, et une si longue vie devant elle...
Mais tout s'était éteint, et si vite !
Sa Lydia...
Ayant peur de réveiller Marco, son frère décida de sortir dans le parc. Tant pis pour le couvre-feu, il avait un besoin fou de prendre l'air.
Traversant les couloirs, il sursauta au moindre petit bruit, au moindre mouvement d'un rayon de lune éclairant les murs. Rapidement, il arriva près de la lourde porte de chêne de l'entrée, qu'il ouvrit précautionneusement avant de sortir dans la nuit.
En lieu de parc s'étendait une vaste étendue d'herbe verte. Tout au bout de celle-ci, on apercevait l'ombre menaçante de grands arbres. Ces arbres-là n'avaient rien à voir avec ceux du Parque de la Paloma, l'endroit où il venait, avant, avec sa famille.
L'endroit où il avait été heureux. L'endroit qui hantait encore ses rêves.
Non, cette forêt-là était sombre et peu accueillante. Pourtant, Ronaldo l'arpentait souvent. C'était justement le type de lieu dont il avait besoin, où l'on pouvait se défouler, enterrer sa peine et le vide de son cœur pour mieux sourire et rayonner à l'internat.
Alors, l'espagnol de bientôt seize ans se mit à courir. Courir à en perdre haleine. Courir à en perdre la tête.
Courir, pour oublier, un simple instant, son absence.
Ses pieds foulaient à peine l'herbe tendre et humide, nimbée d'éclats de lune qui lui donnaient des reflets argentés. Il était en parfaite harmonie avec le vent, qui agitait ses boucles brun clair. Qui l'avait vu à cet instant-là n'aurait pas annoncé qu'il courait.
Non, il ne courait plus : il volait.
Le garçon continua ainsi en arrivant à l'entrée de la forêt, zigzagant agilement entre les pins d'Alep. Enfin, arrivant dans une petite et calme clairière, Ronaldo se laissa tomber sur le sol, s'écorchant les genoux au passage.
Et là, il craqua.
Ses larmes coulèrent à nouveau, de plus en plus vite, comme pour fuir une douleur trop forte.
En temps normal, l'adolescent était celui qui semblait tenir le coup, qui remontait le moral de sa famille. Celui qui rayonnait le plus, même quand la lumière semblait s'être éteinte. Mais, en réalité, il était celui qui souffrait le plus.
Car, voyez-vous, Ronaldo Cielo culpabilisait du malheur de sa famille. De l'accident qui était survenu le samedi 2 juillet 2022, il était le seul à s'en être sorti indemne.
Pourquoi lui, alors que sa mère était devenue aveugle, le visage défiguré, et dont l'avant-bras mutilé avait dû être amputé ? Alors que son frère était désormais paralysé ? Alors que son père, enfoncé avec son siège par la maudite voiture, était mort ? Alors que sa petite sœur était partie, la gorge tranchée par des morceaux de vitre ?
Pourquoi, alors qu'il était bien portant, qu'il avait eu la responsabilité de sa famille rescapée entre les mains, n'avait-il pas réussi à la garder unie près de lui ?
Larmoyant, il se redressa pour regarder les étoiles, ces petites sphères froides et intimidantes qui, autrefois, faisaient son bonheur et celui de sa sœur. Ces affreux bourreaux qui rappelaient cruellement à Ronaldo l'absence de Lydia.
Aujourd'hui, la fillette souriante et radieuse était parmi elles. Elle était sûrement la plus brillante, la moins froide.
Fou de chagrin et espérant qu'elle puisse l'entendre, de là-haut, l'anciennement grand frère hurla, tel un loup sous la pleine lune :
« Lydia. LYDIA ! Pourquoi a-t-il fallu que tu t'en ailles ? REVIENS ! »
Mais seul l'écho, porté par le vent, lui répondit.
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