Un nom prédestiné...
Assis dans le carré VIP Robin ne prêtait que peu d'attention à la jolie blonde accrochée à son bras. Elle avait beau lui roucouler des mots doux avec son accent slave si sexy, elle ne lui faisait aucun effet. Depuis 10 ans qu'il surfait avec le succès, il s'était gavé de tous les plaisirs que sa notoriété pouvait lui offrir : des filles toutes plus jolies les unes que les autres prêtes à tout pour être vues à son côté, des fêtes orgiaques, des hommes d'influence qui lui tapaient dans le dos, l'alcool, les cercles de jeux illégaux...
Oui, il s'en était gavé.... mais il en avait fait le tour, cependant après 10 ans de cette vie, il ne savait plus comment faire machine arrière et n'en avait même pas l'envie, au fond il n'avait plus beaucoup d'envies.
Là, au milieu de la musique hurlante, des corps qui se déhanchaient, il laissait ses yeux et son esprit vagabonder. Et sans même y penser il se revit quelques années auparavant jonglant avec les petits boulots pour tout juste réussir à survivre. Parti trop tôt de chez lui, poussé par un trop fort sentiment d'indépendance, il avait coupé les ponts avec sa maigre famille, ses amis d'enfance, voulant prouver à tous qu'il pouvait se débrouiller seul. Et il avait réussi... mais à quel prix...
Il n'avait plus aucun lien avec son père, il ne savait même pas si le vieux était toujours vivant. Il n'avait revu personne de son ancien quartier et ne comptait pas y remédier. En quittant la relative sécurité de celui-ci il avait connu le pire : dormir dehors, des jours et des jours le ventre vide, offrir du réconfort à quelques vieilles dames en échange d'un maigre billet, mais même dans ces conditions il ne parvenait pas à vivre. Et la descente aux enfers se poursuivait irrémédiablement, les mauvaises fréquentations, les nuits d'ivresse pour oublier son quotidien, le bon copain qui propose une poignée de pilules colorées pour adoucir sa vie,une fois, deux fois... puis l'heure des comptes avait sonné, l'incapacité de payer suivie d'un passage à tabac particulièrement long et douloureux.
Et paradoxalement c'est cet instant clef de sa vie qui l'avait sauvé. En effet, le chef du gang venu des pays de l'est qui gérait le trafic de drogue dans son quartier avait été étonné de son endurance sous les coups et l'avait pris sous son aile. Alors, pas avec tendresse comme on recueille un chaton abandonné, mais plutôt comme on acquiert un rottweiler particulièrement hargneux afin d'organiser des combats clandestins dans les sous-sols crasseux.
C'est ce que fut sa vie pendant plusieurs mois, traité comme un animal, trainé plus bas que terre, beaucoup n'auraient pas survécu. Mais lui, entretenait sa hargne pour rester debout, il avait profité de n'être rien ni personne pour observer la bande, son mode de fonctionnement, les règles implicites de ce milieu. Et petit à petit, il avait réussi à gagner leur respect en restant invaincu et leur confiance en s'associant aux bonnes personnes. Et au bout de 3 ans, il avait fini par retrouver sa liberté, enfin une liberté toute relative car on ne sort jamais totalement de ce milieu.
En pariant sur ses propres combats il avait amassé assez d'argent pour se loger et se nourrir quelques temps. Il avait toujours refusé d'entrer dans la vente de drogue ne voulant plus jamais côtoyer la lie de la société. Ses relations lui avait permis de trouver des emplois dans le monde de la nuit : bars, boîtes de nuit... son côté ténébreux s'y accordait à merveille. Et cela lui laissait ses journées pour une passion, voire un besoin vital qu'il s'était découvert afin d'exorciser ses démons : l'écriture.
Il avait rempli des pages et des pages, manuscrites au départ, puis dactylographiées quand il avait pu investir dans un petit ordinateur portable. Afin de vider sa tête, son coeur et son corps de ce passé, pas si lointain, il y passait des heures, ne dormant que très peu.
Il aurait pu se contenter de cette vie mais le milieu huppé qu'il cotoyait lui avait donné envie de plus et il se sentait capable de tout pour ne pas revivre ses années de galère. Aussi il comprit assez rapidement qu'en couplant son besoin d'écrire avec la nouvelle vague de romans noirs, assaisonés d'une pincée d'érotisme il pourrait vivre enfin libéré de toute pression financière.
En deux mois il avait bouclé son premier manuscrit, l'avait présenté à un éditeur à succès qui fréquentait la boîte où il travaillait. Celui-ci fut enthousiaste, le texte, rapidement remanié et mis sous presse, trouva sa place très naturellement au top des ventes. Son esprit vif couplé à l'avidité de son éditeur firent des merveilles, ses romans emplissaient les salons des ménagères de moins de 50 ans, son compte en banque débordait et il pouvait enfin profiter de la vie telle qu'il l'avait toujours voulu : sex, money and rock & roll...
Et c'est ainsi que, comme presque tous les soirs, il se retrouvait dans ce carré VIP entouré des mêmes blondes pulpeuses, des mêmes amis intéressés, à boire les mêmes alcools en riant à gorge déployée.
Tout à coup, malgré les corps remuant sur la musique assourdissante, il frissonna intensément. Mû par un instinct animal son regard parcouru la salle et il percuta les yeux glacés de son ancien "patron". Pourquoi Ivan était il ici ce soir? En un peu plus de 10 ans il ne l'avait jamais revu, était-ce une coincidence? Robin n'y croyait pas. N'étant pas du genre à attendre, il se délesta de la sangsue blonde et se dirigea vers Ivan et ses acolytes. Celui-ci ne le quittait pas des yeux pendant que ses hommes de mains le reluquaient avec des regards dédaigneux qui n'annonçaient rien de bon pour l'écrivain.
Lorsque Robin fut à portée de voix Ivan dit simplement "suis moi" d'un ton qui avait l'habitude d'être obéi sans attendre. Retrouvant ses reflexes Robin s'éxécuta et emboita le pas du chef de gang. Ils suivirent un défilé de couloirs sombres et finir leur course dans une ruelle crasseuse à l'arrière du batiment. Quatre gorilles entourèrent l'auteur à succès de très près, bloquant son corps par leur proximité. Il sentit que la situation était inextricable et que ses chances de s'en tirer étaient proches de zéro. Ivan prit tout son temps pour lorgner en silence l'écrivain, il aimait mettre en place une ambiance dramatique, il avait toujours était très sensible à la théâtralité des situations, son petit côté artiste...
Puis son regard se fixa sur celui de Robin, il etait dur comme de l'acier et totalement inexpressif. Il avança la main vers un de ses sbires qui lui remit une photographie, il la tendit pour que l'auteur puisse l'examiner et après un temps assez long il prit la parole :
- Tu la reconnais?
L'auteur secoua négativement la tête.
- Aliona, ça ne te dit rien?
Même reponse.
- C'est la petite-fille d'un des principaux parrains de la mafia russe. Le joyau de sa couronne, la prunelle de ses yeux.... et depuis 15 jours elle pleure toutes les larmes de son corps parce qu'un auteur à succès l'a utilisée pour satisfaire ses pulsions sexuelles et la renvoyée au petit matin. Tu comprendras que papi est très en colère et demande réparation. Alors il m'a demandé de te prendre ce qui t'est le plus cher.
Cette tirade fut suivie d'un long silence des deux parties. Ivan, fier de sa mise en scène, patientait afin de laisser le temps à Robin de s'imprégner de la gravité de la situation et de faire défiler dans son esprit ce qui avait assez d'importance pour effacer sa dette. Il savait que son argent ne les intéressait pas et comme il n'avait pas d'attache ils n'avaient aucun intérêt à torturer un de ses proches pour le faire souffrir. En voyant les lèvres du russe légèrement s'incurver il comprit que malgré cela ils avaient sans aucun doute trouvé un moyen de le mettre à terre de la plus cruelle des façons et qu'il ne pourrait pas s'y opposer. Prenant son mal en patience il prit donc le parti d'attendre que Ivan l'informe de la sentence.
Celui-ci ne prit pas la peine de prononcer une parole de plus, quand il estima que l'auteur avait assez mariné, il fit un signe de tête à ses hommes de mains qui attrapèrent l'écrivain, le trainèrent jusqu'à une sorte de muret où ils lui maintirnent les bras. Se refusant à hurler Robin avait les yeux exorbités et le souffle rapide. Il vit un cinquième homme, musclé comme un minotaure, passer de l'autre côté du muret et soulever une énorme masse qui brillait comme de l'argent poli sous les reflets de la lune. Robin ne pu s'empêcher de sourire en pensant cela malgré la situation des plus critiques. Mais celui-ci fut de courte durée car en un clin d'oeil l'outil s'abatit sur sa main droit dans un bruit immonde d'os broyés et de chair écrasée. La soufrance fut si brutale et si intense qu'elle lui coupa le souffle. Une seconde plus tard la main gauche subit le même chatiment et il sombra dans l'inconscience.
Les 4 hommes le laissèrent tomber au sol, Ivan s'adressa à lui une dernière fois.
- Les mains ne sont elles pas le trésor d'un auteur Robin Write?
...
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