S'enfoncer...
Assise sur la chaise en formica, la tête baissée, elle suivait des yeux les motifs végétaux de la toile cirée qui habillait la petite table. N'importe quelle personne de son age aurait trouvé ce decor très désué, mais pour Pauline c'était le plus beau sur Terre. N'ayant jamais connu son père, c'est dans ce vieil appartement qu'elle avait toujours vécu avec sa mère et son aïeule. Une vie simple mais heureuse, entourée de l'amour de ces deux femmes qui lui avaient enseigné le bonheur des choses simples, la joie d'être entourée et la pleinitude qu'apportait le don de soi.
Un premier coup avait fissuré cette douceur lorsque sa mère les avait quittée brutalement, il y a 5 ans, fauchée par un automobiliste sous l'emprise de l'alcool. Outre la souffrance et le vide qu'avait engendré sa disparition, elle était la seule à avoir un emploi et elle laissa la famille dans une situation financière plus que critique. En effet, âgée de 16 ans, Pauline travaillait de tout son coeur pour réussir ses années lycée et la petite pension de sa grand mère leur permettait à peine de payer le loyer et de se nourrir chichement. Dès qu'elle le pouvait la jeune fille n'hésitait pas à rendre service à ses voisins en échange de quelques pièces qui leur permettaient d'égayer leur quotidien mais aussi d'économiser en vue de ses études supérieures. En effet elle rêvait de s'engager dans une licence de lettres anciennes à sa sortie du lycée, elle espérait pouvoir se le permettre et elle savait que sa grand-mère mettrait tout en oeuvre pour le lui rendre possible.
Poussée par ses espoirs et l'amour de la vieille dame, elle remonta lentement la pente et reprit sa vie en main. Les quatre années suivantes furent presque belles malgré le vide laissé par sa mère mais elle ne voulait pas céder à la nostalgie et profitait du moindre temps libre pour effectuer des petits travaux et soulager son aïeule. L'année précédente, l'obtention de son diplôme fut de nouveau très difficile car la vieille dame prit froid en début d'hiver et ne se départit pas de sa toux pendant de longs mois. Malgré les demandes répétées de sa petite fille elle refusait d'appeler le médecin, se soignant de tisanes et autres cataplasmes. Prise par ses examens et ses différents emplois, Pauline ne détecta la gravité de la situation que trop tardivement. Le docteur appelé en urgence décida de faire hospitaliser la patiente, mais son état de santé déjà critique ne put s'améliorer. Elle succomba le lendemain du dernier examen de Pauline, la laissant triste, seule et démunie. En à peine un mois son maigre pécule avait totalement disparu face aux frais du quotidien et aux obsèques de sa grand-mère.
Toutes ces raisons expliquaient qu'elle se retrouvait aujourd'hui, dépitée, assise dans cette petite cuisine, le coeur en lambeaux et l'esprit en ébullition à chercher comment survivre, l'idée de pouvoir intégrer son master en septembre déjà presque oubliée.
Le souvenir des deux femmes fortes qui l'avaient élevée lui redonna un élan de courage, elle prit une longue inspiration et déplia le journal de petites annonces qu'elle avait pris devant la boulangerie et comme tous les jours maintenant elle chercha l'emploi qui pourrait la sauver...
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