ROOM 408
ACTE I , SCÈNE 1 : DEBOUT
Le rideau s'ouvre. La scène est éclairée par quatre projecteurs bleus, pointés sur quatre personnes, deux hommes et deux femmes, les yeux clos, allongées chacune dans un coin. Un cinquième projecteur rouge éclaire une petite cabine transparente en verre, au centre. Dans la cabine est fixé un micro. On entend des bruits métalliques. Fixé sur toute la hauteur et toute la largeur du lointain (fond de scène), un écran diffuse des symboles inconnus.
Les bruits de fond métalliques s'arrêtent , les spots s'éteignent, et HOMME 1, le plus proche du bord de scène, côté jardin, ouvre les yeux et se lève. Il semble perturbé et s'avance silencieusement jusqu'à la rampe (bord de scène), projetant son regard au loin, derrière les spectateurs. Il se retourne, voit les trois autres et s'avance vers FEMME 2, au fond côté jardin. Il passe sa main au-dessus du visage de FEMME 2, l'agite de gauche à droite, observe la femme de long en large. Il se retourne, s'approche de HOMME 2, en face, au fond côté cour, et fait de même. Enfin, il contourne le dernier individu, FEMME 1, du même côté mais proche de la rampe. Quand il approche son visage tout prêt du sien, elle cligne des yeux et ouvre grand la bouche, s'apprêtant à crier. Mais HOMME 1 l'en empêche en appuyant sa paume gauche sur la bouche de FEMME 1. Au bout de quelques secondes, il relève sa main, se redresse tout en continuant de la regarder et applique un index sur ses lèvres.
FEMME 1 se lève. FEMME 2 et HOMME 2 se reveillent à leur tour, se lèvent et dévisagent FEMME 1 et HOMME 1. Celui-ci répète son geste dans leur direction, les incitant à ne pas prendre la parole. HOMME 2 secoue la tête et fronce le regard. Il prend une profonde inspiration et s'approche de HOMME 1 avec vigueur. Il le pousse vers le bord de la scène. Les deux femmes s'interposent et les séparent. Un grésillement se fait entendre depuis l'écran géant. Les quatre protagonistes se tournent vers le fond. Les symboles disparaissent et l'écran affiche désormais :
"R O O M 4 0 8".
ACTE I , SCÈNE 2 : THÉORIES
Les quatre protagonistes se regardent perplexes. L'écran change à nouveau et affiche plusieurs phrases qui s'écrivent lettre par lettre : "Restez silencieux ou vous mourrez. Ne communiquez pas ou vous mourrez. Trouvez la vérité ou vous mourrez."
FEMME 1 tombe à genoux, toute tremblante, les mains sur le visage et commence à pleurer. FEMME 2 se précipite à ses côtés et tente de la réconforter. HOMME 1 fait des mouvements avec les mains pour les inciter à faire moins de bruits. HOMME 2 lève les yeux au ciel et hoche la tête de gauche à droite en faisant une grimace.
Sur l'écran, les instructions disparaissent et d'autres phrases s'écrivent à leur place : "Chacun a le droit à une théorie. Vous pourrez vous exprimer seul dans la cabine. Les autres ne sauront pas ce qui y a été dit. Si vous détenez la vérité, vous retrouverez la liberté."
Tous se tournent vers le centre de la scène. Le projecteur éclairant la cabine transparente change de couleur et passe du rouge au vert. A ce moment, un nouveau son métallique retentit, faisant sursauter FEMME 2 et HOMME 2. Celui-ci s'avance jusqu'au devant de la cabine, frolant FEMME 1 sans se soucier d'elle. HOMME 1 le regarde les yeux embués et baisse la tête, fixant le sol. La porte de la cabine s'ouvre toute seule. HOMME 2 entre dedans et la porte se referme. HOMME 2 tapote sur le micro, qui relaie le son dans la salle. HOMME 1 et FEMME 2 l'observent avec curiosité, tandis que FEMME 1 continue de pleurer, assise la tête entre les genoux. Pendant que l'homme parle, le public l'entend via des haut-parleurs, alors que FEMME 2 et HOMME 1 se toisent du regard en fronçant les sourcils, chacun assit d'un côté de la scène.
HOMME 2, empoignant le pied du micro avec force : Je sais qui vous êtes, bande de salopards ! C'est clair, c'est un coup des aliens ! Je le savais, j'en étais sûr ! Personne ne veut me croire, mais maintenant je peux le prouver, plus personne ne me rira au nez. Par contre, je me demande comment vous réussissez à communiquer avec nous dans notre langue ... Sûrement avec l'aide des illuminati. Je suis persuadé que c'est Kubrick qui a créé cette pièce. Vous êtes sur notre planète depuis Roswell, c'est ça, hein ? Oui, c'est clair, c'est moi qui détient la vérité. Je vais faire le buzz sur mon blog d'ufologie ! Bon allez, dites moi les Bogdanov là, vous allez faire quoi maintenant ? Nous injecter un virus élaboré en laboratoire ? Prendre possession de nos corps ? Insérer des puces 5G dans nos cerveaux ? J'me laisserai pas faire, sales E.T. de merde !
La porte s'ouvre et HOMME 2 sort de la cabine. FEMME 2 lui lance un regard et hausse les sourcils. HOMME 2 lui répond par un sourire, confiant. Un spot l'éclaire soudainement d'une lumière blanche. Les bruits métalliques se font à nouveau entendre, à la fois mélodieux et angoissants. Le spot devient rouge et HOMME 2 écarquille les yeux pendant que HOMME 1 ferme les siens. HOMME 2 tombe et se retrouve face contre terre. FEMME 2 se précipite pour l'aider, mais HOMME 1 la retient, faisant non de la tête. Brusquement, HOMME 2 se fait tirer par les pieds vers l'extérieur, via un câble invisible. Alors qu'il se met à crier, il disparaît complètement derrière un des pendrillons du côté cour. Il réapparaît inerte, le corps glissant mollement jusqu'au fond de la scène.
FEMME 1 et FEMME 2 se retiennent d'hurler en se plaquant les mains sur la bouche. FEMME 1, toujours au sol, recommence à pleurer en poussant de très légers gémissements. FEMME 2 s'avance pour entrer à son tour dans la cabine, mais HOMME 1 tente de l'en empêcher en se postant devant elle et en lui tenant les épaules. FEMME 2 le repousse violemment, déterminée. La porte en verre s'ouvre et elle pénètre dans la cabine. La porte se referme, FEMME 2 se penche, tremblante pour s'approcher du micro. Pendant qu'elle parle, les deux autres ne se regardent pas et ne l'entendent pas. HOMME 1 part au fond de la scène et examine le corps de HOMME 2.
FEMME 2 : Je sais ce qu'il se passe. Ça parait évident, c'est lui. C'est le mec qui était déjà debout quand on s'est réveillé. Je ne lui fais pas confiance. Quand on s'est réveillé, il nous a fait signe de nous taire. On ne se connait pas et on ne s'est pas parlé. Pourtant, il savait qu'il ne fallait pas qu'on parle, avant même que l'écran affiche les consignes. Je suis sûre que c'est lui qui a monté tout ça. C'est un psychopathe, ce type ! Je me demande pourquoi il nous a choisi, nous. Je n'ai rien à me reprocher, je suis une personne normale et je n'ai jamais fait de mal à personne. Je ne mérite pas de crever ici, dans cette pièce poussiéreuse. Je pense qu'il a compris que j'ai compris. J'ose même pas imaginer ce qu'il a prévu de faire ensuite. Ce que je sais en tout cas, c'est que je ne veux pas mourir. J'espère qu'il respectera le marché. J'ai deviné la vérité, alors j'ai gagné le droit de sortir d'ici vivante. Si la lumière rouge se pose sur moi, je lui fais la peau !
La porte s'ouvre et FEMME 2 sort de la cabine. Elle lance un regard noir à HOMME 1 qui se lève. Elle choisit de se poster à côté de FEMME 1, s'éloignant au maximum de HOMME 1. Les deux femmes sursautent quand un spot l'éclaire d'une lumière blanche. Les bruits métalliques retentissent et le spot devient rouge. FEMME 2 affiche un air très surpris. FEMME 1 s'écarte rapidement d'elle en se trainant au sol. FEMME 2 tombe et se retrouve face contre terre, se fait tirer par les pieds vers l'extérieur, via un câble invisible. Alors qu'elle se met à crier, elle disparaît complètement derrière un des pendrillons du côté jardin. Elle réapparaît inerte, le corps glissant mollement jusqu'au fond de la scène.
ACTE I , SCÈNE 3 : EN FINIR
FEMME 1 se relève et inspire profondément. Alors qu'elle se dirige vers la cabine, toujours éclairée par une lumière verte, HOMME 1 la dépasse et la regarde intensément dans les yeux. FEMME 1 recule en clignant des yeux et HOMME 1 entre dans la cabine. A son tour, il empoigne le micro alors qu'il se fait enfermer à l'intérieur.
HOMME 1 : Vous croyez vraiment que je vais jouer à ce petit jeu ? Vous croyez vraiment que je vais tomber dans votre piège une nouvelle fois ? Je crois que les autres ont remarqué que je savais ce qu'il se passerait. Mais j'en ai marre. Vous entendez ça ? J'en ai marre ! Laissez-moi tranquille, maintenant ! Je sais ce que vous voulez entendre, mais je vous dis que je ne jouerai pas, cette fois ! C'est fini pour moi. Je le sais. J'en ai vraiment rien à taper de trouver ce qui se passe ici. Vous voulez que je dise une théorie ? Vous voulez entendre une certitude ? Vous êtes dingues. Vous êtes malades. Mais vous voulez savoir la seule vérité qui importe ? Je m'en fous de mourir. En fait, vous avez choisi le mauvais cobaye. Ma vie, c'était de la merde. Et je n'ai aucun regret à en finir, tout en jubilant de ne pas vous donner la satisfaction de me cramer la carcasse parce que j'ai refusé de suivre vos stupides règles de sociopathes ! Je suis sûr que vous nous regarder. Vous prenez plaisir à nous voir flipper et tenter de nous en sortir, hein. Vous qui nous observez, d'où vous êtes, je n'ai plus qu'une chose à vous dire. Vous n'êtes que des bouffons avides et névrosés. Ça vous plait, hein ?
Il regarde le public, comme attendant une réaction de sa part. La porte s'ouvre et HOMME 1 sort de la cabine. Une lumière blanche l'éclaire. Bien plus longtemps que les deux autres fois. Il fait un grand sourire à FEMME 1. Il se met à rire, de plus en plus fort. Le spot passe au rouge et il tombe à son tour. Il se fait tirer par les pieds vers l'extérieur, via un câble invisible. Alors qu'il continue de rire bruyamment, il disparaît complètement derrière un des pendrillons du côté cour. Il réapparaît inerte, le corps glissant mollement jusqu'au fond de la scène.
FEMME 1 se retrouve être la seule encore en vie sur scène. Elle fixe la cabine pendant deux minutes, hésitante. Le spot au-dessus de la cabine passe au rouge, avant d'éclairer à nouveau en vert. La porte s'ouvre et se ferme plusieurs fois. FEMME 1 se décide et pénètre dans la cabine. La porte se referme une dernière fois.
FEMME 1, en pleurs : J'en peux plus ! Pourquoi vous faites ça ? Je veux rentrer chez moi, je veux revoir ma maman, je veux que vous me laissiez tranquille. Je vous promets, je vais être sage, je vais rien dire à personne, je vous le jure ! C'est un cauchemar, un véritable cauchemar ! J'ai jamais voulu me retrouver ici, je veux pas mourir ! Par pitié, me tuez pas ! Je suis encore jeune, j'ai beaucoup d'imagination, si vous voulez, je peux vous être utile ! Mais laissez-moi vivre, s'il vous plaît ... Allez ... Allez, ressaisis-toi, ferme les yeux, c'est pas pour de vrai, c'est juste dans ta tête, c'est pas pour de vrai. Tout ça n'est jamais arrivé, allez, allez. C'est un cauchemar, c'est juste un cauchemar. Ces gens n'ont jamais existé, ils ne sont jamais morts, c'est dans ta tête, je te le jure. Allez, allez, c'est pas pour de vrai. Tu vas te réveiller et tout oublier. Allez. C'est un cauchemar, un véritable cauchemar !
Le spot vert s'éteint. L'écran affiche "VÉRITÉ", puis s'éteint également. Noir complet.
Rideau.
***
ACTE II , SCÈNE 1 : LIBRE
Le rideau s'ouvre. La scène est éclairée par un faible spot orangé.
FEMME 1 est couchée dans un lit, dans un studio. Une table et une télévision sont disposées du côté jardin. Une tasse et une lampe sont posées sur la table. FEMME 1 se réveille en sursaut, halletant. Elle se lève, se frotte les yeux et allume la lampe. Elle boit la tasse et se tient le torse, palpant son cœur. Elle respire profondément, allumant la télévision. Une voix retentit, celle d'un journaliste. On voit ce qui apparaît à la télévision via l'écran géant du fond de la scène.
JOURNALISTE : Les autorités sont très inquiètes suite à trois disparitions mystérieuses dans la ville. Deux hommes et une femme auraient été enlevés à leur domicile, hier soir. Leurs appartements ont tous été violemment saccagés. D'après le préfet, ces disparitions seraient liées les unes aux autres. Un symbole inconnu aurait été tracé avec du sang sur chacune des portes d'entrée des disparus. La ville est en surveillance accrue, car les autorités redoutent que d'autres individus soient enlevés. Faites très attention, n'oubliez pas de verrouiller vos portes.
La télévision s'éteint toute seule, suivie de la lampe. FEMME 1 se lève d'un bond. Des bruits métalliques se font entendre. Elle recule jusqu'au fond. Le spot s'éteint. Noir complet.
ACTE II , SCÈNE 2 : EVEIL
La scène est uniquement éclairée par un spot bleu, ciblant FEMME 1, allongée au sol, au bord de la scène. Elle se réveille et se lève. Trois autres spots bleus s'allument, éclairant trois autres personnes, HOMME 1, FEMME 2 et HOMME 2, allongés. Un dernier spot s'allume, projetant une lumière rouge sur une cabine au centre de la scène.
L'écran géant s'allume également et affiche : "R O O M 4 0 9". FEMME 1 se tourne vers le public, tombe à genoux et hurle.
Rideau.
Epreuve du concours Défis des Murmures Littéraires 2021
Théâtre
Les protagonistes ne peuvent pas communiquer
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