Plume Éternelle

Un léger battement d'aile fit frissonner l'air.

La colombe se posa délicatement sur le rebord d'une fenêtre d'hôpital. Elle scrutait ce qu'il se passait à l'intérieur.

Quelques personnes s'agitaient, leurs mouvements étaient vifs et saccadés. L'animal semblait fasciné par le destin qui se jouait dans la salle.

La quiétude au dehors dénotait avec la fébrilité et la frénésie, maîtresses de l'autre côté de la vitre.

Mais, tout changea soudainement.


L'encéphalogramme afficha une ligne continue.

La vieille femme fut déclarée morte quelques secondes plus tard.

Les traits de son visage étaient détendus, comme si elle était apaisée ; les bras le long de son corps anciennement meurtri.

Elle avait quitté ce monde en paix, malgré la volonté de ces inconnus de la maintenir en vie.

Sa vie avait été remplie de joie, de passion et elle souhaitait que l'on se souvienne de cela.

Son secret, une peine lointaine, s'évanouit avec elle.


L'oiseau émit un petit cri suraigu et tapota son bec contre le verre embué.

La femme, debout devant son lit, regardait son propre corps inerte. Ce dernier allait être déplacé d'une seconde à l'autre. Elle sursauta quand elle entendit le bruit et se dirigea vers le carreau.

Dès qu'elle l'ouvrit, la colombe s'engouffra dans la pièce. Elle fit un tour avec grâce, avant de se poser sur l'épaule de sa nouvelle protégée.

Cette rencontre allait bouleverser l'avenir de la femme, dans l'au-delà.


Une plume s'échappa du manteau immaculé de l'oiseau. D'une main tremblante, la vieille dame l'attrapa avant qu'elle ne touche le sol.

Elle tourna lentement sa tête pour observer, d'un coin de l'œil, l'étonnante bestiole. Celle-ci reprit son envole et atterrit, toujours avec dextérité, sur la poignée de la porte.

La femme la rejoignit et essaya d'ouvrir ; impossible. Elles étaient enfermées dans cette chambre. La colombe émit un roucoulement mélodieux et pointa sa petite tête en direction de la serrure, puis de la main de l'humaine.

Elle y tenait toujours la plume. Déstabilisée, elle hésitait ; devait-elle réellement suivre cet étrange animal, qui lui paraissait à la fois amical et irréel ?


Peut-être était-elle toujours dans son lit, à rêver. Un rêve très étrange certes, mais cette idée lui paraissait rassurante.

Elle se retourna et se vit encore sur ce brancard, terriblement pâle et sans respiration.

Un nouveau petit cri de l'oiseau la fit se décider. Elle se demanda si elle était attendue par de vieilles connaissances.

Elle enfonça la pointe de la plume duveteuse dans le trou de la serrure, et tourna.


Un vent puissant mais chaleureux la frappa de plein fouet. Un brouillard l'enveloppa, l'empêchant de voir autour.

Elle sentit une masse la soulever. L'air soufflait contre ses oreilles et la brume disparut progressivement.

La colombe était devenue immense ; ses ailes impressionnantes pourfendaient d'élégantes volutes et des nuages d'une blancheur éblouissante.


Sur son dos, la femme s'agrippait en serrant fort son doux plumage.

Étrangement, elle ne ressentait aucun inconfort, ni turbulences.

Une fine pluie tomba au ralenti autour d'elles. Une goutte descendit nonchalamment devant la femme, qui y vit son reflet.

Elle avait rajeuni, retrouvé l'aspect de sa quarantaine. Elle sourit, émerveillée.

Ses habits aussi avaient changés. De la tenue d'hospitalisation qu'elle portait auparavant, elle était passée à une longue robe d'été, aux motifs floraux bleu et jaune.


Elles se rapprochèrent d'un nuage plus gros, plus clair que les autres.

Une autre porte y était posée, seule, comme suspendue.

L'oiseau géant déposa sa passagère, qui marcha jusqu'à l'ouverture en bois mat. Chaque pas lui semblait léger, sans effort. Elle était, à l'instant, rassurée et curieuse de connaître la prochaine étape. Elle souhaitait pouvoir reparler à tant de personnes parties trop tôt.

Elle tendit la plume qu'elle avait soigneusement conservée et déverrouilla l'accès.


La colombe avait retrouvé sa taille initiale et était perchée sur la tête d'un vieux lit gris clair.

La pièce était minuscule, intimiste ; mais également familière. Surprise, la femme eu un nouveau moment d'incertitude. Elle redoutait ce qu'elle trouverait en s'avançant.

L'oiseau perçut sa nervosité, ses émotions exacerbées. Elle poussa un dernier roucoulement rassurant. Une larme coula sur le visage de la jeune femme, à présent dans la vingtaine.

Elle savait ce qui l'attendait. L'impatience la gagna, mêlée à de lointains sentiments d'amour et d'appréhension.


Sur la couche, un linge laineux enveloppait une forme chétive et immobile.

La colombe regarda la fille défaire l'emmaillotage et soulever le bébé silencieux.

Tous ses membres chancelaient ; un sanglot, enfouit si longtemps, se révéla.

Mais se tut presque aussitôt, quand le petit être ouvrit les yeux, et sourit.


L'oiseau de paradis avait accompli sa mission.

Ces âmes sœurs, que sont cette jeune mère et son enfant séparés depuis si longtemps par le trépas, le secret et la culpabilité, étaient de nouveau réunies.


C'était, selon elle, la plus belle des retrouvailles.



Epreuve 2 du concours La Dernière Flamme 2020

Retrouvailles / Personnage non-humain

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