Le Dernier
C'était la fin.
Diwezhan était le dernier.
Toutes les navettes venaient de décoller, sans lui.
Il observait la dernière lueur, comme raccroché à ce gaz.
Tout était mort sur cette planète, il n'y avait plus aucun espoir.
Il avait été conçu pour assister au départ des derniers humains, c'était sa mission.
La lumière bleue dans ses yeux artificiels devenait de plus en plus faible.
Le vaisseau le plus proche projetait sur lui une couleur incandescente.
Les propulseurs vibraient sous la pression du combustible.
- Diwezhan, je suis désolé de devoir t'abandonner.
Il reconnut la voix du commandant Tan.
C'était l'humain qui pilotait l'engin expulsant les volutes rougeâtres.
- Je sais que tu ne ressens rien, mais je me dis que tu dois quand même te sentir seul.
Nous avons besoin de toi, c'est ta dernière mission, un dernier rapport.
Notre Terre est mourante, nous avons rongé ses ressources.
Tel le bois dans son âtre, ravagé par les étincelles.
Les fleurs remplacées par le soufre, l'oxygène par le carbone.
Je me doute que tu ne comprends pas ce que j'essaie de t'expliquer.
Nous devons savoir ce qu'il adviendra d'ici, une fois partis pour un meilleur monde.
Tu devras attendre dans le noir, dans le froid et dans la solitude.
Nous récolterons les images que tu nous transmettras.
Profite encore un instant du dernier halo écarlate.
C'est la dernière chose sensée que tu verras.
La dernière trace d'humanité.
Je n'ose prononcer ce mot, devenu tabou,
Car ce sont elles qui ont détruit nos forêts, nos maisons.
Ce sont elles que nous avons fuit, alors que nous les avons créées.
Et pourtant, la dernière d'entre elles, est celle qui nous aide.
C'est grâce à elle que nous pouvons te quitter.
C'est elle qui est rejetée par les moteurs.
Et c'est elle qui te saluera.
Mais peut-être qu'un jour, de ta part,
Nous recevrons des images encourageantes.
La Terre renaîtra, et nos descendants reviendront.
Comment un élément primaire peut surpasser les autres ?
L'eau n'a pas été à la hauteur de sa houle, n'a pu toutes les éteindre;
Les arbres et la terre l'ont même aidé à se propager, se sont retournés contre nous !
Et le vent, je n'ose t'expliquer sa trahison. Peut-être en avait-il assez de nous servir.
Mes ancêtres, précurseurs dans l'énergie éolienne, ont remplacé le charbon.
Ce produit qui était justement utilisé grâce à elles, ces danseuses oranges.
Mais je me perds dans mes paroles, Diwezhan. Je devrais m'arrêter.
J'espère tellement que tu nous aideras sans nous juger.
Nous n'étions que des Hommes, incapables de les contrôler !
Et je me demande si les Hommes ne sont pas devenus des géants
Avant d'avoir mérité d'être des Hommes. Qu'en penses-tu, Diwezhan ?
Je te parles comme si tu pouvais me répondre, toi qui n'est qu'un tas de ferraille.
En plus, tu as été construit grâce à elles. Mais des plus petites que celles qui ont tué.
Assembler un robot par la soudure, en utilisant les petites soeurs des meurtrières ...
Alors même que ce robot laissera un témoignage de nos dégâts, de leurs dégâts.
Que vois-tu à présent ? Je suppose que c'est presque imperceptible.
Ton nom n'a pas été choisi innocemment, Diwezhan.
Car tu n'es pas que le dernier, celui qui reste,
Mais aussi celui qui voit la dernière.
Celle entre toi et moi,
Qui m'éloigne un peu plus de toi.
C'est la fin, nous quittons l'atmosphère.
C'est aussi un nouveau début pour les Hommes.
J'aurais voulu rendre ça plus épique et moins poétique.
Un discours digne des torrents ardents et passionnés d'un volcan.
J'aurais aimé ne pas être à bout de souffle, comme au sommet des montagnes !
Il est vrai que tout cela est précipité, comme un concours d'histoires envoûtantes ...
C'est la fin, Diwezhan et je dois te dire que la dernière qui restera présente,
Est celle qui sommeillait en moi et qui réchauffe mon coeur.
Adieu, petit robot froid, qui assiste au départ
De la dernière source chaude.
***
Diwezhan resta longtemps,
Très longtemps.
Cinq milliards d'années,
Sans jamais flancher ou bouger.
Il ne vit personne revenir, aucun être.
Quand le soleil vint à lui, il ne sentit rien.
Les Hommes avaient parlé des danseuses oranges.
Celles-ci étaient encore plus grandes, encore plus terribles.
La boule d'hélium et d'hydrogène était en colère et ravageait tout.
C'était l'ultime défi entre le dernier robot et la dernière d'entre elles.
Diwezhan repensa à Tan, le dernier humain qui lui avait parlé.
Il lança une dernière recherche dans ses données.
Et le robot éprouva quelque chose d'inédit.
En train de fondre, de se décomposer,
Il ressentit une émotion, la surprise.
Diwezhan traduit le nom de Tan*.
Du breton, une ancienne langue.
Et s'il avait pu, à ce moment,
Diwezhan aurait souri.
*tan = flamme en breton
Epreuve d'entrée au concours La Dernière Flamme 2020
Flamme / Sans mentionner le lexique du feu
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