Les êtres magnétiques
Enfin les vacances ! Je rêvais de pouvoir aller à la plage pour me baigner ou bronzer ou pour rencontrer des beaux mecs. Bref, le rêve. Sauf que comme son nom l'indique, le rêve ne fait pas partie de la réalité... Vous l'avez compris, on me traîne de force à la campagne. J'ai beau rouspéter, on ne m'écoute pas... Sous prétexte que c'est un caprice de l'adolescence. Je vais t'en faire bouffer de l'adolescence, moi ! C'est sûr que ce n'est pas sur un champ que je vais trouver un mec taillé comme un surfeur. Je vais surtout trouver un gars avec des dents en moins, oui ! Enfin bref, c'est comme ça que la seule partie vraiment intéressante de ma vie, qui vaut la peine d'être écrite, a commencé.
Déjà, en faisant ma valise. (Je ne vais pas vous raconter tout ce que j'ai mis, hein. Juste un détail important à mes yeux.) J'y ai mis mes écouteurs et mon MP3. Je m'étais dit qu'au moins, avec ça, l'ennui ne serait pas mortel. Mortel dans le sens propre du terme.
Le voyage fut très long... trop long à mon goût. Celui vers la mer aurait été certes plus long, mais l'envie d'arriver aurait été présente. Heureusement, j'avais ma musique - qui me permettait au passage d'échapper à celle de mon frère. Lui qui aime le rap français (autant dire que ça ne vole pas haut) et le reggae (encore là ça va mais pendant cinq heures, ça devient particulièrement lourd). Personnellement, je préfère les vieilles chansons françaises. Renaud, Brel, Bénabar et j'en passe. Bon, j'écoute autre chose aussi, mais celle-là sont mes préférés.
Bon, je dois l'admettre, l'endroit où nous avons atterri est plus civilisé que ce que je pensais. Déjà, il y a internet, ensuite il y a le réseau. Et en relisant cette phrase je me rends compte à quel point je suis un cliché vivant... Seulement, par peur de le perdre dans une campagne où je pensais qu'il me serait inutile : je n'ai pas pris mon portable... Nous avons donc atterri chez la mère de maman. Ma grand-mère du coup. Par chance, il y avait un vélo. J'ai demandé à ma grand-mère si je pouvais l'utiliser. Elle me répondit favorablement et me montra même un endroit où, selon elle, le sol était parfait. Je n'avais pas vraiment confiance en son rire jaune à ce moment-là, mais bon. Pourquoi ma grand-mère voudrait-elle me faire du mal ?
Le lendemain, je pris le vélo et une carte pour ne pas me perdre. Ce ne fut que sur le chemin que je me rendis compte que j'avais oublié mes écouteurs. Arrivé à ce fameux "sol parfait", je me vis que la route - car c'en était une - ne possédait pas de bitume. Elle était composé de plaque de roche très lisse, comme du verre ou du marbre, d'un noir profond. Si noir que je ne voyais pas mon propre reflet sur cette surface pourtant bien lisse. Le panneau à l'entrée "véhicule à moteur interdit" me rassurait néanmoins sur le rire jaune de ma grand-mère, je n'avais pas à craindre les voitures.
Au bout de plusieurs minutes, quelque chose me dépassa à une allure folle. On aurait dit un homme, raide comme un piquet, il ne courait pas, il n'avait pas de véhicule, il ne touchait même pas le sol... Il tenait ses mains un peu éloignées du corps, les paumes vers le sol, les doigts recourbés, comme si c'était ce qui lui permettait de léviter. Je pus ainsi l'observer quelques instants, le temps qu'il me double.
Le jour suivant, ma grand-mère me proposa d'aller se promener avec elle. J'acceptai, ainsi je pourrais la questionner sur la route. Ce que je fis :
"Pourquoi m'avez-vous dit d'aller faire du vélo làs-bas ?
-Tu as vu des choses extraordinaires ?
-Dans le sens propre du terme oui !
-Eh bien c'est justement pour cette raison. Les créatures que tu as vues sont des êtres magnétiques. La légende dit qu'il savent tout sur les hommes. Leur passé, leur futur... notre passé, notre futur ! Des gens du village sont venus habiter ici dans l'espoir qu'un jour, un de ces êtres magnétiques leurs révèle un moment de leur passé ou de leur futur.
-Et c'est déjà arrivé ?
-Oui, il y a 40 ans. Certains attendent depuis plus de 70 ans.
-Donc aucune chance que ça m'arrive. Pourquoi m'avoir envoyé làs-bas alors ?
-On ne sait jamais."
Encore son rire jaune. Je crois que je vais la détester. Enfin, elle eut raison... en partie. Le lendemain, je pris mes écouteurs et mon vélo - oui maintenant j'ai décidé que c'était le mien - et retournais sur cette route lisse. J'écoutais un chanson de Mickey 3D "il faut que tu respires". Quand ils m'abordèrent, leurs paroles furent synchronisées avec la chanson. Un être magnétique arriva, ralentit pour être à mon niveau et à la même vitesse que moi. J'entendis :"il faut que tu respires..." et il continua sa route en m'ignorant. Un autre arriva par l'autre côté et continua : "Tu vas pas mourir de rire...". Ainsi de suite, quatre me dépassèrent et quand ils furent loin, j'eus enfin l'idée de retirer mes écouteurs pour dire : "quoi ?".
Ils étaient déjà loin devant... Moi qui tenais tant à ma technologie, en me coupant du monde elle m'empêcha d'entendre mon avenir ou mon passé... J'ai eu soudainement honte de moi, je me suis écroulé sur le sol. Je suis décidément le garçon le plus débile de l'univers...
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