Les algues vertes (海草少女)

Les algues vertes (少女海草)

Je la regarde nager, se mouvoir dans son gigantesque aquarium. C'est joli et reposant... Une boisson énergisante dans la main. J'attends la fin de la journée... Il ne s'est pas passé beaucoup de chose aujourd'hui. Je me mettrai bien devant un film en arrivant chez moi, un truc pas trop compliqué, reposant, avec de beaux paysages. Parce qu'ici... on voit pas grand-chose à part le décor du bassin et les quelques minuscules cadres encadrant des photos de petit bois. Parfois, dans cet endroit, j'ai vraiment l'impression d'être dans une prison. Les mur gris et lisses m'effraient par moment. Je replonge mon regard à travers la vitre. Je la vois chercher son petit poisson rouge dans les récifs. Quand on est absent, elle doit passer ses journées à jouer à cache-cache avec ce minuscule animal. Je me sens un peut triste pour elle. Même si elle, ne l'est jamais. Du moins je ne l'ai jamais vu avec un visage dépressif. Elle boude parfois, mais ce n'est jamais bien long.

Cinq minutes se sont écoulées, j'ai fini ma boisson et je suis toujours aussi fatigué qu'avant. C'est de la véritable camelote ce truc ! Enfin, encore dix minutes et c'est l'heure. Je me lève de mon siège, quand soudain, j'entends un petit bruit. Je regarde en direction du hublot, Shoujokaisou vient de toquer contre la paroi de verre. Sa... partie du corps que l'on pourrait appeler "main" y est collé. Elle me lance un sourire jovial qui semble dire : "Tu viens jouer avec moi ?". J'essaye tant bien que mal de lui faire comprendre que je dois bientôt partir. Quand elle comprend enfin, elle me fait une mine dégoûtée et dans un autre petit sourire, elle part s'allonger au fond de l'eau en ondulant ses longues algues. En s'enterrant dans le sol et en ne laissant sortir que ses bras et le reste de son corps en partant du nombril, elle se camoufle parfaitement bien. C'est ainsi qu'elle dort, la tête dans le sable. Je ne crois pas me souvenir de l'avoir vu enlever sa pince... Et allez, demain elle va nous harceler pour qu'on descende en scaphandre ou en tenue de plongé venir la coiffer et lui enlever le sable des cheveux. Je vais finir par croire qu'elle le fait exprès. Après... je veux bien la comprendre, passer toute la journée dans cet endroit clos, et ce depuis plusieurs mois, ça ne doit pas être la joie tout le temps. En même temps, je doute qu'elle ait connu autre chose que cet aquarium.

Je finis par m'en aller, en passant la porte, je dis à voix haute : "à demain." Même si je sais qu'elle ne m'entend pas. Je vois ses longues algues onduler du coins de la porte... à moins que ce ne soit de vrais algues. J'éteins les lumières vives pour ne laisser que les veilleuses, puis je ferme la porte à clé. Je suis le dernier à partir.

J'ouvre la porte de mon appartement. Il fait bien sombre, j'allume la lumière. Les murs de chez moi ne me change pas tant que ça de mon travail quand j'y pense, ça me déprime un peu... J'essaye de chasser cette idée fade de ma tête puis, après avoir retiré mes chaussures, je cherche un vieux film dans une armoire. Un datant des années 2000. Je rentre le DVD dans l'appareil et m'affale sur mon vieux sofa rouge. Le film commence, une histoire simple. Une famille déménage à la campagne, près de la mer. A-t-elle déjà vu la mer elle ? Elle y serait sûrement plus heureuse que dans son aquarium fermé. Il est certes grand mais elle a vite fait d'en faire le tour. Quand je vois ces grandes étendues d'eau, tant d'espace... Mais après tout, elle n'est pas triste ! Je me fait du soucis pour rien... J'ai beau essayer de me convaincre. Je n'y arrive pas. Je ne peux pas m'empêcher de me mettre à sa place. J'exploserai au bout de deux jours. Et puis, elle n'a rien connu d'autre, comment pourrait-elle rêver d'autre chose ? Elle nous voit partir pourtant, elle voit la porte s'ouvrir de temps en temps. Et elle peut voir le couloir... C'est vrai que ça ne donne pas vraiment envie... Mais au fond, elle nous voit entrer dans l'eau. N'a-t-elle jamais pensé qu'elle pourrait bien aller dans l'air ? Certes, elle ne peut pas s'y déplacer... mais, cela ne lui en a jamais donné l'envie ? En même temps, c'est encore un bébé quand j'y pense, elle n'a que quelques années... Enfin, je crois. Mais si c'est le cas, elle découvre le monde, apprend la vie. Je ne pense pas que cette prison soit un bon moyen pour qu'elle s'épanouisse intellectuellement.

Je me souviens de mon premier jours, même avant. J'étais au chômage. Je cherchais en vain un travail quelconque. Puis, je vois cette annonce dans le journal : "Recherche des personnes attentionnées, qui n'ont pas de phobies particulières, qui ont déjà fait de la plongé sous marine et qui savent travailler en équipe." En lisant cette annonce ce jours là ; je me souviens, assis à ce café, dans une mâtiné d'automne ; Je croyais à une vaste blague. Mais au cas où, j'y suis quand même allé.

La queue était longue devant l'adresse donnée, beaucoup de gens bien habillés postulaient. Ceux en survêtement était minoritaire. Je me demandais pourquoi. Puis, en relisant l'annonce plus en détails pendant la longue attente d'embauche, je remarquai qu'elle avait été publié par la fondation X.A.N.A.corp. autant dire qu'eux, ils ne plaisantaient pas. Cette entreprise richissime était connue entre autre pour leurs logiciels informatiques, jeux-vidéos et autre programmes mais aussi pour s'être lancé dans "L'Art de recréer le vivant". Un bien joli nom pour une activité assez étrange à première vue. Même si cette "technologie" permet de mieux connaitre le corps humains et celui des autres espèces vivantes, animaux et végétaux, et ainsi permettre de sauver des vies, les rendre meilleurs ou soigner des maladies ; certains l'utilise pour réaliser leurs fantasmes. Cela ne m'étonnerais pas de la part de la X.A.N.A.corp. Ils sont également connus pour leurs virus informatiques très puissant. Aucune autre entreprise informatique osent vraiment leurs faire face pour cette raison. On se souviendra longtemps du pseudo tyrannosaure créé par une autre entreprise suite au caprice d'un milliardaire. L'un comme l'autre n'ont pas fait long feu. En prison tout les deux ! L'animal non plus n'a pas duré longtemps, après l'avoir placé dans un Zoo spécialisé, il a fini par mourir d'un arrêt cardiaque provoqué par une insuffisance respiratoire. Les calculs des employés étant mal effectués, les proportions des muscles et des organes n'ont pas bien été respectés, en clair, l'animal recomposé n'était pas viable.

Plus, je pensais à cette histoire et plus la file avançait. Presque tous ceux qui étaient entrés, sortaient du bâtiment déçus ou déprimés. Les critères d'embauches devaient être en réalité bien plus strictes que ceux vaguement énoncés dans l'article. Peut-être que l'entreprise voulait voir le plus grand nombre de personne possible en espérant tomber sur l'employé parfait. C'était bientôt mon tours. Le bâtiment qui s'avançait à chaque fois que je faisais un pas était gris et sombre. Il cachait de plus en plus le magnifique ciel bleu de cette journée ensoleillé. Je pensais quitter cette couleurs seulement le temps de l'entretient. Je ne savais pas que ce n'était pas qu'un au-revoir...

Ma main se posait sur la poignée. Je me souviens très bien de la scène, cette porte blanche avec sa poignée chaude à cause des autres mains qui l'ont utilisées toute la journée. Le petit cabinet gris dans lequel j'entrais était très simple lui aussi, à l'image de son ouverture. Une personne m'avait demandé de prendre une chaise, ce que j'avais fait. Deux homme en tenue de chimiste se trouvaient assis face à moi. L'un m'avait demandé mon dossier, je lui avais tendu. Quand il l'eut consulté, pendant que l'autre me dévisageait, il me demanda :

"Alors comme ça vous avez travaillé dans une école maternelle ?

-Euh... oui, avais-je balbutié, vers la fin de mes études, un petit moment.

-Une expérience enrichissante ? De vous à moi, si vous aviez possibilité de recommencer vous le ferrez ?

-Bien sûr ! avais-je répondu, j'étais certain qu'il me parlait de mon future métier quand il énonçait le fait de recommencer.

-Mmmmh... avait-il continué. La directrice vous avait laissé une très bonne impression.

-Et en ce qui concerne la plongé sous marine ? avait commencé le deuxième homme."

Il avait enchaîné en me posant des centaines de questions technique sur le sujet, j'y avais répondues avec succès ! Puis, repassant en long et en large mon dossier, les deux hommes hésitaient. Enfin, l'un sortit deux feuilles d'un des tiroirs du bureau métallique. Il m'en avait mise une sous les yeux. Je voyais une photo, sous-marine à première vue. Dans le décor, aucun poisson, du sable jaune et quelques énormes rochers, tel des piliers ils étaient allongés et fins, du corail rose et vert et de longues algues verticales. Il tenait toujours l'autre feuille qui paraissait blanche dans la main, il croisait les bras en se tenant debout. Voyant qu'il ne disait rien, j'avais pris la parole :

"C'est une belle photo...

-Ah ah ! avait-il pouffé. Certes mais, que remarquez-vous d'inhabituel sur cette image ?"

Je l'avais prise entre mes mains pour l'observer de plus près. Je cherchais chaques détails anodins comme si ma vie en dépendait. Puis, me rappelant où j'étais, j'avais demandé :

"C'est une photo retouchée ?

-Pas le moins du monde..."

En regardant en direction des longues algues vertes, je crus apercevoir des cheveux blonds. Le sable formait une bosse à cet endroit là. En montrant du doigt l'endroit, j'avais dit à l'homme :

"Cet endroit, c'est assez suspect."

Son sourire me confirmait que j'étais tombé juste. Il avait réfléchi puis, m'avait posé la question suivante :

"Cela vous dérange-t-il de rester enfermé toute la journée ?"

Ne pensant qu'à avoir ce travail, j'étais près à tout endurer, j'avais répondu d'un air faussement serin :

"Non, non, pas du tout.

-Très bien. Le première partie de l'entretient est terminé, monsieur. Mais avant de continuer, il faudra que vous signez ce papier après en avoir pris connaissance."

Et il m'avait tendu la deuxième feuille. C'était un contrat de confidentialité, je n'avais le droit de divulguer ce que j'allais voir et entendre dans ce bâtiment nulle part sous peine de poursuite. Je l'avais signé. L'homme s'était alors dirigé vers le mur du fond, une porte dérobé s'y trouvait. Il m'incitait à le suivre, ce que j'avais fini par faire.

Le couloir aux murs blancs parsemés de grandes taches grises avait un éclairage correct, pas une lumière qui vous éblouie et qui se réverbère sur les objets trop clairs. L'homme m'avait amené dans une petite salle cubique. Il n'y avait qu'une porte, grise, je ne savais pas où elle menait et un banc, noir et gris. Il m'avais demandé de prendre place sur le banc et d'attendre un petit moment, quelques minutes tout au plus. Je m'étais exécuté. L'homme était sorti de la pièce par la porte grise et l'avait refermé derrière lui, me laissant seul...

Je fixais le mur peint en vert face à moi, les deux autres mur étaient identiques à ceux du couloir par lequel j'étais arrivé. L'attente me paraissait une éternité... Je tapotais doucement mes doigts sur mon genou en essayant de me détendre, j'y arrivais plutôt bien. J'essayais d'imaginez des choses reposantes dans ma tête. Je fermai les yeux, ce fut au moment de les rouvrir que je me rendit compte du silence qui régnait. Le simple son de ma respiration me paraissais être un boucan innommable. Je la reteins doucement quelques secondes attentif aux autres potentiels bruit environnant. J'entendais mon cœur battre, et puis... autre chose, derrière moi. Quelque chose se déplaçait dans un liquide, derrière ce mur gris et blanc. J'entendis également un infime choc dans mon do. À ce son inattendu, j'inspirai d'un coup. Et je l'entendis, la chose, s'en allez en faisant de grands mouvements dans le liquide.

Puis, plus rien. La porte finis par se rouvrir, l'homme revenait. Il me disait que j'avais passé le test avec succès. Je m'en réjouissais intérieurement car cela signifiait que je touchais au but ! Même si je n'avais pas vraiment compris en quoi consistait le test. Peut-être voulaient-ils tout simplement voir si je n'étais pas tous simplement claustrophobe. Enfin, l'homme m'avait une fois de plus incité à le suivre, je m'étais de nouveau exécuté.

Les salles que nous avions traversées étaient bien plus meublées que les précédentes. Toutes sortes de dossiers se trouvaient dans des étagères noires. Par moment, des cadres en bois présentant quelques photos de paysage dans un plan peu large servaient de décoration. Certains représentaient des détails de forêt, d'autre de plaines remplies de petites fleurs colorées bien espacées. Ils semblaient scotché au mur car je ne voyais pas de clou. Des bureaux, bien que inoccupés, avaient, sur leurs plan de travail, la preuve qu'un être vivant était passé par là. L'homme m'amena vers une autre salle. Je crus apercevoir d'un loin une personne. Quand nous nous approchâmes, je faillis sursauter. Une tête de petite fille se trouvait là, dans une vitrine, souriante, les yeux ouverts, quelque légères taches de rousseurs, les cheveux des côtés de la tête attaché derrière avec une pince, une coupe au carré, blonde, un coup très long et une peau au reflet vert. Je gardais mon sang froid tant bien que mal, ces gents avaient-ils vraiment tranché la tête d'une gamine pour l'exposer ici en tant que décoration ? Un détail anodin me permis d'évacuer l'horreur qui se tramait devant mes yeux. La peau prend-t-elle vraiment une couleur verte quand elle est vidée de son sang après plusieurs jours ? Ma question me paraissais ignoble mais j'efforçais ma curiosité à prendre le dessus pour ne pas paniquer. Puis, l'homme s'assit sur le dossier d'une chaise et me dit :

"Incroyable, hein ? On dirait une vrai, plaisanta-t-il."

Rassuré je lui demandai :

"Qu'est-ce réellement ?

-Une de nos première tentative crédible de créer ce végétal.

-Végétal ? ça ressemble plus à un animal non ?

-Et alors, ça le l'empêche pas d'être un végétal, dit-il avec un sourire moqueur. Qu'est-ce qu'un végétal à votre avis ?

-C'est une plante, une forme de vie qui pousse dans de la terre ou dans de l'eau qui a besoins de minéraux et d'eau pour vivre justement.

-Pas vraiment non. Vous n'avez pas tord mais il y a d'autre facteur important. Déjà, un végétal ça a besoins de la lumière du soleil pour vivre, ou du moins une lumière qui contient les bons composants."

Devant mon air non convaincu, il s'était dirigé vers un des aquariums qui tonnaient non loin de là sur une des très longues tables blanches et dit :

"Regardez, là, qu'est-ce que vous voyez ?

-Une limace verte et jaune, répondis-je à mon tour.

-Presque, c'est une limace de mer, plus précisément une elysia chlorotica, et devinez quoi ! C'est un végétal.

-Sérieusement...

-Eh oui, et maintenant, regardez ici. Que voyez-vous, me demanda-t-il en me montrant du doigt une grande fleur rouge dans une jungle sur une photo se trouvant dans un autre cadre collé au mur."

Faisant fonctionner ma mémoire je finis par dire :

"C'est un Rafflesia, non ? C'est gros, ça sent mauvais, et ça se nourrit de mouche.

-Effectivement, c'en est bien une. Et devinez quoi ?

-C'est un végétal ? Voyez vous pour celle là, je m'en serrais douté, plaisantai-je.

-Justement ce n'en est pas un. C'était juste pour vous donner un contre exemple. Je ne vous ai pas amené ici pour vous parler de fleur. Quoique, rien ne vous empêchera de donner un surnom de fleur à Shoujokaisou une fois que vous serrez pris."

"Shoujokaisou" ? Qu'est-ce c'est que cette chose ? Je n'osais pas vraiment demander. l'homme repris :

"Vous êtes conscient qu'à partir de maintenant, l'étape suivante sera le point de non retour. êtes-vous sûr de vouloir continuer ?"

Du tac au tac, je répondis :

"Bien sûr que je veux continuer ! Je ne suis pas venue jusqu'ici pour rien !

-Très bien. Vous avez compris en quoi consistait le test de tout à l'heure ?

-Euh... non. Que devais-je faire au fait ?

-Vous ? Exister et être détectable. N'avez vous rien entendu ou même ressentit ?

-Si, un petit bruit contre le mur dans mon do. Et... il y avait un liquide derrière ce mur non ?

-Effectivement, c'était Shoujokaisou. Nous lui avons demandé d'allez vers vous pour voir comment elle régirait à votre contact. Et elle n'a pas mal réagit. Vous commencez à faire un lien avec tout ce que vous venez de voir ?"

Je réfléchis un moment. Donc, ils auraient créés une plante animale ayant une tête de petite fille et un corps d'elisya chlorotica qui apparemment m'apprécie. Logique...

"Vous imaginez que c'est assez compliqué à appréhender pour moi. Vous avez de quoi prouver ce que vous avancer ?

-J'ai mieux que des explications longues et redondantes. Que direz-vous de venir la voir ? Vous êtes habitué au enfants non ? dit-il avec un sourire d'amusement."

J'avais décidé de le suivre une fois de plus.

Il m'amena dans un couloir de béton, un des murs était penché et était une immense paroi transparente derrière laquelle se trouvait de l'eau... beaucoup d'eau. J'avais face à moi un aquarium gigentesque ! Dans le fond se trouvait du sable jaune, marron par endroit. De longues algues d'un vert-gris peu sombre ondulaient doucement à chaque mouvement du courant marin. D'immenses rochers longs et fins étaient empilés pour donner du relief à l'espace, un peu de mousse se trouvait sur chacun. J'aperçu du corail rose et vert, caché derrière un pilier de roche marron. De gigantesques lampes étranges éclairaient l'aquarium, diffusant une drôle de lumière inhabituelle. Même en cherchant bien, je ne voyais aucun poisson, ni aucune petite fille nageant dans l'eau claire. Par endroit, dans le sable, des petits galet blancs avaient était déposé formant des formes géométrique. "C'était peut-être elle qui avait fait ça" me disais-je. L'homme qui m'avait amené me laissa admirer le paysage un moment puis, me dit :

"Suivez moi, on va enfiler des tenues de plongé, elle doit s'être cachée. Il va falloir la chercher. Mais... cela va être un jeu d'enfant pour vous, sans vouloir faire de jeu de mot. Vous vous souvenez de la photographie que je vous ai tendu ?

- Oui... ?

- Les cheveux que vous avez vu, c'était les siens, me dit-il avec un sourire.

- Je n'ai pas dit les avoir remarqué.

- Ça se voyait dans votre regard, continua-t-il en se dirigeant vers la porte du fond."

Je remarquais en passant cette dernière, un autre petit cadre, une photo d'un papillon sur un brin d'herbe. Une photo très floue. L'ouverture donnais sur un escalier que nous montions.

Après avoir franchit cette vingtaine de marche. Nous arrivâmes dans une sorte de vestiaire. Nous enfilâmes des tenues de plongé. Puis, je suivis l'homme jusqu'au bord de l'aquarium. Nous plongeâmes et ce n'est que dans l'eau que je reconnu. Je me trouvais à l'endroit exacte où la fameuse photo avait été prise. Je reconnaissais les algues, les rochers, le sable, les coraux, et effectivement, il manque une des longues algues au fond du bassin.

Je montrai l'endroit du doigt à mon partenaire de plongée, et d'un geste il me répondis quelque chose comme :"bravo" où "c'est ça". Soudain, je sentis quelque chose bouger derrière moi. Dans un sursaut, je me retournai et vis furtivement une masse verte qui filait se cacher derrière un rocher. Mon future collègue, qui semblait assez mécontent, me fait signe de rester calme. Il se dirigea vers le rocher où la chose s'était caché, puis sans faire de geste brusque, il le contourna lentement. Il se trouvait désormais dernière le pilier rocheux, je ne le voyais plus.... je ne les voyait plus. Je n'entendais que le son des bulles que l'homme faisait. Enfin, ce dernier sortit sont bras de derrière l'obstacle pour me dire d'approcher. Je contournai le pilier, et je la vis enfin !

Elle paraissait petite mais de la tête jusqu'au bout des algues, il devait bien y avoir deux mètres cinquante. Elle était très mignonne. Son visage ressemblait beaucoup aux modèle que j'avais vu plus tôt, à quelque différence près. Ses cheveux blonds, parsemés de quelques mèches grises et noires étaient attachés avec une pince derrière sa tête. Deux mèches d'un blond platine lui traînaient devant le visage.

Avec un sourire elle posa l'extrémité de son bras droit sur la main que lui tendait mon futur collègue. Elle, elle n'en avait pas, à la place sa peau verdissait et se changeait peu à peu en algue d'un vert feuillage. Celles de son bras gauche étaient bien plus longues que celles de son bras droit. Comme si elle avait un moignon...

Elle n'avait aucun vêtement, plus on se rapprochait de la tête plus sa peau paraissait normale, plus on s'en éloignait, plus elle se teintait de vert, clair au début, puis très foncé au extrémités.

Mais sur elle quelque chose m'avait étonné, elle possédait un nombril. Cela signifierait qu'elle avait connu le jour - enfin... façon de parler - avec un cordon ombilical ? Ce n'est pas un simple plante ressemblant étrangement à une enfant ?

Elle ne possédait pas non plus de jambes, mais je voyais à la forme de son bas ventre qu'elle avait bien un bassin ou du moins quelque chose qui y ressemblait. à cet endroit précis, sa peau était d'un vert bien foncé avec quelques trait vertical plus clair. D'ancienne coupure qui avaient formées ces fines cicatrices peut-être ? Elle s'était peut-être entaillée sur un des rochers qui nous entouraient. En tout cas, si l'on ne aurait regardé que de son torse et que l'on aurait descendu jusqu'au bout de ses membres, on aurait juré voir de simples algues, longues et foncées... et légèrement épaisses tout de même.

Vu les mouvements qu'elle faisait, en tendant les parties qui aurait du être ses mains en direction de l'homme pour essayer de communiquer, elle semblait avoir des coudes, bien que sa peau soit d'un vert assez profond à cet endroit et que je ne pouvais pas discerner nettement l'articulation. Ce qui aurait dû être ses avant bras par contre était flasque et mou, de vrais algues... toujours.

Je vis mon future collègue faire un mouvement dans ma direction, comme pour signifier ma présence à l'enfant. Elle se retourna d'un coup. Elle ne m'avait pas remarqué visiblement, pourtant elle m'avait frôlé tout à l'heure, non ?

Elle s'approcha lentement, tout le bas de son corps ondulait doucement à la manière d'une raie. Je lui tandis ma main comme l'avait fait l'autre homme. Elle eut un sourire en coin et posa sa "main" la moins longue dans la mienne. C'était légèrement chaud. De mon autre main, je lui fis "coucou". Elle la regarda et pencha la tête sur le côté en signe d'interrogation. Elle attendit quelques secondes sans bouger, alors que j'avais arrêté de remuer ma main comme un abruti, puis, la tête toujours sur le côté, elle ouvrit grand les yeux. C'était extrêmement mignon mais je ne comprenais pas vraiment ce qu'elle me demandait.

Je risquais alors un coup d'œil vers celui qui avait l'habitude de la voir et vis qu'il paraissait s'amuser de la scène. Je ne savais pas s'il se fichait de moi ou de la situation. Ma main était toujours en l'air, enfin... en l'air, dans l'eau. La fille teintée de vert continua à la fixer un moment, puis, elle eut comme une illumination, son regard brillait. Elle retira sa main de la mienne et d'un mouvement brusque de son long corps, elle s'élança vers mon autre main pour la taper de sa tête.

Quand elle eut fini cette manœuvre, elle se retourna dans notre direction et souriait radieusement.

Mais oui ! C'était une enfant, tout n'était que jeu pour elle !

L'enfant se rapprocha de nouveau de mon futur collègue. Il sortit un peigne de la petite boite qu'il avait accrochée à sa ceinture. Il la mit bien en vue pour que la petite puisse la remarquer. Dès que cette dernière l'aperçut, elle fila à sa rencontre et se positionna juste devant. L'homme retira la pince à cheveux de la patiente et commença à peigner ses cheveux d'or et d'argent. L'enfant semblait habituée à cela, il me semblait même qu'elle aimait ça. J'observais ce spectacle digne d'une peinture d'Auguste Renoir pendant un long moment.

Plus les minutes filaient, et plus l'oxygène contenu dans ma bouteille se vidait. Elle n'avait pas été conçu pour avoir une très longue autonomie. Il est vrai qu'à la base, il devait juste me présenter la jeune demoiselle. Je lui fit signe que le temps pressait et que je n'avais pas vraiment envisagé le fait d'avoir de l'eau dans mes poumons. L'homme me répondit d'un geste d'y aller et qu'il se dépêchait. Je commençait donc à nager jusqu'au sas par lequel nous étions entré.

La jeune et jolie demoiselle avait du remarquer que je m'en allais, et apparemment, elle s'était opposée à cette cette décision. Sans que je ne puisse la voir venir, elle nagea jusqu'à moi avec une rapidité fulgurante et se figea juste devant mon nez avec une ultime ondulation.

Elle me paraissait d'un coup immense, majestueuse, la maîtresse incontesté de son aquarium souterrain. Je me reteins de pousser un cris de surprise. Mais, j'avais avoué que sa réaction m'avait donné des sueurs froides. Que voulait-elle me faire ? Elle refuse mon départ ? Je ne peux pas respirer sous l'eau moi ! C'est alors qu'en fixant son visage, un détail me rassura, son sourire. Son magnifique et radieux sourire. Avec cette posture, son sourire me faisait penser à la voix lacté dans l'immense espace intersidéral. Elle m'attrapa le bras - je ne sais comment d'ailleurs - et me tira vers mon collègue. Ce dernier nagea vers nous, il réussit a faire comprendre à la fillette que je devait partir... sinon... j'allais mourir... Euh... C'est certes vrai, mais pourquoi le dire aussi froidement ? Enfin, du moins, elle comprit. Elle approcha alors lentement son petit visage blanc aux légers reflets émeraudes du mien et déposa un petit baiser sur ma joue. Puis, dans un grand mouvement lent, elle s'en alla dans les rocher. Ce fut quand je vis le denier bout de ses longues algues vertes disparaître que je me décidai enfin à regagner le sortie.

Le film que j'ai mis touche déjà à sa fin. L'écran noir déroule le générique depuis un petit moment déjà. Finalement, je n'ai lancé que quelques coups d'œil en direction de la télévision. J'étais plongé dans un autre film. Celui de mes souvenirs.

Suite à cette fameuse journée où j'ai rencontré shoujokaisou, la petite fille algue, je n'ai plus eu de problème d'argent. Apparemment, j'étais - et je suis toujours selon eux - la personne idéale pour ce travail. Je me demande encore quelle tête avaient fait les gens qui étaient derrière moi dans la file d'attente. Car, au final, ils n'ont jamais été reçu. Bien que ça soit méchant, ça m'amuse à chaque fois que j'y pense.

Mon employeur - que je n'ai d'ailleurs jamais vu, tout ce que je sais de lui c'est qu'il a créé le projet de A à Z - avait regardé ma situation et m'avait alors donné une petite prime d'entrée pour que je puisse tenir jusqu'à la fin du mois. J'avais tenu à le remercier mais mon collègue m'avait certifié qu'il serait impossible de le rencontrer et que ma ponctualité et mon sérieux serait largement suffisant pour lui prouver qu'il n'avait pas dépensé cet argent pour rien.

C'est ainsi que commença ma nouvelle vie. J'avais désormais un travail fixe avec un contrat à durée indéterminé. Les premiers jours, je me suis rendu compte de l'importance de certaines questions qu'ils m'avaient posé à l'entretient. Surtout celle qui parlait de rester enfermé toute la journée. Quand ils en avaient parlé, je m'imaginais enfermé dans un bureau qui devait au moins posséder une fenêtre. Là, j'étais sous terre, excepté l'éclairage artificiel, aucun rayon de lumière ne me parvenait.

En parlant d'éclairage, celui au dessus du bassin diffuse une lumière étrange, légèrement voilette. Mon collègue m'a dit que ce son des L.E.D illuminent l'eau avec des ondes spéciales pour le développement des végétaux, Shoujokaisou étant un végétal, elle doit sa taille imposante à ces petites lumières.

En quelque semaine, je m'étais vraiment intéressé à cette petite. Déjà au quotidien, je devais m'occuper d'elle. La coiffer tous les matins, la nourrir, la soigner si elle s'écorchait sur un rocher - ce qui arriva bien plus souvent que ce que je ne le pensais - jouer avec elle aussi. Il faut dire que quand nous n'étions pas là, elle n'avait rien à faire à part dormir. Dormir ou s'ennuyer. Quand je revenais chez moi et que je savais qu'il n'y avait plus personne pour s'occuper d'elle, j'avais de la peine. L'ennuie tue, je le sais bien. Alors, j'ai essayé de m'impliquer un peu plus. Déjà, je voulais pouvoir communiquer avec elle. Elle avait beau être un végétal, elle comprenait beaucoup de choses, à la manière d'un animal. J'ai alors demandé à mon collègue quelle langue des signes avait-il utilisé la première fois que je l'avais vu pour faire comprendre à la jeune fille que je devais partir. J'appris alors qu'il avait lui même créé une langue - en se basant sur celles déjà existante bien sûr - pour pouvoir l'apprendre plus simplement à sa jeune élève. Et à ma demande il me l'enseigna. Cette langue était assez instinctive, je la comprenais plutôt facilement. Ainsi je commençais enfin à avoir de véritable dialogue avec la jeune fille. Vu qu'elle signait assez rapidement, j'avais un peu du mal à la comprendre par moment. Alors elle se mettait à ronchonner, même quand elle boudait elle était mignonne. On n'avait pas grand-chose à se raconter, mais ça nous occupait déjà un peu car je sentais que j'allais en avoir vite marre de jouer tout le temps aux mêmes jeux.

Un jour j'eus une idée, brillante à mon gout. Pourquoi ne pas lui laisser un compagnon de jeux qui serait en permanence dans son aquarium ? Pas un humain bien sûr ! Ce serait bien trop cruel de laisser un humain vivre le reste de sa vie enfermé sous terre à nager dans de l'eau. Nan, je parlais d'un ami plus spécial, le genre d'ami qu'on offre parfois à ses enfants pour noël ou leurs anniversaires, un ami avec un cerveau plus petit : un animal de compagnie. Quand j'exposais cette idée à mon collègue, il était septique. Était-ce réellement une bonne idée ? C'était vrai et même indiscutable que seule, la petite fille s'ennuyait à n'en plus finir. Il lui fallait un compagnon, pas forcément capable de communiquer mais au moins quelque chose de vivant à observer. J'émis l'hypothèse d'un poisson. Un poisson de bocal par exemple. Il ne faudrait pas non plus que Shoujokaisou ait peur de son nouveau compagnon. Ce serait la première fois qu'elle voit un autre animal qu'un humain.

Mais au fond... personne le l'avait déjà vu effrayée, jamais. Est-ce qu'elle ressentait cette émotion ? Je me rendais compte que plus je m'intéressais à elle et plus je la connaissais, moins je savais de chose sur elle. Dans tous les cas, l'expérience restait à tenter. Mais pour ça il aurait fallu l'avis de notre patron. Je n'avais aucun moyen de le contacter, c'était toujours lui qui le faisait. Mon collègue, qui se prénommait Antoine, me dit alors qu'il lui demanderais dans le prochain rapport qu'il lui enverrait. Ainsi, j'appris que mon collègue envoyait des rapports tout les jours à notre employeur pour qu'il sache comment s'était passé la journée. Je n'ai pas vraiment su comment réagir à cette information. Me savoir espionné en permanence à mon insu depuis tout ce temps me fit un drôle d'effet. Sur le coup, je n'ai rien dit et j'ai approuvé ça démarche. Qu'y avait-il d'autre dans ce contrat que j'ai signé à la hâte sans en lire les termes...

Quelques jours plus tard, nous reçurent une lettre de notre supérieur approuvant notre démarche. Je pus alors me rendre dans une animalerie, acheter un petit poisson aux frais de l'entreprise. Je passai quelques minutes devant les aquariums avant de choisir un petit poisson rouge. La vendeuse tint à me prévenir que le poisson grandirait s'il était dans un grand aquariums. Je lui répondis que c'était parfait, j'aurais donc aussi le plaisir de voir un petit être grandir.

Le sac en plastique dans lequel il se trouvait ballottait sur le comptoir en bois du magasin. Je n'avais qu'une peur, c'était qu'il dégringole et se morcelle sur le carrelage dans un grand "splash". Fort heureusement, c'est n'est pas arrivé. Ni dans la boutique, ni dans la rue, ni dans l'entreprise. Je me demandais juste comment le poisson pouvait-il tenir si longtemps sans air dans ce petit sac. Je le posai sur la petite table qui se trouvait dans un coin du sous-sol. Deux cadres présentant des sous-bois l'entouraient ainsi que deux chaises en plastique. Je m'assis sur l'une d'elles et fixa ce petit être aux écailles rouges. D'autres questions auxquels je n'avais pas réfléchis auparavant vinrent se bousculer dans mon esprit. "Est-ce que le poisson arrivera à vivre sans soleil et cet éclairage bizarre à la place ?" ; "Les poissons, ça mange des algues. Il ne risque pas de dévorer Shoujokaisou pendant son sommeil ?" ; "et si la jeune demoiselle dans le bassin, dans un élan d'incompréhension s'attaquait à cette pauvre bête et que ça influencerait son comportement... Et si elle devenait violente, sauvage ?" ; "et s'ils ne devenaient pas de bon amis et qu'ils se répartissaient l'aquarium en deux ? Elle aurait moins d'espace...". Mon collègue vint s'asseoir sur l'autre chaise, nous étions deux autour du poisson. Il l'a regardé et a lâché un :

"il est petit... Je suppose que c'est mieux.

- Il va grandir, ai-je rajouté.

- Ça ne va pas ? me demanda-t-il en apercevant ma mine dépité."

Je lui fis part de mes doutes et il me regarda alors avec un regard vide. Il n'y eu pas un bruit pendant de longues secondes puis au bout de cet interminable blanc il me dit :

"C'est un poisson rouge... calme toi. S'il dérange, on l'enlève et on en parle plus !"

Je me sentais un peu bête après ça. Je ne pensais pas qu'un jour je me ferais autant de soucis pour Shoujokaisou, et pour des choses aussi futile. Enfin, au fond, je n'étais pas tant de le tord que ça. Pour nous, cela peu nous paraître futile. Mais pour elle, ce poisson sera un grand changement dans sa vie ! Je mis le sac dans l'aquarium géant. Il flottait à la surface. Le poison commença à s'exciter, il ressentait peut-être la différence de températures, ou de pression. Ou alors les mouvements de Shoujokaisou. Il ne faut jamais lâcher directement un poisson d'aquarium dans une eau différente, toujours laisser cette dernière se mettre lentement à la même température. Sinon, le poisson risque de faire un choc thermique. Et tout ce chemin pour apporter un cadavre, ça serait plutôt bête. Je fixais le sac qui flottait un peu à la dérive à la surface de l'eau. Shoujokaisou n'y allait pas souvent à la surface. C'était là que la lumière violette était la plus vive. Elle ne regardait pas non plus souvent le plafond pour la même raison. Pourtant cette fois, je la vit décoller du fond, laissant sous elle quelques scintillantes vagues de sable, filant à une vitesse folle vers moi, j'eus crû qu'elle s'apprêtait un faire un bon hors de l'eau, mais elle ralenti à notre niveau. Elle s'approcha lentement du sac en plastique, resta en dessous de ce dernier. Elle paraissait intéressé. Elle toucha le sac du bout du front, ce qui n'eut pas comme effet de calmer son occupant, au contraire. La pauvre bête se déplaçait dans tout les sens essayant de trouver une sortie. Shoujokaisou le fixa. Sans toucher au sac et en tournant lentement autour. Elle le fixa un long moment, jusqu'à ce qu'il se calme. Et quand enfin il arrêta de s'exciter. Elle afficha un grand sourire. Je remarquai qu'elle faisait très attention à ne sortir aucun membre de l'eau alors qu'elle frôlait souvent la surface. Ça me paraissait étrange...

J'avais finit par prendre un ciseaux et découper le sac. Libérant ainsi la petite bête. Je fis part à Shoujokaisou avec des signes maladroits qu'il fallait qu'elle prenne soin du poisson. Elle m'avait souri et répondu avec dautres signes que je n'avais pas compris, mais que je retins. Je pourrais ainsi les montrer à mon collègue. Puis, la jeune fille suivit de loin le poisson qui découvrait son nouveau milieu.

Je croisai mon collègue dans le couloir, celui où un des murs était une parois de l'aquarium. Il observait Shoujokaisou jouer avec son nouveau camarade. De notre point de vue. Le poison n'était plus qu'une tâche rouge au loin. Il paraissait minuscule à côté des deux mètres cinquante de long de l'algue enfantine. Il commença la discussion :

"Et donc, ce petit nouveau, comment tu comptes l'appeler ?

- Eh bien... Je pense que ce n'est pas à moi de décider de ça non ? C'est plutôt à elle.

- Ah ! Bonne idée.

- D'ailleurs, tout à l'heure, quand je lui ai fait comprendre de prendre soin du poisson, elle m'a répondu avec des signes que je n'ai pas compris, dis-je en reproduisant ses dires.

- Elle a dit, me répondit-il ennuyé, qu'elle prendrait soin de lui comme une maman.

- Hein ? "Maman" ? Où a-t-elle apprit ce mot ?

- À ton avis ? Elle les inventes ? C'est moi qui lui ai appris.

- Mais... pourquoi ?

- Ordre d'en haut. Il ne veut pas qu'elle soit illettrée et encore moins stupide.

- Mais, c'est une notion abstraite pour elle non ?

- Elle n'a pas de mère, certes. Mais si un jour elle voudra l'être, il faut bien qu'elle sache ce que c'est. Et puis, dans un sens elle a bien un père. Même si elle ne l'a pas vue depuis longtemps."

Cette révélation m'avait sidéré. Un père ? Qui ? Pour ne pas paraître déstabilisé devant mon collègue - après tout il était sensé noter mes faits et gestes - je continuai innocemment la discussion :

"Elle comprend plus vite et répond aussitôt maintenant ! Enfin... quand elle veut bien écouter.

-Eh bien ! Vous faites des progrets, c'est bien !"

Ce soir là, en rentrant chez moi, je n'étais pas heureux. Je n'avais pas ce sentiment de devoir accompli car j'avais trouvé un compagnon de bocal à la jeune fille. Je me sentais révolté, perturbé !

"Quel parents enfermeraient son enfant sous terre sans aucune vision de l'extérieur !

Et puis, comment ça son père ? Comment "son père" se réserve-t-il ce droit ? C'était avec son ADN qu'il avait créé sa fille c'est ça ? C'est ça !? Pour moi c'est juste un savant fou ! Un fou qui a joué avec des machines et des cellules et puis qui a laissé le résultat moisir dans un coin..." me disais-je. Suite à cette crise de nerf, j'avais essayé de me calmer en me disant que ce n'étais sûrement qu'une histoire de papier. Même si je savais pertinemment que j'avais tord, Shoujokaisou n'existant pas au yeux de la lois... ni de personnes d'ailleurs. Seul ceux qui sont dans la confidence connaissaient son existence...

Puis un autre détail me revint, pourquoi faisait-elle très attention à ne pas dépasser la surface ? En avait-elle peur ? Pouvait-elle respirer hors de l'eau d'ailleurs ? "Et puis tant qu'on y est, avais-je rajouté, "si elle veut devenir mère" ça signifie qu'elle peut avoir des enfants ? Et en parlant de mère, c'est vrai que j'avais remarqué son nombril le premier jour, une femme l'a donc porté dans son ventre ? Ou bien un autre mammifère ? Ensuite vinrent tant et tant d'autres questions sur cette pauvre enfant qui s'accumulèrent dans mon esprit.

Le jour suivant, après avoir harcelé mon collègue, il accepta de me faire entrer dans une partie du bâtiment que je n'avais jamais vu. Une pièce à laquelle je n'avais et n'étais sensé avoir jamais accès. La première chose qui me frappa en rentrant fut l'énorme cuve transparente qui décorait un angle de ce labo miniature. Je ne me faisais pas d'illusions sur ce qu'elle avait contenu. J'étais en face de la "mère porteuse" de Shoujokaisou... Je ne sais pas vraiment pourquoi mais j'avais envie de verser une larmes... Mais je ne l'ai pas fait, quelques chose m'en retenait. Je ne voulais pas juger au fond de moi, je voulais comprendre. C'était pour ça que j'étais venu ici non ? Mon collègue fini par m'expliquer en détail à quoi avait servit ce lieux. Il m'expliqua comment avait été fait le placenta artificiel. Il me montra même des photos, on la voyait toute petite, un fœtus puis un bébé flottant dans la cuve qui paraissait immense. Pourtant, elle ne touchait même pas le plafond de la salle pour dire vrai.

Mon collègue m'expliqua également comment elle respirait :

"Déjà par sa "peau" à la manière des algues, commença-t-il, ensuite par ses multiples branchies situé non loin de sa tête. Quand elle est sous la surface, l'eau entre constamment par son nez, remplissant un muscle semblable au cœur qui repousse le liquide vers les branchies. Et quand elle sort la tête de l'eau, ses poumons prennent le relais...

- Et c'est déjà arrivé ? le coupai-je.

- De ?

- Qu'elle sorte la tête de l'eau ?"

Il y eut un silence pendant quelques instants, il regarda une vieille note sur le bureau. J'avais l'impression qu'il aurait aimé éviter cette question.

"Oui, reprit-il, une fois."

Il tourna la tête en direction de la cuve. On aurait dit qu'il voyait la scène une nouvelle à travers ses yeux mélancolique. Je ne disais rien, je voulais lui laisser le temps d'accepter ce qu'il allait me raconter. Tout en fixant l'angle de la pièce chargé de souvenirs il reprit :

"Son père venait souvent la voir. L'homme qui dirigeait les opérations, l'homme qui a décidé que cette petite princesse existerait. Il essayait de lui communiquer des choses alors même qu'elle n'était pas encore consciente. Comme un père parlerait à son enfant à travers le ventre de la femme qu'il aime alors qu'il n'a que quelques mois d'existence. Il collait sa main contre la vitre et quand elle a commencé à bouger dans son liquide, à être pleinement consciente de son environnement, elle a commencé à faire de même. Ils collaient tous les deux une main sur la vitre et se regardaient dans les yeux. Ce fut lui qui lui apprit à parler. Comme il n'était pas tout seul avec elle, il y avait toujours au moins quatre personnes derrière lui dans la pièce si jamais il y avait un problème, il lui apprit d'abord le japonais. Comme ça, ils pouvaient communiquer tous les deux sans être gêné par les gens autour. Elle parlait bien, elle avait une belle voix sous l'eau...

- Mais je ne l'ai jamais entendu parler. Depuis que je suis ici elle ne communique que par signe.

- Je vais y venir... Elle grandissait de plus en plus, dès qu'elle avait atteint 50 centimètres de long on se demandait où sa croissance comptait s'arrêter. Alors son père fit construire l'aquarium où elle est désormais mais pas seulement. Tu ne l'as peut-être jamais remarqué mais vers le fond de l'aquarium, là où les rochers sont l'air entassés, il y a une porte. Elle mène vers d'autres bassins. Ils bordent des berges d'herbe verte sur lesquelles languissent des arbres et de petites plages. L'endroit est plutôt grand. Il est entretenu presque tout les jours par des employés et des jardiniers qualifiés. On y a accès par les couloirs mais il n'y a pas grand chose à voir à par le paysage.

- Et ? Pourquoi n'ouvre-t-on pas la porte pour Shoujokaisou ?

- On n'a pas la clé.

- Qui l'a alors ?

- Shoujokaisou.

- C'est elle qui a la clé ?

- C'est une porte à reconnaissance d'iris. Seul son œil lui permet non pas d'ouvrir mais de fermer. Cette porte est sensé être en permanence ouverte. Mais elle, elle veut qu'elle soit fermée tout le temps.

- Pourquoi ? Je ne comprends pas.

- Elle a été traumatisé par l'extérieur et l'air de manière générale. Ça remonte au jour ou on a dû la faire sortir de la cuve pour les bassins et l'aquarium. On l'a ouvert par le haut. Comme tu peux voir, l'espace n'est pas très grand mais suffisant pour passer. Son père lui a dit de sortir du liquide, de passer la tête. Du moins j'imagine puisque c'est ce qu'elle a fait, elle lui faisait entièrement confiance. Quoi de plus normal pour une enfant.... Que de croire ses parents.

- "Ses" Parents ?

- Oui, enfin bref. Elle a donc sorti la tête du liquide, j'ai vu ce dernier ruisseler de ses branchies. Vidant ainsi ces réserves d'oxygène. Elle essaya d'aspirer de l'air de la même manière qu'elle aspirait de l'eau. Mais on voyait bien que c'était compliqué, et qu'elle avait du mal à respirer. Son père mimait des mouvements pour qu'elle utilise ses poumons. Elle essaya alors de l'imiter.

- Avec succès ?

- Si on veut... c'était la première fois de sa vie qu'elle utilisait ces organes. Imagine toutes les alvéoles collé qui d'un coup se remplissent d'air comme un vieux ballon de baudruche oublié au soleil. Forcément c'est douloureux. Surtout pour quelqu'un qui n'a jamais ressenti cette sensation et qui ne s'y attendait pas. Elle a bondit d'un coup sous l'effet de la surprise, se cognant au plafond par la même occasion, en s'écroulant sur le sol elle hurlait et pleurait. Ça a surpris tout le monde mais après coup on s'est tous senti bête. On aurait pu prévoir que ça se passerait ainsi, on ne s'habitue pas à un milieu totalement différent du notre aussi rapidement. Je me suis également demandé si c'était pour la même raison que nous pleurons à la naissance. Est-ce que respirer nous faisait mal ? Car au fond, ce jour là correspondait en beaucoup de point à une naissance... que malgré tous je qualifierais de fausse-couche.

- Comment ça ?!

- Elle aurait du sortir pour s'épanouir ! On s'occupe d'elle comme d'un enfant malade de cancer en vu de guérison alors qu'elle est en parfaite santé et qu'elle déborde d'énergie ! Mais elle veut rester comme ça. Elle refuse de sortir, ferme la porte à clé. Comme si elle ne voulait pas vivre au fond. Comme si elle voulait rester ce petit embryon dans sa cuve qui ne connait pas la douleur et qui découvre le monde. Pourtant elle est curieuse ! Elle veut toujours apprendre de nouvelles choses. Mais elle reste dans sa prison. Pas tant l'endroit, mais plus sa prison intérieure.

- Mais pourquoi refuse-t-elle de parler ?

- Au début elle n'utilisait pas ses poumons pour parler sous l'eau. Je crois qu'elle a des cordes vocales avant ses branchies, ou quelque chose comme ça. D'ailleurs elle ne parlait pas vraiment, ce n'était que des sons et des mélodies. Mais depuis qu'elle a compris qu'elle devait utiliser ses poumons pour parler elle refuse catégoriquement de sortir un son. Bien que je l'entende fredonner parfois.

- En résumé elle a peur de l'air, dis-je tristement baissant la tête en direction des quelques feuilles griffonnées qui étaient restées sur le bureau au centre de la pièce.

- C'est plus compliqué que ça. C'est vrai qu'on pourrait le croire, quand elle nage en surface elle fait très attention à ne jamais dépasser de l'eau, comme si l'air était toxique. Mais en réalité ce fameux jour elle s'est sentie trahie. Trahie par son père qui l'a faite souffrir, qui lui a fait mal comme jamais, avec l'air comme arme du crime. L'eau ne l'a jamais trahie, elle. Alors elle n'en sort plus. Elle hait l'air et son père également...

- Mais alors pourquoi elle refuse de se rendre dans les bassins ? Elle ne veut pas voir la lumière du jour ?

- Elle ne veut pas y aller car ils ne sont pas assez profond partout je crois. Mais surtout parce que son père s'y rend souvent."

Sa dernière phrase m'interpella. Il m'a bien dit que j'avais accès au bassin ? Alors si je m'y rend de temps en temps je pourrais peut-être rencontrer mon patron ! Je pourrais lui parler, le convaincre sur certains points, comme sur le fait que sa fille est seule, isolée ! Le convaincre de mettre d'autres poissons, le convaincre de lui faire faire une sortie dans un lac ou.... Non, c'est vrai qu'au fond j'étais bloqué. Je ne savais pas quoi faire pour que la situation s'améliore. Peut-être que cette enfant était destinée à passer toute sa vie dans cet aquariums. Mais je voulais quand même essayer de le rencontrer, pour au moins connaître son état de pensée.

Le lendemain, je suis allé visiter ces fameux bassins. L'endroit était grand, très grand. Au plafond, il y avait, en plus de led normales, les mêmes lampes violette qu'au dessus de l'aquiarium, diffusant leurs lumières étranges. Les murs avaient été peins avec une couleur sable, ce qui donnaient à la salle cette atmosphère surréaliste de paradis rêvé. J'insiste bien sur cette notion de songe. Mes yeux n'arrivaient pas à s'adapter à cette luminosité et même les odeurs de fleurs équatoriales qui flottaient dans cette pièce me paraissaient surréalistes. Je voyais des arbres qui possédaient de grandes feuilles et quelques palmiers nains aux abords des minuscules plage de sable fin. Rien de vivant dans l'eau excepté quelques algues peu longue tapissant le fond.

Il n'y avait personne dans l'immense pièce. Aucun jardinier, ni aucun père irresponsable. En me promenant un peu au hasard, je découvris plusieurs portes. Fermées. Elles devaient sûrement servir au jardinier et paysagiste, et la dernière au patron. Je ne pouvais pas l'attendre ici définitivement, et puis rien ne me disait qu'il viendrait aujourd'hui... Et puis je devais retourner m'occuper de Shoujokaisou. Je fis demi tour et remarquai en plein milieu de la pièce deux chaises pliables blanches et une table de même game. Je m'approchai alors et y vis un verre vide d'une forme assez originale accompagné d'un journal datant d'aujourd'hui. Je ne devais pas être venu assez tôt pour le rencontrer... je pris le journal, cela devait bien faire plusieurs mois que je n'en avait pas lu. Il serait peut-être temps de se mettre a jour me disais-je.

J'eus un peu de mal à retrouver mon chemin mais l'espace piéton de la salle n'était finalement pas si grand qu'il n'y paraissait. Le journal en main, je me retrouvais de nouveau devant l'immense aquarium. Ma princesse s'amusait avec son poisson. Je les fixais un instant, apaisé. Puis allai m'asseoir sur une des chaise à côté des images de sous-bois encadrées pour me plonger dans le journal. Un article en particulier qui faisait tout de même plus de deux pages attira mon attention. Il s'intitulait : "8ème scandale aux sein de la X.A.N.A.corp cette semaine". Comment ça "8ème" ? J'y travaille actuellement dans cette compagnie moi ! Pourquoi n'ai-je eu vent de rien ? Je lu le long article en diagonale. J'y appris que depuis un mois déjà des veilles affaires de manipulations génétiques illégales avaient été révélées au grand jour. Seulement des expériences ratés. Cette information me rappela une chose : officiellement Shoujokaisou n'existe pas. Que penserait la loi si elle découvrait son existence ? Logiquement "toute mutation génétique non naturelle et non officielle effectuée volontairement doit être détruite". Ils la tueront ? Vraiment... ?

Il était aussi fait mention de la confidentialité professionnelle de l'entreprise qui était remit en cause par beaucoup de gens importants et par l'avis général de la population. En lisant j'avais l'impression d'assister aux prequels d'une révolution... la monopolisation du marché par la X.A.N.A.corp allait finalement être réduite à néant ? De mon point de vu j'espérais que ce ne soit pas le cas. Je n'avais pas vraiment envie de me retrouver de nouveau au chômage. Et surtout si la X.A.N.A.corp n'avait plus de revenu, qu'adviendra-t-il de cette pauvre petite fille qui n'a jamais pu voir le monde extérieur ? Au plus profond de moi j'espérais que le journaliste qui avait rédigé ce constat en rajoutait pour faire vendre. Tout paraissait en défaveur de l'entreprise où je suis, comme si elle n'avait plus qu'à mettre la clé sous la porte... J'attrape une boisson énergisante en essayant de penser à autre chose.

Et voilà, ce jour là, c'était ma journée. Je retournerais voir demain dans la salle des bassins si mon patron y est. Je sors le D.V.D du lecteur et le range dans sa boite. Je vais entamer une bonne nuit de sommeil. J'espère de tout cœur que cette histoire de scandale se termine demain et que tout aille pour le mieux avec mon patron. Après tout, il n'a jamais dit qu'il voulait me parler. Je dois trouver les bons mots, la nuit porte conseil...

Il est très tôt. Mon réveil, réglé pour 4 heure du matin au préalable ne m'avait pas lâché. Je cherche mes pantoufles que j'avais oublié dans la salle de bain hier soir puis, bénissant la moquette, je me dirige vers mon armoire pour m'habiller.

Les rues sont totalement plongées dans la pénombre à cette heure si matinale. Pas un chat ni oiseau ne se manifeste. Sur mon trajet, quelques fenêtres s'allume En attendant que les réverbèrent s'éteignent. Les étoiles dans le ciel, en parti masquées par des nuages, semblent faire de même. Je me rend compte que c'est la première fois de ma vie que je m'extasie sur le trajet de mon travail. Comme si c'était la dernière fois que je marcherais sur ses dalles. M'apprêtais-je à faire une faute d'irrespect si grave que ça ? Je veut seulement parler de morale à mon patron ! Un homme sûrement très intelligent, qui a créé un être de manière totalement illégale pour son propre plaisir... d'accord, je fais peut-être une bêtise.

J'ouvre la porte et marche jusqu'aux cadres que j'avais vu mon premier jour ici. Un sentiment étrange émane de mon corps quand je le regarde aujourd'hui. Ce n'es pas du dégoût ni de la rancœur, mais ça y ressemble. Je m'approche lentement de la vitre de l'aquarium. Je ne vois pas ma petite protégée. Elle doit sûrement encore dormir. Mon regard zigzague entre les longues algues vertes du fond. Elle ondulent aux grès des minuscules courants. Les grains de sable au alentour bleuis par les lampes se déplacent également, lentement balayés par ces mêmes courants. Je m'étais refusé de retenir par cœur la position de chaques algues. Ainsi, je ne savais jamais où était shoujokaisou quand elle dormait. Si un jour elle décidait de se cacher de moi, elle avait un refuge. Je ne voulais pas lui retirer ce droit. Mais aujourd'hui, j'aurais aimé savoir où elle se trouve, j'aurais aimé la regarder dormir, sans la réveiller. Une manière de lui dire... au-revoir ? ... Pourquoi ai-je l'impression que la fin est proche ? Je me frotte le visage dans mes mains pour essayer de me concentrer. Quand je les remets dans mes poches, j'aperçois le poisson rouge qui semble dormir lui aussi. Je lui lance ne plaisantant : "Si je ne reviens pas vivant, dis à ta mère que je l'aimais comme ma fille." Puis je commence à m'en aller. Rire de ma situation ne fonctionne pas vraiment. L'éclairage de nuit étant toujours actif, je me prend les pieds dans la petite chaise sur laquelle je buvais ma boisson "énergisante" hier et m'étale de tout mon long sur le sol. Une sorte de bruit sourd résonne dans toute la pièce. J'ai l'impression de sentir une grande onde se déplacer dans tout le bâtiment. Elle risque de réveiller la princesse !

Je me relève, scrute les environs comme si quelqu'un m'observait. Je marche lentement vers la porte afin de retrouver les couloirs pour espérer rejoindre mon patron. Je me déplace à pas de loup, je ressemble à un enfant qui sortirais la nuit pour lire sans que ses parents ne le sachent. J'entends un tout petit bruit, semblable à celui d'une ventouse que l'on appliquerait sur une vitre. Je me doute bien de sa provenance et me tourne vers la paroi de l'aquarium. Elle est là, cette petite fille, avec quelques grains de sable aux coins des yeux et un certain nombre dans les cheveux. Mais oui ! La bpince ! Je l'avais oublié entre temps. Elle ne l'avait pas retirée avant de plonger sa tête dans le sable pour dormir, tout ça pour que nous venions la coiffer le lendemain, aujourd'hui en somme. Même si la coiffer n'est qu'une excuse pour interagir avec nous.

Elle se tient donc devant moi, flottant dans son eau, se frottant les yeux avec la membrane verte qui lui sert de main, s'extirpant peu à peu de son sommeil. Elle jette un coup d'œil aux plafond et me regarde de nouveau, étonnée. Elle commence a bouger les bras et se met à signer rapidement. Je le regarde et essaye de lire :

"Que se passe-t-il ? La journée à commencé ? L'éclairage fonctionne mal ? Où est Antoine ?"

Je la fixe, désolé, un instant puis tente de lui répondre :

"Il n'y a rien, il est encore tôt. Je ne fais que passer. Tu peux te recoucher. Pardon de t'avoir Réveillé."

Elle met plusieurs secondes à comprendre mes gestes maladroits puis, interloquée, continue :

"Que vas-tu faire ? Pourquoi ne dors-tu pas toi aussi ?"

Je n'avais pas répondu. J'étais parti en me dépêchant pour ne pas croiser son regard, mais je la devinais me suivre le long de la paroi avec une expression entre le questionnement et la peur. Peur de la raison de cette irruption inhabituelle. Je ne sais pas pourquoi mais je redoute sa réaction si je lui parle de son père. En attendant, je suis devant la porte du jardin paradisiaque. Mon cœur bat si fort qu'il semble vouloir s'extirper de mon corps par ses propres moyens. D'une main tremblante, j'abaisse la poignée.

Cela fait une demie-heure que je suis ici et aucun humain en vue. Je me sentirais bête si personne ne venait. En attendant je me suis assis à la table blanche. Tapotant dessus, ne sachant pas quoi faire d'autre. Les odeurs qui flottaient ainsi que le décor m'apaisaient. Pour tromper l'ennui, j'avais suivi du regard les gravures de cette table, mes yeux en avait fait quatre fois le tour jusqu'à ce qu'un verre ne les arrête subitement. Je sursaute, un homme se tient devant moi, il est assez grand, possède une barbe de plusieurs semaines ainsi qu'une moustache qui se fond dans cette dernière ; Il a des cheveux longs, attachés par plusieurs élastiques entourés par des tissus colorés. Il me fait penser a un partisan du mouvement hippie mais ses vêtement et son air extrêmement sérieux voir énervé me laisse supposer que ce n'est pas le cas.

"Bonjour". Commence-t-il sur un ton neutre bien qu'un peu froid. En même temps, je suis assis à sa table sans autorisation ni raison apparente. Il y a de grandes chances qu'il se demande qui je suis. Si c'est le cas, il n'en montre rien et s'assoit sur la chaise restante. Ni à ma droite, ni en face de moi, entre les deux. Dans un silence des plus total, il sort une paille jaune fluo de sa poche de veston et la met dans son verre, buvant deux à quatre gorgés par son intermédiaire en me fixant. Je sens peu à peu une certaine gêne peser sur mes épaules. Je me demande comment entamer cette discussion mais peu d'éléments me vienne. Ma tête est comme vidé de ses pensées. Je ne voit rien à part peut-être me présenter. L'étrange monsieur releva la tête de son breuvage et me lance de nouveau :

"Alors ?

- Euh, oui ! Non, excusez moi, bredouillé-je, je me présente, peut-être ne me connaissez-vous pas...

- Vous êtes un des ses employés qui se pose des questions, morales ou existentielles, et qui est venu m'attendre ici, me coupe-t-il, en pensant que j'ai les réponses au sens de la vie.

- Vous semblez bien informé, plaisanté-je.

- En tout cas vous en avez l'air. Ce n'est pas comme si c'était la première fois que je vivais ce type de scène.

- Et vous les avez guidé tel le messie, continué-je sur ma lancé.

- Non, ils posaient trop de questions. Ce n'était pas une bonne chose au travail où ils étaient. Alors je les ai coupés en morceau et je nourri ainsi les squales petit à petit. Comment croyez vous que votre place s'est libéré ?"

En seule phrase, il me remet violemment à ma place, mon visage devient blême et un froid se met à parcourir mon corps. Maintenant que j'y pense, il est tout à fait possible pour cet homme de faire disparaître toute trace de ma vie sans que personne ne se pose de question. Remarquant mon soudain changement d'humeur il rajoute :

"Voyez comme vous n'aimez pas quand je plaisante, alors s'il vous plait restons sérieux." Mon angoisse ne s'évanouie qu'à moitié. Peut-être est-ce son but ?

"De quoi teniez vous tant à me parler ? enchaîne-t-il en remuant sa paille sans me regarder.

- Eh bien... C'est à propos de votre création ?"

Il n'eut pas l'air d'apprécier le mot "création" et son regard s'obscurcit.

"Rassurez-moi. À l'instant, vous ne venez tout de même pas de parler de ma fille ?"

Moi qui pensais l'énerver en appelant Shoujokaisou sa fille vu la manière dont il la délaisse.... L'angoisse me quite totalement, laissant place à une colère que je tente d'étouffer. Avec le temps que j'ai passé avec elle, je représente bien plus un père pour cette enfant que lui.

"Bien sûr, excusez moi, vous m'avez dit d'être sérieux, tenté-je de me rattraper, peut-être voudriez-vous que je sois moins terre à terre et que je prenne compte de vos sentiments ?

- Ce n'est pas ça, nous parlons d'une personne, pas d'une chose, ni d'un animal !

- Ne vous inquiétez pas, je le considère comme égal à moi-même, si ce n'est plus.

- J'espère bien... bougonne-t-il en approchant son verre de ses lèvres.

- Dites-moi, depuis combien de temps n'avez-vous pas parlé à votre fille ?

- Ça vous regarde ?

- Non c'est vrai, de votre point de vue non. Mais le travail que vous m'aviez confié concerne le bien être d'une enfant. Et cette enfant...

- Que lui arrive-t-elle !?

- Rien de plus que d'habitude.

- Ah...

- Savez-vous comment elle est d'habitude ?

- Je reçois un rapport chaque jour...

- Mais depuis combien de temps n'êtes vous pas allé la voir, le coupé-je.

- Longtemps.

- Pourquoi ?

- Pourquoi quoi ?

- Pourquoi n'y allez-vous pas ? Qu'est-ce qui vous en empêche ?

- Elle ne voudra pas me voir.

- Vous en paraissez si sûr...

- Elle me rejette depuis le jour de sa sortie, j'en ai déjà fait les frais, merci !

- Elle est déjà sortie ?!

- Sa sortie de cuve. La dernière fois elle m'a montré les cicatrices verticales sur son ventre comme une preuve que je suis un enfoiré.

- Mais, toutes ces cicatrices, elle se les fait sur les rocher du bassin. Quel rapport ?

- Non, pas toutes, celles verticales sur son bas-ventre se sont faites quand elle a jailli de la cuve."

Il se tait, bois une gorgé de son étrange verre en murmurant :

"Triste passage de notre vie. On fait tous des erreurs."

Il lève la tête vers le plafond, et soupire. Puis d'un mouvement brusque il pose ses coudes contre la table et me fixe :

"Pourquoi avez-vous été surpris quand je parlais de la sortie de ma fille ? Vous voudriez qu'elle s'en aille ?

- Non, mais elle est enfermée ici, elle a besoin de grands espaces, et des lieux naturels, pas ces décors d'aquarium.

- Si seulement c'était aussi simple...

- Elle n'acceptera peut-être pas de sortir si vous lui demandiez, d'accord. Mais si c'est moi ? Elle pourrait visiter un lac comme ça.

- Vous voulez sa mort en somme, dit-il comme si c'était une éventualité en se remettant droit sur sa chaise.

- Comment ça ?

- Elle tombera malade dehors. Elle est habitué à une eau en permanence filtrée, traitée et avec aucun organisme extérieur. Le moindre petit virus et c'est un danger qui s'offre à nous. On ne sait pas comment son système immunitaire va réagir. Elle n'est pas humaine je vous rappelle, et elle ne fait pas non plus partie de l'écosystème du lac où vous voulez la placer.

- Alors elle est condamnée à rester ici...

- Est-ce un mal ?

- Elle n'est pas bien là où elle est !

- L'a-t-elle dit clairement ?

- Non, mais...

- Croyez-moi elle n'hésite jamais à dire ce qui lui passe par la tête. Si c'était le cas elle vous en ferrait par. Je la connais comme si je l'avais faite.... ricane-t-il dans sa barbe.

- Mais peut-être qu'elle ne s'en rend pas compte !

- Alors dans ce cas c'est un autre mal qui la suivra où qu'elle aille."

Je me tais, je pense à autre chose. Il n'a pas l'air de vouloir m'apporter des réponses au final. Je me demande depuis quand rêve-t-il d'avoir une fille. Je me demande combien d'années ce projet lui a pris pour la créer. Je me demande pourquoi il n'essaye pas de se réconcilier avec elle. Je me demande s'il avait prévu d'en créer d'autre comme elle. Et surtout je me demande s'il daignera répondre à toutes ces questions sans mensonges.

Je ressemble à un enfant puni qui se demande ce qu'il a fait de mal et comment il peut se racheter. Remarquant ma mine dépitée, mon patron me tendit son verre en disant :

"Vous en voulez ?"

Je jette un œil vers le liquide, la couleur violette ne me met pas en confiance....

"C'est douloureux quand ça coule dans la gorge, ça rappelle à quel point vous êtes vivant et potentiellement cible des souffrances que la vie réserve.

-.... qu'est-ce que c'est....

- Ah non. C'est vrai, vous n'en avez jamais bu. Ça vous tuerait ou du moins ça ne vous laisserait pas indemne.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Du poison, dilué, avec d'autres urticants.

- Et le résultat possède vraiment cette couleur ?

- Très observateur comme toujours, dit-il en tapotant sa poche de veston ! Eh bien pas du tout. C'est un colorant que je met. Et pour quelle raison me direz-vous.

- Sûrement.....

- Pour repousser les potentiels goutteurs. C'est du poison. Mon corps s'habitue à cette mixture alors je prends des doses de plus en plus forte pour ressentir le même effet à chaque fois. Quelqu'un qui n'y est pas habitué mourrait sur le coup.

- Astucieux....

- Très astucieux ! Buvez, dit-il calmement en me tendant son verre une fois de plus.

- Pardon ?

- Ne vous inquiétez pas, je n'ai pas fini et j'ai bien l'intention que vous entendiez la fin de mon discours. Buvez."

Je prend le verre, le remue en fixant le liquide qui ondule en son fond puis boit d'un trait ce qu'il reste. Tel un médicament. L'homme me regarde avec un sourire malsain. Je n'ais rien ressenti, pas de douleur ni aucune sensation bizarre. C'est légèrement sucré et a un gout de cassis. je reposai le verre sur la table.

"Alors ? demanda-t-il. Vous comprenez maintenant ?"

Perplexe, je me lève de ma chaise et lui lance en m'en allant :

"Je n'en suis pas vraiment sûr. Mais si c'est une sorte de demande de votre part, alors je vais l'exécuter de ce pas.

- Un instant !

- Oui.

- Vous êtes vous déjà demandé pourquoi ma fille s'appelait Soujokaisou ?

- Non, je l'avoue, jamais. Je m'étais fait à l'idée que ce nom était le sien. Un nom un peu étrange, bien que sûrement commun dans la première langue que vous ayez appris à votre fille j'imagine.

- Menteur. Je suis persuadé que cette questions vous a tourmenté pendant longtemps.

- Vous me surestimez.

- Peut-être, mais je reste persuadé que vous êtes bien plus intelligent que vous ne le laissez paraître. Quoi qu'il en soit, Shoujokaisou n'est pas le prénom de ma fille. Je lui ai effectivement d'abord appris le japonais, mais Shoujokaisou est le surnom que le seul scientifique sur le projet qui parlait japonais a donné à ma Élisa. De plus, il s'est trompé, il a inversé les deux mots, kaisoushoujo serait le vrai terme. Mais j'ai décidé de le laisser dans le mauvais ordre. Ainsi, ça ne saute pas tout de suite aux yeux.

- Éliza ? Vous pensez qu'elle se souvient de ce nom ? Et qu'est-ce que veut dire kaisoushoujo au final ?

- Posez lui toutes vos questions directement, me nargue-t-il en se levant à son tour, il semble que vous avez beaucoup de temps pour discutez tout les deux ! Sur ce, je vous laisse, je ne sais pas si vous avez lu l'actualité dernièrement mais j'ai un programme TRÈS chargé aujourd'hui. Donc.... faites ce que vous avez à faire, au revoir.

- Bonne journée.

- Très drôle ! crie-t-il en s'en allant vers les portes du fond."

Le verre est resté sur la table. J'hésite un instant à le balancer dans les bassins car toute cette histoire n'a plus aucun sens mais je me retiens, puis tourne enfin les talons. J'avais une princesse à questionner.... et ensuite une jeune enfant à libérer.

Je marche lentement, je sais clairement quels sont mes objectifs mais je ne sais pas comment m'y préparer. J'ais peur de tout rater en m'y prenant mal, pourtant il faut bien que j'avance. Les lumières de l'aquarium sont allumées. Pour elle, le jour s'est levé. Je m'approche de la parois. Il lui faut peu de temps pour remarquer ma présence et onduler jusqu'à moi. Remarquant ma mine perdu elle se met à signer :

"Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Tu sais ce qu'est un soleil ?"

Elle semble mécontente que je l'ignore ainsi mais répond tout de même :

"Oui, bien sûr.

- En as-tu déjà vu un de tes propres yeux ?

- Il ne faut pas regarder le soleil dans les yeux. Cela les brûle. Et Cela fait mal.

- Comment sais-tu cela ? Tu as essayé ?"

Son regard devient froid, accusateur. Elle a l'impression que je me moque d'elle.

"Pourquoi cette question ? Que cherches-tu à faire ? me répond-t-elle.

- Tu aimerais voir un soleil, un vrai ?"

Elle se met à me fixer méchamment puis fait un grand geste de la main en guise de négation. Ce "non" était venu du cœur. J'essaye néanmoins de continuer à signer pour qu'elle n'aille pas simplement bouder dans un coin. Elle avait pris un peu de distance, elle n'est plus collé à la vitre mais son regard menaçant n'avait jamais été aussi proche de mon esprit. Je continue :

"Si je t'amenais voir un soleil, peu de temps, tu accepterais de me suivre ?

- Pourquoi ?

- Pour voir de nouvelles choses, voir tout ce que le soleil peut éclairer....

- Non, me coupe-t-elle. Pourquoi essayes-tu de me convaincre de te suivre. Tu ne me donnes pas envie de partir d'ici. Moi je suis bien ici. Je me plais."

Elle arrête de remuer, peut-être pour me laisser réfléchir. Puis elle reprend :

"Je suis bien consciente que ce n'est pas représentatif du monde ici. Je sais bien qu'il y a un "dehors". Je ne veux pas y aller pour autant. Ici, c'est bien. Ici, j'ai Aka avec moi et il est gentil.

- Qui est Aka ?

- Aka est mon poisson rouge. Il fait parti de mon monde, mon univers. En plus, cet univers est différent du tient. Cela, tu ne veux pas l'accepter. Pourquoi tu ne veux pas l'accepter ? Pourquoi personne ne veut accepter cela ?"

Je ne réponds rien.

"Moi je suis bien ici. Oui. Ici est petit. Oui. Dehors est bien plus grand. Mais je ne veut pas aller dehors. Dehors est plus grand donc plus vide. Un vide que je ne peux combler. Personne non plus ne m'aidera à combler ce vide. Il n'y a personne qui me comprendra.

- Et si dehors il y a d'autre gens comme toi ? Tu voudrais y aller ? tenté-je une fois de plus.

- Mentir c'est pas beau. Il n'y a personne comme moi. Ni dehors, ni ailleurs. J'ai accès à beaucoup d'information. Quand je n'arrive pas à dormir le soir, je vais sur la machine que mon père m'a laissé. Sur cette machine je peux me documenter sur tout ce qui existe. Je suis une enfant. Je ne suis pas stupide."

Je la fixe, étonné. C'est nouveau ça. Elle nage en direction d'un coin du bassin pour me montrer. Elle s'immobilise et une grande porte dissimulée s'ouvre en deux. J'aperçois de la lumière, typique des écrans d'ordinateur. Son père lui en a sûrement aménagé un pour elle.

"Pourquoi ne nous l'avoir jamais dit ?

- Tu me révèle toute ta vie toi ? Non. Tu n'as pas à le faire. Moi je ne te révèle pas toute ma vie non plus. J'ai le droit d'avoir de l'intimité. Toi aussi.

- Pourquoi es-tu si froide ?

- Tu es bizarre. Je ne t'ai jamais vu comme ça. Ton attitude. Je me méfie."

J'affiche alors un air désolé sur mon visage. Je tente de m'expliquer :

"C'est un jour spécial aujourd'hui. Alors je suis spécial aussi.

- Cela n'est pas vraiment une explication, me répond-t-elle en adoucissant son regard.

- Je ne veux pas te mentir. Ton père m'a dit de venir te parler."

Elle s'enfuit d'un seul coup. La lumière est claire désormais, je la vois fuir notre discussion en direction de la surface. Elle reste là, le plus loin possible de moi. Trop loin pour que je puisse savoir ce qu'elle pense et pour qu'elle comprenne quand je remue les bras. Il me suffirait de faire le tour et d'aller au dessus de l'aquarium pour être de nouveau proche d'elle. Elle risque de me fuir de nouveau mais qui ne tente rien n'a rien....

Je m'approche doucement du bord. L'eau viens se fracasser doucement sur le mur à un rythme régulier. D'ici, tout semble différent. Le décor du bassin me fait revivre mon entretient d'embauche. La photographie qu'on m'avait tendu a été prise depuis cet angle. Shoujokaisou fait la planche à un mettre sous la surface de l'eau. Elle sourit. Elle se met de nouveau à signer :

"Que vas-tu trouver encore ? Tu tiens à ce point à me convaincre. Tu es comme lui en fait. Je préfère en rire.

- Comme qui ?

- Mon père.

- Tu le détestes ?

- ....

- Lui il t'aime fort je pense.

- Je sais. Mais je préférerais ne pas le savoir.

- Tu le détestes au point de refuser de le voir, refuser de lui parler.

- .... Je.... ne le déteste pas."

Son regard est lentement passé d'une teinte à l'autre : énervé puis triste. Je continue :

"Il t'a donné un nom. Il t'a appris à communiquer. Sans lui tu ne serrais pas né. Il t'a donné un nom."

Shoujokaisou est en train de remonter très lentement vers le plafond, toujours le ventre vers le ciel, la tête vers moi. Elle touche presque presque la surface désormais. Elle lève le membre qui lui sert de main. On a l'impression qu'elle l'appuie sur la couche d'air qui est posée sur l'eau. La pose qu'elle tient est la même qu'elle a quand elle colle sa "main" contre la paroi transparente. Mais son visage est tordu par l'envie de pleurer. Elle me fixe de nouveau. J'utilise ma voix :

"Tu m'entends ?"

Elle remue la tête de haut en bas en fermant les yeux. On aurait dit qu'elle s'apprête à faire quelque chose qu'elle regrette déjà.

"Éliza ?"

Elle replonge subitement en profondeur dès qu'elle entend ce nom. J'ai crus qu'elle allait de nouveau se cacher dans un coin mais une fois au fond du bassin, elle se tourne de nouveau dans ma direction et fait de grande ondulation, soulevant tout le sable aux alentours. Une scène magnifique, une ondulation émeraude dans un fond de grain jaune qui me fonçait dessus à toute vitesse. Son mouvement est tellement puissant que des vagues commencent à se former à la surface du bassin et avant que je n'ai le temps de m'éloigner, elle jaillit de l'eau dans un claquement triomphant. Dans mon esprit je vois des chaînes se briser en mille morceaux représentés par chacune des gouttes qui volent à l'instant au dessus du grand bassin. Shoujokaisou vient de faire un saut prodigieux hors de son univers qu'elle tenait tant à garder fermé et dans un bruit sourd elle s'affale sur le sol non loin de moi. J'accours pour vérifier si elle ne s'est pas blessée mais je n'ose soudain pas la toucher. Elle a décidé seule de sauter. Peut-être ne veux-t-elle pas que j'intervienne dans cette épreuve. Elle semble bloqué mais soudain, dans un mouvement étrange elle prend une grande inspiration, elle halète, des larmes coulent sur son visage. Elle remue dans tous les sens comme si un feu la dévorait de l'intérieur. Puis, elle se calme peu à peu. Tout son corps n'est pas hors de l'eau. Le bout de sa longue algue est encore dans l'eau. Elle se tourne vers moi et commence à produire des sons :

"o... oo... ah ! o... oto... お父さんはやさしくない.... 毎日、お父さんを見たい、でも.... できません。この....

- Je.... je ne comprend pas désolé.

- 彼は.... 無残 「むざん」です。でも、お父さんが好き。お父さんが好き!なんで, continue-t-elle en pleurant. なんでこのようなことが起「お」こっているんですか。私はお父さんを信「しん」じることができない。それは大丈夫じゃないよ!

- Je ne comprend pas... Éliza.... vraiment.

- Mon père... est. Comme il est. C'est tout. Il ne comprend pas, il ne comprend jamais, il ne s'attarde jamais pour essayer de comprendre. Il croit que tout se passe comme il l'imagine, continua-t-elle."

Des larmes coulent sur ses joues, mais la princesse reste totalement calme. Sa voix est resté belle. Elle bloque un peu sur certain mots, parfois. Elle me fait de la peine.

"Il en est tellement convaincu qu'il arrive à persuader tout le monde comme cela. C'est comme cela qu'il a réussi dans les affaires ! Qu'il est devenu riche.... mais moi, renifle-t-elle, moi je le connais depuis ma naissance. Depuis que je suis né ! Je le connais trop, je sais quand il veux me faire croire qu'une situation est bénéfique quand elle est désastreuse. Je sais que tout va mal. Pour son entreprise, pour moi." Elle se met soudain à tousser. Elle se redresse lentement mais manque son mouvement et se cogne la tête contre le sol. J'essaye de la rattraper mais c'est trop tard. Je m'accroupis et la prend dans mes bras, elle ne pleure plus, elle a juste l'air... fatiguée, ennuyée. Je ne sais pas quoi dire, alors j'essaye simplement :

"Ça va ? Tu n'as pas trop mal ? Comment tu te sens ?"

Elle pousse un soupire :

"J'en ai marre. Je n'en peux plus.

- De ?

- De l'air, cet élément dans lequel il n'y a que douleur. Comment peut-on vivre dedans ? L'eau est bien plus accueillante. L'air me plaque contre sol alors que l'eau me porte et me berce . L'eau c'est ma maman à moi...

- Tu aurais aimé qu'elle soit ton seul parent ?"

Elle ouvre grand les yeux comme si elle était choquée par ma question puis se reprend. Elle réfléchit :

"Peut-être... non, il y a papa aussi.

- Tu aurais préféré que ton père soit quelqu'un d'autre ?"

Elle fixe le vide, réfléchit un temps.

"Peut-être bien. Mais qui ? Toi ? Pourquoi tu n'as pas d'enfant d'ailleurs ? Alors que tu t'en occupes si bien.

- Comment peux-tu le savoir, dis-je avec un sourire narquois.

- J'ai lu tout ton dossier.

- Euh... Je n'ai jamais trouvé la bonne personne.

- Mon père si. Mais il n'a jamais voulu adopter. Il voulait juste un fille qu'il aurait vu grandir dès le début. Une fille pas comme les autres.

- Tu aurais voulu être comme les autres ?

- Maintenant je suis celle que je suis et c'est mieux ainsi, je ne veux pas changer. Mais peut-être que cela aurait été plus simple si j'avais été comme les autres dès le début.

- Qu'est-ce que tu as de si différent que les autre filles ?

- Les autres, de manière générale, elles n'ont pas de dégénérescence des organes."

Cette phrase, je ne l'est pas bien entendue sur le coup, elle l'a chuchoté. J'essaye de continuer cette discussion, je ne veux pas qu'elle décide de sauter dans le bassin depuis mes bras pour qu'au final son exploit durant sa phase de colère n'ai servit à rien.

"Tu penses que je ferrai un bon père ?

- Honnêtement, je pense que tu as été fait pour ça. Pourquoi tiens-tu tant à remplacer le miens ?

- Pourquoi dis-tu ça ? dis-je étonné.

- Cela crève les yeux.

- Je t'aime beaucoup. Je me dis juste que ton père ne prend pas soin de toi, je me sentirais coupable si je ne faisais rien...

- Pour le remplacer ? Mon père m'aime. Mal, certes. Et il ne sait pas comment s'y prendre. Mais je sais qu'il ne m'abandonnera jamais. C'est la première personne que j'ai connue et il sera sûrement la dernière personne que je verrai. C'est mieux comme cela."

Elle regarde l'eau pensive, puis chuchote : « Même si j'aimerais voir papa aussi. » Elle se met ensuite à regarder son nombril en croisant les bras.

"Mais, continué-je, tout à l'heure tu disais que tout va mal. Tout ne va pas si mal que ça."

Elle tourne la tête vers moi, consternée :

"Tu as lu un journal dernièrement ? Tous ne parle que de ça. Même ce dont l'actualité n'est pas le sujet ! Tout mon petit univers... je lui donne un mois grand maximum avant qu'il ne s'effondre ! L'entreprise de mon père fait faillite, elle est boycotté par tous. Les gens en ont marre de sa suprématie et de son monopôle sur le marché. Si ce n'était que des révoltes isolées, la X.A.N.A.corp les aurait fait disparaître comme c'est le cas parfois. Mais qu'est-ce que mon père peut faire lorsque son empire entier se retourne contre lui...."

Les larmes lui reviennent. Elle se met à trembler mais pas à cause de ses pleurs. J'ai l'impression qu'elle a froid. Elle grelotte, je peux entendre ses dents s'entrechoquer si je tends l'oreille.

"Tu as froid ?

- Oui. L'air ne me fait pas seulement mal, il m'assèche, il me gèle. J'ai l'impression qu'il cherche à me détruire petit à petit. Exactement comme la rouille et le fer.

- Tu as un mental d'acier pour tenir alors, plaisanté-je"

Elle grelotte de plus belle.

"J'aimerais bien. J'aimerais être forte, et avoir moins d'orgueil pour me réconcilier avec mon père. J'aimerais être forte.... et lui cracher au visage ses quatre vérités. Et là maintenant, tout de suite, j'aimerais avoir un peu plus chaud."

Et comme si les lieux reconnaissaient les désires d'Eliza comme des ordres, la porte murale au fond du bassin s'ouvre. Une lumière jaune clair provient de cette ouverture. Cette fameuse porte, celle que Shoujokaisou grade toujours fermé s'est enfin ouverte.

"Qu'est-ce que c'est ? demande-t-elle."

Ses yeux sont fermés et elle grelotte toujours. Son bras, maintenant passé derrière ma nuque me sert plus fort qu'avant. Elle se colle un peu plus à moi pour récupérer ma chaleur. Je me sens comme un poule qui prend ses petits sous son aile....

"C'est ouvert. De nouveau.

-Ah.... forcement. Cela fait longtemps que je n'ai plus vu cette pièce.... Je voudrais y passer. Au moins une dernière fois.

- Tu veux que je te remette dans l'eau ?

- Non, je vais devoir en ressortir de toute façon. Je ne veux pas revivre cela encore une fois. Porte moi.

-Euh.... comme ça ? Jusqu'à la salle ? C'est plus long par le couloir tu sais.

-S'il te plaît...."

Je descends les marches du bassin, une à une. Éliza est très longue, plus de deux mètres. Pourtant elle n'est pas lourde. J'entends sa longue traîne d'algue frotter contre le sol, tel une mariée. J'avance lentement pour éviter que l'escalier ne lui fasse mal. Pour l'instant elle n'a pas l'air de s'en plaindre.

Ces couloirs ne m'avait jamais paru aussi long. Je regarde le sol et en arrière toutes les cinq secondes pour vérifier si tout va bien, jamais droit devant moi. Éliza semble endormie, mais je me doute bien que ce n'est pas de le cas. Chaque portes que je passe me paraît infranchissable. Je devais réfléchir à ma position pour ne cogner aucun endroit de son corps d'enfants contre les encadrements. Sans parler du bruit de fond qui résonne dans mes oreilles et qui semble s'intensifier à chacun de mes pas.

À l'instant où je me tiens enfin devant la dernière porte à franchir, un profond sentiment d'accomplissement émane de mon être. Même si au fond, j'aurais aimé que cette traversé soit plus longue pour pouvoir porter à la manière d'une princesse celle que je considère comme ma fille un peu plus longtemps. Je franchis cette porte non sans peine comme les précédentes et contemple l'atmosphère apaisante de cette salle en marchant. Éliza ouvre les yeux. Elle contemple à son tour les murs indiscernables, les plages minuscules, la végétation, les mouvements de l'eau, la table blanche et les chaises, avec un regard fatigué. Elle huma l'air et senti ses odeurs enivrantes et apaisantes. Elle ne sourit pas. Elle dit simplement : "すばらしい.... きれいだったね。でも、今もすごいです。"

-Qu'est-ce que tu dis ?"

Elle tourne la tête en direction de la mienne. Je contemple son visage. Il n'a pas changé : je vois le visage d'une enfant, un visage beau, aux traits arrondis avec de petites points verts comme des taches de rousseur. Un visage magnifique même malgré sa déformation. Un côté de sa mâchoire n'a pas grandit à la même vitesse que le reste, il est resté enfoncé. Ça lui donne un petit air fragile et adorable. Pourtant, je n'ai plus l'impression de parler à une jeune enfant. Elle a grandi, mûri. Elle me fait plus penser à une grand-mère qui adéjà vécu beaucoup d'événements tragiques.

"Rien, répond-elle, je me disais juste que tout était semblable au passé. Toujours à m'inspirer le même dégoût."

Elle détourne le regard en direction de l'eau. "dégoût". C'est ainsi qu'elle voit l'œuvre de son père. Un égout.

"Mais au moins, ici, il fait plus chaud, continue-t-elle. Dépose moi dans l'eau.

-....

-S'il te plaît."

Je marche alors vers la plage la plus proche sans un bruit. Du coin de l'œil, j'aperçois sur la table blanche le fameux "verre de poison". Il a été rempli. Quelqu'un est revenu et l'a rempli avec un liquide de la même couleur. J'essaye de l'oublier. Je descends la pente douce de la minuscule plage jusqu'à ce que l'eau m'arrive au niveau des chevilles. Une eau presque tiède. Éliza retire son bras de ma nuque et à sa demande je la dépose là. Le bruit que j'entendais dans le couloir semble plus fort désormais, celui des vaguelettes ne le cache pas. La princesse est allongée sur le do, la tête dans le sable. L'eau s'arrête à ses joues. Elle déplace sa traîne verte de l'amont à l'aval de la plage dans un bruit apaisant de sable que l'on frotte.

Elle fait de petites vague avec ses bras. Elle sourit. Un sourire heureux et nostalgique. Comme si c'était la dernière fois qu'elle ferrai ça, jouer dans l'eau. Je ne sais pas vraiment comment interpréter son attitude.

"Tu aimerais que je fasse quelque chose ?

- Non. Merci, chuchote-t-elle."

Elle se met à fredonner. Un air aussi beau que la scène que je vois, elle me faisait penser à un ange. Un air qui devrait m'apaiser mais ce fameux bruit sourd résonne de plus en plus fort dans ma tête.

"Ce serait parfait, reprend-elle, s'il n'y avait pas ce vacarme en fond.

- Oui.... soupiré-je. Attends ! Ce grondement ne provient pas de mon imagination ?

- Non. Je l'entends aussi. Il fallait bien que ça arrive un jour.

-Comment ça ? Qu'est-ce que c'est ?

- Des gens, continue-t-elle en balayant l'eau avec sa traîne, ils sont mécontents. Ils pénètrent le bâtiment, ils cassent tous sur leur passage. Je les ai vu ce matin, sur les écrans de surveillance, avant que tu ne reviennes me voir.

- Mais.... qu'est-ce qu'ils veulent ?

- Je ne sais pas, se défouler peut-être, ils ont juste été poussé par d'autre pour saccager les lieux."

Des sueurs froides traversent mon corps. Si la X.A.N.A.Corp. n'existe plus, mon patron n'a plus d'argent. Qu'adviendra-t-il d'Éliza, de son petit monde douillet et isolé, de cette cage dorée dans laquelle elle est née ? Elle ne peut aller nulle part, son corps ne pourra pas résister aux microbes de l'extérieur !

"Je suis désolé, continue-t-elle comme si elle voulait remuer le couteau dans la plaie, mais tu va bientôt perdre ton travail. Plus personne ne pourra te payer pour s'occuper de moi.

- Mais.... et toi, qu'est-ce que tu vas devenir ?! Quand ils te découvriront, qu'est-ce qu'ils vont de faire ?

- Calme toi, râle-t-elle. Je ne sais pas et je ne veux pas le savoir ! Je verrai bien, mais je me doute qu'il ne me reste plus si longtemps. J'ai lu les lois tu sais.

- Mais.... personne n'a envie qu'il t'arrive une telle chose !

- Tant pis. C'est comme cela que cela doit se passer. Je n'aurais pas dû exister. Pourquoi se démener pour me garder en vie ? On prend soin de moi. Mais je ne sert à personne, je ne suis qu'un poids dont on ne veut pas se débarrasser par honte ou par sentimentalisme....

- Et moi, tu m'oublies ? Si tu n'existais pas je serrais au chômage et probablement dépressif à l'heure qu'il est. Tu es loin d'être un poids. Tu es quelque chose de merveilleux sur lequel on se raccroche mentalement pour aller mieux ou tout simplement qu'on aime avoir près de soi car tu rends les gens heureux."

Elle me lance un regard lourd, pas vraiment convaincue.

"Tu ne t'en rend pas compte car c'est depuis ta naissance. Tu sais, tu es encore très jeune, il te reste tellement de choses à vivre. Ta façon de penser va évoluer."

Je me suis mis à genoux. Mon pantalon va me coller aux mollets mais tant pis. Je me suis tu, espérant que mes mots la fasse réfléchir. Elle, elle avait les yeux fermé à cet instant. Ses cheveux doré en blanc, qui n'avaient plus aucune mèches noires, flottent au grès des ondes de l'eau. Elle finit par dire :

"Et Aka, mon poisson, qu'est-ce qu'il va devenir ?

- Je pourrais le récupérer pour qu'il vive si tu veux.

- Merci, chuchote-t-elle."

Le bruit intensifie. Je commence à pouvoir discerner plusieurs voix dans ce grondement.

"N'empêche, je suis surpris que l'on ait pu avoir une discussion comme cell-là. Tu es vraiment mature pour ton âge.

- Ah bon ? .... Antoine me disait que c'était normal que je commence à me poser des questions à mon âge. J'ai 15 ans tu sais.

- Quoi ?

- Tu me donnais quel âge ?

- 8 ! 10 ans tout au plus ! Mais, tu parais bien plus jeune.

- Je ne suis pas humaine tu sais."

Elle soupire : "人間... いつもそれらすべてをひかくします"

- Tu sais.... je ne comprend pas.

- Si je le dis en japonais c'est justement pour que tu ne comprennes pas. Tu pourrais te sentir blessé.

- Tu m'insultes dans mon do ? M'étonné-je.

- Je n'insulte personne.

- Jamais ? Même pas ton père ?"

Sa tête et son regard accusateur se tourne subitement vers moi.

"私はまったくやりませんよ!お父さんが好き!

- Ça, je ne sais pas ce que ça veut dire mais ça m'étonnerais que ça soit très gentils.

- Croit ce que tu veux."

Le bruit est vraiment proche maintenant. Cette foule se rapproche de nous. Soudain, une des portes du fond s'ouvre avec fracas. Un homme court vers nous, une arme à feu à la main. Il porte un immense manteau gris. Son visage est partagé entre colère et panique. Une fois qu'il est à notre niveau, il me félicite essoufflé :

"Eh bien, vous voyez que je ne vous surestimez pas tant que ça. J'ai eu raison de vous faire confiance !"

Il tapota la poche de son veston une fois de plus puis se tourne vers sa fille :

"エリザ、いさしぶり。

- はい、お父さんが元気ですか。

- ここから、すごいです。"

Éliza affiche une mine dépité tandis que son père sourit. Je ne sais pas vraiment comment interpréter mais cette scène me conforte dans l'idée que mon patron est un enfoiré. Il continue :

"エリザは外に行きたい?

- べつに...

- 行こう。

- なんで?

- お父さんが言ったから。"

Mon patron qui s'était calmé se remet à s'activer d'un seul coup. Il court vers la table en criant pour couvrir le bruit qui s'intensifie à chaque seconde :

"Prenez-la, aidez moi à la porter, on l'amène dans la voiture."

Il attrape son verre et versa le contenu dans une gourde qui provenait de la poche de son manteau.

"Vous tenez tant que ça à votre boisson ? lui demandé-je.

- Je vous l'ai déjà dit ! C'est du poison, ça peut toujours servir !"

J'ai passé mes mains dans le sable, derrière le do d'Éliza pour le porter une fois de plus. Son père prends la traîne de ma princesse dans ses bras et me guidant, à travers d'autre couloir, nous avons finis par arriver dans un garage. À droite de la porte, il y a sur le mur un de ces fameux cadres représentant un sous bois. "Au moins, eux, ils ne vont pas me manquer, ai-je pensé."

Nous portons Éliza jusqu'à l'arrière d'un pick-up noir. Puis nous l'attachons au véhicule avec plusieurs sangles. Éliza se laissait faire, elle ne rouspéte pas. Mon patron m'ordonne de prendre le volant pendant qu'il cherche la télécommande de l'ouverture du portail. Le bruit assourdissant de la foule résonne sur les murs de la pièce. Ils doivent être juste derrière notre porte de sortie. Je tourne les clés et le moteur vrombit. Mon patron saute sur la place passager, claque sa portière, tout est prêt.

"Où est-ce que je vais ?

- Je vous guiderais, contentez vous de rouler. Dès que j'ouvre la porte vous partez."

Il abaisse sa fenêtre et ressort son arme de son manteau. Dès que le portail s'entrouvre, le brouhaha m'explose les tympans. La lumière provenant elle aussi de cette ouverture m'éblouie. Pendant un instant, je ne sais plus où je suis. Des gens entrent et s'approchent. Un coup de feu me ramène à la réalité.

"Qu'est-ce que vous attendez !" me hurle mon patron. J'écrase l'accélérateur. Il avait tiré par la fenêtre, en direction de la foule et du ciel histoire de les disperser. Une fois dehors, il recommence. Les gens fuient ou se jettent sur le côté pour éviter que je les écrase. Je regarde souvent par le rétroviseur pour vérifier si Éliza ne tombe pas. Son père me donne ses directions pour sortir de la ville. On zigzague entre les bâtiments pendant plusieurs dizaines de minute à une vitesse folle. Même si ce n'est pas le cas, l'adrénaline me donne l'impression que la foule entière nous poursuit.

Après avoir quitté la ville, mon patron m'avait ordonné de prendre la direction du fleuve. La route est droite, propre, sans virage. Elle me laisse le temps d'apprécier le soleil le soleil qui illumine mon visage. Ça fait si longtemps que je n'avais pas ressentit cette sensation. Je me sens tellement bien à cet instant précis, je n'avais pas remarqué à quel point ça m'avait manqué. Mais du coup, je me demande comment Shoujokaisou... non, Éliza ressent-elle ce moment ? Elle doit sûrement fermer les yeux.... "il ne faut pas regarder le soleil."

La route nous avait mené jusqu'à la rive du fleuve. Un fleuve sauvage et puissant rempli de rapides. Mon patron qui avait déjà rangé son arme dans sa poche durant le trajet me demande de rouler vers l'aval, le long de la rive.

"Que vient-on faire ici ? lui demandé-je.

- Roulez.

- Vous avez une sorte de repère ou de base secrète, hein ?

- Nous vous inquiétez pas, répond-il en tapotant une fois de plus la poche de son veston, j'ai toujours une solution.

- Je vous fais confiance...."

La voiture redémarre. Il y a énormément de galet sur le bord du fleuve, heureusement le véhicule est équipée pour ce genre de terrain mais le coffre doit quand même pas mal remuer. Éliza doit déguster....

Au bout d'une vingtaine de minutes, il me demande de m'arrêter. En jetant un œil en direction de l'eau, je peux admirer la fin de rapides d'une rare violence. Mon patron me demande de l'aider à détacher sa fille et il rajoute en me laçant un regard noir que je n'ai pas intérêt à lâcher brusquement les sangles élastiques. Éliza ne bronche pas, ses yeux sont ouverts. Ils nous observent faire avec un regard dur. Le regard d'un reine qui exige. Son père la porte, elle passe son coude derrière le tête de ce dernier pour être plus stable. Fixant le visage de son créateur d'un air impassible. Ni heureuse, ni en colère, ni triste, ni anxieuse, ni aimante, juste calme.

Ils marchent vers le fleuve, le bruit assourdissant de ce dernier m'empêche de les entendre parler alors je m'approche. Je suis spectateur de cette scène, j'essaye de rendre ma présence la plus invisible possible pour ne pas gêner. Mon patron c'est accroupi au bord de l'eau. Je commence à comprendre au milieu de son discours :

".... que tu veux. Mais sache que tu es libres. Aujourd'hui je te donne ce qu'au fond j'aurais aimé que tu aies toujours eu mais par égoïsme je te le refusais. Explore, découvre, rejoins l'océan. Tout ce trajet va être très dur et douloureux, mais profites-en. Fait ce que tu n'as jamais pu faire.

- Mais.... je ne veux pas de tout cela...

- C'est mon dernier cadeau Éliza, s'il te plait, accepte le.

- Pour la dernière fois je m'appelle shoujokaisou.... désespère-t-elle.

- Si tu le souhaite, je ne pourrais bientôt plus rien te dire. Vis ma fille, autant que tu le peux."

Elle le fixe désormais avec un regard dont je me souviendrais toute ma vie. Une sorte d'expression qui se traduirais par :"est-ce que tu te fous de moi ?" Ce regard, elle a du me lancer un bon nombre de fois maintenant que j'y pense, mais trop pris dans mon rêve idyllique, je n'ai pas dû le remarquer. Je prenais une personne à la personnalité forte pour un bébé. Mon patron fait quelque pas vers l'avant et dépose sa fille sur le courant.

"さむい!s'écrie-t-elle énervée.

- La mer est plus chaude, lui répond-il. Maintenant va, ne te retourne pas."

Elle me lance un dernier regard. J'aurai aimé avoir le cœur déchiré et qu'une larme coule sur sa joue pour me témoigner son affection mais en réalité je me sentais juste bête. Et son regard doit sûrement être empli de mépris.

Elle s'en va, rapidement. Elle nous fuit comme si nous étions un danger. Elle jaillit à plusieurs reprises hors de l'eau. Déjà car le fleuve ne devait pas être bien profond mais également, je pense, pour me montrer qu'elle n'est pas la petite chose fragile que je voyais en elle. Ses mouvements puissants et gracieux la montre comme un animal dominant. Patron du fleuve, patron de la mer si elle s'y rend, patron de tout ceux qui l'approche. Tout comme son père....

Nous restons debout, silencieux, tous les deux à la regarder partir. Ce silence dans nos bouches me donne l'impression que le vacarme des rapides ne cesse de intensifier lui aussi. Nous avons fuis un bruit assourdissant pour en trouver un autre.

"Et maintenant ? dis-je pour que cette comédie-tragique cesse.

- Pardon ?

- Et maintenant !

- Inutile de crier ! Ne vous inquiétez pas, je vous l'ai déjà dit, je trouve toujours une solution, répond-il en tapotant la poche de son veston une énième fois."

Ce toc va finir par m'énerver....

"Que faisons nous, donc....."

Il met la main dans la poche de son manteau pour en sortir la gourde et l'ouvre. Il plonge enfin les doigts dans cette fichue poche de veston et en sort une fiole minuscule.

"Qu'est-ce que c'est ?

- Je vous l'ai déjà dis. C'est du poison."

Il la débouche d'une seule main et verse son contenu dans la gourde avant d'y jeter la fiole elle même à l'intérieur.

"Au risque de me répéter : Que fait-on ?

- On boit ! À la santé de tous, à la nouvelle existence de ma fille, à la réussite de mon entreprise, à votre longue vie et à notre fuite qui n'est pas près de s'arrêter.

Il but plusieurs gorgés dès qu'il finit sa phrase, puis s'assoit. De la mousse violette était restée collée à sa moustache.

"Vous l'avais dis vous même, continué-je, votre fille ne peut pas vivre en dehors. Pourquoi toute cette mascarade ?

- Peut-être que je me trompe. Son organisme est peut-être assez sophistiqué pour évoluer et se défendre contre les parasites et les maladies qu'elle va rencontrer. J'ai de l'espoir, et je veux qu'elle soit libre, qu'elle vive tout simplement. "La vie est à la mort, ce que la naissance est à la douleur". Si elle va souffrir le long de ce fleuve, elle pourra ainsi renaître une fois arrivée dans l'océan. Si elle réussit, ce serra une preuve pour moi qu'elle n'était pas encore née. Elle n'était qu'une idée, qu'un projet, qu'une cellule, qu'un être dans une cuve, puis qu'un être dans un aquarium. Elle finira par être ma fille dans l'océan, fière d'avoir traversé toutes ces épreuves...."

Il s'arrête un instant reprend une gorgé de sa gourde et continue :

"Ou alors elle mourra. La douleur de sa naissance sera celle de la cuve qui l'a blessé le premier jour de sa vie. Et tout ce cirque n'aura été qu'un échec de mon point de vue. Elle aura eu une vie heureuse et triste. Un enfant malade qui n'aura connu que hôpital.... Un déception pour ses parents...."

- Ce que vous dites est ignoble. On dirai le discours d'un fou.

- Peut-être que je le suis."

Il boit une fois de plus et se relève.

"Attendez ? "Ses parents" ?"

D'un seul coup il m'attrape la tête et colle ses lèvres contre les miennes. Rapidement, une de ses mains passe de l'arrière de ma tête à ma gorge pour me forcer à avaler tout le liquide qu'il est entrain de débecter. Sa fameuse mixture à le même goût que la dernière fois à une exception près. Elle me brûle et semble m'arracher la gorge. Je titube, fais un pas en arrière et essaye de cracher mes poumons. La douleur parcours tout mon corps et dans tous les sens. Mon patron se tient droit devant moi, la mousse sur sa moustache à disparue. Il se met à parler :

"Savez-vous pourquoi ici, précisément ?"

J'essaye de l'insulter mais ma gorge me fait trop mal. Aucun son n'en sort.

"C'est ici que le courant est le plus fort. Si on jette n'importe quel objet flottant il sera expédié dans l'océan à coup sûr."

Il me donne un coup de pied dans la fosse poplitée, mon genoux traverse alors la surface et se heurte contre les galets. Je comprends, bien qu'un peu tard, où il veut en venir.

"Bien sûr, ce n'était pas pour Éliza, elle est capable de nager toute seule".

J'entends le pistolet se recharger.

"Vous êtes un très bon employé. Mais vous vous impliquez un peu trop dans votre travail à mon goût."

J'essaye de faire comme s'il n'était pas là. Je veux vivre mes derniers instant en homme heureux. Ce paysage est magnifique. Durant ce court instant, je le compare aux photos des couloirs de l'aquarium. Ils auraient dû représenter différentes étendue d'eau au final, pas des champs ou des sous-bois. Shoujokaisou aurai pu s'y identifier.... Mais.... à qui ces photos étaient destinées ?

"Vous vous posez également trop de questions. C'est pour ces raisons que je vous renvoie."

Un coup de feu retentit. Le bruit d'une grosse éclaboussure suivi de celui d'une masse dans les galets.

FIN

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