20. Ma filleule venue d'ailleurs
Ma filleule s'appelle « Merci à Dieu de m'avoir donné une fille ! ». Quel beau prénom ! Vraiment ? J'ai compris que ce prénom reflète aussi de l'amertume et une souffrance. Dans ce pays – comme dans beaucoup de pays – où les garçons ont la meilleure part, ce prénom contient aussi le message de la maman au père de l'enfant : « Tu n'as pas mérité d'avoir un garçon ! »
Le père est parti en Europe. La mère est allée travailler. « Merci à Dieu de m'avoir donné une fille » a été élevée par sa grand-mère et protégée par sa sœur aînée. Quand la grand-mère est décédée, la famille a envoyé les deux filles chez leur père qui a été pris au dépourvu : comment élever deux filles ? Il les a accompagnées au magasin du quartier, leur a appris à faire les courses. A la maison, c'était normal qu'elles fassent le ménage et la cuisine. Et, bien sûr, elles devaient aller à l'école. « Merci à Dieu de m'avoir donné une fille » avait dix ans. Elle a connu les moqueries de ses camarades parce qu'elle n'était pas bien habillée. Jamais elle n'a osé inviter un petit camarade à la maison...
Quand j'ai connu Mercy – je l'appellerai ainsi pour simplifier – elle avait 14 ans. C'était dans une journée communautaire à la paroisse. J'étais seule. J'ai repéré qu'elle était seule aussi. Je lui ai suggéré de participer ensemble aux activités proposées autour du thème de l'environnement : nous avons visité plusieurs stands d'information et répondu ensemble à un concours. Le soir, Mercy me demandait si je voulais bien être sa marraine de confirmation.
Mercy m'a invitée chez elle. Nous avons regardé « Titanic » à la télévision en mangeant des popcorns. Mercy est entrée dans ma vie et je suis entrée dans la sienne. J'ai admiré sa force de volonté et son opiniâtreté pour étudier et construire son avenir. A 17 ans, Mercy me confiait : « Je n'ai jamais vu mes parents ensemble. Je ne me souviens plus du visage de ma mère. Mon enfance me manque ! Quelqu'un qui a raté son enfance a raté le tiers de sa vie ! » Son père était alors au chômage. Mercy s'accroche à ses études, seule fille dans une classe de garçons ! Elle a un ami : « Je ferai tout pour que mes enfants aient une vraie famille, deux parents qui les aiment... » Elle le dit avec passion, avec conviction.
A 18 ans, Mercy se marie avec un compatriote et s'affranchit de la tutelle paternelle qui lui pèse. Elle poursuit sa formation. Le diplôme en poche, on lui propose des stages, peu ou pas payés. Elle ne trouve pas de travail dans sa branche : peut-être parce qu'elle est une jeune femme de couleur ? Elle ne baisse pas les bras, cherche autre chose et décroche finalement un emploi d'auxiliaire, payée à l'heure, dans un supermarché.
Aujourd'hui, Mercy est cheffe de rayon et c'est elle qui fait les plans de travail de ses collègues. Elle a deux petits garçons qui sont sa joie et sa fierté. Elle continue de lutter... pour eux !
Bravo, Mercy pour ton courage et ta ténacité. Continue !
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