Histoire 5 : Le concert
La porte s'ouvre. Mes amis de la classe théâtre sortent.
- Alors, ça s'est bien passé même avec trois personnes en moins ? je leur demande.
- Oui, ça allait, me répond Maria.
- C'était affreux, dit Lara en même temps.
- Ah. Bon, faut que je me prépare. À lundi !
Je rentre dans la salle. Il n'y a pas beaucoup de public. Heureusement. Je dépose ma trompette sur un banc et commence à l'assembler.
- Tu me conseilles une place ? demande Maria.
- Tu vas écouter le concert ?
- Oui ! Canéa a encore un truc et on doit partir ensemble, donc autant que je fasse quelque chose !
- Ça va être un carnage ! la prévins-je.
- Bah, ce n'est pas grave ! Je vais me mettre au fond, à côté de tes parents.
- OK.
Trompette et partitions dans la main, je regarde les autres sortir leur instrument. Joce, notre professeure commence à installer les chaises à l'aide d'Élma. Je les aide, puis m'assois sur ma chaise, devant le public. Ça y est, je stresse...
Julien et Quantin, deux garçons de ma classe, sont au premier rang. Pitié, faites que je ne me ridiculise pas !
Loma donne un sol au piano et nous nous accordons. Puis Élma commence à battre la pulsation, pour ensuite démarrer le canon d'Haendel avec Lina, dont le violon sonne bien avec le hautbois. Cinq mesures plus tard, Aloisa l'altiste et Aymie la flûtiste démarrent sur le même thème. Encore cinq mesures plus tard, c'est à mon tour de jouer avec Loma.
Tout va bien. Ma trompette a un son clair et net, pas de fausses notes. Deuxième ligne. Mon coeur bat la chamade. J'ai peur. Mon anthropophobie se réveille. Je fais des fausses notes.
Troisième ligne. Je n'arrive pas à jouer, je suis tétanisée. Je sais que je vais me planter si j'essaye.
Le morceau se finit enfin. Je tourne ma partition, prête à entamer le deuxième. L'opus de Brugmüller. Il faut que je compte bien mes temps, que je me cale sur Élma car je ne joue qu'à la moitié. L'opus commence, ma pulsation est régulière.
L'hautboïste fait une fausse note. Je me décale. Deuxième fausse note. Je sais que le moment de rentrer en même temps que la flûte traversière et le piano arrive, mais je ne les entends pas. Puis elles démarrent. Je n'y arrive pas. Je rentre deux mesures en retard, mais j'arrive quand même à finir en même temps que les autres. Enfin.
Troisième morceau, Girls with Flaxens Hairs de Debussy. Ça va. Je ne joue pas beaucoup sur ce morceau. J'arrive à rentrer comme il faut, ne fais pas de fausse note. Parfait.
Quatrième et dernier morceau, Habanera, extrait de Carmen. Loma commence, Lina rentre. Puis Élma. Puis Aloisa. Puis moi. Ça va, j'y arrive. Mais mon son est affreux. Quelques mesures flûte-violon, puis un duo alto-hautbois. Flûte-violon encore, puis je rentre avec le piano. Élma me rejoint pour les dernières notes de ma partie. Puis le violon et l'alto entament la fin. Je n'arrive pas à jouer la dernière note.
Nous nous levons, le public nous applaudit. C'était un carnage. J'ai été ridicule. Comme d'habitude. Ah ils doivent bien rire de la petite trompettiste incapable de sourire les gens du public ! Je ne veux pas voir la déception de Maria. Je ne veux pas voir la moquerie dans les yeux de Julien et Quantin. Je me dirige vers mon étui de trompette, les larmes aux yeux.
C'est enfin fini. Mon humiliation est terminée.
Jamais je ne referai la Nuit des Conservatoires.
Note de l'auteure du 27 janvier 2024 :
Ça, c'était mon concert d'hier... Un véritable carnage... Ce que je viens de raconter est strictement conforme à la réalité, mais j'ai juste changé les prénoms.
Ruby
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