5. L'enfance de Neige (partie 1)

– Tu seras Neige.
Une chatte grise posa sa queue sur le dos de sa fille. La seule femelle de la portée. La plus frêle, aussi. À côté, deux mâles gris et un autre noir. Personne d'autre n'est là pour féliciter la mère et protéger les chatons. Au sein du Clan du Sang, on ne peut compter que sur la loi du plus fort. 

***

Twisty se leva. Ses chatons avaient maintenant deux lunes. Ils seraient assez fort pour résister aux cruautés des félins des villes. La chatte les poussa du bout du museau pour les réveiller. Elle n'avait pas peur de rentrer au camp. Ses petits étaient assez grands et on ne lui dirait rien quand elle irait s'installer dans la tanière des donneuses de vies.

Soudain, un grognement retentit dans la rue. Deux chiens se tenaient derrière le petit groupe, et observaient avidement les chatons.
Twisty feula et ordonna aux petits de trouver une cachette. Ils devraient comprendre. Ils devaient comprendre.

Lorsque qu'un premier molosse chargea, la mère lui griffa le museau, prête à en découdre. L'odeur du lait attirait les canidés, qui partirent à l'assaut en jappant de toutes leurs forces.

– Maman ?

Twisty observa sa fille avec désarroi, tout en jetant de rapides coups d'œil à ses ennemis.

– Neige, ma chérie. Cours te cacher. Maman en a pour peu de temps.

La petite chatte blanche acquiesça et repartit maladroitement, sans se soucier des chiens qui filaient maintenant sur elle.

Mais la mère avait vu, et il était hors de question qu'elle ne laisse sa seule fille mourir. Elle bondit et percuta un chien, qui percuta l'autre. Tous trois tombèrent douloureusement au sol en gémissant.

***

Pendant ce temps, Neige avait rejoint ses frères. Le plus robuste, au poil noir, grogna.
– Cervelle de souris !
Mais Neige l'ignora. Elle n'aimait pas ses frères. Ils étaient trop autoritaires, peureux et stressants. Tous, excepté Cendre.
Cendre était gris, petit, confiant et perspicace. Il était proche de sa sœur mais souvent persécuté par ses frères.
Cendre n'était pas bavard, il ne parlait presque jamais. Alors quand il frappa l'oreille de Crépuscule, Neige ne put s'empêcher de glousser d'un air moqueur.
– Tais-toi et regarde. Maman va tuer ces méchants chiens.
Crépuscule leva les yeux au ciel et partit s'assoir près de Fumée. Ce dernier était tout le contraire de son frère gris : il n'hésitait pas à foncer au combat, sans réfléchir ; il se ventait et parlait tout le temps. De plus, il n'aimait pas Neige et trouvait toujours un moyen de l'agacer.
Mais cette-fois, Fumée ne parlait pas. Il gardait le regard rivé sur Twisty et les deux chiens.

Twisty qui ne bougeait plus. Le chien survivant qui partait en courant.

Neige poussa un cri et se précipita vers sa mère, suivit de près par ses frères.

– Maman ?

Du bout de la patte, Fumée secoua le corps de la chatte. Crépuscule se pressa contre elle. C'était la première fois que Neige le voyait trembler.

Quant à Cendre, il était assit, les yeux voilés. Il avait compris.

***

– C'est ta faute ! Ta faute ! Ta faute !
Neige gardait les oreilles plaquées en arrière. Crépuscule était posté devant elle, le poil hérissé.
– Tu n'as jamais mérité de naître. Tu n'es rien. Je te déteste ! Je vous déteste tous !
Cendre restait lui aussi silencieux. Fumée ne voulait pas quitter le corps de Twisty. Puis Crépuscule cracha et s'en alla dans la rue sombre.
– Attends ! Crépuscule... on doit rester groupés, cria enfin Cendre, au désespoir.
Mais le chaton noir ne revint jamais.

Neige s'approcha de Fumée et lui effleura l'épaule. Il était gelé. Il fallait se mettre à l'abri.
– Laisse-moi !
– Non.
– Si ! Je ne veux plus jamais te revoir.
Mais Neige refusa tout mouvement. D'un bond, Fumée se leva. La haine était visible dans ses yeux.
– Si tu ne veux pas partir, alors je vais t'y forcer.
– On ne me force pas. Je n'obéis à personne.
– Ah oui ?
Fumée lui faisait peur. Neige se leva, prête à se défendre.
– Oui. Tu ne m'effraie pas, Fumée.
Piqué au vif, le chaton gris saura en avant et plaqua sa sœur au sol. L'autre se débattit mais elle était bien trop frêle pour repousser son adversaire.
– Je pourrais t'arracher les moustaches. Je te hais, Neige. C'est ta faute. Crépuscule a raison.
Brusquement, Fumée disparu et se retrouva à la merci de Cendre. Neige sortit les griffes d'un air farouche.
– On va rester ensemble. Le premier qui essaie de partir en douce risque de le payer de sa vie. Alors on trouve le Clan du Sang, on leur raconte tout et on sera sauvés.
– Quel optimiste, marmonne Fumée sans pour autant la contredire.
Cendre acquiesça. De toute façon, ils n'avaient pas d'autre plan.

Avec un battement sec de la queue, Neige fit signe à ses frères de la suivre. Fumée pouffa mais Cendre était pensif, une fois de plus. Il était inquiet pour Crépuscule, malgré leur rivalité.

Soudain, un vrombissement déchira l'air et le sol commença à trembler. Neige fit un bond en arrière lorsque quelque chose d'énorme, bruyant et accompagné d'une odeur nauséabonde fila devant elle. Elle se redressa immédiatement mais Cendre remarqua qu'elle tremblait. Il s'avança et huma la surface lisse et noire devant eux.
– À trois, on court. D'accord ?
Les deux autres acquiescèrent, inquiets.
– Un...
Le silence s'éternisait. Neige banda ses muscles, déterminée.
– Deux...
Un faible grondement au loin. Au loin.
– Trois !
Neige n'hésita pas et fonça sans regarder. Cendre la précédait de quelques foulées. Fumée se trouvait derrière elle.
Le grondement s'amplifia et, à nouveau, la terre trembla.

Et Fumée, qui courait tant bien que mal sur le chemin, se retrouva soudain projeté au loin.

Cendre hurla. Neige se figea. Le petit corps gris du chaton était inerte. L'animal qui l'avait percuté était déjà loin.

Ce fut la première, et dernière fois que Cendre cria. Il poussa sa sœur du bout du museau, l'incitant à avancer. Il ne fallait pas s'attarder ici.

– Et Fumée ? Il est...
– Oui. Et on a pas le temps de pleurer. Il faut trouver le Clan du Sang.
– Oui. Le Clan du Sang, ils nous aideront.

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