Petite fenêtre
Petite fenêtre.... Ma petite fenêtre. Déjà enfant je me penchait à ton bord. Petite fenêtre, autrefois tu n'avais pas de barreaux, comme celle qui te remplace ici.
Autre fois.....Autre fois tu jouais cette symphonie si douce à mes oreilles, quand la pluie venait frapper à ton carreau fendillé. Les gouttes comme autant de petits doigts enfantins mouillés pianotant contre le vieux verre.
Autrefois, petite fenêtre, je me souviens.....
Je me souviens de ce petit chat qui se lovait tout contre ton rebord de pierre, pour profiter des pâles rayons de soleil caressant la façade, en été.
Je me souviens de tes volets à la peinture écaillée, qui grinçaient sans cesse, et ployaient douloureusement sous le poids de la neige en hiver.
Je me souviens de toute les nuits d'insomnie que j'ai pû passer dans mon fauteuil, face à toi, et face à la lune, cachée derrière le voile de nuages drappant le ciel de nuit.
Petite fenêtre.... Autrefois tu étais plus grande. J'observais à travers toi les champs de mon grand père. Le gros châtaigner dans lequel mon oncle avait commencé ma cabane, mais jamais fini.
Petite fenêtre....Ma petite vue sur le monde, sur mon monde. J'avais parfois l'impression que tu n'étais qu'une porte sur moi même, sur mes pensées, dans lesquelles je me noyais quand je te regardait .
Petite fenêtre, tu me faisais perdre la notion du temps. Avec toi les secondes s'allongeaient et s'étiraient, souples ,ou défilaient à toute vitesse, sans que je ne les remarques.
Petite fenêtre, je n'avais que toi. Que ta faible lumière dans ma chambre, mon seul ancrage dans cette réalité.
Mon monde entier tenait entre ton cadre vieilli et troué.
Petite fenêtre....
Je ne faisait plus que caresser le rêve de passer de l'autre côté de ta vitre. Le caresser du bout des doigts, sans m'y arrêter, pour ne pas pleurer. Parfois, je regardait mes jambes, bâtons mous et inutiles.
Je voulais voler, petite fenêtre. Je voulais tellement voler..... De tout mon cœur, de toute mon âme. M'éloigner d'ici, de mes chaînes, de ce lit, de ce fauteuil. De ce foutu corps qui me coinçait là.
Aujourd'hui, je suis presque aussi vieille que toi, petite fenêtre. Tu me manques tellement....Je me sens aveugle. Mon corps me coince toujours dans cette réalité. Mais cette fois Petite fenêtre, tu n'es pas là.
Je fixe les murs blancs de ma chambre d'hôpital. Les secondes sont rigides et sèches comme des soldats de plombs, et claquent dans le silence, poussant l'aiguille de la petite horloge au dessus de la porte.
Je veux toujours m'envoler, petite fenêtre. Ça ne tardera pas. Je te dis au revoir.....
Mon unique oeil sur le monde..... J'aurais préféré partir accoudée à ton rebord, plutôt que dans cette maison de retraite.
Mes yeux , pratiquement inutiles, passent et retracent sans cesse tes contours , recréés par ma mémoire fuyante.
J'ai assez vécu. Enfin vécu.....
Au revoir, petite fenêtre. J'ai fait ma valise, ma valise de souvenirs. Plus rien ne me retiens maintenant. Plus de chaînes. Plus de chaînes....
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