-C'est toujours aussi beau ici!

Au bras d'Éric, Lucie s'émerveillait des salles du Millenium. La moquette rouge cotonneuse rivalisait avec le cristal limpide des chandeliers. Les serveurs en costume trois pièces zigzaguaient de table en table avec une aisance gracieuse. Les nappes à l'effigie du restaurant se paraient de couleurs festives et un pianiste berçait langoureusement du bout des doigts des clients ravis. Ceux-ci arboraient leurs plus belles mises ainsi que des accessoires subtils remarquables et remarqués. Lucie n'était pas très à l'aise devant cette mise en scène, mais elle y appréciait les mets savoureux préparés avec soin. Un des réceptionnistes ouvrit la marche, précédant Éric. Il finit par leur proposer une table au centre de l'immense salle. Ils le remercièrent et Éric aida courtoisement sa petite amie à s'asseoir. Aussitôt un serveur se présenta à eux et professionnel, leur demanda s'ils avaient choisi leur menu.

-Qu'est ce que tu prendrais pour dîner? Questionna Éric.
-Un bouquet de saumon fumé et des légumes du soleil. Ça me tenterait bien.., répondit la jeune femme en parcourant la carte des yeux.
-Très bien, pour moi ce sera un Florilège de pommes de terre et tapenade de Caviar. Nous choisirons le dessert à la fin, merci.

Le serveur acquiesça en leur recommandant tout de même une bouteille du meilleur cru. Il déclinèrent l'offre, Lucie referma la carte et la posa devant elle. Taquine, elle dit:

-Alors comme ça, on ne se prive pas...
-Comment ça?
-Le Caviar, ce n'est pas un produit que tout le monde peut commander en tapenade.
-Moque toi de moi, railla Éric.
-Je ne me permettrai pas voyons!

Et ils s'esclaffèrent de concert. Le rire de la jeune femme se bloqua dans sa gorge lorsque son compagnon lui saisit les mains. Elle les serra aussitôt. L'intensité des regards se passait de mots.
Ou presque...

-Tu sais Lucie... Tu comptes beaucoup pour moi. Énormément même. Ça fait longtemps qu'on se connait et tu as d'ailleurs rencontré mes parents. Mais les tiens je les connais peu, je les vois que par écran interposé.

La jeune femme baissa les yeux. En effet, Éric ne les avait jamais rencontré réellement mais ce n'était pas faute d'avoir essayé. Ses parents étaient constamment en décalage horaire, sillonnant le monde pour des œuvres caritatives. Ils avaient eu l'occasion de discuter avec Éric par Skype. Elle leur avait présenté dès le début de leur relation.

-Ce sont de véritables globe-trotteurs, ça m'étonnerait que tu ne les rencontres avant dix ans, rit-elle.
-Dix ans..., blêmit le musicien. Mais c'est bien trop long!
-Pourquoi presser les choses? Tu les connais déjà un peu. Et en plus, tu sais qu'ils t'apprécient, ils demandent souvent de tes nouvelles.
-Je suis un impatient de nature, tu le sais bien.
-Je n'aurais pas utilisé cet adjectif pour te qualifier...

Les notes qui s'échappaient du piano accompagnaient le ballet des serveurs. D'ailleurs, l'un d'eux déposa sur leur table un apéritif sous forme de rillettes toastées annoncées comme "cadeau de la maison". Éric plissa les yeux et porta à ses lèvres un toast:

-Et lequel serait parfait pour me qualifier?
-Doux.

Le mot fusa. Lucie était sûre et certaine de sa réponse, c'était ainsi qu'elle percevait son compagnon. Mais Éric ne l'entendait pas de cette oreille. Son pied remonta alors le long de la cheville de sa petite amie, la défiant du regard. De ce regard à présent métallique.

-Tu ne me trouves pas assez sauvage?
-Qu'est ce que tu f...
-Tu as besoin d'un vrai prédateur Lucie? Susurra-t-il.

Le pied monta sournoisement. Lucie dévisageait Eric. Mais n'avait-il pas cette part d'ombre comme tout le monde? Et ces prunelles qui ne la lâchaient pas tout comme ce pied qui lui prodiguait de troublantes caresses.

-Éric..., murmura-t-elle faiblement.
-D'un homme qui te comble...
-Mais qu'est-ce que tu fais...? Se reprit-elle, toute émoustillée.

Un serveur se matérialisa soudain près d'eux.

-Désirez-vous autre chose ? Proposa-t-il affable.

Surpris par cette intervention, le couple rit à nouveau. Cet employé ne croyait pas si bien dire !